Volvo Amazon : La belle suédoise…
Par Marcel PIROTTE
En 2016, la Volvo Amazon a fêté ses “soixante balais”.
Comme le temps passe vite.
Quelle époque, celle du début des années cinquante, celle de la reconstruction de l’Europe mais également l’arrivée du constructeur suédois Volvo avec ses modèles de la série PV444…, sans doute pas très jolies mais viriles au possible, ces véritables “boules de nerfs” font le gros dos…, mais qu’on ne s’y trompe pas, elles inspirent la solidité, de la bonne tôle suédoise, plus d’un mm d’épaisseur, ça inspire confiance, ça rassure également et puis quel tempérament.
En 1951, l’importateur Volvo pour la Belgique ainsi que le Luxembourg, la société SBMA (Société Belge de Matériel Automobile) située à Forest dans la grande banlieue bruxelloise, dont le fondateur était Emile des Grées du Loû avait déjà eu la bonne idée d’assembler dans une ancienne usine textile d’Alsemberg des voitures et des camions Volvo, mais à très petite échelle : 17.000 véhicules sur une période de douze ans.
En 1963, cette “usinette” se reconvertit pour assembler uniquement des poids lourds, à raison de 3.000 unités alors que la production voiture va émigrer vers la toute nouvelle usine Volvo de Gand où la première voiture assemblée sera une Amazon…, nous sommes en 1965. Cette jolie berline a déjà presque dix ans d’âge…, elle a en effet été dévoilée en septembre 1956, deux ans avant que la 444 se métamorphose en 544…, mais pour cette quatre portes qui sera aussi déclinée en deux portes ainsi qu’en break, c’est une véritable révolution dans la mesure où elle combine une certaine élégance italienne à la robustesse nordique.
Les Vikings viennent de marquer de sacrés points, même s’il faudra attendre le printemps 1957 afin que les premiers clients soient servis…, ils ne seront pas déçus.
Baptisée dans un premier temps Amason (avec un s ), ce modèle va très vite se transformer en Amazon, le fabricant allemand de cyclomoteurs Kreidler ayant déposé le nom Amason. A l’exportation, cette berline tricorps devient la série 120 pour les modèles 121, 122 et 123 GT…, elle devient aussi la première Volvo bicolore tout en s’étirant sur 4,40 m avec un empattement de 2,59 m.
Du côté des moteurs essence, uniquement des quatre cylindres, les fameux et robustes B16, B18 et B20, de 1580 à 1990 cm3, de 60 à 110 ch., boîte mécanique 3 vitesses ensuite quatre et même une quatre avec overdrive, une solution automatique trois rapports fourni par Borg Warner sera aussi disponible.
Aujourd’hui encore, Volvo fait partie des meilleurs constructeurs au plan de la sécurité, n’hésitant pas à déclarer qu’en 2020, il était “défendu de mourir” à bord d’une Volvo en cas d’accident…, un beau crédo …
Avec un poids à vide de près de 1100 kg, des roues avant indépendantes mais un pont arrière rigide bien guidé par une barre Panhard, suspendu par des ressorts hélicoïdaux, cette Amazon impressionne par son comportement d’excellente facture et son habitabilité alors que la sécurité passive n’est pas non plus un vain mot, ce modèle est le premier à recevoir en série les fameuses ceintures de sécurité avant à trois points d’ancrage, l’image sécuritaire est en marche !
Fin des années cinquante et comme j’étais jeune sous-officier stationné en Allemagne, j’avais sérieusement envisagé de d’acheter une Amazon d’occasion, une neuve étant trop chère pour mon (petit) budget.
Cet achat n’a pu se faire mais secrètement, j’admirais ce modèle et plus particulièrement la deux portes 123 GT que j’ai pu essayer pat la suite dans le cadre de mes activités de chroniqueur automobile. C’était, si mes souvenirs sont bons, en 1968, deux ans après que Volvo ait présenté sa nouvelle série 140 à l’occasion du salon de Paris.
Avec ses deux phares additionnels, des pneus de 165/13, cette berline deux portes joue admirablement la carte de la virilité. Son 1800 cm3 haute compression, gavé par deux carbus SU développe près de 100 ch. véritables (96 très exactement), à 5.600 tr/min; mais également un peu plus de 14 mkg à 3.600 tr/min, un alternateur est aussi de série.
Afin d’entraîner encore mieux cette propulsion, Volvo installe une boîte mécanique 4 vitesses avec un overdrive à commande électrique…, résultat (des courses) et malgré un très long levier de vitesse du genre “tisonnier” mais avec la présence d’un compte-tours et d’un volant spécifique à trois branches, et avec les dossiers des sièges avant inclinables…, cette nordique ne manque nullement de caractère : 170 km/h en pointe, de 0 à 100 km/h en 12 s.
Le bloc B18 accepte sans problème de prendre des tours et de grimper à plus de 6.200 tr/min…, cette 123 GT fait dès lors la chasse aux Alfa Giulia et autres BMW 1800 de l’époque, consommant un peu plus de 10 l/100 km, la contenance du réservoir étant de 45 litres.
Malgré une direction à vis et à galets, pas aussi précise qu’une crémaillère mais une partie châssis renforcée par des amortisseurs spécifiques, cette 123 GT tient vraiment bien le parquet, pas trop lourde à manier malgré ses 1140 kg, confortable également sur de longues étapes, je me suis beaucoup amusé à son volant, pour l’époque, ça déménageait.
Et pour la ralentir, d’excellents freins à disques à l’avant, tambours arrière, double circuit et servo frein, le progrès est en marche.
Sportive dans l’âme, cette 123 GT ne m’a laissé que d’excellents souvenirs, elle était également comme ses cousines de la série 120 une très grande routière capable d’avaler des centaines de milliers de kilomètres avec le même moteur à la fiabilité légendaire.
Une machine très attachante, bien fabriquée, sérieuse, bourrée de qualités, la série 120 a terminé sa carrière en 1970 après une production de plus de 667.000 exemplaires, un record pour Volvo.
Produite sous trois types de carrosseries, deux et quatre portes ainsi qu’en break, cette Amazon a cependant été sublimée par un tout jeune carrossier belge, un certain Jacques Coune qui n’a pas hésité à la transformer en un superbe cabriolet quatre places…, une véritable œuvre d’art.
Jacques Coune était un personnage ô combien sympa, un véritable entrepreneur, passionné d’automobiles, importateur Abarth pour la Belgique, distributeur de la marque Iso Rivolta, bref des italiennes au sang chaud…, sans oublier que sa société assemblait également dans les années cinquante des Panhard et que sa passion était la course automobile.
A ce titre, il était d’ailleurs l’un des fondateurs de l’écurie Francorchamps qui faisait courir des Abarth et des Ferrari…, en outre, notre homme en véritable artisan inspiré avait également un atelier de carrosserie situé Avenue de la couronne à Bruxelles où il transformait des modèles assez courants pour des clients fortunés : 404 se sont retrouvées avec une carrosserie de break sans oublier le coupé berlinette MGB à l’inspiration très italienne et réalisée à 56 exemplaires seulement…, aujourd’hui, une berlinette en bon état pour autant que vous en trouviez une, vaut une petite fortune…
Mais notre homme a aussi une passion pour les Volvo Amazon… et de se mettre en tête de transformer une berline 122 S en cabriolet quatre places, une opération qui se répétera à cinq reprises et dont le premier exemplaire sera dévoilé à l’occasion du salon de Bruxelles en janvier 1963…, un autre sera la propriété de sa fille qui aura à cœur de choisir une bien jolie combinaison de couleurs, gris métallisé lumineux pour la carrosserie comme sur une Porsche et des garnitures en cuir rouge pour l’intérieur.
Pour transformer une berline Amazon en cabriolet, notre homme ne s’embarrassait pas de plans précis, n’était pas entouré de designers griffonnant sur des planches à dessin…, pas du tout, il dessinait tout simplement sur la carrosserie ce qu’il voulait, ses tôliers monteurs, tous des italiens exécutaient ses souhaits…, après 450 heures de travail (à la main), le résultat était superbe, le cabriolet valait une fois et demi le prix de la berline, soit 135.000 FB de l’époque, une belle somme.
Inconvénient de la méthode Coune, chaque pièce était unique, pas du tout interchangeable, chaque exemplaire de la voiture étant tout simplement spécifique.
Animé par le 1800 cm3 avec ses 86 ch. , ce cabrio qui pesait 45 kg de plus que la berline suite aux nombreux renforts, devait aussi composer avec ses deux carbus SU qui n’étaient pas très étanches donc sujets à des fuites de carburant…, d’où un incendie dans le compartiment moteur mais qui ne porta pas à de graves conséquences.
En revanche, sa jeune propriétaire n’avait plus tellement confiance dans ce modèle unique, il fut remisé au fond du garage où il végéta durant de très nombreuses années avant que cessent les activités de ce constructeur carrossier et qu’un repreneur prit possession du stock et du cabrio qu’il remisa aussitôt dans l’un de ses entrepôts.
Mais à force de travail, de patience et de persévérance (cinq ans au total), il en a fait une œuvre d’art tout à fait unique…, un autre exemplaire aurait été localisé en Allemagne mais il devrait lui aussi être entièrement restauré.
Et c’est là qu’intervient un certain Stoffel Mulier, grand amateur et spécialiste des Volvo qu’il connaît sur le bout des doigts…, il est aussi propriétaire du très beau roadster Ockelbo à moteur Volvo… et bien évidemment de l’un des cabriolets Amazon qu’il a restauré de fond en comble après l’avoir retrouvé en piteux état en 2002.
Notre homme n’est pas peu fier d’exhiber cette superbe réalisation 100 % belge particulièrement élégante une fois la capote baissée, un peu moins en position fermée.
Il a fallu notamment six mois à notre ingénieur restaurateur pour faire en sorte que le mécanisme de la capote assez complexe fonctionne au mieux…, d’autant que cet exemplaire avait été un peu martyrisé par la fille de Jacques Coune qui lors d’un carnaval n’avait pas hésité à emmener dix passagers assis bien évidemment à l’arrière sur le mécanisme de cette capote…, autant dire qu’il a fameusement souffert sous les coups de buttoir de ses fêtards.
N’empêche que ce cabriolet Amazon est sans doute le plus homogène et surtout le plus fidèle à l’esprit Volvo, d’autres carrossiers ont bien essayé de décliner cette série 120 en convertible, aucun n’a atteint ce degré de sophistication réalisé par Jacques Coune qui, après avoir dirigé le musée automobile sous la place Rogier à Bruxelles, nous a quittés, c’était en févier 2012 à l’âge de 88 ans.
Dans les années soixante, j’avais pu le rencontrer à plusieurs reprises, il m’avait même prêté durant quelques heures une MGB berlinette, une expérience assez unique que je vous raconterai dans une prochaine chronique, un type sympa ouvert, passionné, un artisan carrossier de génie, un grand monsieur…
Marcel PIROTTE