Blacky à Saint-Tropez…
Aurais-je moins de temps ? C’est concernant Blacky que je me pose cette question, car je passe un temps infini à publier divers sujets dans GatsbyOnline et plus dans cette section créée pour Blacky. Pourtant nous sommes toujours fusionnels 24h/24… Va me falloir réagir rapidos (fissa) en publiant des photos, quelques textes aussi. Bien… Go…
Si je n’étais pas moi-même, je ne penserais pas que mon Cocker Blacky puisse mourir, comme partir pour le reste de mon éternité. Voudrais-je alors aller mourir moi-aussi aux oublis dans le jardin où il s’amusait à gambader chassant lézards et oiseaux de mauvaises augures pour que notre ciel reste indéfiniment bleu ? Nul lieu de Saint-Tropez n’est plus emplit de lui, tant sa présence, et son absence imaginée par trop d’avance du temps, l’imprègnent de son être. L’absence n’est-elle pas pour qui aime, la plus incertaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ?
Toutes nos rares séparations m’ont appris malgré moi ce que serait l’irréparable qui viendrait un jour, bien que jamais jusqu’à une nuit d’insomnie, l’écoutant ronfler de bonheur et le revoyant me faire son regard de cocker implorant que je ne le force pas à avaler un médicament ! Survivre à l’amour, survivre à l’absence doit porter d’autres enseignements plus amers encore, tel qu’on puisse s’habituer à l’absence, alors que c’est la plus grande diminution de soi-même, la plus humiliante souffrance de sentir qu’on n’en souffrirait plus. Quel est ce lien qui nous tient si fort que rien n’est plus que vide ?
Vide qui s’en ira si vague qu’il ne la retiendra plus la dilution des souvenirs, ne retiendra même plus son odeur disséminée ! Quoi de possible pour le revivre, le ressusciter en tête ? Et chaque fois, chaque jour, chaque nuit, chaque semaine, chaque mois, chaque année plus difficile. Et il n’a toujours attrapé aucun des papillons voletant dans le jardin, mais chaque fois il leur a ôté avec ses aboiements un peu du mirage de leurs ailes, ou plutôt il les voit dans un miroir d’illusions, s’y heurte vainement pour les toucher, mais le ternit un peu chaque fois et ne les voit plus qu’indistincts et moins charmants.
Vous connaissez toutes et tous cette intraitable mélancolie qui s’empare de nous au souvenir des temps heureux. Ils se sont enfuis sans retour, quelque chose de plus impitoyable que l’espace nous tient éloignés d’eux. Et les images de la vie, en ce lointain reflet qu’elles nous laissent, se font plus attirantes encore. Nous pensons à elles comme au corps d’un amour défunt qui repose au creux de sa tombe et désormais nous hante, splendeur plus haute et plus pure, un amour pareil à un mirage devant lequel nous frissonnons. Et sans nous lasser, dans nos rêves enfiévrés, nous reprenons la quête tâtonnante…
Nous explorons, de ce passé, chaque détail, chaque pli. Et le sentiment nous vient alors que nous n’avons pas eu notre pleine mesure de vie et d’amours, mais ce que nous laissons échapper, nul repentir ne peut nous le rendre. C’est par des chemins divers que vont les hommes. Qui les suit et les compare verra d’étranges figures prendre naissance. Figures qui appartiennent, semble-t-il, à cette grande écriture chiffrée que l’on aperçoit partout : dans les nuages, dans la neige, dans les cristaux et les pétrifications, sur les eaux qui gèlent, à l’intérieur et à l’extérieur des roches, des plantes, des animaux, des hommes…
Tout cela dans les étoiles du ciel et dans les surprenantes conjectures du hasard. On pressent dans ces figures la clé de cette écriture secrète, sa grammaire, mais ce pressentiment lui-même ne se laisse pas réduire en formes fixes et se refuse, semble-t-il, à devenir une clé plus efficace. C’est de notre imaginaire sans nul doute que nous vient ce qui parvient à rassembler les souvenirs épars en tous lieux alors qu’une flamme s’allume dans nos yeux. Exercer ses sens, les occuper, les satisfaire, ne laisse nul repos. Certains observent les astres, copiant sur le sable leurs places et leurs cours…
Ne cessant de plonger le regard dans le ciel, jamais las de considérer ses remous, ses nuages, ses feux, c’est ainsi que de surprenantes choses s’ordonnent d’elles-mêmes, des combinaisons que tout renferme, des conjonctions, des coïncidences. On reproche aux poètes leurs exagérations et c’est tout juste si on leur passe leur écrits chargés d’images. Oui, on se contente, sans y regarder de plus près, d’attribuer à la seule imagination de l’écrivain, du conteur d’histoires, le féérique qui entend et voit ce que d’autres ne peuvent entendre ni voir et qui agit à sa guise avec le monde réel et en dispose comme il l’entend.
Mais moi je trouve que les poètes restent bien en deçà de l’exagération qu’il faudrait. Ils ne pressentent qu’obscurément le magique pouvoir, ils ignorent quelles forces sont à leur service, quels univers ? Un jour que je verserai quelques larmes, que s’évanouira en douleur mon espérance, que solitaire je me tiendrai reclus dans les ténèbres de mon cerveau ou vit cette forme d’être qui est ma vie, seul comme ne le fut encore nul solitaire, harcelé d’une indicible angoisse, avec la pensée encore de mon devenir, suspendu en moi-même avec un regret passionné de la vie fuyant comme une flamme qui défaille.
Soudain, des lointains bleus, des cimes de félicité se propageront peut-être tel un frisson lors d’un crépuscule et d’un seul coup se rompront les liens, la chaîne de la lumière. Enfuie, la splendeur terrestre, et mon deuil avec elle et dans le même temps, ma mélancolie disparaitra avec moi dans un nouveau monde insondable. S’il est une histoire qui vaut d’être étudiée et pensée, c’est bien celle des pressentiments et d’attraits dans laquelle celle des hommes n’est qu’une incise, qui sait de quelle brièveté, puisqu’elle se peut relayer par d’autres histoires.
Elle conserve elle-même en son sein, comme en un cabinet d’archives, les sources consignées dans des millions de choses qu’il convient simplement que nous apprenions à lire en ne les faussant par le zèle et la ratiocination. Qui aura un jour cette histoire clairement établie devant les yeux ? Ce temps viendra-t-il ? Nous œuvrons à un poids particulier de l’horloge universelle, lequel est encore peu ou prou inconnu de ceux dont l’entendement s’exerce principalement aux choses de l’État, au droit et parfois à l’art. Pour l’heure, nous sommes encore par trop environnés du tumulte de ce commencement pour juger des résultats.
La fleur s’épanouit même dans le désert où jamais un regard ne se pose sur elle. Le véritable artiste ne doit donc pas se demander, pas un instant, si son œuvre sera lu voire comprise ou non. Ce qu’il crée lui apparaissant beau et limpide, comment concevrait-il que des regards purs et inaltérés ne le voient pas ? Ce qui est rouge ne serait pas rouge pour tous ? Le vulgaire lui-même croit-il que ce qu’il tient pour beau l’est pour tous ? Mais ce que l’artiste tient pour le beau véritable ne le serait pas pour les initiés ? Comment expliquer que tel artiste crée une œuvre sublime que ne comprennent pas ses contemporains ?
Il s’étonne, car il pensait autrement. Les plus grands sont ceux qui devancent leur peuple et se tiennent à une hauteur de sentiment et de pensée où ils guideront leur monde par la seule vertu de leurs œuvres. Après des décennies, on pense et on sent comme ces artistes, et l’on ne comprend pas qu’ils aient pu être mal compris. Mais c’est grâce à ces artistes qu’on a appris à penser et à sentir ainsi. D’où il apparaît que les plus grands hommes sont dans le même temps les plus naïfs. Quel autre, disposant de voies toutes tracées pour se nourrir copieusement, accédant à l’aisance, préfèrerait vivre dans l’indigence ?
Pire, dans la nécessité, la privation, la faim et la misère, et poursuivre ses travaux artistiques, lesquels ne lui attirent aucun succès extérieur. Pour mourir tel un mendiant, ou bien dans une maison qui l’entretenait par charité. Les trois quarts des gens du monde trouvent une personne intelligente parce qu’elle passe pour intelligente. Et parce qu’elle passe pour intelligente, le dernier quart la trouvera bête. Ce qu’elle est en réalité échappe aux uns et aux autres. Une bêtise est plus orgueilleuse, plus puissante, plus intraitable, plus difficile à entamer qu’une opinion politique ou une croyance religieuse.
Détestez-moi, ne méprisez pas mes écrits. Comme j’en abuse bien plus, bien plus passionnément que la bonne chère, bien plus qu’elle s’est peu à peu remplie de mes rêve et illusions. Qu’ils vous soient par là vénérables. Leur place, nulle dans l’histoire des arts, est immense dans l’histoire des sociétés. Le respect, je ne dis pas l’amour, n’est pas seulement une forme de ce qu’on pourrait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c’est encore la conscience de l’importance du rôle social. Combien de nul prix aux yeux d’un artiste, sont au nombre des confidents élus par la foule des romanesques et des amoureuses.
Brigitte Bardot & Cocker…
—