Divine Elizabeth Taylor !
“Tu sais, je ne voudrais pas être comme Flora, écrivain peut-être…et encore, je me fiche bien de la postérité, je n’écris pas pour laisser une trace derrière moi, si peu de gens m’ont compris, milliardaire pourquoi pas, si c’est pour me retirer sur une île déserte, le monde est si moche et la vie si belle, une île où tu me raconterais une histoire, encore une autre histoire, puis une dernière belle histoire avant de partir, libre et calme, enfin calme…”
Boom !
Elle est devenue une star après trois films…
Gâtée, choyée dès sa naissance comme l’enfant de Scarlett et Rhett Butler, elle va obtenir tout ce qu’elle désire, ou presque…
Elizabeth Rosemond Taylor naît le 27 février 1932 dans une banlieue cossue de Londres, elle conservera de cet héritage anglais un accent hybride ainsi qu’un jardin secret, précieux reliquat d’anonymat…
Fille de Francis Taylor, marchand d’art originaire de l’Illinois et de Sara Warmbrodt, comédienne frustrée reconvertie mère à temps complet, elle suit son frère Howard dans les songes éveillés de gentry affichés par leurs parents anglophiles invétérés…
Son père ayant ouvert une galerie dans la capitale britannique, elle en devient bientôt l’attraction…
Dotée d’une abondante chevelure de jais et d’un regard scintillant implorant les étoiles, Elizabeth suscite, dès les langes, l’admiration, éduquée dans les traditions du vieux continent, bercée par les histoires de la “café society”, elle assiste à 3 ans au jubilé de George V, danse à 4 devant les jeunes princesses Elizabeth et Margaret, aime plus que tout monter son poney et trotter avec lui, dans le parc familial…, elle y cultive, à parts égales, les leçons de morale prodiguées par une mère volontariste et une forme de panthéisme qu’un monde sophistiqué devait, par la suite, altérer…
“L’ange noir” a tout juste atteint l’âge de raison lorsque le conflit menaçant l’Europe la contraint à rallier l’Amérique. Univers lointain qui devait bouleverser son destin…
– “S’il n’y avait pas eu la Seconde Guerre mondiale, j’aurais probablement vécu en Angleterre, épousant un homme comme il faut. Jamais je ne serais devenue actrice. J’aurais eu autant d’enfants qu’il m’aurait été possible d’en porter.”
La Californie, où Francis (son père) vient d’installer une succursale, voit les Taylor s’adapter sans difficultés, leur galerie ouverte au Beverly Hills Hotel reçoit la visite de Hedda Hopper, célèbre échotière…
La chroniqueuse s’empresse de faire la publicité d’immigrés si distingués, évoquant, au passage, leur “ravissante” fille de 8 ans.
Remarquant l’entrefilet, la fiancée du président d’Universal se rend sur place, Elizabeth est engagée sur-le-champ avant d’être remerciée après une figuration dans There’s One Born Every Minute : “Cette gosse n’a rien, même ses yeux sont trop vieux”, justifie le directeur de casting.
Pour les Taylor, la désillusion est de courte durée, responsable à la MGM, Benny Thau jette son dévolu sur le jouet abandonné…
Royaume où les princes sont des enfants, le studio du paternaliste Louis B. Mayer recherche une petite beauté qui fasse la paire avec un colley..
Une petite fille proche des animaux…
Dans ce premier triomphe, “La fidèle Lassie”, la petite Elizabeth n’éprouvera aucune difficulté à jouer l’amie des bêtes qu’elle était hors écran.
Peu après la fillette relève le défi d’incarner une cavalière dans “le grand National” au côté de Mickey Rooney (1944, celui-ci vit toujours, 91 ans !), prenant des hormones de croissance et suivant un entrainement éprouvant, elle fait une mauvaise chute qui provoquera l’écrasement de deux vertèbres.
Premier d’une longue série, cet accident la fera souffrir le restant de sa vie.
Elizabeth en véritable cavalière..
Elle n’en a cure et affirmera déjà son caractère en lancant à Warner : “Vous et votre studio, vous pouvez aller au diable !”, sans rompre pour autant son contrat de sept ans, fatiguée de collectionner les bluettes et de signer pour les fan-clubs d’affligeants poèmes à la Minou Drouet…
Elle reprend espoir l’année de ses 17 ans, si l’image désirable et provocatrice est fixée, reste à faire d’Elizabeth Taylor une actrice !
Avec le film “Une place au soleil” et Montgomery Cliff dont elle tombe amoureuse, ignorant qu’il préfère les garçons tout en avouant être troublée par l’innocente sensualité de la jeune femme…, elle devient alors sa confidente à défaut d’être son amante…
Avec l’acteur Montgoméry Cliff, fragile…
Le succès est au rendez-vous et elle pense trouver le bonheur en épousant Nicky Hilton, héritier de la célèbre chaine d’hotels, un choix avisé, mais confondant la réalité et la fiction avec la même robe de mariée que dans “Le Père de la mariée”… (1950), il l’emmènera au septième ciel avant de mettre à nu, ses démons…
Leur mariage ne tiendra pas une année…
Le gentil garçon bien né et bien mis est en effet alcoolique, joueur, névrosé, Nicky Hilton la bat, la trompe, elle le fuit et découvre sur le plateau de “Ivanhoé” un nouvel équilibre auprès de l’acteur anglais Michael Wilding qui a l’âge se son père…
Le très british, Michael Wilding..
Avec ce deuxième mari, ils auront deux enfants, pourtant leurs sentiments sombreront peu à peu dans l’indifférence mutuelle, des rumeurs de bisexualité passent aux orelles de l’épouse, ils se sépareront…
Dans une Jaguar, le temps de faire deux enfants…
Elle divorcera pour le producteur, Mike Tood, à qui l’on doit un nouveau système de prises de vues qui portera son nom, il lui apprendra aussi l’amour des bijoux, c’était un homme dur en affaires et flambeur, Elizabeth aime bien cet homme qui sait ce qu’il veut, ils auront une petite fille ensemble, mais il trouvera la mort dans un accident d’avion..
Avec Mike Todd et leur fille..
La jeune veuve se consolera dans les bras du crooner Eddie Fisher, le mari de sa meilleure amie, la fâde Debbie Reynolds…
Elle l’épousera aussi, faisant scandale dans les médias… et pour ceux qui suivent la parole du Vatican, re-scandale, elle s’en fiche, même si on la traîte de voleuse de maris…
Mike Tood, Lyz Taylor, Eddie Fisher et mari de Debbie Reynolds…
La blonde et fâde Debbie Renolds n’oublira jamais la voleuse…
Une rencontre explosive…
Puis, lors du cauchemardesque tournage de “Cléopatre”, passant par deux réalisateurs, le péplum désarticulé manquera de couler la Fox par son budjet astronomique, au point de provoquer l’arrêt du tounage du dernier film avec Marilyn Monroe qui en subira les conséquences…
Du haut de son 160cm, la reine tombera amouseuse de son partenaire à l’écran, la passion les emportera, alors qu’elle est toujours mariée à Eddie Fisher, Marc-Antoine n’est autre que Richard Burton…, (marié lui aussi) elle en perdra l’Oscar de “Soudain l’été dernier” en raison de son “infamie” et de “briseuse de ménage”…
Faux macho mais véritable chasseur, il sera pris dans son propre piège, leurs baisers ne seront plus du cinéma…
Le gallois et la diva vont se marier et divorceront deux fois…, une passion excessive entre l’alcool et les disputes qui finira par avoir raison de leur couple mais jamais de leur amour…
Dans “Qui a peur de Virginia Woolf”, leur propre drame conjugal est porté à l’écran, peinture implacable d’un couple malade, usé, empêtré dans un quotidien dont il exorcise la dimension insoutenable dans l’alcool, l’humiliation, la dérision et le mensonge…
“J’ai l’impression d’être dans la même pièce qu’eux, comme les invités du couple infernal, le malaise est garanti, j’ai envie de sortir tant la violence verbale et physique est présente, Martha est à la fois triviale, obscène, vulgaire, drôle, pathétique, cruelle, alcoolique, démente, désespérée et bouleversante”…
Le film est d’autant plus noir et amer, offrant d’abord une apparence très banale et conventionnelle, les personnages vont peu à peu révéler la dimension sombre, pathétique et même honteuse de leur propre relation dans une bataille constante pour savoir qui dominera l’autre…
Burton ne laissera pas la part belle à son épouse, il aura une présence incroyable dans ce film !
C’est le premier film de l’histoire d’Hollywood qui sera nominé dans toutes les catégories !
Burton est résigné lorsqu’il apprendra que son épouse emporte l’Oscar de la meilleure actrice.
L’acteur avait beaucoup à gagner, mais en même temps, en choisisant sa destinée auprès de la fille aux yeux mauves, il perdra son indépendance dans une sorte de pacte Faustien…, il deviendra célèbre, mais sans elle, les studios ne s’intéresseront plus vraiment à lui pour des rôles importants, sauf pour “L’espion qui venait du froid”, ainsi que des apparitions dans quelques films et au théatre.
Burton était élevé au rang de star tant qu’il était aux coté de Liz Taylor, il avait compris qui’il ne pouvait pas rivaliser en tant qu’homme, quoi qu’il fut…, jamais il ne la surpassera, tant elle dégageait un magnétisme, une force et une détermination qui attirait les foules.
Dans ce duel, il sera perdant, même s’il lui offrira un bijou de plus d’un million de livres, il y perdra toute dignité en se vautrant dans le luxe : bateaux, fourrures, bijoux, palaces…, en fait, elle le tiendra longtemps sous sa coupe mais elle en payera le prix…
L’acteur cultivé ne se reconnaitra plus, dans son journal intime il remettra toutes les fautes sur sa femme, tout en restant prisonnier de leur rivalité amoureuse…, irritable et mauvais caractère, il rongera son frein jusqu’au bout, le faux-macho enchainé battra sa femme et boira de plus en plus, jusqu’au moment ou elle finira par le quitter…
Pourtant au bout d’un an de séparation, il se retrouveront pour se remarier, mais rien ne changera, ils se sépareront encore, le théatre et une nouvelle compagne ne le sauvera pas…
Chacun de leur côté ils vont se retrouver plus seul que jamais, jusqu’à ce que Richard Burton disparaisse à l’âge de 59 ans d’une hémoragie cérébrale, en Suisse, loin du tumulte hollywoodien qui lui apporta gloire et amour, mais certainement pas la sérénité tant recherchée…
Le conte de fée ne se réalisera pas, Elizabeth épousera encore d’autres hommes, bien moins intéressant que Richard Burton, mais le mythe était né et la légende suivra son cours…
Suivront encore deux maris, insignifiant tous les deux, un homme politique et un maçon…
“C’est fini, c’est fini…, enfin…, lorsqu’on n’aime plus, il ne reste plus qu’à survivre”… disait-elle !
Qui sait si elle n’a pas pensé lors de son dernier souffle à son grand amour lorsqu’il avait simplement décliné un verbe…, laissant le caméraman inquièt devant son ton si grave et si sérieux, comme dans Hamlet, le verbe était au présent pour mieux souligner peut-être que lorsqu’on n’aime plus, nous sommes plus seul que jamais, comme s’il y avait impossibilité de faire un…
Le verbe était : être :
” I am..,you are…, she is…, we are…, you are…, they are…”
Elle n’est plus, mais était-elle encore lorsqu’elle a arrêté le cinéma ?
On la disait “increvable”, enterrant maris et amants, elle s’en est allée d’une maladie de coeur, prouvant bien qu’elle en avait un..
J’ai beaucoup aimé l’actrice et son engagement pour la recherche contre le Sida…, la femme avec ses frasques, ses bijoux, ses foururres et ses caprices de star un peu moins…
Je retiens quelques films de l’actrice d’exception qu’elle était et qui connaîtra une carrière longue, éblouissante et variée, ses bijoux et ses multiples mariages n’occulteront jamais son talent :
–“Qui a peur de Viginia Wolf”
–“La Chatte sur un toit brulant”, avec le très beau Paul Newman alcoolique et impuissant et où la sensualité de l’actrice explose, plus incandescente que jamais…
“Maggie“, belle et inoubliable dans sa robe blanche et sa détermination…
– “Le chevalier des sables”, de Vincente Minelli, toujours avec Richard Burton dans le rôle d’un pasteur qui envie son indépendance et avec Charles Bronson, libre et en libertine amoureuse, aussi forte et fragile que l’oiseau des plages et qui choisit de vivre seule avec son fils à Big Sur, dans un univers à la Kerouac, la seule fois où j’ai envié son mode de vie…
La mer, les oiseaux, la paix, la peinture l’amour…
– “Cléopatre” particulièrement l’extrait du film ou elle roule dans un tapis devant un César médusé, glaive à la main (à l’origine elle devait être complètement nue..) de Mankiewicz, 1963
– “La mégère apprivoisée “ de Zeffirelli, 1967
– “Géant“…, craquante dans la peau d’une texane sensible et cultivée, avec Rock Hudson et James Dean, un film de Stevens, 1956…
Une texane pas comme les autres…
– “Reflet dans un oeil d’Or”…, excellent film de John Huston, avec Marlon Brando détestant les cheveaux, maniaque et irrésistible, humilié, moqué : on se retient de rire de son trouble à la vue d’un homme nu dans la forêt montant à cru un cheval !
On ne sait s’il est pétrifié de l’audacieux cavalier préférant cette vision iréelle osée et “immorale” que sa belle et exubérante épouse castratrice, stupide, et superficielle !
A voir ou à revoir absolument en version originale et en couleur, John Huston a fait excès du sépia, les expressions sont saturées et la couleur sépia devient trop envahisante, c’est un avis personnel…
– “Soudain l’été dernier”, du réalisateur Mankiewicz…, dans ce film elle retrouve Montgoméry Cliff : Sur une plage chauffée à blanc par une surexposition de la péllicule, Elizabeth Taylor sort de l’eau sous les cris d’une foule avide, elle joua une mutique, au bord de la folie, alors que c’est Monty qui va mal…
J’aurais préféré voir la très sensible Natalie Wood, plus crédible et plus expressive pour ce rôle..
Trois films étranges :
– “La cérémonie secrète”, de Joseph Losey: entre le vrai et le faux, ce long, très long film, est déroutant et difficilement descriptible !
A ce jour, je n’ai toujours pas compris ce huis-clos étouffant, avec une jeune Mia Farrow aux taches de rousseur, faussement candide en perverse dérangeante, ainsi qu’un Robert Mithum barbu en abuseur sexuel et manipulateur cynique, et en parfait salaud…
–“Une belle tigresse”…, était un film écrit pour elle, boudinée dans des panchos à stras, arborant des coiffures hallucinantes, un make-up hyper chargé et d’une vulgarité de chaque seconde, la comédienne s’éclate visiblement dans ce rôle de mégère sensuelle, de sangsue infatigable, ou tout y est, tentative de suicide…, n’hésitant pas à coucher avec la maitresse de son époux pour le récupérer (et elle le récupère !) avec le malheureux Michael Caine qui ne sait plus où donner de la tête et plus..
Un film d’un kith insensé, tellement mauvais qu’il en devient fascinant, le réalisateur Hutton parvient à capter l’ambiance d’une époque avec ses soirées alcoolisées au son des cythares, des perruques afro et des intérieurs surchargés de couleurs, calquant le ton de son film sur le jeu d’Elizabeth Taylor, une sorte d’excès permanent, à l’extrème limite du pastiche, il parvient à maintenir l’intérêt, d’une curieuse façon, mais il y parvient…
Dans le rôle du mari dragueur sans caractère, balloté d’une femme à l’autre, Michael Caine s’efface complètement derrière la star…, on se demande même parfois si la Taylor joue la caricature d’elle-même, Richard Burton aurait sans doute été plus adéquat pour jouer son mari, à se demander si… ce n’est pas déjà une autobiographie sur grand écran…?
Deux femmes pour un homme, c’est trop…
La douce Susannah York (disparue en janvier dernier de cette année à 72 ans) joue avec un réalisme louable mais qui ne lui laisse aucune chance, face au monstre sacré…
Un film indispensable à tous les admirateurs et admiratrices de l’actrice, son rôle est comme une sorte de condensé et de point de non-retour, il faut l’avoir vue cancaner avec son confident homo, crachant son venin, surjouant les petites filles, singeant cruellement ses partenaires, fascinant dans le genre…
“Boom ‘ , de Joseph Losey, autre film avec Richard Burton en oiseau de mauvaise augure…
On a tous en nous quelque chose de Tennessee…
Elizabeth Taylor ne sera jamais intimidée par aucun de ses partenaires au cinéma.., mais elle aura toujours une tendresse particulière pour les plus sensibles, les écorchés et les “faux durs”…
On peut finalement se douter que cette fille si forte en apparence, avait un côté maternel envers les plus vulnérables, tel James Dean ressentant sa douleur de vivre, Rock Hudson et son extrème gentillesse, Montgoméry Cliff, l’homme le plus triste et le plus toumenté du cinéma… ou encore Michael Jackson, l’enfant-star, comme elle l’a été aussi…
Quand les hommes comprendront qu’en rendant les femmes plus fortes, ils se rendront plus forts eux-même…?
Lumineuse : “Maggie portait la vie en elle, la vie a quelque chose de désespéré que Maggie avait en elle, quelque chose de passionné et de désespéré qui ressemblait à Elizabeth Taylor”…
(Tennessee William)