Elie Wallach (Tuco) & Sergio Léone (El maestro)…
Pour ma part, j’adore la scène du cimetière de “Le bon, la brute et le truand” de Sergio Léone avec la musique du Maître Ennio Morricone, que de talents !
Le cinéma est bien un Art complet lorsque sont réunis dans une symbiose parfaite, images et musiques d’un film, ce n’est pas au petit bonheur la chance que l’on réussit un chef-d’oeuvre comme au départ d’une vulgaire photo à l’ère du numérique où l’on choisit, “en mode auto-rafale” la meilleure image qui sera ensuite traitée par photo-shop et autres logiciels cadreurs et effets spéciaux… Certains diront que seul le résultat compte, les mêmes qui se prendront aussi pour de grands artistes.
Sergio Léone était un artiste, un géant, tout comme Kubrick, Welles ou encore John Ford et John Huston, on ne peut laisser au hasard un cadrage, une prise !
Pourtant, même aujourd’hui, avec la pellicule disparue, avec cent fois la même prise de vue qui sera ensuite encore enregistrée en post-synchro par d’autres logiciels-pro et ordinateurs…, beaucoup de spectateurs et cinéphiles sont encore déçus par le peu d’originalité et le jeu des acteurs dont les expressions varient autant que des poissons morts dans un tsunami d’effets sonores, toujours spéciaux…
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What else ?
Débile ! Pas d’autres adjectifs pour décrire ce navet, tant c’est mauvais ! Gagnée par un ennui sidéral, j’ai déserté depuis longtemps les salles de cinéma, beaucoup trop de films grotesques, débilitants qui coûtent pour la plupart des millions de dollars en dit “effets spéciaux” sur fond vert tout droit sorti de studios londoniens et autres en non-devenir, où seuls les visages des acteurs et actrices sont réels…(Gravity), des millions de dollars exigés également par ces mêmes acteurs et actrices qui s’imaginent être indispensables au 7ème Art dans leurs promos pour enlaidir leurs diverses propriétés et embuer les jeunes âmes d’une aura qui n’existe que sur la dernière photo lèchée prise en studio, ou par de faux paparazzis, bien loin de ceux de l’époque de Fellini…
Les critiques-merdialopes et autres zanimateurs-télé sont les irresponsables-responsables de tout ce gâchis, les salles obscures ne sont plus des lieux où l’on peut rêver, rire, pleurer, passer par toute une palette de sentiments et d’émotions…, il faut vendre, consommer, avaler, gaver… Que dire encore lorsque nous constatons que le film “Gravity” a remporté des Oscars dans le but de lui donner une seconde gravité vie en DVD… Rien, juste déglutir…
Faut-il oublier ce que veut dire Académie des Arts et des Sciences du cinéma ? Un organisme (en principe) destiné à l’amélioration et à la promotion mondiale du cinéma… Quand aux Césars, depuis quelques années on n’a jamais vu autant de “cons pressés” pour recevoir le sésame de la médiocrité…, oublions encore celle qui a reçu dernièrement le César d’honneur pour une carrière à peine commencée mais sans aucun doute pour la récompenser et la remercier de sa position pro-Israël dans l’histoire de Oxfam contre Sodastream… Oublions le César de la meilleure actrice, du meilleur acteur, ils ne font pas partie de mes rêves, ils vivent là, tout près, elle peut être une voisine qui nettoie le pas de la porte, tout comme l’autre, peut être le plombier… Oublions, vite… Lumière !
Il aurait été injuste de parler d’un film de Léone sans dédier quelques lignes à son compositeur de génie attitré… Ennio Morricone composera même, pour le coup, la musique avant le film et ce sera le réalisateur qui aura à se caler sur la partition tour à tour épique, burlesque, grotesque, émouvante, utilisant toutes les possibilités de l’instrumentation de la guitare sèche à l’harmonica en passant par les voix, le sifflement humain… On pourrait même considérer cette magnifique partition comme étant le 4ème personnage principal du western… Elle atteindra son apogée émotionnelle dans ce qui pourrait être un film dans le film, cette sublime et longue scène finale dans le cimetière, une expérience sensorielle sans commune mesure !
Tuco” la fripouille…
Petit rappel à propos de “Tuco”… le crasseux, le voleur de poules, le détrousseur de cadavres, l’assassin dans “Lord Jim”, (film imparfait avec le regretté Peter O’Toole et le mièvre Curd Jurgens), le mafieux sournois dans “Le Parrain”, la sale g… du révolutionnaire des pays perdus !
Elie Wallach, de son vrai nom, Eli Wallach Herschel, né le 7 décembre 1915 dans une famille juive new-new-yorkaise d’origine polonaise…, deux diplômes universitaires en poche, il se lance dans le théâtre dès les années 30′. La carrière de cet adepte de “La Méthode” est interrompue par la guerre.
Engagé en 1940, il sert à Hawaii dans un hôpital militaire en tant que sergent. Il est toutefois rapidement envoyé à l’École d’officier d’Abylène, dont il sort second lieutenant. Après quelques temps passés à Madison Barracks (NY), il est affecté à Casablanca, où il appartient au staff administratif hospitalier.
Devenu capitaine, il finit par se retrouver en France. Là, un officier médical supérieur, découvrant son passé d’acteur, lui demande de monter un spectacle afin de divertir les patients… Libéré de ses obligations militaires, il s’installe à New York et se lance dans une carrière théâtrale. Il débute en 1945 dans “Skydrift” aux côtés de la bouillonnante portoricaine Rita Moreno… (West Side Story)
Ci-dessus, Elie Wallach avec Daliah Lavi dans “Lord Jim”
Il remportera sa première récompense, un Tony Award, pour son interprétation d’Alvaro Mangia cavallo, dans la pièce “Rose Tatoo” de Tennessee Williams…
C’est sur les planches qu’il croise la route de la comédienne Anne Jackson, qu’il épouse en 1948, la même année, il devient l’un des premiers étudiants de l’Actors Studio aux côtés de Patricia Neal, Montgomery Clift et Marlon Brando, auquel il sous-louera régulièrement son appartement lorsqu’il partira, avec son épouse, en tournée… Wallach trouve de multiples engagements à la télévision la même année et se voit même proposer en 1953 d’interpréter le soldat Angelo Maggio dans “Tant qu’il y aura des hommes”, finalement incarné par Frank Sinatra… C’est Elia Kazan qui lui fait faire ses débuts sur le grand écran en 1956 avec “La Poupée de chair” toujours sur un scénario de Tennessee Williams ! Grâce à ce film Wallach se fait remarquer par la critique et le public…
Bien qu’il n’ait pas une goutte de sang italien ou espagnol, Wallach se verra souvent proposer de jouer des personnages exotiques, très typés…
Wallach garde alors une grande distance à l’égard de l’industrie cinématographique et semble préférer les planches aux plateaux de tournage. Il accepte néanmoins quelques offres : il est “Dancer“, le tueur implacable de “The Line-up” de Don Siegel, il s’associe avec Edward G. Robinson et Rod Steiger pour le casse du casino de Monte-Carlo dans “Les sept voleurs“, et il est Guido, l’assistant de Gay Langland (Clark Gable) dans “Les Désaxés” de John Huston avec la fragile Marilyn…
En 1960, Eli Wallach coiffe le sombrero de Calvera, le chef de la horde de brigands mexicains qui harcèle le village défendu par Yul Brynner et ses acolytes dans “Les sept mercenaires”…, avec son accent prononcé et son jeu exubérant. Plutôt rondouillard et pas vraiment le physique du jeune premier, il reste néamoins un des méchants les plus inoubliables du genre… On lui confie un rôle dans la même veine, celui de l’outlaw Charlie Gant dans la superproduction “La Conquête de l’Ouest“, avec une fameuse brochette d’acteurs ! Le Western le plus hollywoodien de l’histoire du cinéma…
L’extase de l’or… Ce sont les grimaces qu’il fait lorsqu’il menace George Peppard et sa famille, qui le font choisir par Sergio Leone pour son troisième western : “Le Bon, la brute et le truand”…, pourtant en 1966, Eli Wallach est d’abord sceptique à l’idée d’être dirigé par un italien dans un western… et prend tout de même le chemin d’Almeria, comme Clint Eastwood et de Lee Van Cleef…
Eli Wallach s’impose dans le rôle de Tuco, le truand du titre, son interprétation est tout à fait prodigieuse, il élève ici le cabotinage au niveau d’un art, ce western est aussi une sorte de concerto pour ces trois fabuleux acteurs, Morricone leur ayant chacun attribué un instrument et un thème musical !
Ce “triel” comme l’appella lui-même Sergio Léone fait partie des scènes d’anthologie du 7ème Art, est de nos jours étudié dans de nombreuses écoles de cinéma tant elle touche à la perfection par son utilisation dans un même temps de tous les éléments de la mise en scène. Face aux masques impassibles d’Eastwood et de Van Cleef, Eli Wallach vole la vedette et parvient à rendre sympathique et humain son personnage de bandit veule, prêt à tout pour parvenir au trésor…
-Blondin : “Je vais pouvoir dormir tranquille parce que je sais maintenant que mon pire ennemi veille sur moi”…
Tuco commence à chercher, puis se met à courir entre les tombes dans une course effrènée, ce point d’orgue du film est précédé d’un morceau génial, le travelling virevoltant autour de l’immense cimetière, se stoppant brusquement sur l’image de la pierre tombale et du visage bêtement stupéfait de Eli Wallach… Il est intéressant de savoir que le cimetière n’existait pas et qu’il a été exclusivement bâti pour le film, 250 soldats espagnols ont construit ces deux mille tombes sur la demande du réalisateur dans les plaines d’Almeria ! Cette scène comporte en son centre une arène, évoquant les cirques antiques, dans laquelle s’affronteront les trois rivaux dans un “tournoi” ayant pour spectateurs ces milliers de morts !!! La plus belle scène (à mon sens) dans le film, qui nous plonge de façon humoristique, sarcastique dans une méditation sur la mort, la folie de la guerre et la quête de l’argent, à tout prix…
Toujours la même émotion lorsque je revois cet extrait…
Comme on peut le constater, Coppola et Kubrick n’ont pas le monopole de la mégalomanie, mais il serait tout à fait déplacé de la critiquer tellement le résultat de leurs lubies est éblouissant ! Léone s’applique dans cette scène à étirer le temps, à jouer sur la musique et à découper sa séquence afin qu’elle soit imparable. Les trois premiers gros plans des acteurs prendront à eux seuls une journée de tournage ! La précision du cadrage, la perfection du montage, le lyrisme de la musique font de cette séquence une chorégraphie baroque autant qu’un formidable suspense. Des scènes aussi fortes émotionnellement qu’esthétiquement !
Stylisation extrême des cadrages, des paysages, des attitudes, des caractères, lenteur exagérée et violence concentrée, cynisme et roublardise de personnages seulement mus par l’appât du gain, tels sont les éléments instaurés par Léone et sa trilogie et que les autres westerns spaghettis s’approprieront sans qu’aucun n’arrive ne serait-ce qu’à la cheville de ceux du Maître…
“Le Bon, la brute et le truand” fait aujourd’hui le délice des spectateurs du monde entier par ses innombrables et inusables diffusions télévisuelles.
Le terme “jouissif” appliqué au cinéma aurait très bien pu être inventé pour ce western tellement il prend ici tout son sens !
Reste un mystère, comme on le sait, il existait peu de salles de bains dans le west de ces années-là, du moins pour les pouilleux : comment gardaient-ils des dents aussi blanches…? Et puis, si peu d’histoires d’amours ! Sergio Léone, est un modèle pour beaucoup de réalisateurs… Les frères Cohen (True Gritt), Quentin Tarentino (Django)…, on ne compte plus aujourd’hui les grands cinéastes qui ont une dette envers Léone, les derniers en date dans leur manière de prendre à contre-pied les stéréotypes d’un genre que leur ont légués leurs prédécesseurs tout en leur vouant une grande admiration…
Alors que “Le bon, la Brute et Le truand” est devenu un film culte depuis plusieurs années, gageons que d’ici quelques décennies, il sera enfin considéré pour ce qu’il mérite d’être par les historiens et critiques de cinéma les plus sérieux, c’est à dire pour un chef d’œuvre total, maîtrisé de bout en bout !
Il n’est pas donc pas incompatible de ne pas apprécier le western spaghetti et de s’extasier devant ceux de Léone de même qu’il est possible d’être amoureux du western américain classique et d’adorer dans le même temps le quinté de western léonien… Dans les années qui suivent, Wallach continue à tourner en Europe… Il joue dans trois autres de ce que l’on appelle alors des westerns-spaghettis, ce sont : “Les quatre de l’Ave Maria”, ” Et viva la revolution”, “Le Blanc, le jaune et le noir” de Sergio Corbucci, qui exploitent tout son talent comique !
Eli Wallach figure aussi au générique dans “Le Cerveau” de Gérard Oury ou “Le Voleur de Chevaux” d’Abraham Polonsky,
Américain exilé sur le Vieux Continent, à la fin des années 70′, Eli Wallach est de retour aux Etats-Unis.
Il y trouve encore des rôles à sa (dé)mesure… Il est ainsi traqué par Steve McQueen en 1980 dans “Le Chasseur” (le dernier film de McQueen), il est aux trousses de Burt Lancaster et Kirk Douglas (bientôt 97 ans) dans “Coup double” en 1987, il est Don Altobello faussement gâteux dans “Le Parrain III” en 1991…
Tournant beaucoup dans des téléfilms, Eli Wallach, malgré la perte d’un œil, n’a que peu réduit son activité. On a pu encore le voir en 2007 dans “Le Faussaire” et “The Holliday”. Il a aussi été aussi l’interprète d’un sketch de “New York, I love you”… En ce qui concerne sa vie privée, Eli Wallach est marié à l’actrice Annie Jackson depuis 1948, avec laquelle il a eu 3 enfants, son mariage a été cité de nombreuses fois pour sa durée : 66 ans ! Qui fait mieux dans le cinéma ?
– Son épouse dit de lui : “Eli me calme toujours, il a toujours une histoire ou une blague à raconter, une parabole, un nouveau point de vue. Une inclinaison au pardon, J’ai dit une fois à un ami qu’Eli avait découvert, peut-être sans le savoir, le moyen ultime pour énerver les gens : Il est heureux…”
L’acteur a écrit une autobiographie dans laquelle il expliquait que ce fut un honneur pour lui de travailler avec Clint Eastwood qu’il retrouva 35 ans plus tard dans la réalisation de “Mistic River” et les dangers que Sergio Léone avait pris sur les tournages avec les explosifs et autres cascades périlleuses…