Toute une vie #6
L’homme qui se respecte quitte la vie quand il veut ; les braves gens attendent tous, comme au bistrot, qu’on les mette à la porte…
Ah ! Putain de vie !
Il est des moments de l’existence où tout semble filer merveilleusement droit : amours, amis, business ; la vie en ces cas, est une renaissance chaque matin plus éclatante que celles de toutes les roses.
Mais ces moments plus ou moins longs se paient en général fort chers, car le destin est joueur et il semble adorer reprendre avec brutalité ce qu’il a donné avec prodigalité, ce sont alors des moments difficiles à passer en attente du retour du balancier, l’alchimie merveilleuse qui donne aux jours et aux nuits leur splendeur.
Ne reste entre deux, que le rien, si cher aux nihilistes.
Athée, on ne peut se reposer ni sur un supposé dessein de dieu, sur un arrière monde de repos et de douceur, on sait le vide, la béance, les chairs dévorées par le feu, l’esprit disparu à jamais à l’instant où le cœur s’arrête.
Restent les souvenirs, me direz vous, des souvenirs parfois au goût de cendre.
Le chagrin, le désespoir vous envahit, vous enfonce dans le néant, ce solisme qui plus ou moins bien assumé, redevient un avide compagnon de route.
Rien ne vient soulager les riens de la vie, on entre alors dans le sentiment égoïste de sa propre douleur qu’on contemple chaque matin avec la même avidité qu’on contemplait l’amour sur sa peau.
Elle devient la compagne exigeante et jalouse de tous les instants, volant l’attention, la douceur, la chaleur.
Elle s’insinue dans les pensées, les absences, les rêves et enferme mieux que n’importe quelle prison.
C’est alors que l’ennui, ce sentiment dramatique et stérile s’installe à votre table : tout est ennui : le soleil, les couleurs, la nourriture, le web, les gens, leurs histoires, leurs manies, les amis, les faux-culs, leur gaieté, leur sollicitude, leur pitié, leur tentative pour vous sortir de votre solisme.
Ennui profond, démesuré, qui conduit tranquillement vers ce chemin de la solitude volontaire, où le seul son qui résonne est celui du souffle, le seul bruit celui du chaos des pensées.
L’illusion de la vie qui se vit si merveilleusement dans le regard de l’autre, se tarit dès que ce regard disparaît.
Ne reste, en attente de chérir à nouveau l’être aimé, unique, que la certitude du néant, de l’absurdité d’un destin qui n’en finit pas de démontrer sa pusillanimité sordide.
Nous tendons tous vers le bonheur, mais que ce bonheur se dérobe… et ne demeure que le sentiment de l’absurdité.
Cela peut paraître excessif, mais on survit, on joue la partition sociale avec plus ou moins de subtilité et de nuance.
Reste l’amertume, la folie, la démesure, le besoin de ressentir, besoin primaire car séparé de sa plus belle part, le désir.
Secouer la torpeur par l’excès de sensation, puisque la délicatesse et la nuance ont disparu.
Le nihilisme est l’absence du désir, qu’il faut impérativement remplacer par le besoin de satisfaction des quelques instincts primaires qui régissent un corps amputé de cette part ineffable qui ne vit que par et pour le désir.
La tentation du néant, l’expérience quotidienne de l’absent, du “plus rien” ne permet plus aucune construction réelle, durable, saine.
Tout ce qui demeure, parfois amusant, parfois presque aussi bien, garde quelque part un arrière goût de cendre, de regret, de ce “si “, qu’on s’attache à cacher profondément et qui ressurgit toujours, pour rappeler le cœur brisé à son éternelle mélancolie.
1985
En 1985, on s’arrange avec la loi ou on se fait casser pour n’importe quel prétexte.
La respecter, quelle attitude ringarde affirment même les policiers et fonctionnaires, particulièrement ceux du fisc !
Certains français ont même décidé de passer outre la légalité.
Les scandales commencent à pleuvoir en cascades.
Il y a d’abord cette sombre affaire du Rainbow Warrior en Nouvelle-Zélande, une opération menée par de faux époux…, c’est à n’y rien comprendre du tout, il y est question de barbouzes et de services secrets.
Michel Audiard qui vient de mourir, doit doucement rigoler, il s’est si souvent fait attaquer par une certaine critique qui lui reprochait ses situations invraisemblables et croquignolesques.
Dans ce climat, pas étonnant, donc, que Les ripoux de Claude Zidi, qui ont fait un carton dans les salles obscures, obtiennent le césar du meilleur film en 1985.
La doublette Philippe Noiret et Thierry Lhermitte interprètent deux flics qui s’autorisent quelques débordements avec la législation notamment celle qui s’applique aux courses hippiques.
Il leur arrive assez souvent de s’endormir sur le Code pénal.
Même Gainsbourg joue avec les limites de la loi, il hérisse les ligues de vertus depuis l’année dernière avec son tube Lemon Incest qu’il chante avec sa fille, Charlotte.
Le provocateur est habitué aux coups d’éclats et aux suggestions graveleuses, il maîtrise les mots et il a le sens de la communication.
C’est la même chose pour Customania : La nouvelle revue du Custom Français…
Le tirage se maintient à 40.000 exemplaires avec 60% de vente.
Patrice a l’idée de pasticher le magazine Nitro qui vient de l’égratigner dans un article perfide…, le logo et la présentation sèment la panique chez le concurrent qui perd 50% de ses ventes tandis que les rieurs s’en payent “une bonne tranche“…
Derrière ces amusements, l’actualité de l’année 1985 est placée sous le signe de la crise.
Coluche vient de lancer les Restos du cœur.
En France, des familles n’ont pas de quoi se nourrir, c’est le triste constat que fait le comique.
Simone Signoret qui nous a quittés doit se demander comme notre pays en est arrivé là.
On voit les files d’attente s’étendre indéfiniment, des milliers de français se ruent sur des paquets de pâtes et des bouteilles de lait…, la honte nous submerge.
Le football vit ses heures les plus dramatiques avec le carnage du Heysel.
Ce n’est pas William Leymergie chantant Pacman qui nous redonnera le sourire.
Quelque chose s’est cassé dans l’unité nationale, une rupture froide qui pousse les hommes vers plus d’individualisme.
Renault ne pouvait trouver un meilleur moment de présenter sa R25 (1984).
C’est le nouveau haut de gamme qui remplace les anciennes R20 et R30.
Le projet a été longuement muri, il s’agit de revenir sur ce segment de marché avec un produit abouti, moderne, confortable, puissant et spacieux.
Malgré quelques problèmes électriques, la Renault 25 effectuera une belle carrière.
Certes, elle ne désarçonnera pas les constructeurs germaniques mais elle imposera son style principalement dans l’hexagone.
Elle se veut le symbole des battants, des winners, des chefs d’entreprise dynamiques qui n’ont pas peur de gagner de l’argent.
Un nouveau mot apparaît dans le dictionnaire : golden boys.
Les génies de la finance fascinent le grand public : Bernard Tapie, notre Rockefeller régional, pousse lui aussi la chansonnette avec le tube Réussir sa vie écrit par Didier Barbelivien.
Réussir sa vie dit-il, c’est : être au carnaval un des rois de la fête, de croire en son étoile, même les jours de défaite.
Quasi prémonitoire comme message.
Pour Renault, l’histoire ne retiendra pas que les traders du monde entier ont adopté la R25, au contraire, c’est presque l’inverse qui se produit.
La nouvelle berline devient vite aux yeux des français le symbole du pouvoir socialiste.
On parle même de la République des R25.
De Gaulle avait sa DS, François Mitterrand ne jure que par sa version rallongée de la R25 dite limousine. Elle marque le véritable tournant idéologique.
Les professeurs et instituteurs devenus députés en 1981 ont pris goût au pouvoir et au confort qu’il dispense.
Les convois de R25 ouvrent et ferment le journal télévisé de 20 Heures.
Pourtant, calfeutré dans son hôtel de ville, un homme fait de la résistance, il attend son heure et joue les perturbateurs avec sa Citroën CX.
Patrice, lui, joue le perturbateur avec ses “nouveaux” AutoChromesMagazine… et ça marche plutôt bien !
Une affaire va y aider d’avantage encore : l’affaire Favre…
William Favre est un jeune gigolo qui vit aux crochets d’une vieille dame très fortunée.
Il tombe amoureux de la Ferrari 250GTO réplica en aluminium construite par un certain Garnier.
Garnier lui vend l’idée et la manière de construire des Ferrari GTO réplica sur base de Ferrari 250GTE qui ne valent pas grand chose.
Plutôt que continuer à les vendre sous le manteau après avoir fait modifier le GTE en GTO sur la carte d’immatriculation…, Favre s’affiche comme un carrossier fabricant des Ferrari GTO…
Luigi Chinetti, l’importateur américain de Ferrari qui vient d’être jeté par le père Enzo, signe avec Favre pour devenir son agent importateur aux USA… et expose une Ferrari GTO-Favre au salon de New-York.
Enzo voit rouge… et incite son financier Fiat à attaquer Favre pour contrefaçon…
Favre est arrèté, passe des semaines en prison…, ses fournisseurs sont également arrètés, leurs biens saisis…, c’est la curée…
Mais William Favre, lors du procès objecte qu’il ne fait que re-carrosser des Ferrari GTE en évocations de GTO, ce qui n’est pas interdit…
Favre gagne son procès et Ferrari-Fiat doit lui payer 1 million de dollars de dédomagements…
Un mois plus tard, au faite de son bonheur, Favre se suicide d’une balle dans le dos… et Enzo sort la Ferrari 288GTO…
L’affaire est tellement extraordinaire que les ventes d’AutoChromesMagazine redécollent…
1986
C’est l’année des contradictions, personne ne veut rester dans le chemin qui lui est tracé.
Des envies de rébellion ou plus simplement le désir d’échapper à une voie déjà inscrite dans ses gênes, d’aller à l’encontre des convenances.
Chromes&Flammes devenu AutoChromesMagazine et Customania devenu France Custom, ainsi que tous les autres titres (SuperFlammes, AutoChromes etc.etc…), sont toujours édités à Jersey, le fisc belge restant à l’affut…
Alors qu’un Corse chante “Chromes et Flammes, la vie en Chromes et Flammes” sur les ondes et à l’occasion de fêtes paroissiales diverses…, Stéphanie de Monaco, de son coté, n’a pu résister à sa condition d’héritière perchée sur son rocher, elle a pris le micro, enfilé un maillot de bain échancré et chanté le titre Ouragan…, les paroles sont prémonitoires : Fallait que j’y succombe !
Résultat : 800.000 disques vendus dans l’hexagone par Stéphanie… et seulement 653 pour le chanteur Corse !…
Deux succès considérables (sic !) comme les élections législatives remportées par le RPR.
La vie politique française ne sera plus jamais un long fleuve tranquille.
Il faudra compter sur trente-cinq députés du Front National dans l’hémicycle et supporter une cohabitation.
Les électeurs apprennent ce mot qui fait peur, synonyme de tension et de rapport de force.
10 ans plus tard, ils plébisciteront ce régime, louant son impartialité et sa juste répartition des équilibres.
A la télévision, c’est un séisme qui se produit avec le lancement de la Cinq.
Il est loin le temps où la télévision était considérée par nos dirigeants comme la voix de la France.
Un italien fantasque et bouffon va profiter de ce vent de libéralisation, Silvio Berlusconi, le teint halé, la niaque transalpine, débarque à Paris, il fait son marché à coup de talbins et débauche à tour de bras les stars du petit écran, il a du bagout et des fonds solides pour convaincre les plus timorés.
C’est un homme d’affaires qui n’a pas de temps à perdre, il lui faut des vedettes sur sa chaîne.
Rares seront les animateurs à refuser ce joli cadeau empoisonné.
Les programmes changent effectivement de nature.
Les jeunes français vont grâce à lui se gaver de séries : Happy Days, Shérif, fais moi peur, Riptide, K2000, Wonderwoman, etc…
Toute l’intelligence et la subtilité américaine déversées dans nos salons.
Ce n’est pas le seul projet fou de l’année 1986.
François Mitterrand et Margaret Thatcher scellent un accord de construction du tunnel sous la Manche.
Nos deux pays, rivaux légendaires, reliés par un train…, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. 1986 est également une année noire pour l’humour, Coluche et Thierry le Luron nous quittent à quelques mois d’intervalle.
Au cinéma, Christophe Lambert se prend pour Highlander et Tom Cruise pour un pilote de chasse dans Top Gun.
La principale caractéristique du milliardaire américain, c’est qu’il s’ennuie, il ne sait pas quoi faire de ses journées, alors, il tourne en rond, il engueule ses employés, il mange, il boit, il dépense son argent et il se décide enfin à exercer la seule activité respectable pour un citoyen américain : il devient détective privé.
Ca fait partie de leur culture du secret et de la dissimulation.
Aux Etats-Unis, le privé incarne l’autorité locale, comme pouvait l’être dans la France des années 50, le curé, l’instituteur et le maire réunis.
Matt Houston est un grand gaillard texan, il a emprunté sa moustache à Tom Selleck, il est plus riche que Jennifer et Jonathan Hart, il s’habille comme Chuck Norris avec des chemises à gros carreaux et des jean’s trop serrés.
Lee Horsley interprète cet héritier du pétrole qui dispose de moyens d’investigation considérables pour régler des affaires mineures, voire minables !
Il court après des voleurs de voitures avec l’arsenal du FBI et de la CIA.
Matt Houston est un dépressif qui noie son oisiveté dans l’action.
C’est un enfant qui s’amuse avec son hélicoptère, son assistante personnelle (CJ Parsons), le cours de ses actions et son Excalibur série IV !
Signes d’un fort dérèglement intérieur.
Les incendies de forêt font des ravages sur la Côte d’Azur allant même jusqu’à encercler la ville de Cannes.
Même le sport déraille complètement.
Un minot new-yorkais à la nuque de buffle devient champion du monde des poids lourds WBC en moins de deux rounds.
Mike Tyson a la puissance d’un destroyer, le canadien Trevor Berbick est hébété face à ce déferlement de coups.
Chris Evert remporte Roland Garros avec une jupette rose et une coupe de cheveux empruntée à Bonnie Tyler…, l’effet est surprenant.
La haute couture n’est plus cet espace ouaté où de riches clientes venaient acheter les dernières collections dans des salons privés, ce sont désormais des shows à l’américaine avec éclairage spécial et Dj aux platines, Thierry Mugler assure le spectacle.
Alors, lorsque Saab décide de produire un cabriolet, personne ne s’étonne qu’un constructeur suédois se lance dans une telle opération.
Une découvrable fabriquée dans un pays où le soleil disparait pendant plusieurs mois et où les températures descendent à moins 30 degrés Celsius…, personne ne tique.
Enfin, Saab n’est pas à un paradoxe près, n’est-il pas à la fois engagé dans l’aéronautique et dans l’automobile ?
Alors pourquoi pas un cabriolet.
Cette voiture est destinée au marché américain, les californiens raffolent de ce genre de sucreries : des voitures solides, robustes, dotées des dernières innovations en matière de sécurité et dont la ligne baroque étonne.
En Europe, le cabriolet 900 effectuera une belle carrière auprès d’une clientèle argentée qui apprécie justement son côté décalé.
Une grande décapotable offrant quatre vraies places et cet aspect de squale qui se serait évadé d’un aquarium ravit les amateurs d’incongruité.
Le milieu des années ’80 sonne le début de la professionnalisation des JO avec l’arrivée des sponsors et l’ère du merchandising.
Les JO de Los Angeles en 1984 deviennent une grande messe médiatique retransmise sur tous les continents.
Ce sont les Jeux de l’excès, des stars, des paillettes et de l’argent.
La vedette s’appelle Carl Lewis, un physique à mi-chemin entre Grace Jones et Michael Jackson mais surtout une foulée bionique.
Le sprinter pulvérise le record du 100 mètres en 9’’99.
Au même moment, la production automobile voit la naissance d’une nouvelle race de GT avec le lancement de la Ferrari Testarossa qui symbolise la frime absolue des années ’80.
Cette voiture exclusive qui fume comme une antique Panhard, fera le bonheur de Deux flics à Miami, après qu’ils aient cartonnés leur fausse Ferrari Daytona…, en réalité une Corvette C3 recarossée par Tom McBurnie…
Patrice a eu raison de réorienter le contenu de ses magazines et d’en changer le graphisme et le nom.
De plus, fin 1987, dans l’automobile, la tendance est au zéro défaut…
Tout est parti d’une déclaration de Eiji Toyota, le président du conseil d’administration de Toyota Motor Company, une phrase qui pèse pourtant comme une menace, un défi à l’industrie Yankee.
En posant la question : Sommes-nous capables de produire une voiture de luxe qui mettrait au défi les meilleurs voitures du marché ?, Eiji Toyota n’interroge pas ses cadres, il leur intime l’ordre de produire cette voiture.
1.400 ingénieurs vont plancher sur ce projet, il en sortira la Lexus LS 400.
Quand ce modèle débarquera aux Etats-Unis en mai 1988, ce ne sera pas dans l’intention de faire de la figuration mais d’anéantir la concurrence.
Les responsables de Cadillac ou de Lincoln n’ont pas encore compris que Toyota venait de signer leur arrêt de mort.
Deux ans plus tard, le magazine Consumer Reports affirmera que : la LS 400 est la meilleure voiture jamais essayée, elle surclasse la BMW 535 i, la Lincoln Continental ou encore l’Infiniti Q45, elle est techniquement parfaite !
Mais, elle manque cruellement de charisme.
On en finira presque par regretter les bons vieux paquebots ‘ricains garnis de moelleux sièges en cuir…
Dans cette ambiance, Jacky Ickx est engagé en mai 1986 par Patrice, son rôle en contrepartie de l’équivalent actuel de 10.000 euros par mois est de poser devant une voiture de son choix qu’il utilisera tout le mois… et ainsi de suite !
C’est son frère Pascal Ickx qui va écrire les textes censés être écrits par Jacky…
Les textes sont dès le départ fournis en retard…, pas quelques heures pour le “bouclage“, mais plusieurs jours, voire plusieurs semaines…, ce qui perturbe énormément la rédaction…
Impossible de savoir avec quelle voiture Jacky Ickx va arriver (quand il arrive), de plus ce sont systématiquement les automobiles d’amis importateurs de Jacky…, des voitures avant-tout destinée à lui permettre de circuler tout le mois en attendant la suivante… et si Monsieur pars en vacances ou pour affaires, il faut attendre…
De plus, le style de Pascal Ickx est ampoulé, il n’écrit que du bien des voitures sans même les avoir essayées puisque c’est Jacky qui roule avec elles…, tout est merveilleux…, il s’inspire des fiches d’usine et des commentaires déjà publiés ailleurs !
C’est tellement indigeste qu’un “contre-pied” est publié sous la plume acide de John Mc Evoy, heureusement, parce que les lecteurs habituels ne retrouvent plus, avec le style “Jacky Ickx“, le ton mordant, déjanté, caustique et incisif qui fait la renommée d’AutoChromesMagazine…
Jacky Ickx avait, de plus, promis qu’il apporterait une dizaine de pages de publicité…, ses copains aussi…
Après quelques mois, les pages ne sont pas payées, ne le seront jamais, personne n’a d’ailleurs envisagé de les payer…
Qui plus est, les ventes ne sont pas meilleures avec Jacky Ickx en couverture, annoncé comme étant le rédacteur en chef…
Le résultat final est un gachis, une entourloupe “high-class“, une suite de promesses non tenues que Jacky n’avait jamais envisagé de respecter.
Patrice se souvient du jour ou Jacky Ickx est arrivé chez lui accompagné de l’importateur belge de Burago (l’ami de Jacky) qui avait négocié la somme à verser chaque mois…, Patrice l’avait reçu comme un roi, c’était un honneur que lui, le petit fils d’un petit tailleur de province, engage la star planétaire de l’automobile qu’était Jacky Ickx…
Quel choc ensuite de voir la vraie vie, le bordel total dans sa maison d’alors au Golf du Bercuy entre son épouse et Didier DeRadiguès, le mépris envers l’automobile et les courses, le “je m’en foutisme” total à l’exact opposé de son sourire dans les manifestations à son honneur…
Une grande désillusion qui mériterait qu’on en fasse un livre !
Et, quelle tristesse de constater que c’est cet homme là, qui est venu faire les poches de Patrice !
Jacky Ickx est remercié en octobre 1986, son passage n’a strictement rien apporté de positif, sauf qu’il a éclairé Patrice sur la réalité des courses automobiles et sur la mentalité véritable des grands coureurs adulés et vénérés…
La publicité, suite à tout cela est également un problème puisque rien n’a été payé et que rien ne le sera jamais…
Patrice décide de supprimer les publicités…, toutes les publicités…, ce ne sont que des contraintes, de l’esclavage et aussi une façon d’empécher de tout dire…, la frontière entre les journalistes et les journaleux…
En décembre 1986, Patrice décide de faire évoluer AutoChromesMagazine vers le sommet, couverture très épaisse et plastifiée, dos carré, contenu high-class, maquettes et présentations de haut niveau, histoires et photos très travaillées, textes plus évolutifs, encore plus déjantés… et plus aucune publicité, AutoChromesMagazine ne vit plus que de ses lecteurs…
Ce sera une période unique dans la presse, que personne n’a jamais osé copier, une période de totale liberté ou on peut absolument tout écrire…
1987
La télévision est dans tous ses états.
M6, la petite chaine qui monte, voit le jour.
TF1 est privatisé.
L’heureux acquéreur est le premier bâtisseur de France, Francis Bouygues.
Soupe au lait et indépendant, Yves Mourousi présente le Journal un casque de chantier sur la tête.
Michel Polac est prié de prendre la porte, Droit de réponse s’arrête en septembre.
En 1987, les jeunes prennent le pouvoir, c’est un changement de génération.
En tennis, une allemande surnommée Steffi remporte le tournoi de Roland Garros à dix-huit ans, elle s’impose devant la reine des courts : Martina Navratilova, la jeune garde pousse.
Plus le temps d’attendre gentiment son tour, il faut se faire une place au soleil et rapidement.
Une jeune chanteuse devient une star européenne avec un seul tube à son actif Joe le taxi.
Dans les boîtes de nuit anglaises, on ira même jusqu’à danser sur ce morceau !
Elle a une tête blonde, des mouvements peu assurés et des pulls trop grands pour elle.
Les images de sa participation à l’école des fans quelques années plus tôt, un foulard façon Renaud autour du cou, tournent en boucle sur nos téléviseurs, on se demande ce qu’une enfant de cet âge là vient faire dans l’univers impitoyable du show-business, elle paraît si fragile…, l’avenir nous prouvera le contraire.
Mais en 1987, la vraie grande star mondiale de la musique donne un spectacle devant 120.000 personnes au Parc de Sceaux en banlieue parisienne : Madonna électrise les foules avec des titres au succès planétaire, sa tournée s’appelle simplement Who’s that girl ?.
On se demande effectivement quelle est cette artiste qui offre sa petite culotte au Maire de Paris et qui a, parait-il, commencé sa carrière comme danseuse de Patrick Hernandez.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les marchés financiers n’avaient pas attrapé un coup de chaud qui rappelle tragiquement la crise de 1929.
Lundi 19 octobre, c’est black day à la Bourse de New-York.
Le Dow Jones dégringole de 22,6 %.
Les actions et les obligations chutent.
A Paris, Londres, Zurich et Hong-Kong, c’est la panique générale.
Nous entrons définitivement dans l’ère de la mondialisation.
MVS, une nouvelle marque française de voiture de sport choisit donc très mal le moment pour présenter son modèle : la Venturi.
La voiture avait été dévoilée une première fois au Trocadéro en 1986, mais le premier client est réellement livré en mai 1987.
Le projet ne manque pas de panache…, deux anciens de chez Heuliez veulent croire à ce rêve fou : construire une GT capable de concurrencer Porsche et Ferrari.
Ces français sont tombés sur la tête.
Comment peuvent-ils imaginer damer le pion à ces grandes marques avec un véhicule développant seulement 200 chevaux ?
Rappelons que la course à l’armement a débuté avec la F40.
Le modèle accumule les superlatifs, c’est un monstre de 478 chevaux pesant 1.110 kg qui sort des ateliers de Maranello, une dernière bravade du Commendatore…, sa façon de quitter la scène en nous faisant un doigt d’honneur pour rappeler au monde entier qu’une Ferrari représente un mythe.
Les français ne souhaitent pas concurrencer directement cette supercar mais plutôt les Ferrari d’entrée de gamme, les 328 ou les Porsche 944 et 911.
Malgré leur puissance modeste, les Venturi se révèlent très saines, efficaces et rapides.
Ce sont de véritables voitures de course bien nées qui freinent fort contrairement à certaines productions italiennes.
Elles vont surtout intéresser une clientèle de passionnés.
Venturi comprendra très vite que pour promouvoir ces modèles, il ne faut pas hésiter à mouiller la combinaison et engager des voitures dans les championnats.
Les Venturi ne font pas de la figuration, elles s’illustrent pendant plusieurs années dans les courses d’endurance, mais la viabilité commerciale du projet n’est pas pérenne.
Le pari était difficile et risqué, une marque se construit au fil du temps, surtout dans le haut de gamme où les acheteurs privilégient l’expérience.
N’empêche cette tentative française remet du baume au cœur aux amoureux des voitures d’exception, démontrant que lorsque l’envie et l’intelligence sont au rendez-vous, notre pays peut produire de grandes et belles choses.
C’est le cas de “AutoChromes“… qui est décliné en 6 éditions… pour un total de 500.000 exemplaires, avec 60% de coéfficient de vente !
1988
Les américains ont le blues.
Le couple Reagan quitte la Maison Blanche pour laisser sa place à la famille Bush.
Cet ancien patron du syndicat des acteurs devenu premier citoyen du pays a incarné les années ’80, celles de la prospérité, de l’hégémonie culturelle et d’une certaine arrogance.
Mais cette mécanique bien huilée commence à se gripper.
L’avenir est moins clair.
Sur le front de l’Est, les choses bougent.
Cette bonne vieille guerre froide qui calmait les ardeurs des deux blocs se fissure de jour en jour.
Certains imaginent même que le mur de Berlin pourrait tomber.
En sport, on se réjouit du chrono supersonique de Florence Griffith-Joyner qui a abattu le 100 mètres en 10’’49…, elle a de l’allure cette athlète avec ses longs ongles peints, sa tignasse à la Diana Ross et son fuseau rose, on la croirait tout droit sorti d’un épisode de Miami Vice ou elle pourrait jouer les assistantes de Sonny Crockett et Ricardo Tubbs.
Les européens crient au scandale, dénoncent le dopage organisé, Florence ne se démonte pas et confirme aux Jeux Olympiques de Séoul en signant un temps de 10’’54.
Les américains sont malades de leur puissance comme Dustin Hoffman dans Rain Man.
Le doute s’immisce pourtant dans leurs cerveaux.
En France, François Mitterrand vient d’être réélu largement Président de la République devant un Jacques Chirac dépité.
Rien ne va plus dans l’hexagone.
Le nombre de chômeurs ne cesse de grimper.
Le Revenu Minimum d’Insertion a été mis en place pour aider plus de 500;000 français défavorisés.
Si cela ne suffisait pas, la nature se déchaine.
La ville de Nîmes est dévastée par des torrents de boue.
Les dieux du ciel tonnent : un souffle barbare comme le chante Claude Nougaro dans son tube Nougayork.
Les américains ne sont plus si sûrs d’eux, ils tremblent, ils ont même réduit leurs dépenses militaires de 12 %.
Leur secteur automobile est en train de vivre un véritable séisme dont il ne se remettra jamais.
70 concessions Lexus s’ouvrent à travers le pays.
C’est la fin d’une époque où l’excellence arrivait de l’autre côté de l’Atlantique, la fin d’un monde où les petits européens regardaient les yeux ébahis les GI’s de la Libération rouler dans de grosses américaines.
C’est un coup très dur pour l’industrie américaine, tout est remis en cause, ses modes de production, ses pratiques commerciales et ses contrôles de la qualité.
L’erreur monumentale a été de croire que les clients, patriotiques, garderaient leur confiance aux productions locales.
Le Coupé de Ville de Cadillac en 1988 fait pâle figure face à la Lexus LS.
Son toit en vinyle, son poussif V8 de 4,5 litres de cylindrée qui développe seulement 155 chevaux, tout est complètement dépassé !
Anachronique !
Au même moment, Lexus utilise l’aluminium.
C’est l’âge de pierre contre l’âge du fer, un fossé entre deux civilisations.
Le groupe de presse de Patrice est transféré aux USA avec son siège central à New-York 10022, 14 East, 60th Street.
Les magazines sont toujours de présentation luxueuse, le tirage global reste à 500.000 exemplaires mensuels : AutoChromesMagazine – AutoManiaRevista – AutoKraftMagazijn – AutoKrachtMaanblad – TopWheelsUK – TopWheelsUSA…
Patrice décide toutefois de prendre six mois de congés sabbatiques, avec en tête quelques projets de nouveaux magazines… et autres…
Serait-ce la fin de la période “Chromes” ?
1989
C’est la fin d’un monde.
Le Mur de Berlin s’est effondré, il est tombé en miettes.
Des centaines de Trabant ont défilé.
Les bouchons de champagne ont sauté.
Les allemands se sont embrassés.
Rostropovitch a joué du violoncelle.
Les rancunes et les incompréhensions vont alors pouvoir commencer.
C’est partout pareil avec les histoires de famille, on se réconcilie et on se chamaille, on passe notre vie à se chercher des poux et à se rabibocher.
En Chine, un jeune étudiant est devenu aussi célèbre que Mick Jagger en défiant un char sur la Place Tiananmen…, comme quoi, la popularité ne tient pas à grand-chose.
Un joueur de tennis est devenu célèbre en faisant un service à la cuillère : Michael Chang a osé défier le grand Ivan Lendl en pratiquant un coup réservé aux enfants et aux débutants.
En Roumanie, le couple Ceausescu a été abattu le jour de Noël.
En France, on fête le bicentenaire de la Révolution, cela donne l’occasion à des réjouissances toutes aussi spectaculaires : Philippe Découflé est chargé des festivités !
François Mitterrand adore les bains de foule populaires et les grands travaux, il est comblé en 1989, il laissera sa trace dans l’histoire de l’architecture avec l’Opéra Bastille.
Un géant de la littérature, Georges Simenon disparait laissant derrière lui une œuvre considérable, près de 200 romans où il a sondé la psychologie des hommes, leurs errances, leurs doutes et leurs pulsions, l’âme humaine n’avait plus de secret pour lui.
En 1989, on s’est enfin décidé à donner un César à Jean-Paul Belmondo pour Itinéraire d’un enfant gâté.
Il était temps, évidemment, il n’est pas allé le chercher.
Quand les récompenses arrivent si tardivement, elles sont une insulte à l’intelligence, surtout lorsque l’on sait que la vedette des écrans en 1989 est un ours !
Le nouveau monde qui s’ouvre à l’Est est rempli de mystères, comment vivent ces hommes qui ont connu le communisme pendant 50 ans ?
Mangent-ils comme nous ?
Ont-ils l’eau courante ?
Leurs enfants savent-ils lire ?
Ce sont les questions que se posent les journaux en 1989.
Comme si nous allions découvrir derrière le rideau de fer des papous ou des anthropophages !!!
Une chose est sûre, ils savent reconnaître une Mercedes, ils auront vite fait de se séparer de leur Trabi.
Ils adoptent très vite les modes de la consommation occidentale, mais, pour l’heure, ils sont encore peu nombreux à pouvoir se payer le nouveau cabriolet SL qui arrive au bon moment.
Laurent Voulzy chante Le soleil donne, une invitation à conduire décapoté et les Fine Young Cannibals déclarent She drives me crazy.
C’est vrai que le lancement d’une nouvelle SL est une fête généralement réussie.
Dessinée par Bruno Sacco, le matricule R129 est une merveille de la technologie.
L’accent a été mis sur les éléments de sécurité avec un arceau qui se révèle en cas de basculement.
Les américains pourront l’acheter les yeux fermés.
La nouvelle 500 SL annonce tout de suite la couleur avec son V8 de 326 chevaux, la voiture est effectivement puissante et sûre.
En ces temps d’ouverture, elle est le signe extérieur de richesse des nouveaux apparatchiks qui constituent la classe dirigeante à l’Est.
Les manières vont changer, les vieilles Zil présidentielles à la casse, place aux Mercedes, aux fourrures de visons et aux bijoux de luxe.
Pour les rares qui auront la chance de se partager le gâteau, ces nouvelles terres sont un eldorado aux richesses inépuisables.
La Mercedes 500 SL a gagné en sécurité, en performances, mais elle a été frappée par le mal du siècle : l’obésité, c’est une voiture lourde.
Elle ne revendique plus comme ses devancières des exploits sportifs, elle est faite pour des gentlemen qui ne sont pas drivers.
Les anciennes SL, et surtout la première aux portes en forme de papillon, étaient faites pour des amateurs de course automobile, des playboys fougueux qui traversaient la Toscane sans jeter un regard dans leur rétroviseur…, des hommes que Morand avait décrits dans L’homme pressé, qui traversaient l’Europe pour retrouver au petit matin une femme mariée.
Le monde qui s’ouvre est une formidable promesse et pourtant il donne froid dans le dos…
SOS, SOS…
Le boss de la photogravure Kroom dans laquelle Patrice est actionnaire, voudrait relancer Chromes&Flammes en Français et en Espagnol avec l’ancien logo (utilisé de 1980 à 1984).
Il voudrait aussi décliner ce magazine “réssuscité” en Allemand et en Néerlandais l’année suivante.
Il ne s’en sort pas avec le contenu des magazines, il manque la patte du créateur…
De plus, il n’est pas autorisé à utiliser le nom et du logo Chromes&Flammes…
Une convention est discutée, autorisant son usage durant un temps limité et obligeant au paiement de royalties mensuelles…, en plus Patrice supervisera le graphisme et le rédactionnel moyennant un fixe mensuel…
Si Patrice n’est plus payé, la convention doit cesser et les magazines aussi.
La saga Chromes&Flammes repart…
Patrice a aussi acheté un garage à Miami, en Floride et un autre à Bruxelles, en Belgique…, le but, importer des automobiles extraordinaires.
En sus, d’AutoChromes qui continue son bonhomme de chemin avec les éditions allemandes, hollandaises, Espagnoles, anglaises et américaines, il prépare des nouveaux magazines automobiles : AutoFolies, Ferraria, Autorama et InternationalMotorShopping qui va se décliner en 5 éditions/langues dans le monde entier…, ce sera un magazine d’annonces d’automobiles hors normes, avec des articles informatifs sur les tendances du marché et les résultats des principales ventes aux enchères…
1990 s’annonce comme une décennie encore plus prolifique que les années Chromes…, avec et sans flammes !
En attente, des publi-reportages sont négociés avec le magazine LUI, un en juillet, l’autre en novembre… et le résultat est immédiat !
Le téléphone n’arrète pas de sonner…, le garage vend une voiture par jour, le problème n’est pas de vendre, mais d’obtenir rapidement des voitures…
C’était en 1989, comme le chantait Alain Bashung… : Le p’tit commerce ne connait pas la crise…
Ca viendra assez tôt !
A suivre…