Alain Corneau : Les certitudes sont du poison…
Fin de vacances, nouvelle rentrée…, nouvelle année, car c’est bien pour beaucoup d’entre-nous que la nouvelle année commence et non pas le premier janvier…
Bilan des vacances, bof…, rien de transcendant comme dit souvent Quelqu’un…, ni aucune panique comme l’année dernière où tout le monde devait se faire vacciner contre la grippe mexicaine !
Les vacances c’est aussi la disparition d’artistes, dont la sensibilité s’est exprimée dans des créations et qui nous ont touchés et pas l ‘actualité bidon des pipoles comme Paris Hilton ou autres greluches qui vont tourner avec Woody Allen… (Carlotta Sarkozy) ou encore Viginie Effira, nouvelle égérie de l’Oréal…, mais bien des talents qui s’en vont…
Alain Corneau avait 67 ans, Bernard Giraudeau 64, Laurent Terzieff 75…
Entre-nous, qu’est-ce que l’éternité d’un homme à l’échelle du temps …?
Rien !
Et si peu de temps pour accomplir son destin…, ou comme on dit : “Faire grandir un enfant, écrire un livre, planter un arbre”… et après ?
Je reviens à Alain Corneau, metteur en scène et réalisateur de quelques chef-d’oeuvres du polar, d’un film baroque comme “Tous les matins de monde “ et un autre pour moi, qui reste divisée… avec les bonnes critiques qu’a reçu le film “Fort Saganne” , le plus cher (en argent) du cinéma francais, je préfère vous parler des deux films qui m’ont marqué…, sans parler de “Série noire” qui est un film non pas dérangeant en soi, mais un peu trop bruyant…, mais bien de “Police Python 357” et “La Menace”.
Police Python 357…
Aaaahhhh quel film ! Quelle belle part pour le rôle d’Yves Montand qui excelle dans son personnage de super flic paumé et bien seul, on ne peut que s’y attacher, du moins pour moi… et dans le rôle de victime armée, mais désarmant…, je suis à chaque fois, prise de compassion devant l’homme-acteur lorsqu’il est vulnérable, maladroit…, moins pour l’homme qu’il était dans la vie…, mais bon étais-je là pour savoir ?
Non, mais à lire toutes ses déclarations et les anecdotes malheureuses qu’il a écrit, mon opinion est faite, que soit…, il restera un des meilleurs acteurs de sa génération !
C’était le temps où Alain Corneau était considéré comme un spécialiste du film noir, prenant en quelque sorte la succession de Melville, c’est d’autant plus vrai à dire, qu’il s’est essayé récemment au remake du “deuxième souffle”.
Néanmoins, ce qui a toujours préoccupé Corneau, c’est la quête identitaire des personnages et il ira beaucoup plus loin sur ce thème avec ultérieurement “Nocturne indien” dans un autre genre.
Pour “Police Python 357”, il fait appel à Yves Montand qui lui amène Simone Signoret, il jouera encore pour Corneau dans “La Menace” et “Le Choix des armes”.
Un flic solitaire, vivant en ermite, tombe amoureux sans le savoir de la maîtresse de son patron.
Après le meurtre de la jeune femme, tout accuse ce flic marginal qui mène alors l’enquête en solo pour trouver le vrai coupable.
L’affrontement muet de deux hommes, deux flics qui aiment la même femme, Silvia, ancienne prostituée qui s’est rachetée une conduite…, réhabilitée par le même commissaire de police qui en a fait sa maîtresse et la cache dans un appartement à Orléans.
Le commissaire Ganay, homme au dessus de tout soupçon, mari “modèle” d’une épouse infirme richissime, amant généreux de Silvia, une liaison qu’il n’a pas cachée à sa femme.
L’inspecteur Marc Ferrot, (Yves Montant) ancien de la DDASS, loup solitaire vivant en ermite dans un appartement monacal où il fabrique méticuleusement des cartouches maison pour son Police Python 357.
CORNEAU / MONTAND – POLICE PYTHON 357
Quand Silvia décide de quitter le commissaire Ganay, ce dernier, devenu fou, la tue et efface tous les indices.
Mais tout accuse l’inspecteur Ferrot qui était arrivé au domicile de Silvia sur ses talons.
Si l’un connaît l’existence de l’autre, ce n’est pas réciproque…, Ferrot subodore que Silvia avait deux hommes dans sa vie mais ignore qui était le second.
Reconnu par différents témoins au cours de l’enquête qu’il mène avec son subordonné Ménard, l’inspecteur Ferrot est obligé de fuir tout en cherchant l’assassin de Silvia qui est sous son nez, ce qu’il ignore…
Une scène terrible est celle où, piégé par son supérieur pour assister le lendemain à une confrontation de témoins qui vont le confondre, l’inspecteur Ferrot va se défigurer au vitriol pour ne pas être reconnu.
Les seringues d’anesthésique, le flacon d’acide sulfurique, on est aux confins de l’horreur froide, la succession des scènes dans la pénombre avant de revoir Montand le jour, de dos la tête couverte de bandages, glace le sang…
Quelle émotion, quelle interprétation magnifique et sensible laissant apercevoir les cicatrices, les blessures d’hommes morts-vivants que la mort n’effraie pas.
Une fois encore, l’ombre du “Samouraï” (1967) de Melville plane avec ce personnage quasiment autiste ayant l’habitude de ne jamais demander d’aide à personne, de règler ses comptes seul…
Fim dur, sec, clinique, film noir spectral, thriller identitaire désenchanté, “Police Python 357” a bien des chances de demeurer le chef d’oeuvre de Corneau (bien qu’on considère que c’est “Série noire”, 1979…), quel choc, quelle leçon ! (CinéManiaC )
Ce que j’aime dans les polars, ce sont les films dont je ne peux deviner la fin (cela arrive trop souvent avec les nouveaux films)…, le suspense doit être, comme il s’entend : du suspense…
Je pense l’avoir vu une dizaine de fois !
Et que dire de l’actrice, Stéfania Sandrelli !
Beautée naturelle et qui dégage tant de sensualité, encore une italienne !
J’ai également vu presque tous ses films…
Le syle épuré de la vie du flic, le lave-linge qui tourne silencieux, souvenez-vous…, toute une atmosphère de solitude, jusqu’au vitriol qu’il se jette au visage pour ne pas être reconnu par des témoins de sa dispute avec sa bien-aimée juste avant d’être assasinée par un sale type, revendicatif, jaloux de sa jeunesse et de sa nouvelle liberté qu’il achetait au prix d’un appartement tout confort, d’un magasin de fourrure, de bijoux, de quelques week-end dans un château… et de quelques heures de solitude de photos à ses heures de loisir pour décorer sa boutique, prix à payer aussi pour ne pas retomber dans la prostitution et la prison…, alors que madame son épouse riche (Simone Signoret) est clouée au lit par je ne sais quelle maladie mystérieuse… et qui accepte la relation de son époux tout proche de la retraite, avec la maitresse de celui-ci pour mieux le garder près d’elle…
Que de chose non-dites, mais qui explosent en silence dans ce film, mieux encore que les balles du colt…
Impressionant !
La Menace…
Faut-il aussi vous parler de celui-ci ?
Bien évidemment…, je ne vais pas me gêner !
Le grand Canada pour cadre, des décors somptueux, une autre histoire encore d’un homme amoureux fou, mais insoumis à une compagne jalouse, possessive et menaçante, Henri (Montand) travaillant comme gérant dans la Société de transport de la trompée… et qui va accuser la nouvelle maitresse après que celle-ci se suicide…
Une fois de plus, Yves Montand remporte un rôle sur mesure dans ce scénario, homme méthodique et tellement scrupuleux qu’il tombera dans son propre piège, alors que tout semble être gagné…
La fin du film est “écrasante” de surprise, on se dit qu’il va s’en sortir et… la jolie Carole Laure va courir le sourire aux lèvres après son amour déjà fantôme…
Tombé amoureux de Julie (Carole Laure), une jeune Canadienne, Henri Sarvin s’apprête à quitter sa compagne dépressive.
Accablée, celle-ci se suicide et tout semble accuser Julie.
Sarvin (Montand) fabrique alors de fausses preuves pour la sauver mais son jeu se retourne bientôt contre lui…
Un film noir, parfait entre l’action, le rythme et l’absolu d’une belle lumière des grands horizons…., à revoir ou à voir absolument !
“Le film noir, c’est ma boutique. Là où j’avance le plus masqué. Je me protège en jonglant avec les codes. Cela me permet de rester un artisan. Physiquement, j’aime le genre, car ça bouge, ça swingue, il y a plusieurs lectures et cela nous plonge dans le doute. Les certitudes sont du poison…, le cinéma noir nous interpelle, car comment se fait-il qu’on s’attache à un tueur ? Troublant non ? Le cinéma est une des meilleures formes de quêtes d’identité. Le film noir est la cerise sur le gâteau, car il ne parle que de ça, sur la base de qui est coupable, qui ne l’est pas…” !
Merci Monsieur Corneau !
Lorenza