Voitures vertes électriques et à air comprimé…
Dans le cadre de sa série d’émissions « Compléments d’enquêtes », France2 vient de diffuser une émission-reportage consacrée à la « voiture verte » et autres véhicules « écologiques ».
Fort curieusement, les présumés journalistes qui ont préparé et réalisé cette émission ont « omis » certains aspects essentiels de ce problème.
En fait, le premier véhicule électrique recensé dans l’histoire est le chariot que l’Ecossais Robert Davidson fit circuler dans les rues d’Edimbourg en 1842.
Il était mu par 8 électro-aimants alimentés par des piles électriques dérivées de la pile de Volta (inventée en 1800).
Davidson avait fait la description théorique de ce chariot à moteurs électriques dès 1839, année qui vit Herman von Jacobi présenter son bateau électrique.
Le chariot de Davidson est un châssis sur quatre roues d’un mètre de diamètre montées sur galets de roulement.
Chaque axe portait des armatures de fer doux tournant entre deux paires d’électro-aimants fixes.
L’ensemble pesait 6 tonnes avec les piles et pouvait tirer une charge équivalente à la vitesse de 6,5 km/h soit une puissance inférieure à 1 CV.
Cet engin primitif est quand même le grand ancêtre de tous les véhicules électriques routiers et ferroviaires à alimentation autonome.
Le 20 avril 1881, le « Journal officiel » annonçait que l’ingénieur G. Trouvé (un nom qui ne s’invente pas !) – qui avait déjà inventé le moteur hors-bord électrique pour canots – avait adapté l’un de ses petits moteurs électriques à un tricycle Coventry Rotary.
Avec ses accumulateurs, il pesait 160 kg et il avait parcouru la rue de Valois (à Paris) à plusieurs reprises à la vitesse de 10 à 12 km/h.
Ce n’est qu’en 1894, que Jeantaud présenta son premier phaéton deux places doté d’un moteur électrique de 4 CV alimenté par 430 kilos d’accumulateurs de type Planté.
C’est en 1860 que le Français Planté avait découvert le principe de l’accumulateur au plomb.
Vingt ans plus tard, le 10 octobre 1880, Camille Faure imaginait de donner aux plaques la forme plane qu’on leur connaîtra par la suite.
Il allait aussi améliorer peu à peu la fabrication des accumulateurs au plomb et améliorer leurs performances.
Dans son ouvrage intitulé « Les Locomotions Mécaniques », Louis Bonneville a fait mention des principales « exhibitions » de véhicules mus à l’électricité de la fin du XIXe siècle : tricycle sociable Hilmann motorisé par l’ingénieur Raffard avec 12 accus Faure (25 avril 1881), tricycle électrique Ayrton (18 novembre 1882), tricycle biplace Magnus Volk (1882), tricycle Cripper (1891), tricycle Garrard (1892), bicyclette Pingault (1894), tandem Gladiator (1896)…
Le 22 mai 1897, un tandem électrique Clerc et Pingault couvrait le kilomètre en 57 secondes 4/5.
En 1881, Raffard avait déjà motorisé un omnibus qui allait être à l’origine de la première expérience de transport en commun routier doté d’une motorisation électrique et l’on connaît aussi le tramway à accumulateurs qui faisait le service « Madeleine-Courbevoie » aux environs de 1897.
C’est Jeantaud qui sera le premier constructeur à avoir engagé une voiture électrique dans un course automobile (Paris-Bordeaux en 1895) puis dans les tentatives de record de vitesse avec la voiture du comte de Chasseloup-Laubat (qui sera finalement battue, le premier mai 1899, par le prototype de Jenatzy à carrosserie aérodynamique).
Aux Etats-Unis, c’est vers 1899 que l’on verra apparaître les premiers véhicules électrique tandis qu’un omnibus électrique circulait dans les rues de Liverpool à la même époque.
Relevons encore que le concours des « voitures de place » de 1898 (organisé par l’Automobile club de France du 1 au 12 juin) avait amené les concurrents à couvrir, à travers Paris, neuf itinéraires de 60 km chacun en terminant, le dernier jour, par un trajet Paris-Versailles-Paris.
Douze véhicules étaient inscrits mais un seul de ces véhicules était « à pétrole » (un coupé Peugeot) et on ne lui décerna aucune récompense du fait de sa consommation élevée de carburant.
Les onze autres voitures étaient des « électromobiles », presque tous de fabrication Jeantaud et Krieger (si l’on excepte un coupé de la Cie générale des transports automobiles).
A la suite de ce concours, M. E. Hospitalier écrira (dans « La Nature », 9 juillet 1898) : « Désormais, il est acquis que le fiacre à moteur à essence de pétrole ne saurait constituer un système d’exploitation de voitures publiques dans une grande ville ».
C’était sans compter sur les spéculateurs industriels et financiers !
Il y eut tellement de « fiacres électriques » dans Paris entre 1898 et 1910 que la Compagnie Générale des Voitures y avait créé (à Aubervilliers) une école de conduite pour les taxis mus à l’électricité.
Il s’agissait d’un parcours de 700 mètres où les ex-cochers devaient piloter leurs engins en contournant et en évitant toutes sortes d’obstacles : palissades, ornières, pavés, animaux et passants figurés par des silhouettes.
Un excellent dessin représentant cette école de conducteurs fut publié par « L’Illustration » en date du 19 novembre 1898.
Dès 1890, on vit apparaître un grand nombre de véhicules électriques dans tous les pays industrialisés (France, Grande-Bretagne, Allemagne, USA,…).
En France, les constructeurs Jeantaud et Krieger allaient se partager le marché et produire plusieurs milliers de véhicules.
En 1898, le grand-duc Alexis de Russie se montrait dans un landau attelé, non plus à des chevaux mais à un avant-train électrique conçu par le constructeur allemand Heilmann.
Dans l’un de ses numéros, le journal « L’Illustration » écrira : « Il est difficile d’imaginer un véhicule automoteur qui soit plus simple et plus attrayant qu’un véhicule électrique ».
A Paris, le constructeur Krieger fut le premier à implanter des stations de recharge pour ses voitures à accumulateurs et ce, dès 1898.
On pouvait y faire recharger les batteries ou, plus simplement, les échanger contre des batteries chargées, ce qui ne prenait que quelques minutes.
Un an plus tard, la quasi-totalité des taxis parisiens étaient dotés d’électromobiles.
Ci-dessus, une station de recharge et d’échange des batteries d’accumulateurs de la firme Krieger (Paris-1898).
Ces stations était essentiellement destinées aux flottes des sociétés de taxis qui exploitaient les électromobiles.
Les chauffeurs regagnaient ces stations dès que l’ampèremètre indiquait la fin de la charge et l’échange des bacs contenant les batteries se faisaient en quelques minutes.
Ce beau dessin nous montre la disposition des organes mécaniques et électriques sur une voiturette Jeantaud de série de 1896 (véhicule à trois places avec le petits siège arrière).
On remarque les batteries disposées sous les sièges et le moteur couplé à l’essieu arrière.
A l’avant, près de la pédale de frein, on trouvait le voltmètre et l’ampèremètre qui constituaient le tableau de bord du véhicule.
On a déjà là tous les éléments constitutifs d’une voiture électrique digne de ce nom.
Les dernières générations sont à peine différentes, si ce n’est des améliorations techniques, surtout dans le domaine des accumulateurs.
L’émission de France2 n’a rien dit de tout cela.
Pire encore, elle a laissé croire que les véhicules électriques n’avaient jamais été fabriqués en série.
C’est faux puisque Jeantaud et krieger proposèrent des véhicules de série dès la fin du XIXe siècle.
On peut ainsi trouver, dans « L’Illustration » du 6 juillet 1901, les caracté-ristiques et les prix de quelques-unes des voitures et voiturettes produites en France à cette époque.
Le « Duc électrique » Jeantaud y figurait aux côtés de 10 autres véhicules.
Il était proposé au prix de 8.000 francs cependant qu’une voiturette Decauville coûtait 4.500 francs et qu’une Panhard et Levassor valait 8.500 francs.
La firme Jeantaud précisait que le coût du kilomètre était de l’ordre de 5 centimes.
Pour leur part, les véhicules équipés de moteurs à explosion consommaient entre 7 et 12 litres pour 100 km.
Entre 1900 et 1906, Krieger s’efforça, pour sa part, de battre des records d’autonomie en reliant Paris à Châteauroux (puis à Toulouse) sans changer ni recharger ses batteries.
Il existe, notamment dans le magazine « L’Illustration », des centaines de photographies et de dessins montrant les véhicules électriques qui furent produits dans la dernière décennie du XIXe siècle et au début du XXe.
Fabriqués presque artisanalement par de petits constructeurs, les véhicules électriques de cette époque ne parvinrent pas à concurrencer la production à la chaîne « made in America » qui allait envahir l’Europe dès 1906, notamment les véhicules très bon marché fabriqués par Ford avec l’appui du secteur pétrolier américain.
C’est cela, et rien d’autre, qui tua la voiture électrique et la fit tomber dans l’oubli pendant plus d’un siècle.
En conséquence de ce qui vient d’être rappelé, on peut déduire que ce qui continue à freiner le développement du véhicule électrique, c’est le poids considérable que représente le secteur pétrolier dans le domaine de l’automobile.
C’est une chose, cependant, que les journalistes se gardent bien de dévoiler, à France2 comme ailleurs.
Les moteurs à explosion représentent la principale source de profit pour le (trop) puissant lobby des hydrocarbures et des produits dérivés (comme les huiles).
C’est ce lobby qui constitue le principal (si pas le seul) obstacle au redéveloppement de la voiture électrique.
Jadis contrôlé par les Américains (autour des Rockfeller et consorts), ce lobby est à présent aux mains de consortiums où l’on trouve des intérêts US (dont la famille Bush), arabes et européens.
Les véhicules électriques n’ont jamais cessé d’exister et d’être produits en petites séries, soit pour des flottes captives (comme les véhicules postaux ou les camionnettes de laitiers en Grande-Bretagne) soit pour de rares clients particuliers.
La vérité, c’est que les grands constructeurs n’ont jamais voulu développer et commercialiser ces véhicules qui n’intéressent pas les actionnaires des grands lobbies industriels du fait de leur simplicité, de la grande durée de vie de leurs moteurs et surtout de la non consommation de carburants et de produits divers (huiles, filtres, bougies, embrayages…).
Pour le monde de la finance, le véhicule électrique ne présenta aucun intérêt.
L’émission de France2 a aussi longuement évoqué le moteur à air comprimé comme étant une invention de l’ingénieur Nègre.
Une fois encore, il s’agissait là d’une affirmation totalement fausse puisque le moteur à air comprimé existe, lui-aussi, depuis le XIXe siècle.
C’est l’ingénieur français Andraud qui imagina, dès 1839, d’utiliser l’air comprimé pour faire avancer un véhicule. Associé à Tessié du Molay, il fit réaliser, par la fonderie de Chaillot, une voiture motrice qui fonctionna à partir du 9 juillet 1840 sur une voie expérimentale.
Il s’agissait d’un wagon à huit places disposant d’un réservoir communiquant avec un régulateur et un dilatateur, autrement dit un appareil de chauffage qui augmentait la dilatation de l’air qui se détendait dans deux cylindres.
Le 21 septembre 1844, Andraud expérimenta une véritable locomotive à air comprimé à six roues pesant 5 tonnes.
Elle disposait d’une réservoir de 3 mètres cubes contenant de l’air comprimé à 20 atmosphères.
Au premier essai, sur la ligne de chemin de fer Versailles-Rives, elle parcourut 3.400 mètres à la vitesse moyenne de 30 km/h (28 à 32 km/h).
La locomotive à air comprimé Andraud de 1844.
La locomotive à air comprimé sera notamment utilisée, dès 1880, pour les besoins du métro aérien de New-York.
On trouve un beau dessin de ce type d’engin de traction dans le numéro du 17 juin 1882 de « La Nature ».
Il s’agissait d’une locomotive mue par le système Mekarski avec trois grands réservoirs contenant de l’air comprimé à 42 kg/cm² qui était admis dans les cylindres à seulement 8 ou 9 kg de pression.
Les cylindres servaient aussi de freins selon le principe Riggenbach.
Le moteur type Mekarski sera aussi utilisé en France, notamment sur les tramways de la ligne Passy-Hôtel de Ville (Paris) dont il existe une belle représentation d’artiste datant de 1903 (ci-dessous).
L’ingénieur Nègre n’est donc, en rien, l’inventeur du moteur à air comprimé, ce mérite revenant à Andraud.
Nègre n’a pour mérite que d’avoir réactualisé ce type de motorisation et d’avoir tenté de l’appliquer à un petit véhicule urbain qui demeure limité en utilisation du fait des dimensions de son réservoir d’air comprimé.
A moins de concevoir un véhicule hybride qui serait doté d’un petit moteur à explosion et d’un compresseur (avec l’encombrement et le poids supplémentaire que cela suppose).
Conclusions :
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne nous dit pas tout (dixit une humoriste française bien connue).
Dans certains cas, la prétendue « information » s’apparente à une désinformation qui n’est guère plus honorable que celle qui émane des constructeurs automobiles (et que dénonçait l’émission de France2).
Les journalistes ne peuvent, certes, pas tout savoir mais l’on ne peut à la fois prétendre informer le public et se retrancher derrière l’ignorance.
Quand on ne sait pas…, on se tait !
On est cependant en droit de soupçonner une certaine accointance entre les journalistes et certains lobbies industriels et financiers.
Une accointance (ou connivence ou complicité) qui les amène à « omettre » certains aspects des sujets qu’ils abordent et ce, même s’il s’agit d’aspects importants ou essentiels.
La voiture électrique n’a jamais cessé d’exister et d’évoluer depuis la fin du XIXe siècle.
Toujours présentée comme la « voiture du futur », elle est avant tout et d’abord la « mal aimée » de l’industrie automobile et la hantise de l’industrie pétrolière et du monde de la finance.
Des dizaines de véhicules électriques routiers furent produits de 1900 à nos jours.
Des voitures particulières à moteur électrique furent produites aux Etats-Unis jusqu’aux environs de 1930.
La voiture électrique n’est pas la « voiture de demain » mais bel et bien un type de véhicule volontairement délaissé par les spéculateurs.
Texte et illustrations : Dédé
Mise en page : Prof
Pour inciter particuliers, collectivités ou entreprises à investir dans un véhicule électrique ou hybride, le gouvernement Français accorde des aides à l’achat :
Type de véhicule
Aide
Commentaires
Gestion
Voiture particulière (VP) et Véhicule Utilitaire Léger avec permis de conduire (CTTE)
5 000 € limité à 20 % du coût
Décret n°2007-1873 du 26 décembre 2007 et Décret n°2009-66 du 19 janvier 2009 instituant une aide à l’acquisition des véhicules propres
Superbonus : 1000 € si accompagné de la destruction d’un véhicule
CNASEA
Tricycle à moteur(TM), Quadricycle léger ou lourd à moteur (QM), et Véhicule Automoteur Spécialisé (VASP) destinés au transport de personnes ou de marchandises
2 000 € / véhicule si charge utile < 500 kg
3 000 € / véhicule si charge utile > 500 kg
Applicable jusqu’au 31/12/2009
Véhicules validés par l’ADEME
ADEME
Bus de moins de 30 places
10 000 €
Applicable jusqu’au 31/12/2009
ADEME
Bus de 30 places et plus
15 000 €
Applicable jusqu’au 31/12/2009
ADEME
Benne à Ordure Ménagère
7 000 €
Applicable jusqu’au 31/12/2009
ADEME
Poids Lourds (PTAC > 3,5 tonnes)
20 000 €
Applicable jusqu’au 31/12/2009
ADEME