La voiture, dès qu’elle est devenue un objet de plaisir, est devenue irrationnelle par définition !
Malheureusement, plusieurs facteurs sont passés amenant peu à peu vers une certaine désafection du public envers cette fabuleuse invention…, un “non-amour“…
En premier lieu, des taxes en pagaille, de plus en plus importantes, une fiscalité dévorante allant jusqu’à l’inquisition envers les possesseurs de trop belles voitures…
En second lieu, des limitation de toutes sortes, une rage de légiférer sur tout et n’importe quoi, d’homologuer jusqu’au moindre boulon…
En troisième lieu, l’absence d’une logique politique qui a favorisé l’expansion de l’automobile jusqu’à saturation…
Comment peut on croire les citoyens assez idiots pour continuer d’investir 10, 20, 30, 40.000 € dans un véhicule avec lequel ils vont être pourchassés comme des bandits de grands chemins, qui va leur apporter quantités de soucis avec la police et le fisc, qui va leur coûter des fortunes en réparations diverses, en utilisation, en consommation…, sans oublier les dégradations, vandalismes et vols possibles… et une perte considérable en valeur de revente…
Pourtant l’automobile faisait rêver, c’était même souvent (même à tort) un but pour lequel les plus enthousiastes s’endettaient… en pure perte !
Et plus l’automobile devenait irrationnelle, plus les gnous l’adulaient, lobotomisés par des médias soucieux de leurs ventes et de la quantité de publicité reçue en échange d’articles laudatifs jusqu’à l’écoeurement !
Comme les jeux du cirque du temps de la splendeur de l’empire Romain, les courses automobiles canalisaient les pulsions envers un seul dieu, celui de l’empire industriel…
Et puis, en quelques mois, tout s’est écroulé…
Beaucoup de gens n’y croient plus, sont écoeurés, fatigués…, un sentiment de s’être fait duper…
Et il y a de quoi…
On le sait à présent, la crise financière peut infiltrer la sphère réelle via le secteur automobile, lequel couve une sacrée infection.
Il faut savoir que l’industrie automobile c’est l’industrie parmi toutes qui forme la charpente mondiale de la chaîne de valeur.
Pendant longtemps, on s’est bercé de l’illusion de la société postindustrielle articulée autour de la sphère des services.
Fiction tout cela !
Attention, ne coupez pas le moteur.
Le moment est mal choisi.
Une industrie en panne ?
Pour ceux d’entre nous qui ne le savent pas, au volant d’une OPEL ou d’un 4×4 ISUZU et en Chevrolet, on roule General Motors.
Le florilège des marques sous l’aile de GM, c’est le dessus du panier de la planète auto.
Et voilà que le géant de Détroit éprouve des ratés à Wall Street.
Oh, le cauchemar !
La GM, humiliée, bafouée à la corbeille avec un cours à 1,60 dollar US et qui plus est une perspective à zéro dollar et une consigne sans réserve : « Sell ».
Dans les bourses du dernier des pays émergents on ne trouverait pas une valeur cotée qui traite à un cours aussi vexant.
C’est à peine croyable !
Naguère première entreprise du monde avec 850.000 salariés, GM, emblème de la puissance industrielle de l’Amérique, traînée par terre.
Le marché a toujours raison disent les traders…, mais quand GM traite à 1,60 dollar, à coup sûr le marché a perdu la raison.
Le symbole de l’Amérique et les deux initiales de sa fierté économique en mal d’existence.
L’Amérique et GM s’identifiaient l’une à l’autre. «What is good for GM is good for America», clamait haut et fort le président Eisenhower.
Le géant de Détroit était une machine de guerre à avaler les constructeurs les plus en vue de la surface de la terre à la faveur du plan Marshall.
Comment expliquer sa dérive, à l’heure actuelle ?
Ce que l’on ne sait pas c’est que si GM coule il y aura une terrible charrette de 3 millions d’emplois.
Toute l’industrie automobile de la planète en serait secouée.
Ça va tanguer !
Or que demande le secteur automobile américain ?
Un plan de sauvetage à l’instar de la sphère bancaire et tellement moins coûteux : 25 milliards de dollars, une goutte d’eau, serions-nous tentés de dire, en regard du déluge des dégâts que pourrait provoquer la disparition de GM.
A l’ère de la mondialisation, est-il concevable qu’il n’y ait pas un plan de secours international pour sauver un patrimoine aussi glorieux si l’Amérique s’en désintéresse ?
A l’appel de détresse de l’industrie automobile américaine, Henry Paulson, patron du Trésor US, fait la sourde oreille. Il voudrait bien dépanner la GM mais voilà c’est une question de principe, il refuse de détourner de l’argent destiné au sauvetage des banques au profit de l’auto.
Pire que tout, on demande au secteur de dresser son propre plan de survie pour voir si l’appel d’argent frais est recevable.
La gravité de la circonstance recommande de voler au secours de l’automobile, première industrie du monde pour éviter un retour au spectacle épouvantable de la soupe populaire.
Le samedi 15 novembre 2008, le G20 s’est réuni en urgence à Washington pour tenter d’enrayer la crise.
Il se réunira au courant du mois d’avril 2009 pour convenir d’un plan d’action avec le nouveau président américain.
Sans vouloir jouer au Cassandre…, si dans l’intervalle GM prend l’eau, à quoi servirait ce rendez-vous ?
Bien malin qui pourrait alors endiguer la crise.
On a jusque-là cherché à empêcher la crise financière de contaminer la sphère réelle, or la première industrie menacée est l’industrie automobile et c’est tout de suite qu’il faut agir si on veut éviter une crise cataclysmique.
Les analystes pensent que GM sera étranglée par une insuffisance de trésorerie à très court terme compte tenu de la chute vertigineuse de son chiffre d’affaires.
Ils prévoient que la tragédie se réaliserait dans quelques semaines.
Non assistance à firme en danger, cela porte un nom
A l’opposé de la situation américaine, les pouvoirs publics français ont eu les coudées franches pour soutenir leur industrie menacée.
Il est vrai que la France possède une certaine tradition du capitalisme social et étatique.
Un Fonds souverain de 20 milliards d’euros, a été mis sur pied pour recapitaliser les entreprises qui seront en difficulté.
Il s’agit de les sauver d’une déconfiture financière et dans le même temps de les protéger des raids boursiers des prédateurs à l’affût.
Face à la diligence française on ne s’explique pas la nonchalance américaine.
Les crises sont regardées de ce côté-ci de l’Atlantique comme une fugue momentanée du système qu’il ne faut pas contrarier.
Ce serait une crise de croissance qui doit avoir lieu.
Ce fatalisme semble faire unanimité et d’ailleurs les américains donnent le sentiment de préférer ce scénario, quoique lourd de conséquence à une parenthèse d’interventionnisme public.
Ils se font violence quand ils amènent l’Etat dans l’arène économique.
Il est vrai que le coût social des crises aux USA n’a jamais ébranlé la société américaine.
En revanche, l’Europe a toujours payé le tribut désastreux des changements politiques qui avaient fait par le passé le lit de l’extrême droite et de ses discours maximalistes et in fine belliqueux.
Comment ne pas voir dans l’opposition du traitement de la crise des deux côtés de l’Atlantique une réaction de survie.
Les pays de l’Euro-zone semblent tentés par l’initiative française.
Ont-ils senti le vent tourner ?
Est-ce que la période d’amour du bipède et de sa sacro-sainte voiture serait en train de s’achever ?
Voila que les américains réduisent leurs déplacements en automobile…
Et les français aussi.
Les ventes des voitures s’effondrent.
Des chiffres qui rendent joyeux les piétons, les vélos, les hérissons : General Motors, Chrysler, Ford, les « Big Three » : 100 milliards de dollars de pertes cumulées depuis 2005 !
Europe : baisse de 14,5% des ventes en octobre, après la baisse de 8% en septembre et celle de 15% en août.
En Espagne, la chute est de 40% !
L’Espagne, le pays de la bagnole, du camion et du béton !
Aux Etats-Unis on s’attend à des pertes de 3 millions d’emplois pour l’industrie auto et les sous-traitants.
En France, on est plus modeste : Renault supprime 4.900 emplois et Peugeot 3.500.
Et la baisse du pétrole ne peut rien contre la crise automobile, preuve en est, la prix du baril a chuté de 70% en deux mois !
Faut-il dès-lors aider l’industrie automobile ?
Si on pense aux salariés, on dit oui, bien sûr !
Si on pense à la pollution et aux émissions de CO2, on dit non, non, non…, ou alors on vous aide, mais vous faites des voitures électriques, des scooters électriques, des vélos, des patins à roulettes, des pousse-pousse, que sais-je ?
Et puis on pense à la débâcle de la sidérurgie française, qui dura 25 ans et coûta tant de larmes et d’argent mis par tous les gouvernements de droite et de gauche dans une industrie qui ne voulait pas, ou peut-être ne pouvait pas, se reconvertir.
Les raisons de l’effondrement du secteur auto sont plus profondes :
1) la baisse du pouvoir d’achat et la hausse du chômage
2) les perspectives de crise qui commencent à rentrer dans les mœurs (Selon un récent sondage, 60% des Français ont peur de devenir SDF, ce qui en dit long sur l’angoisse qui s’installe dans les économies en ce moment).
3) la dégringolade des actions des banques en Bourse, dégringolade qui laisse à penser que la crise financière n’est hélas pas résolue, que les 3.000 milliards de dollars “offerts” au système bancaire depuis le début de la crise, n’ont hélas pas eu les effets escomptés.
En octobre, les ventes de voitures sont partout en chute libre : recul de 7,3 % des immatriculations en France, de 19 % en Italie, moins 19, de moins 23,8 % en Espagne.
La déprime est générale… et plus grave encore aux Etats-Unis, où la voiture a nourri l’imaginaire comme nulle part ailleurs : la chute est de 30% pour Ford, de 31% pour Chrysler.
General Motors a vu ses ventes dégringoler de 45 % le mois dernier.
C’est une industrie entière qui s’écroule.
Je le dis tout net, je ne m’en réjouis pas.
Je pense d’abord aux milliers de salariés qui, chômage technique d’abord, licenciement ensuite, seront les premières victimes du déclin, pourtant prévisible, de l’industrie automobile.
Une fois encore, la catastrophe est née de l’imprévoyance.
Le meilleur exemple est à Sandouville, en Normandie.
Qui pouvait sérieusement penser que l’avenir de la filière était encore dans la production de berlines puissantes, gourmandes en carburant et grosses émettrices de gaz à effet de serre ?
C’était la meilleure des stratégies pour garantir l’emploi, affirmaient les dirigeants de Renault aux salariés.
Ils se sont lourdement trompés.
Mais ce sont les salariés qui paieront la plus lourde part de la facture.
Le chômage qui va frapper massivement le secteur automobile n’a pour origine ni la crise des subprimes ni la conjoncture économique et sociale, il résulte de l’inconséquence des dirigeants du secteur, incapables d’adapter leurs entreprises aux lourdes mutations qu’elles doivent affronter…, des dirigeants qui se sont trop longtemps contenté de présenter de mignons prototypes de véhicules « verts » au Salon de l’auto, quand toute leur stratégie commerciale restait tournée vers les véhicules gloutons, 4/4, monospaces et autres berlines.
Dérèglements climatiques, pollutions de l’air en zones urbaines, pétrole cher : penser, dans un tel contexte, que l’industrie automobile ne devrait rien changer relève au mieux de l’incompétence, au pire de la négligence coupable.
L’urgence est là : le climat se dégrade plus vite encore que prévu, les prix de l’énergie, car l’accalmie ne sera que passagère, chacun en convient, pèsent très lourdement sur le budget des ménages.
Dès lors, la question n’est plus de savoir s’il faut changer, mais comment.
La meilleure façon de défendre les salariés de l’automobile et ceux des autres secteurs touchés par la crise, ce n’est pas de faire croire que rien ne doit changer ; c’est anticiper la mutation, construire les solutions permettant la conversion des activités et des personnels… et préparer une économie différente, adaptée à un monde qui sera différent, une économie plus sage, adaptée à un monde qui j’espère le sera aussi.
C’est en quelque sorte recommencer en mettant tout à zéro…
Une utopie ?