Une Mustang quatre cylindres ! Sacrilège ou coup de génie ?
Par Marcel PIROTTE
Avec un prix de départ pour la “petite Mustang” EcoBoost 2,3 fixé à 37.000 €, ainsi qu’une version V8 de 5 l affichée 42.000 €, il n’y a pas photo, ça devait cartonner, surtout auprès des nostalgiques de la belle américaine.
L’année dernière, lors de la prise en mains de la Ford Mustang, j’avais titré “Le rêve américain à prix d’amis”… et je ne m’étais pas trompé, car en 2015, plus de dix mille Mustang ont été commandées par les clients européens, le marché belgo-luxembourgeois en ayant absorbé plus de 1300, un record.
Et puis quelle ligne, un look d’enfer d’autant que “New Mustang” est disponible en deux versions de carrosseries ; coupé hatchback et convertible, une décapotable quatre places.
Et ce n’est pas fini, la demande n’arrête pas d’augmenter, les distributeurs ne savent plus où donner de la tête.., à ces prix-là, c’est (presque) donné…
C’est d’autant plus vrai qu’elle s’européanise, les ingénieurs US ont bien compris le problème, les suspensions à quatre roues indépendantes doivent suivre le mouvement, le “pack performance” étant installé d’office sur les versions vendues en Europe, à savoir des ressorts, amortisseurs et des barres antiroulis spécifiques sans oublier des pneus plus larges mais également un renforcement du système de freinage et le montage d’une direction électrique…, bref, un concentré des meilleures technologies européennes à bord d’une voiture américaine.
Quoi qu’il en soit cette muscle car en jette avec des proportions habilement respectées, tout le monde se retourne sur son passage, curés, nonettes, le commun des mortels, les badauds n’en reviennent pas, les amoureux de ces grands capots en raffolent, la Mustang is back, 4,78 m de long, 2,72 m d’empattement, largeur de 1,92 m.
Et si cela ne suffisait pas encore, les deux versions vendues sur le Vieux Continent peuvent à la fois satisfaire les acheteurs de part et d’autre de l’Atlantique, il existe également un modèle V6 3,7 l de 304 chevaux mais non importé en Europe.
Avec à ma gauche, le V8 typiquement US de 4951 cm3, 422 chevaux à 6.500 tr/min ainsi que 524 Nm de couple dès 4.250 tr/min, 80 % de cette valeur étant déjà disponibles dès 2.000 tr/min, un V8 comme on les aime, rond, coupleux à souhait.
Avec à ma droite, un tout petit quatre cylindres de 2,3 l, un Ecoboost, turbo, injection directe, 314 chevaux à 5.500 tr/min, le couple phénoménal de 434 Nm culminant à 3.000 tr/min, la transmission étant confiée aux roues arrière via une boîte mécanique Getrag ou automatique 6 rapports, tout comme sur le modèle V8.
A ceux qui s’étonneraient qu’un aussi petit moteur puisse se loger sous le capot, rappelons que la Mustang de la seconde génération apparue en 1974, était disponible avec un bloc 2,3 anémique, emprunté à la Pinto, développant 90 chevaux, c’était en pleine crise du pétrole ! Quelques années plus tard, la version Fox de la Mustang était livrable aux States avec ce bloc 2,3 l mais boosté par un turbo et livrant 130 chevaux, ces deux versions n’ont pas été importées sur le Vieux Continent, le coupé Capri était nettement plus désirable.
Une question se pose d’emblée : une muscle car qui évoque une gueule, du bruit, des accélérations, est-elle compatible avec un bloc quatre cylindres aussi sophistiqué soit-il ? Rappelons que ce bloc Ecoboost (qui équipe également la Focus RS quatre roues motrices mais avec 350 chevaux) développe beaucoup plus de puissance et de couple que les anciens V8 américains installés à bord des vénérables Mach One et Boss des années ’70…, en outre, ce V8 actuel ne développe qu’une puissance spécifique de 84 ch/l alors que le quatre cylindres revendique 135 ch/l mais également davantage de couple pour une cylindrée aussi réduite.
Si cela ne touche pas tellement les acheteurs de gros cubes au Luxembourg, en Suisse ainsi qu’Allemagne, en revanche, la Belgique, la France (8.000 € de malus ainsi qu’une taxe éco de 160 € par an) et bien d’autres pays européens, en viennent à bannir les gros V8, d’où l’intérêt pour ce quatre cylindres Ecoboost, mais là on parle d’effet ‘Canada Dry’, cela a la couleur de l‘alcool mais en fait, c’est de la limonade…, et de poser la question : Une Mustang animée par un quatre cylindres, est-ce bien compatible avec ce statut de muscle car ?
Ca, c’est pour les spécialistes et les puristes…, mais il faut également compter avec une fiscalité de la part de certains Etats qui n’ont rien à faire de tous ces chiffres…, eux, ce qui les intéresse, c’est de faire rentrer de l’argent dans leurs caisses et dès lors taxer ces gros V8…, on parle alors de malus, de la taxe de mise en circulation qui n’arrêtent pas de crever tous les plafonds.
Une décapotable bien équipée avec navigation, radar de recul, sièges en cuir, affichée un peu moins de 45.000 €…, tant qu’à faire, j’opterais pour une boîte automatique avec palettes au volant, 2.000 € de supplément.
La réponse risque de vous surprendre…, comme je ne rêve que de grands espaces et de conduite à ciel ouvert, j’ai donc jeté mon dévolu sur une version convertible 2,3 l animée par ce quatre cylindres qui avec l’aide d’une boîte 6 vitesses entraîne les roues arrière.
Quant à la concurrence du genre “Premium allemand”, elle se veut bien évidemment beaucoup plus chère…, exemple, une Audi A5 cabrio de 210 chevaux dépasse les 50.000 € sans les options…, ne parlons pas non plus d’une S5 cabrio de 333 chevaux, cela frôle les 65.000 €…, autre concurrente, la BMW série 4 cabrio 430 i de 252 chevaux, plus de 50.000 € sans le moindre supplément…, quant à la Mercedes classe E cabrio E 400 de 333 chevaux, ça démarre à 64.000 €, et je ne vous parle pas de la liste impressionnante des options…, quoique l’Opel Cascada turbo 1,6 l de 200 chevaux, ça, c’est une affaire : 33.000 € (comptez tout de même 5.000 € de supplément, mais cela reste une excellente proposition).
On ne voit pas encore beaucoup de Mustang circuler dans nos rues…, d’où sa rareté mais également son exclusivité renforcée par des lignes pour le moins superbes, qu’elle soit ouverte ou fermée, ses proportions font mouche, ceinture de caisse basse et étirée, les designers n’ont pas raté leur coup…, avec, en prime, un long capot et de brefs rappels stylistiques des anciennes Mustang.
Du coup, notre Mustang quatre pattes n’en demeure pas moins un excellent investissement, dommage que la garantie ne soit pas portée au-delà des deux ans réglementaires…, mais à la revente, cette belle américaine risque de conserver une excellente cote.
Installation à bord, les lourdes portières inspirent confiance, il y a de la place également à revendre aux sièges avant, alors ceux de l’arrière conviennent plutôt à des gosses en bas âge.
Les puristes vous diront que l’on peut distinguer la V8 par le sigle GT, mais qu’à cela ne tienne…, d’autant que notre cabrio ne porte nulle part l’inscription Ford, c’est une Mustang, ne l’oublions pas, reposant sur de superbes jantes alu de 19 pouces chaussant des gros boudins de 225/40, on ne fait pas dans la dentelle…
Mais l’effort est méritoire, tout comme l’équipement de série, l’ordinateur, la navigation et la caméra de recul…, en revanche, il faudra aider un peu la capote “à l’ancienne” à se déverrouiller ainsi qu’à se verrouiller “à l’américaine”, en moins de dix secondes…, dommage que la capote repliée ne dispose d’aucune protection dans le recouvrement des arceaux.
Si la finition a fait un bond de géant par rapport aux Mustang des générations précédentes de même que l’assemblage, la présence de plastics durs ne peut rivaliser avec les meilleures réalisations européennes…
La contenance du coffre est moyenne, quoique le volume de 322 L, s’avère intéressant, du moins pour un cabriolet, les sacs souples étant les bienvenus…, quant au supplément de poids par rapport au coupé, 60 kg de plus, 1715 kg sur la balance avec les pleins.
En roulant à ciel ouvert, le niveau de turbulences à l’intérieur de l’habitacle reste acceptable mais ce ne serait pas un luxe que Ford puisse disposer d’un filet anti remous, même en option, il n’est pas prévu, du moins pour l’instant.
Contact…, le petit quatre cylindres n’est pas du tout comparable au V8, même au niveau du bruit, ça ne passe pas très bien via l’installation audio, c’est artificiel au possible…, Ford aurait sans doute pu travailler les échappements afin de lui conférer un bruit nettement plus sympa, plus viril et surtout demander conseil auprès d’Akrapovic (le sorcier slovène de l’échappement) et de Peugeot, car le 1600 turbo de 205 chevaux monté à bord de la 308 GT, ça au moins, c’est du travail d’orfèvre.
En revanche, ce bloc turbo 2,3 l est impressionnant de puissance et de couple, on titille les 6.500 tr/min à l’accélération, le couple déboule au grand galop à partir de 3.000 tr/min, en dessous, il joue à merveille la carte de la souplesse…
Et les performances sont au rendez-vous…, même avec une voiture aussi lourde, on accroche pourtant les 100 km/h en un peu plus de 6 secondes…, sur autoroute, la barre du kilomètre est franchie après 26 secondes, en pointe, on dépasse 230 km/h (c’est anecdotique mais on a voulu vérifier), on vous l’avait bien dit, ce quatre cylindres déménage, les reprises étant de bonne facture.
Dommage que la boîte mécanique pourtant assez bien étagée est d’un maniement plutôt rétif, pas agréable du tout…, je me demande si la boite auto ne serait pas préférable, je n’ai pu l’essayer…, en revanche, à la pompe, la surprise est de taille : un peu plus de 10 l/100 km, d’où une belle autonomie avec un réservoir de 59 L, c’est nettement mieux qu’avec le bloc V8 qui lui réclame en moyenne plus de 15 l/100 km…
Côté comportement, ce n’est pas une sportive, même si le look s’y prête admirablement…, avec une répartition des masses de 52/48 % (avant/arrière), cela reste dans le ton d’une propulsion, mais avec un pont autobloquant ainsi qu’une sélection des différents modes de conduite, cette Mustang s’en sort admirablement bien.
Virant bien à plat, très bien équilibrée mais pas aussi agile qu’une bonne européenne, elle ne ressemble plus du tout aux anciennes Mustang…, quatre roues indépendantes bien guidées, voilà la solution miracle, les ingénieurs US l’ont très bien compris.
La “New Mustang” demeure également très confortable au niveau des lombaires et des suspensions alors que le bilan acoustique une fois la capote fermée s’avère pour le moins excellent…, bonne position de conduite également, bref, on se plait bien au volant de cette belle américaine.
Et même si cette Mustang prend beaucoup de place sur nos routes, elle demeure très agile bien que sa direction manque un peu de précision alors que le diamètre de braquage reste bien dans la tradition US, plus de 12m. Avec 184 g/km de CO2, une taxation écologique bien moindre que le V8, pas étonnant dès lors que ce “petit quatre cylindres” cartonne en Europe ainsi qu’aux States…, les Américains auraient-ils appris à se montrer raisonnables ?
Du coup, on se dit que le “downsizing” a du bon… et que finalement, cette Mustang 2,3 L est infiniment désirable, homogène, équilibrée, confortable, performante et peu gourmande, surtout en convertible… et pas chère du tout, l’Amérique n’a jamais été aussi généreuse.
Marcel PIROTTE