Toute une vie #5
La décennie 80 s’ouvre sur un monde nouveau.
Les gloires des années ’60 ont tiré leur révérence.
Jean-Paul Sartre, Steve McQueen, Alfred Hitchcock, Romain Gary, Henry Miller et John Lennon… ont quitté l’avant-scène.
Un obscur acteur de seconde zone à la retraite, Ronald Reagan, vient tout juste d’être élu président des Etats-Unis.
La société vit des changements en profondeur.
Le marché automobile se concentre.
Les restructurations sont, parait-il, inévitables.
Les experts nous expliquent qu’il faut procéder à des économies d’échelle.
La voiture a quitté la sphère de la passion pour se diriger benoîtement vers celle de la raison.
La crise pétrolière a modifié les comportements, la vitesse n’est plus libératrice et jouissive mais dangereuse.
Le style passe, peu à peu, au second plan.
Il n’y a qu’à ouvrir les yeux, Lio vend un million d’exemplaires de son tube Banana Split, Patrick Sabatier triomphe avec Avis de recherche, les enfants sont scotchés devant l’Incroyable Hulk et les adultes rêvent à Dallas et Dynastie.
A Noël, on achète par milliers des Rubik’s Cube.
Dans la rue, Myriam promet d’enlever le bas pour une campagne publicitaire d’affichage du groupe Avenir.
Et la distinguée Nina Hagen réunit des foules à ses concerts.
L’élégance est passée de mode, c’est l’efficacité qui doit désormais primer.
Les constructeurs s’engagent dans une nouvelle ère.
Les anglais comptent ainsi sur l’Austin Métro pour relancer leur industrie automobile moribonde.
Les années ’80 seront celles des paris les plus risqués…, tous ne réussirent pas, mais il y avait un parfum d’audace dans l’air, des combinaisons presque impossibles et des mariages farfelus.
Cadillac fait ainsi appel à Pininfarina pour réaliser son coupé de prestige l’Allanté.
Le succès commercial n’est pas au rendez-vous mais la ligne générale ouvre cependant de nouvelles perspectives stylistiques.
Tant pis, il faut se jeter à l’eau, l’italien Rayton Fissore dévoile son Magnum, un SUV avant l’heure qui fait de la concurrence aux Range Rover…, les problèmes de fiabilité s’accumulent…, dommage car l’idée était bonne et visionnaire.
Renault, par l’entremise du groupe AMC, se lance à la conquête des Etats-Unis en adaptant sa Renault 9 au marché local.
Sur le continent américain, la petite française s’appelle Alliance et n’a pas laissé des souvenirs mémorables.
Les années 80 vont pourtant permettre de défricher le terrain des idées…
1980
En 1980, la tendance est contradictoire.
Les gens oscillent entre devoir de mémoire et envie de changement.
A la télévision, Patrick Sabatier lance une nouvelle émission Avis de recherche sur TF1 qui sera suivie par des millions de téléspectateurs.
Le principe est simple : retrouver les amis d’enfance ou les camarades de régiment perdus de vue d’une personnalité du monde du spectacle…, c’est du FaceBook avant Internet…
Les français ressortent leurs vieilles photos de classe jaunies par le temps, se replongent dans leur passé avec délectation.
C’est également le moment où la généalogie prend son essor.
Tous espèrent mettre la main sur des aïeux aristocrates, beaucoup abandonneront se rendant à l’évidence que 95 % de leurs ancêtres étaient de modestes paysans.
Les premiers mois de l’année 1980, Patrice court en tous sens avec ses Hot-rods.
Pas une seule manifestation ne se déroule sans qu’il soit présent.
Peu à peu Pretty Car se fait tout autant connaître que Patrice et son Old’s’48 ou que la Ford Taunus Viking…, mais la stupéfaction se lit sur tous les visages à la vue de la Simca Versailles décorée selon les vues psychédéliques de Serge Nicolas, le cinéaste qui a tourné “Concerto pour un homme seul” ou l’Old’s’48 sous sa première livrée enflammée à fait tout autant un tabac qu’ensuite avec le dragon vert pour Viking..
Chrom und Flammen besuchen Lahr/Germany (1980) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Lahr est la première “concentration” du genre en Europe, puisqu’en fait Lahr est situé en Allemagne !
Chromes&Flammes n’existait pas encore puisqu’àlors il se nommait PrettyCar… et, le Dragster Festival du Mans en septembre 1980, n’avait pas encore eu lieu !
Les personnes que vous voyez sur la vidéo, leurs véhicules également, de même que le sympathique “Van Club de France” présidé par Philippe Henry, font donc partie des pionniers du customizing Européen ainsi et surtout du Customizing français, ici particulièrement bien représenté par Christian Occuly, Alain Krauss dit “Spyderman” et , “Super Tramp“… !
Une mention toute particulière pour “Moustache” (à l’époque le plus beau Van de France), ainsi que pour Albert Weber du club EasyDrivers de Strasbourg, qu’on voit arriver en tant que passager d’une rarissime Excalibur 35X bleue.
Il deviendra un peu plus tard designer de projets de transformation d’automobiles pour Chromes&Flammes et c’est sur base d’un de ceux-ci que naîtra quelques années plus tard, la fameuse Citroën traction avant Hi-Boy et la Citroën Visa 6 roues.
La télévision spectacle qui fait commerce du passé a de la concurrence, la parole se libère et les débats s’animent.
Daniel Balavoine pousse son cri de colère décrivant une jeunesse abandonnée devant un François Mitterrand imperturbable.
L’élection présidentielle de 1981 est dans toutes les têtes, même Coluche, le trublion national, annonce sa candidature et les sondages le créditent de 16 % d’intentions de vote.
Ca tremble dans les ministères.
Le Monde se cherche.
Au cinéma, la même année, sortent sur grands écrans : Les sous-doués et Le dernier métro.
La vie d’un théâtre durant la seconde guerre mondiale et les facéties d’une boîte à bac.
Dans la chanson, c’est pire, les mélomanes ont le choix entre Antisocial de Trust et Banana Split de Lio.
Jacques Dutronc vient mettre sa pierre à l’édifice avec son album Guerre et pets.
Ca risque de faire du bruit.
Certaines institutions de la vie intellectuelle disparaissent, c’est le cas de Jean-Paul Sartre, Romain Gary ou encore Henri Miller.
La littérature perd deux grands romanciers.
Dans les familles, on s’inquiète de la mise en liquidation de la société Manufrance qui a beaucoup fait pour la promotion de la lecture.
Beaucoup de petits français ont appris à lire grâce à son fameux catalogue, caverne d’Ali Baba, repère insensé de milliers d’objets usuels, plongeon dans la vie rurale de notre pays.
Les féministes sont soulagées, Marguerite Yourcenar fait son entrée à l’Académie Française.
C’est la première femme à pénétrer chez les Immortels.
Les françaises préfèrent suivre l’opération chirurgicale à cœur ouvert que vient de subir Mireille Darc par le professeur Cabrol.
A voir la tête défaite d’Alain Delon, ce n’était certainement pas une visite de routine.
Le port du casque est désormais obligatoire pour les possesseurs de mobylettes de moins de 50 cm3.
Le nombre d’accidents de la route a considérablement augmenté, il faut enrayer ce massacre.
Aux Etats-Unis, la vague Disco fait toujours autant recette.
Les Village People, produits par des français, amusent avec leurs déguisements de carnavals.
Dans les boîtes de nuit, pour la première fois, blancs et noirs dansent sur la même musique.
Ce que les hommes politiques n’ont pas réussi à faire, la Disco l’a fait en réconciliant un pays où la ségrégation est toujours aussi violente.
L’Amérique pleure la disparition de Jesse Owens, le héros des Jeux Olympiques de Berlin en 1936…, ses longues foulées ont ridiculisé Hitler et sa folie purificatrice.
Mais les américains oublient qu’après cet exploit, Jesse Owens a participé à des courses où il affrontait des chevaux.
Sa vélocité s’affichait comme un spectacle de cirque…, les américains sont capables de grandes choses où le bon côtoie souvent l’abject.
Les enfants passent des nuits entières sur le Rubik’s Cube et Cadillac présente sa nouvelle Seville.
Depuis 1975, la marque haut de gamme américaine a créé une famille de voitures compactes pour limiter l’influence grandissante des constructeurs européens, notamment de Mercedes et faire face à la crise du pétrole…, de la taille d’une grande berline, cette Seville apporte une grande nouveauté qui se trouve à l’arrière, sa malle de coffre ne ressemble à aucune autre voiture, elle est inspirée des lignes créées par Hooper dans les années 30 et 40 qui a carrossé des Daimlers, Rolls et Bentley.
Dragsters au Mans 1 (1980) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Dragsters au Mans 2 (1980) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Dragsters au Mans 3 (1980) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
En septembre 1980, sur la ligne droite devant les stands du célèbre circuit des 24 heures du Mans, a lieu la première compétition de Dragsters en France.
Ce n’est pas une véritable compétition, puisque la piste trop courte ne permet pas aux pilotes d’utiliser la puissance maximum de leurs dragsters, c’est pourtant l’occasion pour les 100.000 spectateurs payants, de découvrir une discipline typiquement américaine.
Ce 1er challenge sur le site du Mans, est le départ de la saga Chromes&Flammes et va permettre le développement du Dragster et du Hot-Rodding en France, Chromes&Flammes transmettant “le virus” à toute une série de pilotes, dont Dany Dieudonné, multiple Championne de France dans la catégorie Competition Bike (Top Fuel).
Mais comment cela a-t-il commencé ?
Les initiateurs sont Mr Gilles Gaignaut et Mr Philippe Debarles que Patrice rencontré à Paris et qui étaient tellement fauchés à l’époque, qu’ils l’ont invité à déjeuner à l’Armée du Salut, pour discuter de qui ferait quoi…, son rôle étant de ramener une quinzaine de Dragsters (avec leurs pilotes et mécanos), ainsi que de prévoir la promo et le suivi rédactionnel via son magazine Pretty Car, qui, pour l’occasion change définitivement son nom : “Pretty Car” en “Chromes&Flammes“…
100.000 magazines-catalogues sontt imprimés par ses soins à destination du public, il n’en resta pas un seul à la fin de cet évènement.
De son coté, Mr François Tourres, importateur de la CB Radio Midland à l’époque et sponsor financier principal du Dragster Festival, raconte ici, à l’occasion de la re-création de Chromes&Flammes en version site-internet…, son développement du projet : “Il faut replacer les événements dans leur contexte. En France, les pouvoirs publics et en particulier France Telecom regroupé alors, avec la poste, en un seul organisme, les PTT, avaient depuis toujours le monopole des transmissions hertziennes. Seuls les radio-amateurs, avec un cahier des charges précis et très contraignant, pouvaient émettre par dérogation. La seconde guerre mondiale avait utilisé des transmissions radio qui se révélèrent vite obsolètes quelques années plus tard. Ce matériel de transmission se retrouva sur le marché et, le gouvernement américain ayant libéré sa fréquence d’utilisation, les routiers s’en emparèrent et par effet de boule de neige, tous les véhicules roulants. Ce fut le départ de la CB radio. Le marché devenant rapidement très important, des appareils modernes virent le jour, d’abord fabriqués aux USA puis, naturellement dans les pays asiatiques à des prix qui favorisèrent leur extension au niveau mondial. L’Europe ne fut pas épargnée par ce déferlement et, dans les années 70/75, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, les Pays-bas et même la très conservatrice Angleterre reconnurent la CB. Seule la France maintenait sa position d’arrière-garde selon sa bonne habitude, les PTT se cramponnant comme des perdus à leur vieux monopole. C’était également l’époque ou les radios libres essayaient de se faire entendre clandestinement avec des descentes de police qui les démantelaient régulièrement. En tant qu’importateur français de la marque américaine Midland… et ayant obtenu la distribution exclusive pour la France, j’ai dû trouver les moyens de faire connaître et de diffuser un produit totalement inconnu et qui sentait le souffre. En effet, si l’importation et la distribution étaient légales, l’utilisation en était interdite. Il fallait donc convaincre les utilisateurs d’enfreindre cet interdit. Dans le même temps, l’Automobile Club de l’Ouest (l’ACO) l’une des plus anciennes sinon la plus ancienne des associations d’automobilistes et l’organisatrice des 24 heures du Mans, mondialement connue, ayant toujours eu à coeur de défendre et d’améliorer la sécurité routière, s’intéressa à ce moyen de communication qui permettait de signaler un accident dans des délais sans commune mesure avec ce qui existait à l’époque. Le Bureau ACO de Saint Brieuc, dirigé par Monsieur Tierce, organisa une démonstration de signalement et de sauvetage d’accidentés dans la campagne bretonne en présence non seulement des télévisions nationales mais également de la gendarmerie, laquelle démonstration eu un retentissement national. Mais, pour la réussir, il lui fallait équiper de CB radios plusieurs voitures dont une ambulance. Il s’adressa alors à nous, les seuls qui, à l’époque, faisions de la publicité dans les revues automobiles. Ce fut la première collaboration entre l’ACO et Midland France. Par la suite, il s’établit un contact permanent entre nos deux sociétés. Midland France utilisait le renom de l’ACO et celui-ci l’intérêt national qui se créait autour d’un moyen de communication ouvert à tous, même s’il n’était pas encore légal. La libéralisation des ondes était de plus en plus revendiquée et les télévisions en parlaient fréquemment. Il ne se passait pas de semaine sans que les journaux TV, ne présentent un poste CB aux téléspectateurs (toujours un Midland, naturellement). Au salon de l’auto, Renault Véhicules Industriels, présentait une énorme photo de l’intérieur de son dernier camion où on pouvait admirer en plein milieu une CB Midland. Ce qui occasionna la fureur de Giscard, drivé par les PTT, qui exigea son retrait immédiat. C’est pourquoi les deux compères décidèrent, une fois encore, de créer l’événement ! C’est ainsi que nous avons organisé, conjointement au Dragster Festival de septembre 1980, la première concentration des cibistes français sur le circuit du Mans, venus avec leurs véhicules équipés de matériel interdit et défilant bravement devant le service d’ordre canalisant l’arrivée inespérée (pour les organisateurs) de plus de 10.000 voitures. L’ACO assurait l’organisation et offrait le circuit, Midland sponsorisait l’épreuve, Chromes&Flammes assurait la publicité et la diffusion de 100.000 magazines. Comme c’était une première, nous étions sûrs, tous les trois, d’avoir un maximum de retombées. L’affaire ne fut pas si simple à organiser: Personne n’avait l’expérience d’une telle épreuve. Tout d’abord, il fallut trouver les concurrents qui n’existaient pas en France, là encore c’est Patrice De Bruyne qui s’en alla en Angleterre louer les services d’une quinzaine d’équipes de Dragsters. Pour l’histoire: le dragster pris naissance aux USA dans les années ’30 à l’époque de la prohibition. Les traficants d’alcool amélioraient sans cesse leurs véhicules pour échapper à la police, c’était le début des 1ers “Hot Rod”! L’habitude des “runs sauvages” perdura et c’est en 1952-53 que la National Hot Rod Association (NHRA) pris en charge la réglementation et créa les 1ères vraies compétitions de dragster afin d’en améliorer la sécurité et d’en assurer l’évolution. Dans les années ’60 l’ Angleterre, la Hollande, les pays scandinave, etc, adoptèrent à leur tour le dragster qui prit ainsi sa place en Europe. Mais en 1980, la France restait encore novice… Patrice De Bruyne pensa même faire venir des États-Unis la Championne de dragster de l’année toutes catégories, qui accepta son invitation mais du rester spectatrice (les coût du voyage étaient trop important pour son véhicule). En plus de la quinzaine d’équipages Anglais, Patrice De Bruyne se tourna vers quelques concurrents Suédois. Chromes&Flammes fut donc à la base d’un plateau très honorable de 18 dragsters à la silhouette maintenant familière, ainsi que quelques voitures préparées et plusieurs motos dont une au moins, si mes souvenirs sont exacts, avec 2 moteurs à compresseur, l’un derrière l’autre. Ces véhicules étaient tous très particuliers et, je pense qu’ils le sont toujours. Tous les moteurs étaient suralimentés par d’énormes compresseurs, sans radiateur ni système de refroidissement ce qui obligeait leurs conducteurs à ne les mettre en route qu’au dernier moment. Si, pour une raison quelconque, le départ était différé, il fallait les arrêter de peur qu’ils n’explosent. C’est pourquoi, les courses se disputant deux par deux, si l’un d’eux avait du retard sur la ligne de départ, il était disqualifié. Pour obtenir les énormes puissances nécessaires à leurs accélérations foudroyantes, le carburant était tout aussi spécial. Probablement plus proche de l’éther que de l’essence de Monsieur tout le monde, il était extrêmement volatil et s’enflammait facilement avec une flamme invisible. La moindre fuite pouvait prendre feu et les hauts parleurs ne cessaient de recommander de ne pas s’approcher des engins, surtout s’ils paraissaient en difficulté. La piste n’était pas idéale. C’était la ligne droite des stands longue d’environ 400 m, ce qui obligeait les concurrents à n’accélérer que pendant 200 m environ pour freiner tout aussitôt alors qu’une piste réglementaire aurait dû faire le double. Il s’agissait donc plus d’une démonstration qu’une véritable compétition. Les concurrents ont cependant joué le jeu, chacun sortant son parachute de freinage en bout de piste bien que la vitesse acquise ne les rendaient pas forcement très efficaces. Malgré tout, ces vitesses n’étaient pas négligeables puisque, si mes souvenirs sont toujours aussi bons, elles frisaient les 300 km/h. Si la piste avait eu la longueur requise, elles auraient été plus près des 400 km/h et peut-être supérieures. 300 km/h au bout de 200 m donnent tout de même une idée de l’énorme accélération de ces machines. Quoiqu’il en soit, la journée s’était extrêmement bien passée et les spectateurs, dans les tribunes combles, ont été ravis et en tant que première en France, cette course spectaculaire a été largement diffusée, en ce compris à la télévision“…
Merci à Mr François Tourres pour son témoignage qui nous replonge dans le contexte particulier d’une époque.
Le succès de cette 1ère compétition fut confirmé par les participants avec notamment le témoignage du multiple Champion de Suède : “Oui, vous savez, 200m c’est peut-être un peu court pour nous. Mais les organisateurs ont eu raison pour une “Première” en France. La distance habituelle c’est 400 mètres, mais ici au Mans, de toute façon, cela n’aurait pas été possible à cause de la courbe Dunlop dans laquelle même après 200m nous arrivions encore assez vite malgré nos 2 parachutes de freinage…, c’est dommage car ici le cadre était exceptionnel, ce fut vraiment parfait pour le spectacle. Je suis sincérement heureux d’avoir roulé ici aux couleurs du magazine Chromes&Flammes” car pour moi Le Mans c’est la Mecque de la compétition, mondialement connu… et sans le paiement de mes coûts de transport par Mr Patrice De Bruyne, je n’aurais pu y participer avec mon Top-Fuel et mes mécaniciens“… (Pour info, il s’agit du Dragster Top-Fuel blanc que l’on voit dans la vidéo n° 2, avec une mise en scène volontairement surréaliste : arrivée au son d’une marche funèbre, préparation avec prière, run délirant dans la fumée et retour aux stands sous les ovations des 100.000 spectateurs)…
Coup d’essai réussi, donc, coup au but !
Nulle part en Europe et même aux Etats-Unis, autant de monde n’a jamais réservé pareil accueil aux Dragsters, le résultat a dépassé toutes les espérances : 100.000 spectateurs à 30 Francs (Français) !
Le prochain magazine, le n° 5 daté octobre/novembre, se nomme donc Chromes&Flammes, il affiche 104 pages et est imprimé à 50.000 exemplaires : 65% de vendus.
Le n° 6 daté décembre 80/janvier 81 affiche 128 pages et est imprimé à 70.000 exemplaires : 70% de vendus…
L’ère Chromes&Flammes est arrivée !
1981
Les scandinaves ont pris le pouvoir en 1981.
Toutes les idées venues d’Europe du Nord vont être reprises dans l’hexagone grâce à François Mitterrand qui a été élu Président de la République en mai.
Cet homme de compromis est très attaché au fameux modèle suédois tant vanté par les sociaux démocrates.
Les suédois hantent tellement les français qu’en juin Björn Borg remporte pour la sixième fois les internationaux de France à Roland-Garros face à un Ivan Lendl pourtant déterminé.
Effectivement, il y a bien des communistes au gouvernement, les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés, l’abolition de la peine de mort ou encore le remboursement de l’IVG.
Les nationalisations sont en route…, mais en bon radical socialiste qu’il est, le nouveau Président élu n’y croit pas un seul instant.
Tout ça, pour lui, c’est du folklore militant.
François Mitterrand n’a pas l’âme d’un bolchévique et il est modéré dans ses propos comme dans son action, l’avenir politique le prouvera assez vite.
C’est un homme de nuance, de diplomatie, un parlementaire aguerri de la IVème République.
Rapidement, il rassurent une Droite terrorisée à l’idée de voir les chars de l’Armée rouge dévaler sur les Champs-Elysées et leurs Chœurs envahir l’Opéra Garnier.
Il faut avouer que la période est tendue, ça tombe comme à Gravelotte.
Le juge Michel est assassiné à Marseille au guidon de sa Honda.
Le Pape Jean-Paul II est victime d’un attentant dont il en ressort indemne miraculeusement.
Le Président égyptien Anouar el-Sadate aura moins de chance.
Les armes à feux devraient être interdites, surtout sur les écrans de cinéma où est projetée la dernière production d’Alain Delon Pour la peau d’un flic…, c’est règlements de comptes à OK Corral.., ça canarde dans tous les coins.
Le lieutenant-colonel Tejero joue aussi du pistolet à la chambre des députés espagnols.
Il a un côté comique cet officier avec sa grosse moustache et son chapeau de guignol, il ressemble au général Tapioca dans les aventures de Tintin.
Et puis la presse nous ment : Paris Match en évoquant le mariage du siècle entre Lady Di et le Prince Charles affirment : Oui, ils s’aiment vraiment.
Il y a quand même quelques raisons de se réjouir dans cette sombre actualité : France Telecom lance le Minitel qui connut son heure de gloire (jusqu’à 25 millions d’utilisateurs !) avant de se faire détrôner par Internet.
Sur les affiches publicitaires du groupe Avenir, Myriam est bien la seule à tenir ses promesses, elle a enlevé le haut et le bas, c’est une incitation à repeupler la France.
Avec 805.483 naissances en 1981, les encouragements de Myriam n’ont pas été vains.
Le taux de natalité reprend des couleurs.
Tous ces chamboulements font peur aux français qui ont besoin de sécurité.
Ils aspirent à vivre tranquillement dans un cocon protecteur.
Volvo va leur offrir une carapace robuste pour transporter leur famille en toute quiétude.
La marque suédoise est réputée pour ses recherches en matière de sécurité active et passive.
Elle a inventé de nombreux systèmes qui font d’elle une pionnière dans le domaine d’où son succès commercial grandissant aux Etats-Unis.
Le tableau de bord capitonné, les pare-chocs à absorption d’énergie, le premier siège enfant dos à la route ou encore les zones de déformation à l’avant et à l’arrière…, Volvo rassure les parents inquiets en cette période trouble.
La marque est surtout le grand spécialiste du break.
Evidemment en France, cette carrosserie reste l’apanage des artisans et des professions manuelles.
Un break, c’est forcément une sorte d’utilitaire déguisé, de berline rehaussée, en clair, un véhicule qui manque cruellement de chic.
De la 404 Familiale en passant par la Renault 12, la catégorie ne jouit pas d’une très grande popularité auprès des acheteurs.
En dévoilant sa 240, Volvo va rendre les breaks sexys !
Pourtant au départ, la presse spécialisée l’affuble d’adjectifs peu gracieux.
Ils la qualifient d’armoire normande, de comtoise sur roulettes, de boîte à sapins du Grand Nord…
Son côté massif rebute les petites natures.
Mais, c’est la clé de sa réussite : ne pas tout miser sur l’extérieur !
les mères de famille aisées ne s’y tromperont pas, elles abuseront des breaks Volvo avant l’arrivée en masse des monospaces.
Les hommes ne dédaigneront pas non plus les conduire, bien au contraire, ça leur donne un côté sûr de soi, établi, sérieux et terriblement sexy.
Bien loin de ces engins classiques, Chromes&Flammes est une réalité qui propose un monde automobile radicalement nouveau.
En quelques mois ce magazine va atteindre 100.000 exemplaires diffusés par mois en France, Dom-tom, Belgique, Luxembourg et quelques pays d’Afrique francophone.
En septembre 1981, du 25 au 27, Patrice organise le premier Chromes&Flammes Show dans les halls d’exposition qui abritent habituellement le salon de l’automobile, à la porte de Versailles / Paris…
3 mois de préparation ont été nécessaire, des centaines de Hot-Rods, Custom-Cars, Choppers, Vans, Street-Machines… sont exposés, c’est un succès de foule extraordinaire qui attire 80.000 visiteurs sur les 3 jours.
L’exposition continue sur les parkings intérieurs ou près d’un millier de véhicules customisés appartenant aux visiteurs, sont également regroupés
Chromes&FlammesShow 1 (Paris 1981) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Chromes&FlammesShow 2 (Paris 1981) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Chromes&FlammesShow 3 (Paris 1981) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Après l’évènement qui lança véritablement Chromes&Flammes en France : le Dragster Festival au Mans en septembre 1980…, c’est assurément le Chromes&Flammes show qui eut lieu Porte de Versailles à Paris en septembre 1981, qui renforca le magazine dans le coeur des passionnés d’automobiles hors du commun, les Hot-Rods et les Custom-Cars ainsi que les Choppers et tout ce qui touchait à l’extraordinaire en automobile.
Outre les plus beaux Custom-Cars de l’époque, le C&F show exposait quelques-unes des plus spectaculaires réalisations de Franco Sbarro, un carrossier Suisse passablement déjanté qui aurait pu être le Georges Barris Européen, mais qui a préféré oeuvrer pour les plus grandes fortunes mondiales.
1982
Quand Mercedes présente sa 190 en 1982, il n’imagine pas que cette Baby Benz va révolutionner le marché premium et attirer des centaines de milliers de clients.
L’Etoile se démocratise.
La stratégie marketing d’ouverture du constructeur allemand a fait de Mercedes un géant de l’automobile.
Sans cette 190 dessinée par Bruno Sacco, le groupe n’aurait pas eu l’appétit d’absorber quelques années plus tard l’américain Chrysler.
Justement la marque américaine a profité de cette époque pour inventer un nouveau mode de transport : le monospace.
Le groupe Chrysler a réfléchi sur le projet d’un véhicule pouvant contenir jusqu’à sept personnes et rentrer dans un garage classique.
Une sorte de mini-van qui va devenir rapidement le symbole de la Middle Class américaine et qui évitera au groupe en grande difficulté de tomber en faillite.
C’est un immense succès, il s’en vendra plus de 10 millions d’unités à travers le monde.
Le Chrysler Voyager, Dodge Caravan ou Plymouth Voyager, quel que soit son nom, ne débarquera en France qu’à partir de 1989.
La meilleure publicité faite au Voyager sera les innombrables séries télévisées qui vanteront son côté pratique et convivial, on n’imagine plus une famille américaine classique sans son van, ses Pancakes, son sirop d’érable, ses Muffins chauds, ses Apple Pies…, une certaine image de l’Amérique.
Dans les années ’80, on pense également à donner du tonus à certains modèles.
L’informatique a fait son entrée dans les foyers, il faut donc booster les moyens de locomotion.
Volvo, le sage suédois, décide de frapper un grand coup en juillet 1981, le constructeur en a marre de l’image tranquille de ses breaks.
Bien sûr, ce sont de fantastiques machines pour parcourir le monde en toute sécurité, mais à trop vouloir jouer dans un registre sérieux et conventionnel, la marque n’est-elle pas passée à côté d’une clientèle qui a soif de sensations mécaniques ?
Volvo va donc être le premier constructeur à introduire une motorisation turbocompressée dans une carrosserie break.
La berline bénéficiait déjà de cette mécanique vigoureuse depuis 1980…, les publicités de l’époque parlent d’une véritable bombe, tout simplement du break le plus rapide du monde.
Finie la conduite pépère, le propriétaire d’un break 240 Turbo est au volant d’un engin qui distille un vrai plaisir de pilotage.
Les performances du placide break sont transfigurées, la barre fatidique des 200 km/h est atteinte mais surtout les accélérations sont remarquables : autour de 9 secondes pour abattre le 0 à 100 km/h.
En 1982, le groupe Imagination chante Just an illusion pour mieux camper l’atmosphère de cette année-là. Le bizarre, l’étrange, le surréel font leur apparition.
On se croirait dans les années ’30, les expériences les plus folles sont tentées.
Le premier bébé éprouvette vient de naître…, Connors tape toujours aussi fort son revers à deux mains avec une raquette de tennis qui semble pourtant si fragile…, le duo Chagrin d’amour invente le rap à la française avec son tube Chacun fait c’qui lui plait.
Les paroles ne sont même plus chantées, simplement scandées sur un sample très efficace.
Au cinéma, c’est la grande pagaille.
Steven Spielberg réussit l’exploit de nous arracher des larmes avec son extraterrestre ET.
Dustin Hoffman triomphe dans Tootsie.
On y perd son latin.
Un petit bonhomme vert qui sympathise avec les humains, un homme qui se déguise en femme pour trouver du travail…, l’escalade dans le délire ne s’arrête pas là : la gendarmerie de St Tropez doit faire face à de nouvelles recrues : les gendarmettes, Gerbert et Cruchot ne savent plus où donner de la tête.
Le délire atteint son paroxysme avec Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, péplum comique qui réunit Coluche, Michel Serrault, Jean Yanne et l’inénarrable Paul Préboist.
On s’attaque même à la figure emblématique du Père Noël qui est décrit comme une ordure par la bande du Splendid.
En politique, ce n’est guère mieux, le Liban pleure les victimes des camps de Sabra et Chatila.
Gaston Deferre met en place la décentralisation et Henri Krasucki devient secrétaire général de la CGT.
Son accent et ses problèmes de calcul mental font de lui un personnage très populaire du mouvement ouvrier…, une de ces gueules qu’on n’oublie pas, derrière la casquette, il y a un jeune homme qui a fait preuve d’un courage extraordinaire qui mérite le respect…, torturé, déporté à Buchenwald, il a payé très cher son engagement politique.
Outre-Atlantique, les rêves les plus dingues peuvent devenir réalité.
En effet, l’Amérique n’est pas seulement le pays des grands constructeurs et du gigantisme industriel, c’est aussi le territoire des savants fous, des inventeurs géniaux, des illuminés qui dans leurs coins construisent des fusées et des navettes spatiales.
En Europe, depuis presque quarante ans, les petits constructeurs, les carrossiers, les artisans de l’automobile ont disparu de la circulation, aux Etats-Unis, à Milwaukee, un jeune designer a décidé en 1963 de construire la voiture de ses rêves, il a travaillé pour Studebaker, il a notamment épaulé Raymond Loewy sur le projet de l’Avanti, ce type s’appelle Brook Stevens, il est passionné par les Mercedes des années 30, il a lui-même possédé une SS Phaéton de 1928.
Alors, il a décider de copier l’esprit des Mercedes SSK, s’inspirant des lignes générales des roadsters d’avant-guerre en utilisant une conception mécanique moderne, espèrant vendre ses productions à un prix compétitif.
Bref il a réussi son pari fou, l’effet était surprenant, baroque et plutôt réussi.
Cet inventeur va continuer son œuvre jusqu’en 1989.
De 1964 à 1969, l’Excalibur série I s’inspirait des Mercedes SSKL de 1929.
De 1970 à 1974, c’étaient les Mercedes de 1932 qui étaient visées avec la série II.
De 1975 à 1979, avec la série III ce fut identique, mais avec une touche d’américanisme supplémentaire grace à des ailes plus enveloppantes…
Mais à parir de 1980 pour les Roadsters 2 places et 1981 pour les Phaetons 4 places, l’Excalibur série IV ressemblait aux Mercedes 500/540 K des années ’38.
Motorisée par un V8 de 5,0 litres d’origine GM-marine, l’Excalibur série IV s’était embourgeoisée .
Elle possède même des vitres et une capote électriques
Les Excalibur I, II et III étaient des voitures à part destinées à des baroudeurs d’affaires déjantés et des stars Hollywoodiennes telles Steve McQueen et John Wayne…, les Excalibur IV, plus lourdes et rondes, vont devenir des objets de milliardaires excentriques, d’émirs arabes et d’afficionados d’affaires mégalomanes.
Les producteurs de télévision seront ravis d’utiliser des Excalibur série IV dans leurs fictions…, elles assurent le spectacle à elles seules : le détective privé Matt Houston s’en sert dans ses enquêtes et plus étonnant encore, Georges Descrières dans la série française Sam et Sally conduit lui aussi cet engin aux formes tapageuses.
Dans la folie des années ’80 où tout est prétexte à se faire remarquer, les Excalibur sont le moyen le plus efficace de montrer sa réussite et l’étendue de sa fortune.
Les Excalibur sont presque irréelles, on les croit sorties d’un rêve ou de la forêt de Paimpol.
Elles permettent surtout à de riches clients de se prendre l’espace d’un moment pour Gatsby le Magnifique et de profiter du temps qui passe avant qu’une crise pire que celle de 1929 mette fin à toutes ces réjouissances.
Les Excalibur serie V vont tenter de perpétuer cette saga de 1985 à 1989, malgré que Brook Stevens et ses deux fils auront jeté l’épée dans le lac de Milwaukee en 1984…, grâce à un nouveau Roi Arthur, en l’occurence un certain Warner qui aura pour sa gloire le fait d’avoir fabriqué les Excalibur Série V Sedan 4 portes, réellement époustouflantes et Bling-bling à souhait…, mais rapidement, la volonté de divertification (la fabrication de répliques de Cobra et la sortie d’une résurrection de la Série III abatardie en Limited Edition, le tout proposé à des prix stratosphériques), auront raison de la marque qui ne se relèvera pas en 1994 d’une seconde et définitive faillite.
Pour Chromes&Flammes, 1982 voit le magazine continuer sa progression et ses ventes, un poster double face fait son apparition, agraffé plein centre.
En mars est lançé le “Grand concours Chromes&Flammes” en collaboration avec Citroën, le premier prix est une Citroën Visa II Super X customizée, les autres prix vont d’un voyage de 8 jours pour 2 personnes aux USA, à des voyages pour 2 en Angleterre, des malettes chromes&Flammes et des sacs de voyage…
Le concours consiste à dessiner une Citroën Visa customisée, ce seront les plus extraordinaires qui seront sélectionnées et en finale un jury fera une sélection des meilleurs projets, les prix seront ensuite attribués en fonction des choix du jury…
Dans la foulée, une Visa 6 roues Pick-up est dessinée puis fabriquée, commanditée par Citroën qui propose à C&F de participer sur le stand Citroën au salon de l’automobile de septembre 1982.
Sur le stand seront exposées 10 Citroën Visa customisées selon les 10 meilleurs projets, disposées tout autour du Pick-Up 6 roues.
L’impact du salon de l’auto est phénoménal, le tirage et les ventes de Chromes&Flammes augmentent encore, atteignant 130.000 exemplaires mensuels !
C’est la Visa “Voyage” de Coco-Donato qui est primée…, ce lecteur de C&F est immédiatement engagé comme designer adjoint chez Citroën…
Il va devenir le responsable du design Citroën quelques années plus tard… et en 2000 il va devenir chef du design chez Ferrari !
Comme quoi, Chromes&Flammes à été à la base de bien des carrières de rêve !
Patrice prépare la diffusion de C&F dans d’autres langues pour décembre, en Néerlandais, en Allemand et en Anglais…, l’ensemble des titres va être alors (en décembre) de 350.000 exemplaires mensuels.
Il est prévu également d’éditer une édition en Espagnol, en Italien et en Suédois !
Un second magazine est créé, réservé aux voitures hors du commun, son nom : Calandres…
Un milliardaire belge, Charly Depauw propose alors à Patrice d’ériger en collaboration avec lui, un musée automobile en dessous du Manhattan Center, place Rogier à Bruxelles…., ce musée regroupera des Hot-Rods, des Custom-Cars et les plus belles voitures d’avant-guerre.
Un concours est alors lançé pour que les lecteurs proposent un projet original pour l’entrée du musée…
Un troisième magazine est également mis en chantier : un Chromes&Flammes en format “géant” (le double) qui ne comporte que des photos “géantes” avec un simple cahier central reprenant un bref commentaire sur les véhicules publiés, son nom : SuperFlammes…
Les NMPP (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne) rencontrent des difficultés pour diffuser ce magazine grand format dans leurs points de vente et libraires, aucun emplacement n’ayant jamais été prévu pour exposer des “hors-formats“…, c’est cela qui fera stopper ce type de mag’ en fin d’année ’82 !
Trike V12 Chromes&Flammes from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Le Trike V12 a été construit dans cette période d’euphorie…, par Dragsters Of Road de Paris (chassis) et ACP à la Défense (mécanique) et a assuré la promotion du magazine édition Française, circulant quasi quotidiennement sur route et réalisant des démonstration lors de courses de Dragsters en France et dans le Chromes&Flammes Show.
1983
Après le Mans 1980, Albi se voulait être le tremplin vers une organisation de courses de Dragsters (dixit l’organisateur de la manifestation Dragsters d’Albi)…
Il n’en a rien été à cause de la guerre que vont se livrer les magazines Nitro, Rod&Custom, AutoVerte et Chromes&Flammes…
Dragsters à Albi interview Patrice De Bruyne… from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Par exemple, à Albi, le Dragster Chromes&Flammes va être saboté par le magazine concurrent (pierrailles dans les échappements provoquant le bris du haut moteur et une ratatouille de bielles et soupapes)…
Autre exemple, le magazine concurrent va faire chantage auprès de l’Automobile Club de l’Ouest (l’ACO) pour que Chromes&Flammes ne puisse plus y organiser la course de Dragster, faute de quoi un des magazines du groupe concurrent allait boycoter les 24 heures du Mans…
1982 avait donc été une année complexe et stressante…, 1983 devait absolument se dérouler bien mieux…
Chromes&FlammesWorld (1982) from Patrice De Bruyne on Vimeo.
Que la famille est belle lorsque tous ses membres sont réunis !
L’image du bonheur, c’est Yannick Noah, venant de gagner le tournoi, qui nous la donne en tombant dans les bras de Zaccharie, son père, le 5 juin 1983, alors que sa mère, Marie-Claire, pleure de joie dans les tribunes du central de Roland Garros…
Pour une fois, Mats Wilander n’aura pas été le plus fort.
Cette victoire est ressentie comme un grand bonheur dans tout le pays.
Les français apprennent par voie de presse qu’une petite Laura Smet est née à l’hôpital de Neuilly-sur-Seine, ses parents Johnny Hallyday et Nathalie Baye sont fiers de nous la présenter, David aura une demi-sœur de dix-sept ans sa cadette.
Les familles recomposées ne sont-elles pas les plus belles ?
A Monaco, on célèbre l’union entre Stefano Casiraghi et Caroline Grimaldi, les monégasques sont sous le charme de ce couple magique, un bel italien et une princesse divine.
Philippe Sollers publie son roman Femmes, un voyage dans l’éternel féminin.
La famille, c’est sacré, ce n’est pas le pape Jean-Paul II en visite en Pologne qui le contredira.
Maurice Penaruiz révolutionne le marché de la maison individuelle en créant la société Mikit, le concept est simple, les habitations sont prêtes à finir, des centaines de français font confiance à cette société qui réussit à baisser les prix de l’immobilier de près de 30 % et favorise l’accession à la propriété de nombreuses familles.
Mais, l’automobile n’a pas encore trouvé justement de solution efficace au transport de groupe, surtout qu’en 1983, le train ne paraît pas le moyen le plus sûr pour arriver à bon port.
Deux attentats du terroriste Carlos ont frappé le Paris-Marseille et la Gare Saint-Charles faisant cinq morts.
Ce sont les américains qui vont inventer le concept du monospace, il ne s’agit pas vraiment d’une camionnette ou d’un utilitaire, même si l’aspect n’en est pas très éloigné, les lignes carrées, la surface vitrée, la portière latérale sont directement empruntées à l’univers professionnel.
Le groupe Chrysler a réfléchi sur le projet d’un véhicule pouvant contenir jusqu’à sept personnes et rentrer dans un garage classique, une sorte de mini-van qui va devenir rapidement le symbole de la Middle Class américaine et qui évitera au groupe automobile en grande difficulté de tomber en faillite.
C’est un immense succès, il s’en vendra plus de 10 millions d’unités à travers le monde.
Le Chrysler Voyager, Dodge Caravan ou Plymouth Voyager, quel que soit son nom, ne débarquera en France qu’à partir de 1989.
La meilleure publicité faite au Voyager sera les innombrables séries télévisées qui vanteront son côté pratique et convivial.
On n’imagine pas une famille américaine classique sans son van, il fait partie de la vie quotidienne, pour aller chercher les enfants à l’école, les emmener au base-ball, à un anniversaire, à un week-end près des grands lacs ou simplement faire ses courses.
Le Voyager est l’ami de la famille comme le fut dans les années ’70 le Volkswagen Combi, il est tellement une invitation au voyage et à la découverte qu’il suscite des convoitises.
Renault répliquera un an plus tard en 1984 en commercialisant l’Espace.
Les concepteurs de Matra se sont directement inspirés du phénomène américain.
Le Voyager US, dans ses premières versions, n’en demeure pas moins un véhicule typiquement yankee. Les versions Woody, avec faux plaquages en bois d’acajou sur les portes, fleurissent un peu partout, ils sont motorisés par de gourmands moteurs à essence, ils sentent les Pancakes, le sirop d’érable, les Muffins chauds, les Apple Pies, l’équipe des Lakers, la pêche au saumon, le rodéo ou les bottes texanes.
Une certaine image du bonheur !
C’est aussi la preuve que l’esprit des Hot-Rods, Custom-Cars et surtout des Vans entre dans l’univers automobile commercial.
Citroen avait, le premier en Europe utilisé le mouvement Custom, mais c’était pour vendre avant tout une petite berline insignifiante, qui, grace aux décorations et surtout grace au Pick-Up 6 roues Visa, donnait aux acquéreurs l’illusion d’être dans cette mouvance avec une auto banale…, tandis que Chrysler réalisait un véritable Van d’usage quotidien…, ce qui va être copié/repris très rapidement par Renault avec l’Espace qui, d’ailleurs sera présenté en première mondiale dans C&F en 1984…
Actuellement, en 2009, les Vans qu’on nomme Monospaces, font partie du quotidien, mais en 1983, c’était une petite révolution…
Patrice a signé en février une convention d’achat de photos et textes avec Tom Mc Mullen, un important éditeur américain de magazines : Custom Rodder, Truckin, Street Rodder, VW Trends, Chopper…, 1 US$ la photo, quel qu’en soit le format qui sera utilisé… et la gratuité d’usage des textes après traduction, en contrepartie l’édition US et UK de Chromes&Flammes est arrétée…
Chromes&Flammes devenait en effet un probable concurrent aux USA, mieux valait un arrangement que de se battre comme en Europe entre C&F et Nitro…
Chromes&Flammes s’enrichit ainsi en contenu, car les véhicules disponibles en France et en Belgique à cette époque étaient rarement au top alors que les lecteurs devenaient de plus en plus exigeants sur la qualité et l’originalité des sujets.
Dans la foulée, en octobre, un ancien ami de Patrice, Jean-Paul Justus qui avait été son designer à l’époque des journaux Promotion n°1 et des magazines Home, est engagé pour s’occuper du graphisme de C&F…
Le résultat commencera ses effets en décembre 1983…
En 1984, tout va vite, même très vite.
Carl Lewis empoche quatre médailles d’or aux Jeux Olympiques de Los Angeles : 100 m, 200 m, saut en longueur et relais 4 X 100 m.
Mickael Jackson cartonne avec son album Thriller.
La crise du pétrole est loin derrière.
Un vent de liberté souffle sur la France.
Les métiers à la mode sont publicitaire, mannequin et clip man.
Si vous ne travaillez pas dans les médias, dans la “com” ou dans la pub, on vous regarde comme un extra-terrestre.
Un courant musical, la new wave, né sur les cendres du mouvement punk, fait sensation dans les boîtes de nuit.
Aux Bains Douche, les danseurs portent tous des cravates et des costumes près du corps, on dirait des clones d’Etienne Daho qui s’agitent dans tous les sens.
Les filles sont habillées en Working girl, tailleur et escarpins dans les tons flashy : bleu électrique ou rose pastel, elles affirment être des femmes libérées comme dans le tube de Cookie Dingler.
Après la classe, les adolescents se dépêchent de rentrer chez eux pour voir le classement du Top 50, d’abord sur Antenne 2 avec le duo d’animateurs Groucho et Chico et puis à partir du mois de novembre sur Canal avec Marc Toesca.
Ces années paillettes ne doivent pas cacher le revers de la médaille.
L’héroïne tue au coin de la rue.
La cocaïne, la drogue des puissants montre la faiblesse des hommes.
Plus grave encore, la société commence tout juste à prendre conscience d’un fléau appelé sida.
Les jeunes vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
L’actualité n’est pas des plus réjouissantes, le petit Grégory est retrouvé mort dans la Vologne.
Des parents brisés et une presse qui se comporte en charognard.
Dans cette ambiance fin de siècle, Peugeot dévoile sa sportive de poche.
Volkswagen avait déjà lancé les hostilités en 1976 avec une Golf GTI qui commençait à sérieusement vieillir.
La 205 fait l’effet d’une bombe, c’est effectivement un sacré numéro comme le dit la publicité de l’époque.
Elle va balayer la concurrence et s’imposer comme une voiture chic et polyvalente.
Elle représentera jusqu’à 20 % des ventes de la gamme 205.
Inimaginable en 2009 où les immatriculations de compactes sportives se comptent à quelques milliers d’exemplaires par an !
Elle va surtout attirer une clientèle branchée, élitiste qui vit à cent à l’heure : des cadres dynamiques, des femmes entretenues, la jeunesse dorée des beaux quartiers et des amateurs de conduite sportive qui l’engageront en compétition.
La 205 GTI dotée d’un moteur 1,6 litre développant 105 chevaux, flirte avec les 200 km/h au compteur.
Elle roule aussi vite qu’une berline Mercedes ou BMW.
Sur l’autoroute, il faut voir la tête des propriétaires de grosses allemandes quand dans leur rétro déboule une petite citadine (blanche, rouge, grise ou noire) sur la voie de gauche qui ose leur faire des appels de phares.
Cette 205 GTI est une insolente qui vient narguer et titiller des voitures aux tarifs nettement plus élevés.
C’est pourtant l’héritière des R8 Gordini et des Renault 5 Alpine, dans une version plus distinguée.
Autant les bombinettes d’antan étaient difficiles à conduire, nécessitant un savoir-faire et un bon niveau de pilotage, la 205 GTI dans des conditions normales d’utilisation se comporte comme un vélo.
Repoussée dans ses derniers retranchements, elle se révèle même sacrément efficace, son comportement est diaboliquement sain pour une voiture vendue autour de 100.000 francs (15.000 euros).
Après son lancement en fanfare, la 205 GTI connaîtra plusieurs vies, elle sera beaucoup utilisée en rallye, puis arriveront les enfants de Chromes&Flammes… : les amateurs de tuning, qui s’exerceront sur elle, la bodybuildant façon 205 Turbo 16… et comme si la boucle devait être bouclée, elle retrouvera une clientèle qui ressemble à celle de ses débuts, des trentenaires trop jeunes à l’époque pour se l’acheter !
C’est dans ce climat que Patrice décide de créer la nouvelle revue du Custom Français, un magazine bimestriel 100% franchouillard…
Chromes&Flammes peut dès-lors évoluer sans plus trop s’inquiéter d’une montée en qualité des engins publiés et du graphisme général….
Jean-Paul Justus a déjà modifié la couverture dès le numéro de décembre 1983 en positionnant le titre verticalement, ce qui par ailleurs le rend très visible dans les rayonnages et sur les “gondoles” des libraires, mais ce n’est pas assez..
Le monde change, le tuning émerge, les lecteurs des débuts évoluent eux aussi.
En aout 1984, le célèbre logo C&F fait place à un titre plus sobre ou seul le mot “Chromes” ressort…, c’est en vue de changer également le titre qui deviendra en début 1985 “AutoChromesMagazine“…
Pourquoi ?
Simplement parce que Customania se vend très bien et a rapidement atteint 40.000 exemplaires tous les deux mois, avec des lecteurs ravis qu’un magazine 100% franchouillard existe…
Toutefois, malgré ce succès, Patrice est fatigué de certaines ambiances “ras-des-pâquerettes” du milieu “Custom” qui n’évolue pas…, fatigué également des guerres entre éditeurs et magazines, principalement avec Nitro, dont le Boss, Michel Hommel s’ingénie depuis 1981 à discréditer C&F.
Par exemple, l’impossibilité de continuer le Dragster Festival du mans en 1981 parce qu’il a fait chantage que sa revue Echappement boycoterait les 24 heures du Mans si l’ACO continuait d’organiser le Dragster Festival avec Chromes&Flammes…
Tout cela a durablement ruiné l’évolution du Customizing et du Dragster en France !
Quant au Hot-Rodding, il reste très marginal du fait que les magazines ne présentent pas un front uni face aux autorités pour obtenir des règles précises, jouables et applicables pour les immatriculations.
La “concentration” de St-Just/St-Rambert, nommée 1er Paradise Auto/5ième Show&Shine, va être l’évènement déclencheur…
La fameuse Traction Avant Hi-Boy Citroen qui se voulait être l’exemple du Hot-Rodding “à-la-Française” a été boudée à la précédente concentration d’Arcachon, le public plébicitant d’infâmes Peugeot 203 avec des casquettes et feux de toit (de gabarit)…, démontrant que c’est sans espoir…
Et c’est identique à St-Just/St-Rambert…, une Traction Hi-Boy est offerte comme premier prix…, le gagnant n’en veut pas !
Les choses vont dès-lors être rondement menées par Patrice qui a beaucoup investi financièrement pour promouvoir le Custom et le Hot-Rodding en France (Le trike V12…, l’Olds’48…, la Ford Taunus…, le C’Cab Novel’T…, le Ford B’32 five windows…, la Mustang Mach One…, la Citroën Traction Avant Hi-Boy et sa commercialisation en kit…, le premier Dragster Festival 1980…, le Chromes&Flammes show de Paris 1982… et une cinquantaine de réunions, concentrations, exhibitions et expositions dans toute la France… !
Sans oublier l’apport de Citroën à la cause du Customising avec les 10 visa peintes selon les thèmes des lecteurs, la Visa Pick-up 6 roues, et les concours dotés de centaines de prix conséquents…
En un instant, la coupe est pleine, continuer…, s’évertuer… à pousser le Customizing et le Hot-Rodding en France pour qu’il devienne comme aux USA, lui semble maintenant une tâche impossible…
Les concentrations de Hot-Rods aux USA sont clean et festives…, en France c’est le camping, le linge qui pend dans la fumée et les odeurs de saucisses grillées tandis que quantités de tatoués rotent leurs bières en beuglant des insanités…
La vie, ce n’est pas ça…
Il décide d’un planning pour modifier le contenu et la présentation de Chromes&Flammes qui va devenir AutoChromesMagazine en quelques numéros, avec un contenu plus élaboré et des véhicules de qualité.
Toute la flotille de Hot-Rods va être vendue…, l’Oldsmobile’48 et le Trike V12 vont être liquidés au garage Daytona près de Nice, la Ford Taunus va être vendue à un ardennais de Belgique, la Citroën Hi-Boy Traction Avant va être échangée contre une Honda CRX neuve dans un garage de Cannes/Mougins (la Citroën finira misérablement sa vie en tant qu’auto-crème-glace pour enfants, puis comme engin publicitaire pour une boutique de fringues à Cannes)…
Il y a eu une nette cassure entre Patrice et les clubs Custom, la plaie ne se refermera jamais… et ce n’est pas Hugo qui s’enrichit avec la caisse de son club en s’offrant des voyages 4 fois par an aux USA qui va y changer quoique ce soit…
Toutefois, les Hot-Rods et Kustom-Cars “à la Française” ne sont pas abandonnés, le magazine Customania va continuer d’être édité en France… : “Jusqu’à plus soif…” !
Parfois, la réalité dépasse la fiction.
C’est dans ce grand chambardement…, en septembre 1984, qu’un contrôleur du fisc, ripoux (qui s’avèrera plus tard être pigiste, en dehors de ses heures, pour un magazine concurent), lui demande un “don“…
Patrice refuse…
Quelques jours plus tard, le même contrôleur fiscal revient avec une floppée d’assistants, mandats divers et imposition d’office pour l’équivalent de 10 millions d’euros par an avec un rétroactif de 4 ans, plus 100% d’amende, plus frais et divers !!!
Tout est saisi, les bagnoles restantes (celles que Patrice n’a pas encore liquidé dans sa soif d’un renouveau), engins bizarres, maison…, on lui demande même de démontrer qu’il n’est pas l’organisateur et le propriétaire des 24 heures du Mans…, rapport aux courses de Dragsters qui se sont déroulées sur le circuit de la Sarthe… mais que le fiscard étant avec mauvaise foi à toutes les épreuves qui se déroulent sur ce circuit…
Devant l’impossibilité de discuter, Patrice qui en a de plus en plus ras-le-bol, décide de faire les choses en grand, telles qu’elles auraient du toujours avoir été faites…
La maison d’édition est transférée en novembre 1984 à Jersey, Chanel Island, pour continuer d’y éditer Chromes&Flammes et tous les autres titres sous le label “Agram LTD“…
La coupe est pleine, nul ne vit pour être esclave, Patrice n’a aucunement envie de se faire raser par des fonctionnaires ripoux…
Aucune loi au monde n’interdit de créer une société à Jersey qui exercera un commerce mondial.
Si les profits restent à Jersey, l’impôt légal est payé à Jersey…, on ne paye des impôts que sur ce que l’on reçoit personnellement dans le pays ou on est domicilié…
C’est comme cela que les gnous évoluent !
L’affaire va durer plusieurs années !!!
Premier acte, le grand ordonnateur (Duplat, président du tribunal de commerce de Bruxelles) est le frère de l’imprimeur belge, Duplat lui aussi…, si il va trop loin, son frère saute puisqu’il imprime pour une société de Jersey…, donc marche arrière et réenquête sur le controleur ripoux… qui finit par être déplacé.
Deuxième acte, après quelques années de discussions, l’administration fiscale reconnait que le contrôleur était ripoux…, l’imposition d’office est levée…
Théoriquement l’administration devrait tout rembourser en sus de dommages et intérèts…, mais des tractations sordides vont s’opérer…
On y reviendra fin de la décennie…, il suffit de patienter.
A suivre…