Le Caire, Hotel Continental, le 15 avril 1923.
Dans une chambre, un homme agonise .
Baigné de sueur, les yeux exorbités, il délire.
Soudain, il essaie de se dresser sur son lit et hurle :”C’est fini . J’ai entendu l’appel, je me prépare .”
A cet instant, la lumière s’éteint.
L’infirmière qui veille le mourant se précipite à la fenêtre : la ville tout entière est plongée dans l’obscurité .
La jeune femme allume fébrilement une bougie et se penche sur son malade, le visage est convulsé, les yeux grands ouverts, les pupilles dilatées : il est mort .
Au même moment, à des milliers de kilomètres de là, le chien du défunt se met à aboyer, il est pris de convulsions, hurle à la mort et succombe.
L’homme qui vient de disparaître s’appelait George Herbert, 5e comte de Carnavon, Lord Carnavon, le mécène.
C’est grâce à son argent et à son obstination que 46 jours auparavant la tombe de Toutankhamon a été ouverte par Howard Carter.
Les trois noms : Carnavon, Carter et Toutankhamon sont désormais associés dans l’histoire de l’humanité.
Carnavon et Carter, mais aussi bien d’autres archéologues ont pénétré dans la sépulture près de 3300 ans après l’ensevelissement du pharaon.
Les journaux affirmeront plus tard : ils ont souri, les imprudents, devant l’inscription placée à l’entrée de la chambre funéraire :” La mort touchera de ses ailes quiconque dérangera le pharaon ! ”
Hélas !
Dans les semaines et les mois qui vont suivre, une étrange et mortelle épidémie va frapper les égyptologues.
Une légende va naître.
On l’appellera bientôt :
La Malédiction des Pharaons….
Évoquons en quelques mots la doctrine de la vie éternelle, car les Égyptiens, eux-aussi, ou plutôt eux déjà, croyaient en l’immortalité du défunt dans un autre monde, l’amenti, équivalent égyptien du paradis chrétien.
C’est pourquoi, après la mort, la dépouille doit rester disponible pour que l’akh (le principe immortel ), le ka (l’énergie vitale) et le ba (le double immatériel, l’âme si vous préférez) puissent réintégrer leur enveloppe charnelle.
Disponible, ça veut dire bénéficiant de tout le confort matériel, et ne souffrant ni de la faim ni de la soif, ni de l’ennui, ni de la crainte, ce qui explique l’entassement hétéroclite de nourritures et de boissons, de mobilier, d’armes, d’outils, de jeux et même de shaouabtis, ces figurines de pierre, de bois ou de faïence bleue, représentant tous les domestiques de la vie courante destinés à servir le maître.
Il y avait aussi de belles dames lascives, des coquines qui pourraient bien réveiller un mort, peintes sur les murs du tombeau pour quelques orgasmes post-mortem.
Disponible, ça veut dire encore ni vermoulu, ni putréfié, ni corrompu.
Jusqu’à la période préthinique (avant la 1ère dynastie) les défunts étaient enfouis dans le sable sec et se conservaient admirablement bien.
Quand pour des raisons de prestige et de confort, on inventa les mastabas, les syringes et les hypogées, les cadavres se mirent à pourrir en milieu confiné.
On chercha alors des moyens de conservation plus adaptés et c’est Imhotep, architecte et médecin du roi Djeser, qui inventa une méthode révolutionnaire.
Il n’avait pas supporté, parait-il, la mort de sa jeune et jolie femme, et pour conserver éternellement la beauté de son corps juvénile, il le mit dans la saumure.
Elle fut confite.
Il semble qu’après cette délicate opération ils vécurent heureux, mais l’histoire ne dit pas s’ils eurent beaucoup d’enfants.
C’était jadis, il y a plus de 5500 ans…
Le procédé “breveté” par Mr Imhotep a servi pendant plus de 3000 ans.
3000 ans, 30 dynasties, des centaines de rois plus ou moins frais, des dizaines de milliers de princes et de princesses, de vizirs, de grands prêtres, d’intendants royaux, d’officiers généraux, de hauts personnages du palais…
Quelle fabuleuse collection de momies !
D’autant que ces exsiccatas étaient conçus pour des millions d’années, selon la formule rituelle. Pas très jolis, un peu racornis, mais solides, résistant théoriquement aux charançons, ces cadavres conservés en salaison étaient à l’abri des vers, des insectes nécrophages, de la corruption et de la putréfaction, si le travail était bien fait.
Hélas !
Ils n’étaient pas à l’abri du plus grand prédateur de tous les temps : l’Homme !
L’homme va attaquer les momies sous tous les fronts.
C’est d’abord le pillard, le petit voleur de chaque jour.
Et surtout les maçons et chefs de chantiers, les architectes royaux et les grands prêtres, qui connaissaient les plans des tombeaux.
La corruption atteignait les plus hauts niveaux.
Quand aux arabes, propriétaires de l’Egypte bien des siècles plus tard, ils firent de la violation des sépultures un véritable métier.
Les richesses des tombeaux étaient fabuleuses, en or, métaux précieux, bijoux, et la momie, sous ses bandelettes, recelait des merveilles : colliers, pendentifs, pectoraux, gorgerins, bagues, bracelets.
Pour ne rien laisser perdre, les pillards dépeçaient le cadavre à grands coups de poignards ou de haches.
Puis, arrivèrent les archéologues…
Telle momie, qui avait échappé par miracle aux profanateurs, sera exhumée sans la moindre précaution et transportée n’importe comment, car les hommes ont la manie de déterrer les cadavres des nécropoles pour les enterrer dans les musées où les conditions de survie sont épouvantables : chaleur, humidité, promiscuité, contamination par les miasmes de l’homme.
Certains pharaons sont ainsi morts une seconde fois au musée du Caire.
Autre ennemi redoutable, le collectionneur.
Au siècle dernier, des érudits, des nouveaux riches, des snobs et des maniaques se sont piqués d’égyptologie.
Ainsi, beaucoup de momies sont parties vers les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne ou la France, enrichir la collection d’un farfelu, au grand désespoir des égyptologues, mais aussi des héritiers (qu’est-ce que vous feriez, vous, d’une momie moisie dans l’héritage de l’oncle Antoine ?)
Ennemis aussi, les arabes des temps modernes et pas seulement les pillards.
Pendant des siècles, les tombes ont servi de logements à des tribus de Bedouins.
Les nuits étaient fraîches.
Devinez avec quoi ils se chauffaient ?
Eh oui !
Démembrée et coupée en rondins, la momie est un excellent combustible avec les chairs desséchées, les ossements, les couches de bandelettes et les résines d’embaumement.
Ennemis encore, les agriculteurs du siècle dernier qui ont utilisé des millions de momies d’animaux ( chats, babouins, ibis), mais aussi, hélas ! des momies humaines, dans le matériel concassé épandu comme engrais dans les champs de betteraves du Nord.
Ennemi, cet industriel américain qui achetait à bas prix, les bandelettes de centaines de cadavres déterrés, un excellent matériau, paraît-il, comme papier d’emballage alimentaire. Juteuse initiative dans le domaine de l’American Way of Life qui a mal tourné pour cause d’épidémie de choléra !
Mais les ennemis les plus acharnés furent nos ancêtres, anthropophages nécrophages, consommateurs de cadavres aromatisés.
Sous forme de poudre, de liqueur ou de pâte, et sous la forme de mumie, elle est inscrite au Codex des medicaments pour traiter les abcès, les désordres du foie, de la rate et de l’estomac….
Les momies entières ou déjà conditionnées embarquaient depuis Alexandrie sur des bateaux vénitiens ou portugais à destination de la France, premier consommateur mondial de la friandise.
Lyon était la plaque tournante de cette industrie pharmaceutique, avec la bénédiction occulte du Primat des Gaules.
Mais à ce régime, la matière première vint à manquer.
Alors, on en fabriqua !
En Égypte d’abord, où les charognes humaines ne manquaient pas en ces époques troublées, puis en France, en récupérant les cadavres des hospices, des lazarets, des sans famille et des suppliciés.
Le médecin Guy de la Fontaine découvrit avec horreur ces procédés contraires aux usages commerciaux et pas très hygiéniques, surtout quand les défunts contemporains avaient succombé à la peste, au choléra ou à quelque gangrène bien purulente.
Il décrivit même comment les escrocs de l’époque donnaient un coup de vieux à ces cadavres trop frais pour en faire d’irréprochables momies, bien patinées…, un peu comme les ébénistes de talent fabriquent des faux Louis XIII !
En dehors même de toute considération gastronomique ou pharmaceutique, vous noterez que la méthode égyptienne, la saumure, est réputée comme l’une des plus efficaces.
Mais on connaît d’autres techniques de conserves mortuaires…
Le sable sec, c’est la méthode des Indiens pré-incaïques du Pérou ou celle qui a permis, involontairement, il y a quelques milliers d’années en Chine, de conserver un mystérieux cadavre d’homme blanc.
La boue collante qui perturbe la fermentation et la putréfaction cadavérique.
C’est celle des Indiens Chichorros d’Arica, sur la côte pacifique du Chili.
Il y a le tannage qui conserve par l’action de la boue acide peu oxygénée des marais .Il existe aussi des conservations par des phénomènes inconnus, comme pour les cadavres de San Bernardo en Colombie.
Autre méthode de conservation qui a fait ses preuves : la congélation.
C’est ce qui se passe au Groenland, où la chaîne du froid n’est jamais interrompue.
Et enfin, une méthode peu recommandable, puisqu’il faut désosser l’individu, c’est la fabrication des tantzas ou têtes réduites comme le font par exemple les Jivaros, les Munduruku ou les Parintintin des rios Tapajoz et Madeira en Amazonie.
Technique qui s’apparente au pot-au-feu puisqu’il faut faire revenir longuement l’objet dans un bouillon d’herbes aromatiques avant de le désosser.
Si vous voulez conserver une noble tête ( de votre femme par ex ), n’oubliez pas de coudre ou de clouer la bouche et les yeux, comme le faisaient les indiens, afin d’éviter que son mauvais esprit ne vienne vous tourmenter la nuit.
Il y a même des philosophes qui ne conservent rien du tout, comme les bouddhistes tibétains qui nourrissent les vautours et font moudre les os récurés pour en faire de la farine.
C’est une méthode élégante pour garder la terre propre et éviter aux survivants des ennuis mycologiques dont vous n’avez pas idée.
Et pour finir, je vais vous donner gratuitement une petite leçon d’embaumement selon la méthode égyptienne, ça peut toujours servir, et c’est mieux que l’empaillage….
Il fallait agir vite ( à cause des mouches ! ): les dépouilles royales étaient prises en main, encore tièdes, par des équipes hautement qualifiées.
Après les cérémonies rituelles, les incantations, les prières, les lavages purificateurs, l’embaumement était une opération complexe qui commençait par l’extraction du cerveau ( ou plutôt d’une bouillie de cerveau ) à l’aide d’un crochet de bronze, à l’extrémité en forme de cuiller ou de curette, plantée à travers la narine.
Cet organe était sans valeur pour les Égyptiens, et donc jeté aux immondices.
Le coeur, organe noble, siège de la pensée et de toutes les vertus, était laissé en place.
Enfin les viscères étaient conservées dans des canopes, sortes de cruches, ou d’urnes, une pour le foie, une pour l’estomac, une pour les poumons, une pour l’intestin, chacune à l’éffigie d’un des quatre enfants d’Horus : Amset, Hapi, Douamoutef, Qebensouf.
Quand au corps, dont il ne reste que la peau, les muscles et les os, il sera plongé pendant 70 jours dans le natron.
Cette espèce de saumure, provenant du lac Natroun, contient du chlorure de sodium et du carbonate de sodium.
Puis la momie sera lavée, enduite des onguents traditionnels à base de genévrier et d’épices diverses, bandelettée, placée dans les sarcophages ou cuves de cèdre, de granit ou de grès, en attente de la résurrection de la chair – ou de l’intrusion d’un archéologue ….
Revenons maintenant dans cette fameuse Vallée des Rois.
Howard Carter cherche désespérément le tombeau de Toutankhamon, et dans quelques jours sa concession sera terminée.
Un matin, il contemple rêveusement les ruines d’un village de huttes qui abritaient autrefois les ouvriers de la nécropole.
Soudain, il réalise que personne n’a jamais songé à creuser sous ces huttes qui datent du chantier funéraire du pharaon Ramsés VI, sous la 19e dynastie, donc après l’ensevelissement de Toutankhamon.
Sur ces indications, les fellahs grattent le sol, et, boum ! immédiatement on dégage une dalle, puis en quelques jours un escalier de seize marches qui s’enfonce dans le sol.
On découvre alors une autre dalle, verticale, surmontée d’un linteau de marbre et fermée par un sceau : le chien d’Anubis sur les 9 ennemis de l’Egypte.
Emotion de Carter : ce sceau, c’est celui d’une tombe royale !
On perce un trou dans la muraille et une bouffée d’air tiède s’en échappe.
L’archéologue connaît cette odeur caractéristique.
Il lui a même donné un nom poétique : c’est le renfermé des tombeaux.
On abat les murailles.
On franchit un couloir jonché de gravats et de débris de poteries et on arrive devant une 2e porte surmontée d’un sceau royal qui porte le nom entier du pharaon dont Carter poursuit l’ombre depuis 1908 : Nébképérouré Toutankhamon.
Carter perce un trou dans le mur, élargit la brèche, glisse une bougie dont la flamme vacille sous l’effet d’un air chaud.
Il se penche et reste muet.
Lord Carnavon s’impatiente : ” Mais enfin, parlez, est-ce-que vous voyez quelque chose ? ”
Et Carter répond cette phrase devenue célèbre : ” Oui, des choses fantastiques ! ”
Frénétiquement, les chercheurs défoncent la muraille et pénètrent dans une grande salle encombrée de sièges dorés entièrement sculptés, de statues, d’un trône étincelant d’or et d’argent, de coffrets incrustés de pierreries, de vases d’albâtre…
Il leur faudra 5 ans pour visiter toute la tombe….
Quelques mois plus tard, après des difficultés administratives, les archéologues vont pénétrer plus avant dans le tombeau.
Lord Carnavon et Carter ont reçu une vingtaine d’invités qui se pressent dans l’antichambre .
Nous sommes le 19 février 1923 et Carter donne les premiers coups de barre à mine vers la chambre funéraire.
Lord Carnavon n’assistera jamais à l’ouverture de la chapelle.
Le 6 avril 1923, le Figaro annonce sa mort : ” Les événements ont donné raison aux prédictions des fellahs . Ainsi se trouvent réalisées les menaces des grands prêtres égyptiens contre les profanateurs de momies .”
Dans les semaines qui suivent la résurrection médiatique de Toutankhamon, de nombreuses personnes vont quitter ce monde de façon inexpliquée.
C’est la vengeance du pharaon contre les profanateurs de sa tombe, c’est la malédiction, disent les initiés.
La malédiction !
Nous allons maintenant jeter un coup d’oeil sur le catalogue mortuaire, en quelque sorte le palmarès de la momie, l’arme fatale est en marche !
Cet enfant innocent, serait donc responsable de morts violentes, parfois horribles, qui ont frappé les visiteurs de son tombeau.
Quelles sont les victimes ?
En premier lieu, bien sûr, Lord Carnavon.
Vers le milieu du mois de mars 1923, la maladie s’était déclarée brutalement : fièvre à 40°, frissons, maux de tête, sueurs, malaises.
Les médecins avaient accusé une piqûre de moustique à la face, qui s’était infectée, provoquant un érysipèle.
Les jours suivants, une pneumonie s’était déclarée.
Lord Carnavon fut mis sous oxygène, mais le coeur se décompensa et ainsi mourut, en pleine gloire, dans des circonstances dignes d’un film d’épouvante, l’un des héros de la Vallée des Rois.
Pour les autres victimes les choses se compliquent.
Certains chroniqueurs annoncent 21, 25, voire même 34 cadavres.
Il y a là surtout des gens qui succombent à une pneumonie asphyxiante, peu de temps après leur séjour dans le tombeau ( Lord Carnavon, Breasted, Pr. La Fleur, Georges Bénédicte, le milliardaire Jay-Gould, etc…), mais aussi des pendus, des brûlés vifs, des poignardés, sans parler des hémorragies cérébrales, des embolies, des morts brutales inexpliquées, des maladies fulgurantes ou des maladies de langueur, voire même des infections généralisées.
Pour Richard Bethell, secrétaire d’Howard Carter, l’horreur confine au Grand Guignol.
Il meurt subitement, à peine âgé de 48 ans, et les partisans de la malédiction se déchaînent .
“On trouva Bethell mort dans son lit, le visage marqué d’épouvante . Lorsque, Lord Wesbury apprit la mort de son fils unique, il se jeta par la fenêtre . Lors de l’enterrement, le corbillard écrasa un petit garçon sur la route du cimetière . La mort abattra de ses ailes quiconque dérange le repos du pharaon .“
Howard Carter lui, ne s’est pas fait très vieux, mais il est mort en 1939 de la malédiction de la bouteille : la cirrhose du foie.
A ce stade, il y a tout de même une question qui se pose.
Pas une question, la question.
Finalement, ils sont morts de quoi, ces braves gens ?
Alors là, pendant des années, les amateurs d’ésotérisme et d’hermétisme vont s’en donner à coeur joie.
Et on va lire dans la presse les théories les plus extravagantes.
Première hypothèse, évidemment, la Malédiction sensu stricto.
Il faudrait admettre que les prêtres égyptiens détenaient des pouvoirs magiques pour conjurer la violation et le pillage des tombes.
Cependant, les voleurs n’étaient pas impressionnés par ces menaces solennelles, et ils ont pu opérer pendant des millénaires, génération après génération, anéantissant des milliers de momies et des dizaines de milliers de bijoux et d’objets d’art.
En ce qui concerne la malédiction de Toutankhamon, c’est Conan Doyle, qui le premier, lança la légende des influences maléfiques.
Puis un occultiste, se disant archéologue prétendit que Carter avait trouvé, à l’entrée du tombeau, une tablette portant l’inscription suivante : “Que la main qui se lève sur ma dépouille soit desséchée . Que soit détruits ceux qui s’en prennent à mon nom, à ma demeure, aux images faites à ma ressemblance .“
Howard Carter, qui fréquentait assidûment le bar du Winter Palace à Louxor, où il passait ses journées avec les touristes fortunés et les écrivains à la mode, en rajoutait chaque jour un peu plus sous l’effet du whisky.
Cependant, quand il était à jeun, c’est à dire le matin de bonne heure, il avouait volontiers qu’il n’avait jamais vu de tablette et jamais d’imprécation….
Des histoires de malédictions de pharaons, on pourrait en raconter des dizaines…
En voici une : En avril 1912 le transatlantique Titanic heurte un iceberg au sud de Terre-Neuve et coule, entraînant dans la mort 1500 passagers….
Et la momie d’une voyante de la 18e dynastie qui s’en allait exercer ses talents en Amérique, malencontreusement se trouvait derrière la cabine du commandant.
L’aura de la magicienne aurait perturbé l’esprit du seul maitre après dieu et l’aurait conduit à jeter le paquebot contre l’obstacle, affirment les “experts”.
Une autre théorie toxique a été soutenue par la presse anglaise dans sa grande exaltation : c’est le venin de cobra qui a tué les archéologues…
Amusant, et inquiétant pour les herpétologues, mais le cobra frappe toujours de haut en bas après s’être déployé, c’est à dire pratiquement toujours aux jambes, et non aux visage, comme l’aurait été Lord Carnavon ( à moins qu’il n’ait fait quelques siestes dans la tombe ).
D’ailleurs, quand le cobra mord ça fait mal, et si tant d’archéologues avaient été mordus, on l’aurait su.
Un archéologue mordu, c’est comme vous et moi, ça crie :”Aaaaahhh !!! “, même s’il est Anglais. Et le venin tue rapidement, par neurotoxicité.
Il n’entraine jamais de congestion pulmonaire et encore moins une épidémie de morts mystérieuses, héréroclitement suspectes.
Les gaz mortels…, autre théorie “fumeuse”…
Ce seraient les embaumeurs de Toutankhamon qui auraient imprégné les bandelettes de la momie avec de l’huile d’amande douce qui s’est transformée en acide cyanhydrique mortel.
Cette théorie extravagante néglige quelques évidences.
La plus indiscutable c’est que l’acide cyannhydrique se décompose rapidement en thiocyanates. Et en admettant qu’il ait pu se conserver plus de 3000 ans, il tue instantanément, et aucun archéologue n’est tombé foudroyé dans la tombe, comme les agents secrets de la 2e guerre mondiale : la capsule de cyanure sous la dent creuse, croc et couic !
La bougie fatale…, grande théorie imparable, mais la flamme vascille !
Les prêtres égyptiens auraient laissé se consumer dans le tombeau une bougie dont la cire était enduite d’arsenic.
Malheureusement l’invention de la bougie est beaucoup plus tardive !
Et on n’a jamais trouvé la moindre moignon de bougie, pas la moindre tache de cire ou de paraffine dans le tombeau et pas d’arséniate dans la momie.
Le blé toxique…, autre explication “imparable” !
Les prêtres égyptiens, particulièrement doués en préparations magistrales, utilisaient des capsules à base de blé parasité par Claviceps purpurea .
“Ces capsules auraient libéré un gaz toxique qui provoque une maladie appelée ergot de seigle, se manifestant par une paralysie progressive et l’aliénation mentale .”
Théorie particulièrement stupide : le champignon est toxique quand on l’avale, mélangé à la farine, il n’est évidemment pas gazeux, et le délire pseudo-scientifique sur le Feu de St Antoine, Mal des Ardents ou Gangrène des Solognots est aussi stupide que consternant.
D’ailleurs, si quelques égyptologues sont morts étouffés, aucun n’a fini manchot ou cul-de-jatte en convulsant.
Merveilles des merveilles, de plus en plus fort, voici maintenant l’oignon toxique, Haemanthus toxicarius.
Les Haemanthus sont des plantes originaires d’Afrique du Sud appartenant à la famille des Amaryllis.
Leur consommation a pu provoquer quelques sévères diarrhées et vomissements incoercibles chez les apôtres du naturel.
Yves Naud suppose que les objets et surfaces murales des tombeaux ont été enduits de jus d’oignon ….
“Les températures dans les hypogées atteignant parfois 50°, il n’est pas exclu que les chercheurs aient transpiré . Ni par ailleurs qu’ils se soient écorchés en déplaçant des objets .“….
Par contre, il est très logique, et très vraisemblable, d’imaginer les équipes funéraires, les grands officiers, les prêtres et les notables, avec leurs cageots d’oignons d’Afrique du Sud arrivés par la dernière caravane, frottant les murs et les meubles, et pourquoi pas la momie, sans doute en pleurant ?
Voici maintenant la théorie de l’air confiné et de l’air pollué.
Les pseudo-scientifiques de l’époque penchèrent pour une asphyxie due à la présence de gaz toxiques par décomposition du corps, des nourritures, des objets putrescibles : méthane, hydrogène sulfuré, oxyde de carbone …
Si le confinement ou l’empoisonnement de l’air est responsables de la mort des égyptologues, ils auraient succombé d’une manière extrêmement brutale comme les viticulteurs dans leur cuve de fermentation…. et pas dans leur lit.
N’oublions pas le rayon de la mort !
Les anciens égyptiens auraient connu les lois de la radioactivité et auraient recouvert le sol des tombeaux avec de l’uranium…
Un savant plus intelligent que les autres a demandé au principal intéressé, à celui qui était dans la tombe avant les archéologues, Toutankhamon bien sûr.
Grâce au compteur Geiger, on sait maintenant la vérité.
Les champignons que l’on mange sont parfois radioactifs, pas la momie de Toutankhamon !
Alors on se tourna, plus sérieusement cette fois, vers une théorie infectieuse, mettant en cause des germes, des virus ou des parasites.
L’innénarable Vandenberg affirma que les égyptiens avaient des connaissances en microbiologie qui leur aurait permis de faire coloniser la tombe, je cite, par des bactéries mortelles d’un type particulier (?).
Des gens plus sérieux en apparence émirent l’hypothèse d’un virus endormi.
Ce qu’on appelle virus endormi, en médecine, est un élément infectant qui peut rester silencieux des mois, voire même des années.
Un virus de la rougeole, par exemple, peut survivre des années, parfois plusieurs dizaines d’années dans un cerveau humain.
Mais 3300 ans, quelle santé !
Et la théorie du virus endormi dans une momie est d’autant plus ridicule que les virus pathogènes pour l’homme ne peuvent survivre que dans des milieux vivants.
Pas dans les chairs mortes conservées dans la saumure.
Sinon, il faudrait se méfier des jambons de montagne ou des morues salées.
Alors, peut-être un parasite ?
On invoque l’ankylostomiase, une maladie qui avait frappé les mineurs dans les mines de charbon du nord de la France ( la gourme des mineurs ).
L’ankylostome, c’est un nématode parasitaire à pénétration transcutanée, favorisée par le manque d’hygiène et surtout la contamination fécale.
Les conditions écologiques égyptiennes ne conviennent évidemment pas à cet animal.
Alors, quelques-uns incriminent les acariens terrestres de transmettre on ne sait quelle étrange maladie.
Cette théorie est tombé à l’eau.
L’animal, comme celui qui fut identifié en 1962 sur une momie, n’était qu’un aimable acarien de la poussière, ce qui prouve au moins une chose : le ménage laissait à désirer…
La théorie de la maladie copte a été décrite en 1962 par 2 médecins égyptiens, qui ont observé une mystérieuse affection frappant les employés du service des antiquités .
“Cette maladie atteint les sujets en contact avec les momies coptes dont les cadavres sont propices au développement et à la croissance des germes . Les coptes, en effet, ne sortaient pas les viscères des cadavres .”
Les 2 médecins avaient remarqué que ces momies coptes se couvaient d’un dépôt blanchâtre .
Ils firent des prélèvements et des moisissures se développèrent dans les cultures ( notamment Aspergillus niger et Alternaria tenua ).
Là, semble-t-il, ils passèrent très près de la vérité.
Mais peu après, on découvrit un virus dans une momie.
Les partisans du virus endormi triomphèrent , mais il fallut vite déchanter : on identifia le virus de la grippe et l’employé qui se permettait de tousser sur les pharaons fut sévèrement réprimandé.
Et voici enfin une explication cohérente qui satisfait à la fois les médecins et les égyptologues, la bonne théorie : la maladie mortelle de la tombe, c’est l’histoplasmose.
On doit la lumière à un médecin d’Afrique du Sud, le Dr Dean, qui soigna un ingénieur victime d’une pneumonie gravissime alors qu’il sortait d’une grotte où il avait étudié le guano de chauve-souris.
L’agent responsable, identifié sur des échantillons de sang et de crachats expédiés aux États-Unis, est Histoplasma capsulatum, un champignon tellurique dimorphique responsible de la maladie de Darling, décrite au Panama en 1908.
Dean est intrigué par les analogies qui existent entre le drame de son malade et les accidents mystérieux qui ont frappé les explorateurs des tombeaux Incas ou Mayas, également la mort étrange de spéléologues à Cuba et en Afrique du Sud, après un séjour plus ou moins prolongé dans les grottes.
Selon Dean, toutes ces victimes ont succombé à une histoplasmose, et les archéologues de la Vallée des Rois aussi.
Le champignon peut se développer dans la fiente de pigeon, mais plus facilement encore dans les excréments de chauve-souris.
Enfin, le coupable de l’épidémie qui a décimé les archéologues est donc identifié !
Il y a toute de même un petit ennui : cette théorie est fausse.
Elle n’est même pas vraisemblable.
Il n’y a jamais eu de chauve-souris dans le tombeau de Toutankhamon, hermétiquement fermé depuis des millénaires.
Et il y a un argument bien plus sévère : l’histoplasmose n’a jamais été retrouvée dans la Vallée des Rois, et d’ailleurs nulle part en Égypte.
Elle n’existe qu’en Afrique du Sud.
Nous voici donc revenus à la case départ.
Ce qui prouve bien qu’il ne faut jamais croire sans discuter ce qui est écrit dans les livres et encore moins dans les journaux.
Les coupables appartiennent bien, pourtant, au monde des champignons.
Il faudrait pour résoudre cette question prendre en main une momie et l’étudier sous toutes les coutures.
Cette étude a pu être réalisée en France lors de la restauration de la momie de Ramsés II en 1981.
L’analyse fongique de la momie révèle la présence d’éléments de propagation de nombreux champignons dans la plupart des sites échantillonnés aussi bien en surface que dans la cavité abdominale.
Surprise !
Certains inocula vont pousser rapidement et donner naissance à des champignons inattendus.
Par exemple un basidiomycète, et même un aphyllophoromycetidae.
On trouve même des coprins fimicoles, horreur, quand on pense qu’un locataire habituel des excréments s’est installé chez Mr Ramsés II, qui fut un dieu vivant.
D’autres prélèvements, même en couches profondes, sont de véritables exsiccatas…., ils permettent d’identifier de nombreux ascomycètes, phycomycètes, hypomycètes, adèlomycètes ou actinomycètes thermophiles.
Deux questions se posent maintenant, la première est relative à l’humidité nécessaire pour la poussée de ces champignons, la seconde concerne leur pouvoir pathogène.
La tombe pouvait-elle être suffisamment humide pour abriter des champignons ?
Écoutons Howard Carter :”C’est un grand dommage que cette tombe ait souffert d’une humidité ayant filtré à travers les fissures du calcaire . Les objets en cuir étaient détériorés, ainsi que les chairs de la momie, changés en bouillie noirâtre .”
Donc : tombe malsaine, travail d’embaumeur bâclé et pharaon moisi !
Il y avait aussi des moisissures sur les murs ainsi qu’en témoignent les photos des rares fresques.
“Des cultures de champignons apparaissaient sur les murs de la chambre funéraire, où elles étaient si nombreuses qu’elle causaient un grand défigurement. Il règne dans ces sépultures un air suffocant . Infestée des exhalaisons des cadavres, une poussière fine s’élève sous les pas et irrite les poumons .“
Les champignons présents dans ces poussières et identifiés dans la momie de Ramsés II étaient-ils réellement dangereux pour l’homme ?
Oui, la preuve en a été apportée en 1985 par le Dr Stenger-Philippe.
La maladie des archéologues, c’est une pneumonie à précipitines ou alvéolite allergique axtrinséque ( A.E.E.), un conflit immuno-allergique dû à l’inhalation de particules d’origine animale ou végétale dotées de propriétés antigéniques.
L’affection se caractérise par une pneumonie aiguë, aujourd’hui réversible et le plus souvent curable par un traitement antibiotique, autrefois au-dessus de toute thérapeutique.
C’est exactement la pathologie présentée par Lord Carnavon et une douzaine d’archéologues décédés.
La tombe contenait deux sortes d’antigènes, d’origine végétale d’abord ( poussière de bois, de terreau, de fleurs, de céréales, débris de lin, de coton, de chanvre ) et surtout provenant de ces innombrables êtres vivants qui sont à la limite des mondes végétal, fongique et animal.
Bien entendu, ce sont les particules allergéniques fongiques de la tombe qui ont tué, pas les champignons, morts depuis longtemps.
La seule vraie malédiction c’est celle qui a frappé le petit roi, assassiné au printemps de sa vie, effacé ensuite de la mémoire des hommes afin qu’il ne puisse plus voyager à travers les cieux remplis d’étoiles pour retrouver son ba, son âme fugitive.
Le successeur du petit roi, et son assassin, le pharaon Horenheb, a tenté de le détruire à jamais, mais on sait maintenant que si Toutankhamon a retrouvé son nom et son droit à l’éternité, conformément à la religion, c’est grâce à la découverte des égyptologues de l’équipe Carter et Carnavon.
Ce n’est pas lui qui a maudit et tué ses bienfaiteurs.
Les journalistes en mal de sensationnel ont inventé l’imprécation des tombeaux contre les profanateurs, mais ils n’ont jamais cité la phrase gravée sur le cercueil du pharaon : “Nuit, Ô mère, étends sur moi tes ailes, comme les étoiles éternelles .“
www.GatsbyOnline.com