Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !
Sourire ironique, méfiant et voix grave, Patrick McGoohan fut avant tout le
N°6…, dans la série déjantée et géniale ” Le prisonnier” !
A l’heure où des caméras de vidéos-surveillances nous épient en permanence dans le métro, les supermarchés et les jardins publics, aux carrefours des rues et autoroutes, où chaque être humain est catalogué dans d’immenses fichiers informatiques, où les pouvoirs politiques sont discrédités de part leurs méthodes douteuses, où un simple téléphone portable peut nous faire repérer n’importe où sur la planète par un satellite, où la science vise à nous modifier génétiquement, où les médias pratiquent le lavage de cerveau à coups de spots publicitaires, de fausses infos, de jeux télévisés bêtifiants et de faux reportages d’investigation…, que nous reste-t-il, sinon le pouvoir de nous poser des questions ?
Pas grand-chose en fait…, si ce ne sont les visions de Patrick McGoohan…
La série
“Vision prémonitoire”, “énigme allégorique” sont des termes qui reviennent souvent quand on évoque Le Prisonnier.
Si cette série a su, si bien, voyager dans le temps depuis 1967 pour arriver intacte dans le troisième millénaire, c’est surtout grâce au génie de son créateur Patrick McGoohan, en collaboration avec George Markstein (qui tient le rôle du fonctionnaire impassible à qui McGoohan donne sa démission dans le pré-générique), jusqu’au quatorzième épisode.
C’est Markstein qui eut l’idée de base du Prisonnier (dans un train entre Waterloo et Shepperton), le lendemain il la suggéra à McGoohan qui en fut très enthousiaste.
Réalisateur, producteur exécutif, scénariste, acteur…, on raconte même que Patrick McGoohan aurait composé les premières notes du thème du générique au piano.
Tel Atlas, il a littéralement soutenu de ses épaules son œuvre du début à la fin en donnant son avis et en participant à la création de TOUT.
Le Prisonnier est “sa chose“.
Du génie à tous les niveaux : dialogues, décors, tout y a été scrupuleusement créé pour que se dégage de l’œuvre une esthétique parfaite.
Plus de 40 ans après, de part la beauté onirique unique du Village, véritable miroir déformant de notre société et de part son discours socio-philosophique dérangeant et prémonitoire sur le monde d’aujourd’hui, Le Prisonnier peut être considéré à juste titre comme un véritable ” chef-d’œuvre
(télé)visionnaire “…
Si du point de vue esthétique Le Prisonnier demeure aujourd’hui inégalé, c’est sans aucun doute grâce à son identité avant-gardiste : costumes époque “années folles“, décors à mi-chemin entre Alice au Pays des Merveilles et Star Trek, idées scénaristiques surréalistes et délirantes et une musique très diversifiée, infiniment riche, de type easy-listening.
Questions sans réponses …
Le Prisonnier n’apporte pas de réponses mais pose des questions.
A la fin du dernier épisode nous ne sommes guère plus avancés qu’au début du premier.
Pourtant les idées traitées, qu’elles soient politiques, sociales, philosophiques (perte de l’individualité), ont fait leur chemin dans nos esprits.
Le Prisonnier nous pousse à nous poser des questions.
Son message est clair : ne vous laissez pas enfermer, pensez par vous-même.
Nous ne sommes plus un téléspectateur gavé et passif mais un être pensant à part entière, libre de nos avis et de nos choix.
De cette façon, nous comblons le vide laissé par l’intrigue, nous recréons ce que Patrick McGoohan ne nous dit pas.
En effet, Le Prisonnier est la seule série bâtie sur un manque puisque le dénouement ne nous apporte pas de réponses
Tout d’abord, les réflexions que nous insufflent les images et les dialogues nous dérangent.
Inévitablement, dans un deuxième temps, nous nous remettons en cause et finalement nous comprenons que la réponse à chacune des questions posées de la série est “MOI“, moi en tant qu’être pensant et libre.
Si tout cela arrive, c’est de “MA” faute.
Nous sommes notre propre perte.
Nous sommes prisonniers de nous-mêmes.
Je laisse chacun libre de sa propre analyse, libre de se poser ses propres questions et libre d’y apporter ses propres réponses…
http://www.youtube.com/watch?v=rnRtuizmA4g
http://www.youtube.com/watch?v=Vf8YO9qkThI
Le Prisonnier (The Prisoner) est une série télévisée britannique en 17 épisodes de 48 minutes, créée par George Markstein et Patrick McGoohan et diffusée entre le premier octobre 1967 et le 4 février 1968 sur le réseau ITV.
En France, la série a été diffusée à partir du 18 février 1968 sur la deuxième chaîne de l’ORTF mais sans les épisodes 13, 14 et 15, ni l’ultime épisode qui ne sera programmé que des années plus tard sur une autre chaîne.
Le synopsis est simple, un agent secret (interprété par Patrick McGoohan) démissionne avec pertes et fracas, et rentre chez lui au volant de sa Lotus Seven (Caterham) qu’il a fabriquée lui-même.
Alors qu’il est en train de faire ses valises dans son appartement londonien, un gaz anesthésiant est diffusé dans la pièce.
À son éveil, il se retrouve dans le Village, une communauté insulaire constituée d’une part de villageois numérotés comme lui et, d’autre part, de leurs geôliers, deux classes indifférenciables.
Il sera désormais le numéro 6 et n’aura de cesse de s’évader du Village.
– Où suis-je ?
– Au Village.
– Qu’est ce que vous voulez ?
– Des renseignements.
– Dans quel camp êtes-vous ?
– Vous le saurez en temps utile…
Nous voulons des renseignements,
des renseignements,
des renseignements.
– Vous n’en aurez pas !
– De gré ou de force, vous parlerez.
– Qui êtes-vous ?
– Je suis le nouveau Numéro Deux.
– Qui est le Numéro Un ?
– Vous êtes le Numéro Six.
– JE NE SUIS PAS UN NUMÉRO,
JE SUIS UN HOMME LIBRE !
– Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! …
Il est à noter que les amateurs de la série ne s’entendent pas sur l’ordre à considérer lors de la diffusion.
Plusieurs tentatives ont été faites afin de déterminer un ordre universel, sans succès vu que les diffuseurs, les propriétaires de la série, les créateurs et les amateurs ont un ordre bien à eux.
Lors de sa première diffusion en France, l’épisode The General fut traduit par Le cerveau, afin d’éviter toute confusion avec Charles de Gaulle, président de la République à l’époque du tournage de la série.
Cette précaution sera levée quelques années plus tard lorsque l’ambiguité sera définitivement écartée par le temps.
La série comporte 17 épisodes, cependant McGoohan avait prévu de n’en faire que sept.
Afin de favoriser l’exportation vers les États-Unis, les chaînes de télévision de l’époque en matière de série télévisée requéraient le standard de l’époque à savoir 26 épisodes.
Les décideurs de l’époque s’accordèrent finalement sur 17 épisodes.
Il y a cependant toujours un débat quant à savoir si l’arrêt de la série fut le résultat d’un accord mutuel entre les parties ou si la série fut purement et simplement annulée.
N° Titre Français Titre Anglais Première diffusion Britannique 01 L’arrivée Arrival 01/10/1967 02 Le carillon de Big-Ben The Chimes of Big-Ben 08/10/1967 03 A, B et C A, B and C 15/10/1967 04 Liberté pour tous Free for All 22/10/1967 05 Double personnalité The Shizoid man 29/10/1967 06 Le Général The General 05/11/1967 07 Le retour Many Happy Returns 12/11/1967 08 Danse de mort Dance of the Dead 26/11/1967 09 Echec et mat Checkmate 03/12/1967 10 Le marteau et l’enclume Hammer into Anvil 10/12/1967 11 L’enterrement It’s your funeral 17/12/1967 12 J’ai changé d’avis A Change of Mind 31/12/1967 13 L’impossible pardon Do not Forsake Me, Oh my Darling 07/01/1968 14 Musique douce Living in Harmony 14/01/1968 15 La mort en marche The Girl who was Death 21/01/1968 16 Il était une fois Once Upon a Time 28/01/1968 17 Le dénouement Fall out 04/02/1968
La série a donné lieu à des interprétations abondantes, à des fan-clubs, a suscité des sites Web, la firme d’automobiles Renault à même repris le thème du Prisonnier pour faire une publicité, et cela n’est pas étonnant tant elle utilise habilement ce que Stanley Kubrick nommait la zone fertile de l’ambiguïté.
En fait, chacun peut voir dans Le prisonnier ce qu’il a envie d’y voir.
Le « village » ne serait-il pas le symbole de la condition humaine, et le « numéro 6 » le pauvre humain qui cherche sans toujours y parvenir à lui donner du sens ?
Ce « numéro 1 » qu’on ne voit jamais (sauf au dernier épisode) n’est-il pas une allégorie de Dieu, et les « numéros deux » qui se suivent et ne se ressemblent pas une personnification, par exemple, de tous ceux qui de façon contradictoire au cours des âges ont affirmé agir en son nom ?
C’est en tout cas l’une des hypothèses possibles parmi bien d’autres.
Patrick McGoohan avait joué dans une série d’espionnage « normale » qui avait eu un succès international : Danger man (en français : Destination danger).
De cette série au Prisonnier, il ne change rien : ni son appartenance initiale aux services secrets, ni sa coiffure, ni son style.
Tout se passe comme si on cherchait à nous faire comprendre que le Prisonnier est John Drake, ce qui accroît l’impression de basculement du réel que la série cherche et réussit à donner.
Pour l’anecdote, dans un épisode de Danger man (en français : Destination danger), le village-hôtel de Portmeirion est utilisé.
Et aussi, le thème du double (Schizoïd Man) avait été utilisé dans Danger man (en français : Destination danger).
Plusieurs compositeurs se sont mis à la tache pour nous offrir une bande originale vraiment très originale.
Tout d’abord Ron Grainer, auteur de l’incontournable thème du générique: deux coups de tonnerre, les réacteurs d’un avion et subitement un air tonitruant pour cuivres et percussions.
Le compositeur nous en offre une version alternative dans le deuxième volume de la BO.
Il s’agit d’un thème beaucoup plus lent joué au clavecin et intitulé “The age of Elegance”.
En France, on connaît surtout Ron Grainer pour la musique du film Le Survivant (The Omega Man de Boris Sagal – 1971 – tiré d’un roman de Richard Matheson avec Charton Heston) et à la télévision pour L’Homme à la Valise (A Man in a Suitcase, avec Richard Bradford), Bizarre Bizarre (Tales of the Unexpected, sur des scénari de Roald Dahl, auteur des contes récemment mis en images James et la Pêche Géante et Mathilda) ; en Grande-Bretagne, il a écrit les musiques du mythique Dr Who et du non moins célèbre (?!) Maigret (version anglaise avec Rupert Davies).
Dans le premier des trois volumes de la BO, associés à Ron Grainer, on retrouve les noms de Albert Elms et Wilfried Josephs.
Albert Elms a composé les thèmes les plus intéressants, typiques de la série et de l’époque.
Il s’agit tout d’abord de morceaux de jazz symphonique (style The Avengers ou Mission Impossible) que l’on peut entendre dans les épisodes clefs comme L’Arrivée ou Liberté Pour Tous et réutilisés plus tard dans, par exemple, Double Personnalité qui ne contient que des reprises.
Elms nous offre également des morceaux plus romantiques comme le fameux “N°6 and B Dance at Engadines Party” (épisode A,B&C) ou des plages d’action et de suspens que l’on peut entendre dans les multiples tentatives d’évasion du N°6.
A cette liste s’ajoute des thèmes dignes des comédies de Henry Mancini comme “Chase with Sports and Helicopter” (épisode La Mort en Marche), dans le style de La Panthère Rose.
L’originalité réside dans le fait que Elms utilise ces morceaux de comédie en totale décalage avec les images: le N°6 luttant contre ses geôliers dans un décor à la Disneyland sur fond de musique à la Inspecteur Clouseau.
Tout l’esprit ironique du Prisonnier se retrouve ici.
Outre les compositions de Elms, le premier CD contient également les principales musiques arrangées, notamment les adaptations classiques de Vivaldi, Bizet et Strauss.
Les musiques d’atmosphère et d’accompagnement entendues dans l’appartement du N°6 ou dans la rue sont regroupées dans les volumes 2 et 3.
Il s’agit là des “inoubliables” concerts de la fanfare du Village (le Big Band), de musiques douces et joyeuses, de thèmes décalés et ironiques réemployant des berceuses et de comptines.
De nombreux morceaux ont été empruntés à la Chappel’s Music Library.
Eric Mival, Robert Dearbery et John S. Smith, responsables du choix des musiques, ont pioché dans ces catalogues et nous ont fait découvrir des véritables petits bijoux, des mélodies inconnues de tous mais non moins magnifiques.
Ainsi nous pouvons écouter Jean-Claude Petit (et oui !) à travers des morceaux d’illustrations sonores.
Ecrites au début de sa carrière en collaboration avec Jack Arrel (compositeur, entre autres choses, du Temps des As, 30 Millions d’Amis, Les Tifins et Auto-Moto (version 1975)), ces illustrations ont été revendues à divers supports dont le cinéma (Psychedelic Portrait, Rag March, Southern Hemisphere respectivement réintitulés “In the Magnum Record Shop”, “N°6’s speech” et “Breakfast with N°2” dans les épisodes La Mort en Marche, Le Dénouement et Liberté Pour Tous).
Quelques noms reviennent également souvent comme Robert Farnon (compositeur de l’entraînante et éclatante musique de la série Colditz avec David McCallum et du score de Shalako avec Brigitte Bardot), ou encore Paul Bonneau (compositeur du thème de la série Les Globes Trotters) avec notamment The Cats Dance rebaptisé “Insomnia for N°6” dans l’épisode Danse de Mort.
C’est un morceau délirant et guilleret imitant, comme son nom l’indique, des chats en train de danser !
Une ambiance très “Catwoman”.
Moins décalé, totalement inconnu mais absolument sublime, Ocean de T. Veneux utilisé pour le thème “N°6 Adrift on Raft at Sea” (épisode A,B&C).
Cette plage, douce et lyrique, évoque les scores d’Elmer Bernstein utilisant les ondes Marthenot.
Pour finir, notons que quelques adaptations musicales ne figurent pas dans les CD, comme celles de Carmen Miranda, The Four Lads ou encore les chansons utilisés dans l’ultime épisode Le Dénouement, à savoir “Dry Bones” et “All You Need is Love” des Beatles.
All you need is love… à méditer.