Si, si, vers Novembre 2006.
Non, oui, je sais plus, et vous ?
Quoi ? Z’aviez autre chose à faire ?
L’abonnement familial de votre famille (c’est un gag ou un lapsus ?) à Télérama venait d’arriver à terme et de toute façon comme c’est votre Moman qui lisait ce torchon en vous faisant des remarques lorsque vous reveniez à la maison avec le coffret Die-Hard-Trilogy, vous ne vous êtes pas réabonné et donc…
Hey !
Vous croyez que Tarantino, dans son vidéo club, y regardait que des films de boules pour s’instruire ?
Piting !
Z’êtes trop jeunes, là, pas d’expériences, je ne sais pourquoi je passe tant de temps à vous écrire, quoique ce n’est pas spécialement pour vous, en fait j’écris avant tout pour moi…, une sorte de thérapie !
Bon, bref…
Glenn Ford, c’était (je mets l’imparfait puisqu’il est mort, logique, non ?), un acteur de la vieille génération.
C’est lui qui hérita du lycée pourri de Graine de Violence…, nan, nan ça ne préfigure pas l’Instit, j’imagine Gérard Klein dans une ZEP, je crois qu’il n’a jamais fini l’épisode…, nan, c’est comme les films avec le surveillant qui vient réguler le trafic d’armes à la cantine parce que couper sa viande avec un Uzi, ça fait désordre et que déjà les femmes de ménage elles sont mal payées, alors faut pas exagérer.
The Substitute entre autres, signalons le aux jeunes mod’s (et travelo’s) prêt à enfiler leur parka, n’est pas un film sur les Who !
Le film sur les Mod’s c’est Quadrophenia.
J’aurais dû écrire ce truc pour Noël, vous auriez pu demander des trucs intelligents en cadeaux plutôt que l’intégrale de Frank Dubosc (dont on fait les pipes).
Glenn Ford, c’est aussi à lui que Rita Hayworth faisait du gringue en chaloupant, moulée dans sa robe noire, retirant doucement son gant de trois mètres de long en chantant : “Put the blame on me babe” dans GILDA.
On a beau ne pas être de la même génération, Rita même en Noir et Blanc, ca me fait des trucs dans le slip.
J’en vois qui rigolent, pensant que c’est avec des films en noir et blanc que j’ai découvert les beautés de l’amour.
Perdu.
Je peux vous l’avouer ici, car il y a prescription…, ma première érection télévisuelle (et d’ailleurs je ne savais même pas que ça s’appelait ainsi, je la dois à Mort Schumann.
Enfin pas à Morty lui même, mais à une des ses danseuses !
Bon, je vous refais la scène au ralenti.
C’était dans une émission de l’ORTF en noir et blanc.
Bref, Mort’ (c’est le diminutif de Mortimer, ce qui est tout aussi ridicule…) n’était pas noir comme pourrait l’induire son prénom, ce n’était pas non plus le héros de la BD Blake et Mortimer…
Mortimer Schumann, malgré son impérissable et pénible tube larmoyant en rotation depuis 1975 sur Radio Nostalgie : “Il neige sur le Lac Majeur, les oiseaux lyres sont en pleurs“…, était en son temps (avec son collègue Doc Pomus, la deuxième salve après Lieber Stoller), le compositeur d’Elvis Presley…
“Save the last dance for me“, c’est lui…
Quant à un quelconque lien du sang avec LE Schumann, vous savez bien que je n’écoute pas de classique.
Donc Morty (Mc Fly), avec sa moustache, son gros bide et sa grosse voix, a fait le coup du pilote qui, venant de se faire larguer par sa fiancée, décide d’aller se perdre dans le triangle des Bermudes, ce qui est une relecture plutôt futée du : “je vais me crasher en voiture contre un mur, ou, je vais prendre ce train qui part dans le lointain“, etc…
Dans cet immortel tube aéronautique qu’est : “Papa Tango Charlie” (reprit par Bazbaz en 2003 sur l’album Sur le bout de la langue)…, dansent mollement, chaloupant, dirais-je, deux charmantes eurasiennes (pour le côté Bermudes je suppose, quoique, comme moi, vous savez bien que les Bermudes ne se situent pas à côté de l’Eurasie).
Janet Jackson à bien tenté la redite au Super Bowl, mais sans réel succès.
WAowwww, il était en ces temps révolus, midi et demie dans la télé et deux nibards m’ont explosés en pleine tronche.
La France entière a fait un demi tour, salto arrière pour les plus doués, dans le calbut’ : “Que se passe-t-il, tu es tout blanc ?“…
Oui oui, c’était l’époque où dans les pub’s c’était pas la soeur de Snoop-Dog qui avalait le yaourt, si vous me suivez.
Quand on voulait vendre une machine à laver, c’était une vieille en blouse à carreau qui disait que ça lavait bien, pas une pute en string.
C’est dire si ensuite j’ai suivi avec intérêt la fin de la chanson en espérant que la jeune déesse du sexe ne parviendrait pas à tenir son corsage sans fatiguer.
C’était une sportive, elle a réussit.
Depuis ce jour, je n’ai jamais plus manqué un passage télé de Morty.
Hélas, les filles s’étaient équipées en conséquence et avaient acheté du scotch ou des pinces à linges, car ce délicieux incident ne s’est plus jamais reproduit.
Et ce n’est pas sans un pincement au coeur que, aujourd’hui encore, j’entends : “Papa tango charlie, vous perdez de l’altitude, vous vous dirigez tout droit vers le triangle des Bermudes“.
Je n’ai pas hésité à ranger le 45t à côté du lubrifiant et des accessoires sexuels, ça m’aide parfois….
Glenn est donc, par hasard, revenu faire un tour chez moi via les DVDs de la vidéothèque MovieHouse de mon pote-Brother : Patrick Henderickx.
C’est pas toujours fun de choisir un DVD dans son bazar, il a une propension assez étonnante à proposer des trucs comme Sous le soleil et Le Gendarme à St Tropez chez les Nudistes, en fonction de sa clientèle…
Alors parfois, je prends des vieilleries aussi pour lui faire plaisir.
Parfois c’est mortel : Winchester’73 (époustouflant scénar’), parfois c’est bof : 3h10 pour Yuma, avec Glenn justement.
Il joue un chef de gang qui se fait surprendre par un bouseux (Van Helflin et sa tête de nounours) qui, seul contre la horde des desperados et la population, décide de faire son boulot de citoyen et de livrer le malfrat aux autorités.
A la fin, Glenn trouve que le bouseux a tellement de courage qu’il accepte de se livrer.
C’est mou et ça tient pas debout.
Mais en tous cas, le lendemain de ma soirée télé, Glenn Ford mourrait.
A l’époque, ma copine d’alors (celle qui est partie avec un vendeur de machines-à-laver-le-linge) et moi avions l’habitude de descendre dans le sud (drive south, yeah) rendre visite à sa soeur.
Circulant avec élégance en Bentley, on ne s’arrêtait pas sur les aires d’autoroutes, chemins forestiers, chantiers déserts, baraques à frites abandonnées, pour niquer, préférant les hôtels.
Nous écoutions des cassettes dans la voiture (Petite aide pour les jeunes : la K7 est un petit rectangle de plastique contenant de la bande magnétique servant à enregistrer les sons…, on lisait la cassette dans un objet nommé : magnétophone à cassette).
Roulant sur la nationale 7 (on peut la prendre partout, qu’on aille à Rome, à Sète… mais pas à Troyes), nous écoutions les Chesterfield Kings…
Alors là, je dois effectuer à nouveau un détour existentiel, car cette cassette est importante : c’est à cause d’elle que j’ai connu mon ex-future-ex-no-future-ex…
Rien de bien extravagant dans notre rencontre : un classique bal populaire…, j’étais encore en proie à l’influence nauséabonde de Michel Sardou et de son hymne : “Dans les bals populaires…“, croyant que c’était la vraie vie.
Comme d’hab’…
Bref…
C’était l’heure des slows (petite aide pour les jeunes qui ne draguent plus que sur internet : le slow est une danse lente qui donne le tournis et qui permet : 1) d’emballer la fille : 2) de trouver que le temps passe parfois trèèèèèèès lentement si l’on foire son coup…
Hérvé Villard et son : “Capri c’est fini“, (au début je croyais que c’était c’est fini ces caprices, n’ayant pas encore la géographie mondiale en mémoire), est un slow.
Bien sûr je vous le dit comme ça, mais les meilleurs slows sont italiens (même si j’ai ici des é-mails qui attestent de l’aide majeure de Ten-CC : I’m not in loooove, ou encore des Korgis : Everybody got to learn sometimes).
Bref, bénéficiant elle et moi du même concours de circonstance de part nos ami(es) respectifs(ves), genre t’invite la fille la plus moche, t’invite le mec le plus gros (et donc par une étrange alchimie, le plus moche)… on s’est mis d’accord pour inviter une fille sur un slow.
Sauf que, ça ne c’est pas passé comme prévu.
Je me suis retrouvé à dormir chez la demoiselle, et pas sur la moquette, dans son lit !
Le lendemain, alors qu’en vrai gentleman j’allais préparer le petit dej’ (pour les croissants…, la boulangerie était à 4 km), je furetais dans sa discothèque.
Et qu’y vis-je ?
Des cassettes, des skeuds des Chesterfields Kings, Stooges, Cramps, Jon Spencer Blues Explosion, Sonic Youth…
Qu’est ce que vous auriez fait à ma place ?
Je suis tombé amoureux.
Vous auriez fait pareil, non ?
Oui.
Ben vous êtes vraiment cons, alors.
Vous êtes le genre de personne qui achète une maison parce que les volets sont peints en bleu, qui juge une voiture sur la propreté des sièges…
Nan, mon gars… et je vais donner un conseil : toujours aller en profondeur, ne jamais se tenir à l’évidence.
Les disques pouvaient avoir été abandonnés par un de ces ex-, la guitare trônant dans le salon était peut être la guitare fétiche de son père récemment suicidé et ce superbe tatouage dans le dos : une tournante avec des bikers qui se serait terminée avec un grand concours de dessin…
Toujours se méfier…, ce que je n’ai pas fait.
La cassette terminée, j’enfournais le “It’s Alive” des Ramones dans le mange disque automobile.
Et roulez jeunesse.
Plus loin, alors que je venais de lâcher “Tegucigalpa” en capitale avec T, la musique se mit à hoqueter, puis ralentir pour stopper net.
Ces indices ne pardonnent pas : la k7 avait un problo’.
Avec les K7, le grand jeu c’était de récupérer les mètres de bande coincés dans le magnéto.
Généralement la bande n’y survivait pas.
Effectivement.
Complètement froissée, la bande ressemblait à un lampion.
J’aurais pu la tirer, la lisser, la repasser, ça n’aurait rien changé.
Si, j’aurais inventé la techno avant l’heure.
Arrivé à une station service, car si on peut vivre d’amour, la voiture elle, a besoin d’essence, je jetais la dite cassette dans une poubelle.
Quelques heures plus tard, j’apprenais que Joey Ramone était mort !
Et comme pour Glenn Ford, c’est moi qui en était le responsable.
J’avais tué le rock n roll après avoir torpillé Hollywood !
Certains ont ensuite essayé de brûler les disques de Celine Dion, en vain.
Pendant longtemps, j’ai caché ce terrible secret.
Pendant longtemps, je n’ai pas dormi la nuit, m’éveillant trempé de sueur en hurlant gabba gabba hey.
Je n’ai plus rien jeté, même plus les boites de conserve, les baskets fabriquées par les petits chinois… et mon chez-moi s’est doublé d’un entrepôt ou je range tout, absolument tout !
Je me suis même mis un moment à faire de l’obstruction au ramassage des ordures, à prêcher devant les décharges municipales que nous étions tous des meurtriers en puissance, capables en un geste anodin de tuer le paysan fabriquant son cassoulet artisanal, le type qui embouteille l’eau minérale…
Et puis la vérité m’est apparue.
Je ne pouvais rien contre la mort du rock.
J’avais lutté, en pleine rédemption, mais c’était peine perdue : Blondie faisait de la pub pour des cosmétiques, Kim Gordon pour des fringues, Télérama encensait Lemmy et les Ramones, les slips Motörhead se vendaient chez H&M, Courtney Love posait à poil dans les magazines, les New York Dolls étaient de retour, et si vous tapez RNR sur votre portable, ça écrit POP, ce qui veut tout dire…
Si ca se trouve, c’est Joey qui a guidé ma main, il ne voulait pas voir ça, lui qui avait tant donné à cette musique.
Aujourd’hui, je sais qu’il m’a pardonné, car malgré mon geste, je n’ai jamais démérité.
Aujourd’hui je ne dors pas mieux, mais je trie mes ordures.
C’est déjà ça.
Bon…
Il se fait tard, je vais dormir, là…
“Allo Papa tango Charlie“…
Piting, je bande !
Dédié aux amoureux…, pour leur rappeller que la vie est courte, que tout ne dure qu’un temps, que le bonheur est fragile…
Mille baisers…