WRAITH…
Tout autour du château, des collines paradisiaques couvertes d’un maquis magnifique, impénétrable fournaise d’où convergent pourtant, vers moi, à l’heure des repas, un quarteron de “Ladies”, jolies bucoliques virgiliennes de loin, vaguement menaçantes de près, quand on songe aux risques jamais à exclure.
À la tête de la “manade”, Lady Jane, butée, d’une effronterie confondante… et, pour corser : jouant les haïssables hôtesses d’accueil, une escadre de dames de sévices, à plein temps, dont une, suspendue à côté de la table des repas.
Une vraie piscine élégante, comme promis dans le contrat, mais, (oh ! pécaïre, où sont les pavés de chlore et de quand date le filtre ?) rivalisant d’allure, pendant une petite semaine, avec la plus appétissante déglingue…
Je ne joue pas au tennis…, en conséquence, les arbustes (eucalyptus ou petits chênes kermès) ayant crevé le léger béton rouge du vrai court qui devait n’avoir plus vu une balle depuis les heures glorieuses, ne m’affectèrent pas outre mesure.
Bref, les débuts furent malaisés…
Quoi qu’on puisse en penser, il ne m’intéresse pourtant guère de faire le roman – qu’il serait pourtant possible d’écrire – sur le fieffé grigou, très âgé, pas totalement antipathique, toujours déférent au téléphone, qui nous m’avait ainsi loué son gite pour les vacances…, ni, non plus de trouver une satisfaction vengeresse dans la chronique ironique des mille et une déconvenues que la circonstance m’a value, ou des mille et une astuces de contournement technique que j’ai du inventer pour dépasser, vaille que vaille, l’anxiété de vacances qui auraient pu être compromises.
Mais voilà, on a beau faire, il faut une forte constitution pour perdurer dans la déprime, la neurasthénie, c’est tout un art… et tout le monde ne peut pas être Schopenhauer, champion olympique du pessimisme actif.
Sans rien perdre, d’abord, de l’inquiétude quotidienne, on ne peut pas passer à côté de ces petits matins de galère où tout à coup, descendant la petite route qui serpente dans la gorge, j’ai aperçu sur un rocher au soleil un mouflon adulte, miraculeux, impérial, hochant lentement au soleil la volute de son chef encorné…, des airs de Louis XIV, version animale…, à redonner du crédit à la métempsycose.
D’y repenser me force à considérer que, malgré le “mésaise” de ce temps, il me fallait revenir à un plus juste état des lieux…, un mouflon jupitérien, condescendu sur mes petites misères, venait me dire : “As-tu vraiment bien vu ?”… et commençaient à passer dans mon souvenir tous ces esprits animaux, aperçus en quelques jours et dont, pour un peu, j’aurais bien failli ne pas comprendre la sauvagerie favorable et l’irruption prodigieuse au regard de mes habitudes : renard, marcassin croisé à l’entrée du domaine, délicieux et touchant ânon prêt à reprendre du service, chevaux blancs venant par deux, les jours où l’eau coulait, boire au baquet de la façade (conduits sans doute par le fantôme de Supervielle dont me revenaient les vers abyssaux : “Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte / J’hésite un peu toujours à les regarder boire”)…
Et du coup, j’en venais à me dire que dans le dépit et la déconvenue de ce temps, d’autres visites gracieuses avaient pu m’être offertes sans que j’aie mesuré tout à fait leur prix et la convergence bienheureuse de leur survenue.
En évoquer l’une ou l’autre, qui passent, tour à tour dans mon souvenir, d’une simplicité biblique ou d’une portée plus construite ?
Ainsi : la menthe crispée, dont le nom suffirait déjà au rêveur. Depuis plus de trente ans que je cours et parcours ces pays et malgré l’appauvrissement visible de la garrigue ou l’inexplicable laideur, un peu partout, des lotissements intempestifs, la persistance du parfum âpre de la menthe crispée sur la pierraille ou dans la poussière des talus les plus ruinés, est, dès l’arrivée, la certitude d’être « au pays », celui de la première fois où on découvre cet éden.
Ainsi : les étoiles au zénith des nuits d’été : Véga de la Lyre, Deneb du Cygne et Altaïr de l’Aigle…, cependant qu’au nord, à mesure que la nuit s’approfondit, monte Cassiopée et qu’un peu au sud, Jupiter (tiens, encore lui !) flambe par-dessus Antarès et ses éclats rougeâtres.
Plus tard encore, couchés sur les murets, chanceux, au fond, d’être privés de tout éclairage, je pouvais presque tirer à moi l’écharpe poudreuse de la Voie lactée…
Ainsi aussi : les journaux…, très banal lien au monde…, je me figure mieux depuis la modeste maison de la presse où j’essayais de me rendre quotidiennement (premier village à quinze kilomètres), combien l’accès aux nouvelles et à la vie de là-bas, loin, au-dehors, peut constituer d’évasion et de sortie de la rumination morose qui me tente parfois.
Sans comparer mon sentiment à ce que peut, bien plus sérieusement, ressentir un prisonnier que l’on autorise à cet accès, je repense à ce que, malgré sa maigreur et sa légèreté, mon lien solidaire à la vie du monde a pu, pour moi, ne perpétuer un temps sa forme que par ces fichus journaux, j’ai presque honte de la banalité du constat et de la médiocrité de la constance morale que cela dénonce chez moi…
Et ainsi, je pourrais encore parler d’un petit hérisson, de la privation de musique, de la tramontane, d’un écureuil d’une autre année…, je crois que toutes ces choses qui marquèrent étrangement ces semaines et auxquelles je rêvais dans le silence absolu des nuits m’ont en tout cas redit qu’on peut aussi naitre un peu du manque et de tout ce que le désir aiguise mieux que la satiété.
La pensée de certaines… m’accompagne depuis plus longtemps encore que le parfum de la menthe crispée…, vision de la beauté du monde comme forme implicite de l’amour, me touche, faisant du manque ou de l’insensibilité des hommes à la justice, un pan de la pesanteur des choses, sans distinction fondamentale d’avec la compacité de la matière physique, participant de l’ordre du monde.
Une fois de plus, quelques petits volumes de lectures, dont je me sépare rarement, m’aura aidé dans ces vacances rudes, incendiées de lumière et d’un très mystérieux effort, obscurément soucieux.
De quoi et vers quoi ?
Je ne sais pas.
En revanche, je sais que, revenu, comme beaucoup, à la lumière électrique, aux demi-nuits de mon chez-moi, à la fraicheur du rosé, me préserve parfaitement.., je n’ai guère plus d’assurance de joindre cet écho de beauté qui s’approchait…
Je sens quelque chose qui tente d’explorer mon fondement…, une prompte volte d’orthodoxe m’apprend que c’est un saint-bernard qui s’intéresse de cette manière appuyée à mes orifices naturels.
Une voix féminine exclame :
– “Castor ! Veux-tu !”…
Je découvre, par-delà le chien, une femme si tellement ravissante de partout que, d’instinct, je cherche mes lunettes de soleil pour amortir les dégâts oculaires qui pourraient consécuter.
Maginez une personne d’environ trente-cinq ans, brune, bronzée, avec des yeux d’or, des seins fabulant accrochés à l’endroit où ils font le plus d’effet, des hanches à couper l’envie d’aller visiter le Louvre, des jambes longues au modelé poustoufleur, le tout enveloppé dans une toilette paille et saumon qu’elle n’a pas dû acheter sur catalogue aux Dames de France.
Son rouge à lèvres ocré renforce le dessin d’une bouche qui m’inciterait à me rendre en marchant sur les genoux jusqu’au bout du monde pour qu’elle m’y fasse une pipe (d’écume).
La créature supra-naturelle questionne d’une voix prête à l’orgasme : “C’est vous le bonhomme qui écrivez GatsbyOnline ?”…
Dedieu !
C’est de l’électricité pur fruit qui me picouille le corps, depuis le haut jusqu’au bas… et je referme mes bras pieuvresques sur cet être palpitant, si doux, si chaud, baisotte sa nuque, frotte mon tarbouif contre ses oreilles, la respire à fond, trique comme la culée d’un pont, salive, m’humidifie, râle d’amour, tout ça crescendo, comme disent les Italiens…, dans la frénésie la plus complète…
Elle en gémit de too much, roucoule blanche colombe, émet de minuscules plaintes qui m’égosillent la passion.
Mon membre s’amplifie, se surdimensionne à outrance.., je rêve ou bien il vient réellement de gagner cinq centimètres de tour de taille ?
En moi, il y a combat entre mon cher ange gardien, toujours prêt à faire du zèle, et mon démon perditeur.
Lequel va l’emporter ?
Saigneur, faites que ce ne soit pas l’ange, mais le diablotin !
Je passe les préambules, les préliminaires, vous n’avez qu’à imaginer, cette chronique est déjà trop longue…
La voici sur mon page de combat ; son frais acoutrement lui est ôté par mes pognes soudardes…
Le dur, c’est de procéder à mon décarpillage sans laisser baisser la pression…, mais le rut rend ingénieux.
Il se fait un silence religieux dans son corps en état d’offrande…, elle savait, de toute éternité, qu’un jour son prince viendrait avec un guiseau commak et ses burettes d’huile pleines à ras bord…, on fornique dans le professionnalisme…
Deux heures !
Plus : deux heures dix !
Avec des plages de concentration, œuf corse, des périodes de mignotage languissantes…, on laisse souffler nos émois…, on se recharge le sensoriel…, elle a grimpé au dernier étage, là qu’on peut regarder les anges dans le blanc des yeux…, elle a soupiré des mots d’amour, les roucoule tourterelle.
Moi, j’ai dérivé dans une douce songerie, essayant de faire bon ménage avec mes souvenirs capiteux qui se pressent au portillon de ma mémoire.
J’ai aimé tant et tant de gentes femelles que je croyais différentes, mais c’était en vérité toujours la même : la femme !
Souveraine, mouvante, emportante…
Hôtesse du septième ciel qui te chatoie sous des traits différents, mais reste identique sempiternellement, qu’elle soit vioque ou jeunâbre, tartouze ou bioutifoule, salingue ou réservée, dévorante ou bêcheuse.
On se frotte, s’humecte, s’entredélire, se ramage, s’embourbe à jets sporadiques ou continus…, les paroles accompagnent, réduites à l’essentiel, des mots, des mots en copeaux :
– “Tiens ! Toi ! Je ! Ouiii !”…
On décline le désir sur tous les modes, à tous les temps.
Tout vient à point à qui sait attendre.
Tu vas, viens, jettes la graine au loin, dirait le père Hugo… et puis t’attends l’époque de la moisson.
Son regard dégage une lubricité qui fait monter le sang à la tête…, une pulsion phénoménale sur les bords m’induit à aller manger son mystérieux sourire sur ses lèvres.
Lutter contre un désir ne fait que l’accroître, je la rejoins à nouveau sur le méchant lit que moult coups de verge ont rendu geignard, conséquences sonores de fortes tringlées, monnaie courante dans un endroit de ce genre, mais cette musique est perturbante pour des êtres bien élevés, soucieux de baiser discrètement sans rameuter les populations.
Elle a la présence d’esprit de limiter la cata en se plaçant dos à moi, cannes en fourches claudeliennes, la tête dans la musette, le corps cambré…, ne me reste qu’à lever le rideau de scène pour l’entreprendre ; sobrement d’abord, d’une langue caméléonesque d’agenouillé fervent…, mon organe charnu, fixé par sa partie inférieure à mon plancher buccal, délivre illico à la gonzesse une volée de sensations variables qui, immédiatement, la conduisent à un dépassement de son moi sélectif…, le rythme de sa respiration, des brimborions de plaintes, des gémissements avortés que l’inconnue apprécie mon initiative.
Elle mord les draps à belles dents…, moi, d’un calme inspiré, terriblement maître de la situation, je l’amène à composition très very superbement…, m’est avis que cette individuse n’a pas pris de fade depuis lurette et que mon arrivée lui procure un sentiment de forte allégresse sensorielle.
En grand scientifique de la bouillave, je modifie mon parcours du combattant, passant, sans crier gare, de la menteuse agile au pouce indiscret dans l’œil de bronze, avec participation des autres fingers en déchaînage dans la tranchée des baïonnettes…, là, c’est la phase intense…, on s’écarte des sentiers battus pour accéder à l’antichambre du délire…, du coup elle libère des sons très beaux en comparaison desquels ceux d’un violoncelle font penser aux grincements d’un portail rouillé.
Je chauffe davantage encore en glissant ma main libre jusqu’à ses seins, généreux puisque j’arrive à joindre les deux bouts…, elle part en pâmade inexorablement…, griffe les draps, tremble de partout, couine, halète, supplie, exige, encourage…, son panard est imminent…, le lui délivré-je séance tenante, ou bien le différé-je davantage pour le lui accorder pleinement par les voies supra-naturelles ?
Elle ne me laisse pas le temps de trancher et se met à madériser d’abondance… en maestro chevronné, je dirige sa prise de fade avec une sûreté impressionnante…, la prouesse dépasse celle des flotteurs de bois canadiens qui te livrent une forêt abattue comme ton commis épicier des rouleaux de faf à train.
La dame-donzelle émet un cri en forme de gémissement…, y a de la souffrance dans son panard…, c’est un chant d’agonie…, ça remonte les âges.
Ensuite, privée de sa substance, elle glisse du lit et choit sur le plancher, au risque de s’enfoncer des échardes dans les meules… et je l’entends qui balbutie :
– “C’est trop !”…
Beau compliment !
Je m’assieds en tailleur, près d’elle…, caresse doucement ses cheveux sur ses tempes trempées de sueur, quoi de plus sublime qu’une femme anéantie par la jouissance ?
Des instants de cette intensité, de cette qualité, faudrait pouvoir les garder intacts ; en faire des confitures pour l’hiver.
– “Merveilleux”…
Elle se comporte très bien.
Ne crois pas qu’elle sursaute, bondisse, croasse…, non, juste elle soupire, sans abandonner sa voix languissante :
– “Que vous dire, grand fou ?”…
S’il y a une qualification que j’abomine, c’est bien celle-ci : “Grand fou !”…, c’est indigne d’elle.
Il est temps…
Je me re-sape, descend dignement les marches vers le garage, elle est là, superbe…
La porte s’ouvre électriquement comme il sied à une Wraith, je m’installe et je pars….
Inutile d’en écrire plus, la vidéo est explicite…