Femmes de dictateurs…
Diane Ducret, une historienne et journaliste française de 28 ans, qui a écumé ces archives et les bibliothèques pour retrouver cette part importante de la vie des dictateurs vouée aux femmes…, les dévoile dans un livre passionnant : Femmes de dictateurs.
Sans céder à la frivolité, elle montre la vie amoureuse souvent complexe de ces tyrans qui vont s’appuyer sur des femmes pour conquérir le pouvoir.
Ils ont besoin d’elles, elles les aiment, même si elles sont trahies, trompées, sacrifiées.
En espérant que vous preniez plaisir à la lecture de cet ouvrage… m’indiquait le petit mot du service de presse de la maison d’édition.
Ravi de cette attention, voici enfin ma réponse : un grand oui !
J’ai passé un très bon moment de lecture.
D’autant qu’il me plaît de renouer de temps en temps avec ma passion et de troquer un roman contre la lecture d’un essai historique.
Le sujet de celui-ci est original : se concentrer sur le destin des épouses, compagnes, concubines ou simples conquêtes des dictateurs du 20 ième siècle.
Et elles furent nombreuses !
L’introduction m’a semblé une simple juxtaposition d’extraits de lettres à Hitler et Mussolini, sans plus d’intérêt que de planter le décor, passant d’un sentiment à un autre (admiration sans borne, fanatisme total, demande en mariage ou doléances).
J’y apprend toutefois qu’Hitler a reçu plus de lettres de groupies que les Beatles et Mick Jagger réunis !!
Etonnant non ?
Les chapitres sont ensuite découpés par dictateurs : Mussolini, Hitler, Mao, Lénine, Salazar, Staline, Bokassa et Ceausescu.
Evidemment, je suis surpris de constater qu’autant de femmes puissent avoir été charmées par ces tyrans.
Il ne faut pas oublier la politique qu’ils menaient, alors que leurs épouses ou conquêtes, en avaient forcément conscience.
On ne peut que s’émouvoir du destin de certaines, souvent tragiques.
Comment par exemple, ne pas être touché par celui d’Eva Braun, recluse dans la forêt (éloignée de la politique) qui n’a pas hésitée à rejoindre Hitler alors que tous savaient que la fin était proche, toutes les amantes ne fusionnent pas avec leur amour quand celui-ci à de graves problèmes.
A l’inverse, comment ne pas être offusqué de constater que certaines étaient plus tyranniques que le tyran lui-même (et en particulier envers d’autres femmes dont elles étaient jalouses !).
Le chapitre consacré aux Ceausescu surprend.
En effet, alors que les autres sont centrés sur les dictateurs et leurs femmes, celui-ci tourne exclusivement sur madame Ceausescu.
Au point de se demander qui était réellement le dictateur entre le mari et la femme.
Ce chapitre m’a particulièrement intéressé, je reste encore marqué par les images du procès de ce couple et de leur exécution.
Ce livre apporte une dimension nouvelle aux biographies des dictateurs.
En rentrant dans leur intimité, on prend conscience d’un pan différent de leur personnalité et d’un semblant d’humanité (relative tout de même).
Certains se révèlent des amants romantiques (Mussolini est dépeint comme un Don Juan, attentif à ses admiratrices), des époux tyranniques (Mao, Staline, Bokassa), voire un personnage dénué de sentiments apparent (Hitler).
Une lecture pleine de découvertes, qui se lit aussi facilement qu’un roman, dont je ne regrette qu’une chose : il manque une conclusion de l’auteur qui permettrait de faire le lien sur ces destins uniques et de prendre un peu de recul.
Sex-symbols, ces dictateurs ?
Certainement…, Adolf Hitler eut plus de lettres de fans que Mick Jagger et les Beatles réunis.
En 1934, le chancelier reçut 12.000 lettres.
Benito Mussolini fait mieux : de 30.000 à 40.000 lettres par mois.
Ce sont surtout des femmes qui écrivent leur amour, leur désir, leur envie de se marier avec eux, d’avoir un enfant d’eux.
Certaines envoient même le contrat de mariage, il suffit de le signer.
Toutes ces lettres sont conservées dans les archives d’Etat.
Ces milliers de lettres de femmes enamourées mettent Hitler très mal à l’aise : ces déclarations d’amour abstraites le tétanisent.
Mussolini, lui, se prend au jeu, il répond, et celles qui ont eu la bonne idée d’ajouter une photo viennent parfois passer un bon moment au palais vénitien.
Comment expliquer un tel capital de séduction ?
D’abord, il faut dire que ce sont des hommes avec un physique peu avantageux.
Staline avait le visage vérolé, les orteils palmés et un bras plus court que l’autre qui l’empêchait d’enlacer sa cavalière en dansant.
Hitler était très complexé par son physique.
Mais leur pouvoir de séduction est travaillé.
Hitler va faire des séances de pause chez son photographe Hoffmann pour pouvoir prendre les attitudes les plus séduisantes possible.
Des femmes vont lui apprendre à faire le baise-main pour séduire l’électorat féminin, à se vêtir de la manière la plus séduisante possible.
C’est une femme qui a obligé Hitler à se débarrasser de ses courtes culottes de peau à la bavaroise pour enfin enfiler des pantalons.
Mussolini pareil : ce sont deux femmes qui vont le former alors qu’il vit comme un clochard pendant son exil en Suisse, qui vont lui apprendre à s’adresser aux foules, à regarder.
Au-delà de ce travail, il y a quelque chose qui séduit chez eux : leur regard.
Toutes les femmes qui laissent une trace de leur passage avec eux disent qu’ils ont un regard hypnotique.
J’ai trouvé des centaines de témoignages de ce genre.
Il y a ensuite la voix.
Lors des discours d’Hitler, les femmes des premiers rangs s’évanouissent comme lors d’un concert de boys band.
Les collaborateurs de Hitler disent que, pour les premiers rangs, les dernières minutes d’un discours de Hitler étaient un orgasme de mots.
On n’imagine pas, au vu de ces hommes plutôt petits et mal fichus, un tel pouvoir de séduction.
Hommes à femmes, mais aussi hommes qui ont besoin des femmes ?
C’est tout l’intérêt de ce livre.
On a des anecdotes à la fois sur la vie intime, la vie sexuelle des dictateurs, les tromperies de chacun.
Mais il y a aussi la formation politique qu’ils doivent aux femmes.
Mussolini le dit : il n’était rien sans Angelica Balabanof, cette jeune Juive d’origine russe qui va lui apprendre ce que c’est que le socialisme ; ni sans Margherita Sarfatti, Juive également, très belle, vénitienne, qui va être sa maîtresse et va partager sa vie pendant vingt ans.
Elle achète des journaux pour le nommer rédacteur en chef : elle écrit ses discours, elle le met en avant.
Le jour de la marche sur Rome, en 1922, quand les Faisceaux s’approchent de la ville, Mussolini veut s’échapper, partir en Suisse, il a peur.
Margherita le rattrape par le col et lui assène : “Ou périr ou marcher, et je suis sûre que tu marcheras”… Chez Lénine, c’est la même chose, c’est avec sa maîtresse Inessa et son épouse Nadia qu’il va concevoir la doctrine du communisme et marcher sur le Kremlin ; elles vont même être ses ministres.
Lénine et Mao paraissent aujourd’hui des êtres pleins de rigueur, mais la vérité est-elle différente ?
Lénine, dans sa doctrine politique, refuse l’amour libre, un concept bourgeois selon lui.
Mais dans sa vie intime, il vit entre sa maîtresse Inessa Armand, une intellectuelle, une féministe, et son épouse officielle Nadia, celle qui fit plusieurs milliers de kilomètres pour le rejoindre dans son exil en Sibérie.
Et Mao est passé, lui, d’une femme à l’autre, en les trompant et sans jamais se soucier des précédentes.
La leçon de votre livre pourrait être : les femmes font les dictateurs…, cette leçon peut-elle être mise à profit pour Mesdames Ben Ali, Moubarak et d’autres ?
Aujourd’hui, le profil a changé.
Dans ce livre, on voit que les épouses sont des amoureuses du tout ou rien : elles vivent pour leur dictateur et meurent pour lui.
Aujourd’hui, elles ont fait leur révolution féminine et on voit qu’elles ne sont plus dans l’ombre, uniquement dédiées aux dictateurs.
Elles développent leur propre système financier, politique, elles sont des militantes politiques comme Simone Gbagbo ou des financières de haut vol comme Leïla Trabelsi, la femme de M. Ben Ali.
Ou deviennent des reines de la communication et du trust comme Suzanne Moubarak, qui était omniprésente dans la presse.
Aujourd’hui, elles ont troqué les bonnes œuvres contre les gros billets.
Et dès que la situation tourne au vinaigre, elles ont tendance à préférer l’exil à la mort, et à s’en aller avec le magot.
Le monde appartient aux femmes, disait le thème de la Foire du livre, est-ce que ça se confirme ?
En tout cas, les hommes appartiennent aux femmes !