Renato Granelli avait fêté le nouvel an en Italie.
Son fils et lui se téléphonaient 3 ou 4 fois par jour…
Fils unique, Alain Granelli s’entendait bien avec son père, Renato Granelli, un négociant en voitures d’occasions de grand-luxe, particulièrement des Ferrari dont c’était la passion.
Il était carrossier de formation.
Alain reprenait peu à peu le commerce de voitures de luxe de son papa, du moins jusqu’au moment où le dit commerce a commencé à battre de l’aile à cause de la crise qui s’est abattue sur l’ensemble du marché automobile européen, particulièrement en Belgique et au Luxembourg ou Renato et son épouse Christine Chavet avaient liquidé, en 2000, leur garage “Elite-Motors” situé 5811 Fentange, au numéro 134 de la rue de Bettembourg…, et cela en catimini, sans rien oser dire à personne…
D’ailleurs, tout le monde continuait à croire que Renato avait toujours son garage bourré de Ferrari au Luxembourg !
Chaque semaine Renato Granelli me téléphonait pour sentir l’évolution des choses…, quémandant si je connaissais une Ferrari à vendre : “n’importe quel type, n’importe quel état, j’achète“… en réalité il n’achetait plus grand chose, il se contentait de maintenir l’illusion.
Plus de trente ans que je connaissais Renato…
Je l’avais vu un beau jour débarquer avec son petiot, Alain, tout p’tit’bout’d’chou, tenant la main de son papa qui le lui la serrait fort, il y avait beaucoup d’amour chez ces deux-là…
J’ai vu le p’tit’bout’d’chou grandir et Renato vieillir en même temps que ses clients, qui, en finale ont commencé à partir vers l’au delà ou il n’y a plus d’autos…
Le p’tit’bout’d’chou est devenu ado et un presque’homme…, Renato lui a financé sa première voiture et Alain s’est lancé dans le négoce, vendant, achetant, vendant, achetant…
Il se débrouillait bien, son père en était fier : “Regardez comme il s’en sort, plus fort que moi“…
Alain a vu plus grand, il voulait que son père soit fier de lui, il a alors loué un stand à la foire des old-timer de Ciney en mai 2007 et y a vendu une Ferrari 308 bleue, une Jaguar, une Lancia…
Renato et Alain étaient quasi inséparables, lorsqu’on voyait l’un, l’autre n’était pas loin.
C’est à Renato que j’avais acheté 10.000 euros l’Iso Lélé illustrée ci-dessous, ainsi qu’un peu plus tard, une splendide Mercedes 600 Coupé V12 “Panzer” pour 6.500 euros…
Pour les fêtes, Renato était chez des amis en Italie, il y avait acheté un appartement en 2006 avec son épouse née Christine Chavet, pour y passer leurs vieux jours proches. C’était un projet commun qui avait perdu tout son sens depuis la mort de sa femme en mi 2007… et il voulait donc le vendre. Pendant ces quelques jours, lui et son père se téléphonaient régulièrement, trois ou quatre fois par jour, ils se racontaient tout…, ou quasi tout, le fils avait plus de secrets que le père…
Début janvier 2008, à peine revenu d’Italie, Renato Granelli me téléphonait pour que nous allions visiter le show de Maastricht : “Il y a là, cette année, une exposition Ferrari, je peux pas rater ça…”
Je ne l’ai pas vu arriver à notre rendez-vous…, je ne le savais pas encore en cherchant à le joindre, mais son téléphone sonnait dans le coffre d’une vieille Opel pourrie dans un box…, dans la poche de la veste de Renato…
Rien ne laissait présager un tel drame, même s’il y avait une petite friction entre les deux concernant une dette de jeu qu’Alain avait contractée… mais bon…, Renato avait bon cœur, il aidait ses amis en difficultés, “le” Philippe D par exemple (celui de l’affaire de la fausse Bentley Vesters & Nerinckx)… et “le” Roland Pottier qu’il finançait sans cesse malgré sa déchéance, lui prêtant des montants importants pour un Bistro Cubain à Wavre ou il vivait avec l’ancienne compagne de Patrick Hammers (l’ennemi public N°1 en Belgique)… et pour quelques voitures destinées à être vendues pour ses fins de mois toujours difficiles…, pour des montres prétendument Cartier ou Rolex… : “Tu dois comprendre, Patrice, “le” Roland c’est pas un mauvais, il cherche à sortir sa tête hors du sac, et puis m’fi, on se connait depuis toujours, c’est un ami…” !
Je parie qu’aucun de ses “amis” n’a envisagé de rembourser (à qui, maintenant ?) les prêts consentis par Renato…, ils n’ont même pas été à l’enterrement, pas versé une larme, pas même de crocodile, juste regretté que Renato ne pourra plus leur “avancer-donner” de l’argent…
Tout commence “officiellement” le dimanche ou Renato devait venir visiter le show de Maastricht…, lorsque Alain Granelli se présente en soirée à la police de Herstal pour signaler la disparition de son papa, Renato Granelli, 67 ans, domicilié avec lui au 22 du boulevard Zénobe Gramme.
Alain Granelli jouait apparemment beaucoup (trop) et son père avait plusieurs fois épongé les dettes de son fiston, mais Alain affirme ne pas avoir tué son père pour l’argent, il en veut pour preuve qu’il devait apurer une dette pour le lendemain, mais qu’il allait très bientôt toucher une indemnité suite à un accident de la route en droit…
Le fils se montre inquiet, il prétend que, depuis la mort de sa femme (et donc la maman d’Alain), Renato est dépressif…, ainsi, dimanche matin, le fils a vu son père sur le trottoir et le temps de dire “oufti“…, le sexagénaire avait disparu.
Mais deux éléments sont rapidement venus titiller la curiosité des policiers herstaliens.
D’abord, les déclarations d’un ami de Renato, affirmant que si le papa était déprimé, il n’était pas suicidaire (d’ailleurs, les deux amis avaient récemment projeté de faire un voyage ensemble), ensuite, un autre témoin a fait part aux enquêteurs du fait qu’Alain avait détapissé une partie du living, et ce, sans raison !
Interrogé sur ce détapissage et sur l’endroit où il avait mis le papier arraché, Alain s’est montré évasif, expliquant finalement avoir jeté le papier peint dans le canal Albert.
Une version qui a provoqué une perquisition au domicile familial.
C’est là que les experts ont retrouvé d’infimes traces de sang frais et lavé…
Privé de liberté, le lendemain du drame, le lundi vers 14 h, Alain a été interrogé toute la nuit de lundi à mardi.
Il a craqué vers 6 h du matin, admettant l’indicible.
Dimanche vers 9 h 30, il avait tué son père à coups de masse et de couteau…
Pourquoi ?
Alain Granelli se montre très nébuleux, il explique que, dimanche matin, il s’est levé vers 9 h 20 après avoir passé une bonne partie de la nuit dans le centre-ville liégeois.
À son réveil, il prétend que son père lui aurait, une nouvelle fois, fait part de son désarroi depuis la mort de son épouse et de sa lassitude de vivre ainsi que de son envie de rejoindre sa femme dans l’au-delà.
Alain dit qu’il aurait alors été pris d’une pulsion…
Il a empoigné une masse et l’a fracassée plusieurs fois sur la tête de son père !
Si les deux hommes s’aimaient, Renato en avait assez des problèmes de jeu d’Alain et m’avait, récemment, fait part de son intention de ne plus éponger les dettes de son fils : “Les enfants, c’est terrible m’fi, ça ne va que dans un seul sens, ils prennent tout et plus encore, c’est pire que les amis qui ne remboursent jamais rien…‘ !
Alain a été inculpé de parricide et placé sous mandat d’arrêt.
Il a été écroué à l’établissement pénitentiaire de Lantin.
Ainsi donc, si l’on en croit Alain, ce fils indigne a agi sur une pulsion…
Mais en réalité, une fois la machine lancée, le jeune homme n’a pas perdu son sang-froid, loin de là !
En effet, après avoir frappé son père une première fois avec une masse rangée dans le living pour couper du bois, Alain a immédiatement donné plusieurs autres coups : “Je me suis rendu compte que le premier coup était probablement mortel, mais j’avais peur qu’il se réveille, je voulais éviter qu’il se réveille et qu’il souffre, je suis alors allé chercher un couteau dans la cuisine et j’ai frappé mon père au thorax“…
Les coups étaient tellement violents qu’il a cassé la lame et a dû se résoudre à prendre un second couteau !
“J’ai ensuite pris le corps de mon père et je l’ai recouvert d’une couette blanche, je ne voulais pas voir son visage…, à ce moment, j’ai voulu me rendre à la police, puis, je me suis rendu compte que j’allais tout perdre“…
C’est là qu’Alain a imaginé le scénario de la disparition suicidaire.
Il a d’abord décroché les rideaux maculés de sang.
Il les a emportés au lavoir pour les laver.
Il a d’ailleurs utilisé deux machines pour aller plus vite.
Il a ensuite pensé à faire disparaître le corps.
Pour ce faire, il a pris contact avec un de ses copains qui vendait une vieille Opel.
Il l’a achetée pour 110 € et est revenu chez lui avec l’auto.
Il a mis la voiture dans le garage et y a descendu son père.
Mais voilà, Renato était un solide gaillard qu’Alain n’a pas su porter.
Pour mettre le corps dans la voiture, il a alors démonté les quatre roues du véhicule pour le faire descendre de quelques dizaines de centimètres, puis s’est servi d’un palan pour faire monter le corps de Renato jusqu’au coffre et de l’y faire glisser.
Il a enfin placé dans le même coffre tous les essuies utilisés pour nettoyer le sang dans le salon, le papier peint maculé, les couteaux et la masse.
Ensuite, il est allé conduire le véhicule dans un des deux box qu’il louait à proximité.
C’est là que le corps de Renato a été retrouvé…
Le fils a finalement retrouvé son père.., il s’est suicidé la veille de son procès…
Fin de la tragédie !