Titane, un film Kustom !
C’est Kustom à donf ! La totale ! Presque réalisé en Kruising franchouille de nuit dans les quartiers nord de Nice et Marseille… Un scénario kustom d’enfer ! Une carrosserie d’américaine 4 portes de valeur quasi nulle peinturlurée façon Chromes&Flammes des débuts (1979/1980), parfaitement lustrée et polie, un moteur qui rugit mais atteint trop vite sa vitesse de croisière pépère… En apparence d’une puissance de dragster ! Grave ! Et une nanana gothique à mort qui jouit sur le capot, violée par un Jacky hystérique amateurs de gamines ! Piting de putain de putana ! Wééééééééhhh ! Infernal ! Le nouveau film de Julia Ducourneau semble toutefois effrayé d’affronter la rationalité et convoque le fantastique. C’était pas la peine ma choutte : une balade en concentre t’aurait permis d’économiser !
Victime enfant d’un accident Full-Métal-Kustom dans une 203 peinturlurée dont la casquette de pare-brise mal fixée aux rivets-pop a soudain occulté toute vision, grandissant dans le milieu glauque des kustomizeurs Franchouilles hors-la-loi, Alexia vit depuis avec une plaque de titane dans le crâne. Devenue pute mécanophile, elle se livre en parallèle à des meurtres gérontophiles visant les richos qui se la pètent en Lamborghini et Ferrari, affolant le sud de la France et les monégasques. Fanatique de Nitrométane (une pleine seringue chaque soir), elle “s’accouple” mécanophilement avec une bagnole américaine qu’elle kustomize d’enfer avec des flammes. Pour se faire oublier après une soirée trop sanglante, Alexia endosse l’identité d’une journaliste de Chromes&Flammes, disparue depuis 40 ans dans la fameuse guerre du Kustom entre Nitro et Chromes&Flammes. L’éditeur de C&F (moi), semi-détruit par la connerie des gens, va cependant reconnaître cette journaleuse rebelle et l’accueillir textuellement. Le film va dévier alors dans diverses paraphilies extrèmes impossible à pouvoir décrire ici ! Tout y passe en ce compris un chinois au pénis coincé dans le pot d’échappement de sa Simca Aronde jaune ! Insoutenable !
Ce sympathique film a instantanément transformé Julia Ducourneau en nouvelle figure de la hype cinématographique du Kustom Franchouille. Sans doute les festivaliers, déjà peu coutumiers des œuvres se revendiquant d’un “autre cinéma” louchant vers le Kustom-Fantastico-Gore, les séries XXX, les séances de baises à minuit, les T-Shirt mouillés et les concours de suceuses de bites sur scène très prisés des Hells-Angels, avaient-il été titillés par le fait que ce film soit signé non pas par l’un des olibrius vaguement inquiétants fréquentant habituellement les marches du Palais (Gaspar Noé, Lars von Trier, NWR, Mandico…) mais par une jeune réalisatrice présentant bien. Le peuple de la Croisette, et sans doute celui de Berlin et de Venise, semble avoir besoin d’être rassuré : il lui faut du décalage entre du sordide à l’image, et du propret sur le tapis rouge. Ce même décalage qui permet également à un parterre en smoking et talons hauts de rigueur, ces uniformes hors d’âge, de s’émouvoir devant des histoires de chômeurs, de réfugiés, de Kustomizeurs et de branleurs…
Il n’empêche que le cinéma auquel Julia Ducourneau se rattache, de l’underground de niveau supérieur façon GatsbyOnline section SecretsInterdits, ne surgit pas de nulle part et possède une foule de fenêtres et de réseaux de diffusion. À commencer par les machins spécialisés ou les hallucinations collectives sont de rigueur, pour lesquels elle pourrait presque paraître trop mainstream ! Pas uniquement parce qu’elle se prévaut de l’onction cannoise, mais parce que la dimension fantastique du Kustom Franchouille lui semble relever de l’accessoire, du prétexte, du superflu. Comme l’excipient légitimant le statut de la cinéaste parmi les auteurs hybridant la chair et le cyberpunk. Mais, si l’on s’y attache vraiment, le cœur et le sens du drame se passent malheureusement totalement de tout coït mécanique et des épanchements spermatiques et vaginaux huileux causés par l’euphorie d’être considérés comme des nullards extrémistes. Là où Crash et EXistenZ de Cronenberg, Jumbo de Zoé Wittock et Chromes&Flammes de DeBruyne dépendent totalement des interactions entre l’Homme et la machine, Titane peut en réalité parfaitement s’en absoudre.
Toutefois – et c’est là que le paradoxe est intéressant – Titane a de quoi revendiquer une certaine filiation parmi les films de genre de Cronenberg, Carpenter ou Takashi Miike (entre autres auteurs asiatiques). Filiation et genre ? Deux termes qui définissent pleinement le personnage d’Alexia, jouant au coucou dans une autre famille que la sienne en changeant opportunément d’identité. C’est dans cette usurpation, dans la dissimulation de sa féminité (et de sa gestation) ; dans le trouble et les rapports textuels avec l’éditeur de Gatsby, qu’il y a de l’étrangeté. Nul besoin de napper le tout d’huile de vidange ! D’autant que Julia Ducournau possède, en sus de ses comédiens, un allié de poids pour écrire visuellement son histoire en la personne de son directeur de la photographie Ruben Impens, déjà à la manœuvre sur Grave. Son stupéfiant travail, de la fluidité des plans-séquences à la netteté sans défaut des scènes de nuit, en passant par les ambiances lumineuses façon néon coloré (dans Pulp Fiction, Chungking Express ou Driver, ça fonctionne toujours) est pour beaucoup dans l’effet dérangeant produit par le film. À peu près autant que les craquements d’os et de cartilages… Bref, abonnez-vous à Gatsby, version papier et version numérique pour mieux ressentir les effets de la Kustom-Kulture sur votre psychisme : Abonnements – Gatsby Online