La Croisette, ses stars, ses starlettes, son tapis rouge et ses scandales…
Qu’il semble loin, le temps où les stars, en bras de chemise ou en robe d’été, déambulaient sur la Croisette, sans lunettes noires ni gardes du corps !
Souvenirs, souvenirs…
Nul ne savait d’avance quel serait l’accueil que feraient les 2.246 spectateurs du grand auditorium à cette plongée dans les jeunes années du prince des pauvres gens…, mais un tel retour en arrière n’a déplu à aucun des fidèles d’un Festival qu’ils ne reconnaissent pourtant plus vraiment…
Cachée derrière des barrières, dotée d’un service d’ordre incroyablement musclé, badgée, aseptisée, triée…, la plus grande fête du cinéma au monde a éteint ses lampions d’antant pour allumer les spots d’une foire à l’image contemporaine, ou télévisions et nouveaux médias se disputent les restes d’une gloire enfuie (voir les conflits de ces dernières années sur les droits de diffusion des images de la montée des marches)…
– Il fallait venir il y a vingt-cinq/trente ans et plus… racontent les habitués qui, alors, pouvaient faire partie du décor…
– C’est simple, le soir, vers 5 heures, quand on avait fini de travailler, on pouvait voir Kirk Douglas faire une partie de pétanque sur la Croisette… se souvient une dame…
L’argent ne coulait pas à flots, les rires, si…
Acteurs, réalisateurs, journalistes, badauds et passionnés y creusaient dans la pelouse des barbecues improvisés…
En 1964, le formidable Ugo Tognazzi, qui n’avait jamai peur d’en faire trop, avait décidé de cuire ses pâtes sur la plage, pour le plus grand bonheur des badauds et des photographes…
Aujourd’hui, tout est cadenassé et l’on ne voit des stars, que l’arrière des limousines à vitres fumées qui les déposent au pied de marches où l’on ne rit plus guère.
Une fois la séance passée, les mêmes autos fendent “la foule du vulgaire” pour rechercher leurs précieux clients qu’ils déposent loin de tout ce bruit, à l’Eden Roc, dans une villa ou…, fissa, à l’aéroport, car hors “promo”, on ne s’attarde guère…
A l’époque, on croisait tout le monde partout !
Très solicité, le fringant Sean Connery était aussi le vainqueur à l’applaudimètre sur les marches du palais, tout en ne reniant pas James Bond, il présentait à Cannes l’excellent film “La Colline des hommes perdus” de Sidney Lumet…
Tôt le matin, on pouvait, près du Carlton, apercevoir Anouk Aimée sortant d’une fête, redevenant sublime dès qu’elle mettait un pied sur le sable…
Dans la journée, c’était Bardot descendant d’une 2 CV pour aller déjeuner avec Jacques Charrier à La Maison des Pêcheurs, un restaurant d’Antibes aujourd’hui remplacé par un hôtel de luxe…
Tandis que le soleil s’égaillait dans les collines, on aimait le rire de gorge de Sophia Loren au Martinez où descendaient les Italiens…, on entendait Nicholson refaire le monde avec Bob Rafelson à la terrasse du Carlton, juste avant que les stars se prennent trop au sérieux !
Le soir, on voyait Lynch faire sa loi sur une plage où l’on projetait des extraits de son film, tandis qu’un peu plus loin Bruce Willis et Demi Moore faisaient encore semblant de s’embrasser, parodiant avec quelques années d’avance Barack Obama, premier acteur de la vie politique américaine, chacun goûtait au “Yes, we Cannes !”…
A présent, depuis trente-cinq ans et avec le remplacement du vieux palais par le “bunker” , ce centre de congrès international, le Festival est devenu mégalomane…
La situation économique générale et la course au profit ont tué les critiques dont l’avis ne rapportait rien, les journaux dépendant de la manne publicitaire…
Vrai et faux…
Où, ailleurs qu’à Cannes, peut-on voir justement s’écharper des critiques, par journaux interposés, sur tel plan-séquence d’un film coréen de trois heures ?
En fait, le Festival est devenu un peu schizophrène, proposant à la fois des sélections de films ultrapointus qui feront peu d’entrées en salles et des défilés d’étoiles aussi filantes qu’inaccessibles…
Restera toujours le souvenir de certains bonheurs incroyables de jadis : marcher sur la Croisette et tomber sur Burt Lancaster ou assister, sur la terrasse de l’ancien palais, à l’interview de Visconti…
Il est midi et, sous un soleil de plomb, une journaliste lui demande : “Que pensez-vous de la société ?” Alors, sans bouger, celui qui est venu présenter “Mort à Venise”, répond : “Où voyez-vous une société ?”…
C’était il y a longtemps, hier…, ou avant hier…
Tout commence forcément par une histoire de starlette…
En 1954, le Festival de Cannes fleure encore bon la province, on donne des interviews dans les bistrots, les acteurs se rendent aux projections à pied et les séances photo ont lieu en décor naturel, sur les plages ou les balcons des hôtels…
Nous sommes encore à quelques années des caprices de Catherine Deneuve qui exige que sa chambre d’hotel soit décorée dans tous les coins de pivoines blanches…, loin encore de Johnny Deep qui cassait le mobilier avec son amie Kate Moss…
Le rituel s’installe : les jeunes actrices prennent la pose devant les habitants amusés…
Cette année-là, la jeune starlette Simone Silva, décide d’enlever le haut et cache ses seins avec ses mains devant l’acteur américain Robert Mitchum, hilare…
Le cliché fait le tour du monde, le scandale est énorme, les deux fanfarons sont priés de rentrer illico aux États-Unis où les ligues de vertu ne décolèrent pas…
L’acteur américain se remettra de la polémique, mais pas la pin-up, expulsée de Cannes, harcelée par les ligues de vertu, elle se suicidera trois ans plus tard…
Du jour au lendemain, le monde entier connaît la Croisette, ce nouveau lieu de perdition situé sur la Côte d’Azur…
Stars et photographes s’y donneront tous rendez-vous et la légende de Cannes naît dans le soufre…
Après le show des starlettes, les salles obscures prennent vite le relais.
Le public cannois est réputé frondeur et la bataille se joue désormais devant le grand écran.
En 1960, on s’étripe pour L’Avventura du réalisateur Antonioni : l’équipe est copieusement sifflée et reçoit même des jets de tomates !
La même année, décidément faste, “La dolce vita” de Federico Fellini déclenche la polémique et s’attire les foudres de l’Église catholique qui menace d’excommunier les fidèles allant reluquer les cuisses et l’opulente poitrine d’Anita Ekberg…
Peut-on rêver plus belle publicité pour la sortie d’un film, qui obtiendra d’ailleurs la Palme d’or ?
En mai 1968, François Truffaut et Jean-Luc Godard mettent le feu en montant sur scène fermer le rideau par solidarité avec les ouvriers qui font grève.
Le festival capote avant son terme, une première… et une dernière.
Doigt d’honneur…
Dès lors, les années 70 restent celles de tous les excès et de toutes les passions.
En 1973, deux films provoquent un torrent d’insultes : “La maman et la putain” et “La grande bouffe”...
Pour le premier, le réalisateur Eustache sort de la projection sous la protection de ses acteurs tant les menaces sont réelles !
Pour le second, Marco Ferreri fait front en envoyant des baisers à des journalistes et à un public outrés par un film qu’ils jugent “immonde et scatologique”….
Même scénario en 1987 quand Maurice Pialat décroche la Palme d’or avec “Sous le soleil de Satan” : il lève le poing devant la salle et lance sous les sifflets : “Si vous ne m’aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus !”
Une réaction bien tempérée comparée à celle de Quentin Tarantino, sept ans plus tard, lorsqu’il fait un doigt d’honneur à une partie du public contestant sa palme pour “Pulp Fiction”…
Dans l’arène de Cannes, tous les coups sont permis et le festival s’habitue finalement à ces broncas qui font le sel de sa légende, comme pour le film “Crash” de David Cronenberg, ou encore, plus récemment, “Antéchrist” de Lars Van Trier, la violence de certaines scènes ayant fini par vider une partie de la salle…
“Une bonne polémique permet à un film de sortir du lot”, reconnaît François-Pier Pelinard Lambert, journaliste au Film français.
Quand il y a vingt-deux longs métrages en compétition et plus d’une trentaine présentés en parallèle, un bon échauffement médiatique – attendu d’ailleurs par la presse chaque année – peut déboucher sur un succès en salle et assurer des ventes à l’international…
Même si faire scandale aujourd’hui reste compliqué : le cinéma a presque levé tous les tabous…
Le sein de Sophie Marceau…
En revanche, pas de répit du côté des stars..
Pendant quelques jours, les voilà extrêmement stressées, épiées et mitraillées par des dizaines de photographes…
Le dérapage incontrôlé peut virer rapidement à l’esclandre… et les portes des palaces ont beau rester solidement fermées, les plus gros scandales finissent toujours pas courir la Croisette.
Dans le rôle des amants terribles, Johnny Depp et le mannequin Kate Moss, qui dans les années 90 se font remarquer à l’Eden Roc, le palace le plus chic de la région.
Le premier traîne une réputation de “casseur” de chambre, la deuxième est priée de faire ses valises après des nuits décidément trop bruyantes pour la clientèle…
Évidemment, tout cela fait tache sur le tapis rouge… qu’il convient de toujours grimper avec une prudence de Sioux.
Isabelle Adjani en fait l’amère expérience en 1983, lorsqu’elle monte les marches sans aucun crépitement de flash : tous les photographes ont décidé de la boycotter pour avoir refusé de prendre la pause avec l’équipe de “L’été meurtrier “quelques heures plus tôt.
Elle ne sera pas la seule à connaître un grand sentiment de solitude sur le tapis de la Croisette…
La dernière qui fit sensation reste Sophie Marceau, lorsque l’un de ses seins sortit de sa robe devant la presse du monde entier, lors d’un mouvement brusque, une fois encore, la photo d’une poitrine dévoilée fit le tour de la planète…
Pour ma part, le sein de Sophie Marceau ne m’a pas scandalisée, de même que cette très jolie starlette…
Je termine ce premier panneau, par une des plus belles visions de l’époque, le petit short en vichy rose de Brigitte Bardot, pieds nus…
Toute une ambiance !
Lorenza