Maria, le vilain petit canard du cinéma…
Souvenez-vous de son visage poupon tout en rondeurs, ses grands yeux noisettes et ses boucles brunes en cascades, son rire, ses vraies larmes… tandis que Paul pleure de colère devant son épouse qui s’est suicidée, ses larmes à lui, c’est son incapacité à comprendre le geste de son amour ! Jeanne, elle… sait pourquoi elle verse des larmes, sur ses 19 ans et ses illusions qui ne la berçent plus… entre un petit ami de son âge idéaliste et l’homme de la cinquantaine désabusé…
Il est toujours triste de voir un homme tomber, j’entends par là, mourir… Une femme qui meurt, c’est pour moi plus “chagrin” encore, surtout lorsque celle-ci s’en va à 58 ans et qu’elle a toujours respirée une certaine solitude… Cela me touche également parce qu’elle a été Maria, la partenaire non-idéale auprès d’un Brando inoubliable, allez savoir pourquoi…
Avec : “un sexe recroquevillé comme une cacahuète”… Brando mime la scène d’une sodomie lente, qui suscitera pour les mal-voyants le seul intérêt du film…
Maria s’efforcera d’oublier, mais à chaque fois qu’elle se rendra dans un restaurant, la matière grasse sera présentée spontanément… blague aussi mauvaise et indigeste qu’une vulgaire pâte à tartiner… Les crétins ne se souviendront que de la scène dite sulfureuse, mais ils sont incapables de comprendre le film !
La plupart des gens ne savent pas faire la différence entre un chef-d’oeuvre et un film X !
La fille de “personne” a eu un père géniteur, rien de plus… elle ne sera pas reconnue en tant que fille de… l’antipathique acteur que on peut apercevoir dans “L’homme qui en savait trop“, barbouillé de cire noire en djellaba dans un film d’Hitckock… et sans aucun doute l’homme qui n’en savait pas assez pour se demander si cette jeune fille avait besoin d’attention aux premières apparitions de sa fille “naturelle” au cinéma qui ne sera pas encouragée…
“Le Grand Carnaval” sera pour sa fille “reconnue”… bien que, je ne me souviens pas d’une réelle performance d’actrice, mais plutôt d’images très dénudées où l’on voit bien plus que des poils pubiens dans une revue dite pour “L’homme moderne“… Vous l’aurez deviné, je n’aime pas Daniel Gélin !
Inutile de faire une autre mini-bio, de celle qui courait après un bonheur qui lui filait toujours entre les doigts… Ainsi va la vie…
Révoltée contre tout, elle s’était enfuie et se cachait dans la forêt nordique… Maintenant, deux mystérieuses divinités de la forêt sont cachées tout là-haut, dans un royaume de silence, bleu ! Autour d’elles une lumière d’or… et sûrement la foule invisible des trolls qui peuplent les légendes de la Suède….
Maria, Joan, là…, à cinq cents kilomètres de Stockholm, à dix kilomètres du village le plus proche, au milieu des provinces les plus désertes de toute l’Europe septentrionale, elles sont venues se réfugier… C’est peut-être là que Maria Schneider a les meilleures chances de retrouver la force de l’espoir, la vie…
Maria, le visage d’une gamine avec ce corps de femme, inconnue la veille et qui brutalement s’envolait au sommet de la gloire, avec un seul film…
On aurait dit qu’elle n’avait pas de biographie, sinon ce genre de biographie irréelle des possédés du cinéma, fabriquée de toutes pièces avec des ragots, des songes et des forfanteries… Son père était Daniel Gélin, a-t-il souhaité que sa fille entre, après lui, dans ce métier de détresse et de fascinations ?
On ne sait pas… A quinze ans, Maria quitte l’école, prend pour pseudonyme le nom de sa mère et débute… Elle est alors une sorte de BB pour un temps de contestation générale, seins lourds, trop lourds sous la courte tunique, un érotisme de fruit défendu, jambes de pensionnaire moulées dans les hautes bottes que chérissent les grisonnants amateurs de Lolita… Une biche impudique…
Elle a été aussi cover-girl, elle tourne ensuite une poignée de films qu’il ne sert à rien de citer aujourd’hui… elle attend en peignant des toiles naïves, en se mêlant aux hippies de Chelsea, ou de la Costa del Sol… En 1972, Bernardo Bertolucci, veut tourner “Le Dernier tango à Paris” , il cherche la partenaire pour Marlon Brando. Bertolucci se rappelle que cette jeune actrice est aussi la fille de Daniel Gélin, ami de Marlon Brando. Maria éclate de rire…
– “Brando, pour moi, c’était l’idole de ma grand-mère ! Il avait 48 ans !”
Un grand bonhomme, ce vieux Brando, quand même, et pour tout dire, un géant… A l’idée de lui être présentée, une folle panique s’empare d’elle !
– “C’est lui qui est venu vers moi sur le plateau, j’aurais voulu disparaître sous la terre ! Il m’a prise dans ses bras et m’a dit : “Allons, n’aie pas peur. Nous allons tourner deux mois ensemble, mais ça se passera très bien, tu verras…”
Elle songeait à ces instants-là, elle avait toute la durée des jours et des nuits pour revoir sa vie, essayer de mettre un peu d’ordre dans tout ce tourbillon qui l’avait saisie il y a six ans, qui l’a emportée, et où elle a failli se perdre. Avec Joan elle cherche à oublier le cauchemar du film…, ou qui sait, le milieu du cinéma qui ne la désirait plus…
– Ici, poursuivait-elle, on n’entend que les oiseaux. On ne pense à rien. Boire du thé, Manger des fruits… c’est ça, la vie, mais je me demande pourquoi je vous raconte tout ça ? Je n’ai pas à me justifier… on pense de moi ce qu’on veut, que je suis une paumée, une droguée, une camée mal peignée, que j’ai mauvais caractère. Je m’en fous…”
Mais les spectateurs n’ont pas besoin de savoir que la petite Maria, après le tournage de la fameuse “scène osée”, a été se cacher au fond de sa loge, et a pleuré toute la nuit comme une enfant…
C’est loin, c’est tout proche. “Le dernier tango à Paris “, elle a beau dire, l’accompagne en Suède… Parce qu’après le film, ce fut la curée..
On se bousculait pour aller voir la scène (graveleuse ?), en oubliant souvent ce qu’il y avait de transparent et de sublime dans le film !
A Rome, où elle était allée tourner “Jeune fille libre le soir”, de René Clément, on l’insultait dans la rue, au restaurant… Un journal osa titrer : “Maria fait son beurre à Rome”… Un fabriquant de produits laitiers mit même son portrait sur des paquets de beurre. Elle tient le front haut sous la provocation, trop, au goût du public… On lui prêtait des aventures ? Elle en revendiqua des dizaines… Avec des hommes ?
– Oui, et de toutes les manières, et avec des femmes aussi, voyez le kamasutra, et la drogue en plus si ça vous plaît ! Toutes les drogues ! Le haschich et même l’héroïne !
En plein tournage, elle se fait enfermer à l’asile psychiatrique de Rome, pour rejoindre une amie, une Américaine de 28 ans. Puis, tout à coup, l’envie de partir bien loin, dans un monde végétal, un conte à la Selma Lagerlöf.. Elle est venue en Suède, avec une amie, Joan Anderson, photo-modèle international, Joan est belle, douce, c’est la grande sœur raisonnable. Il y a de bons génies dans la forêt suédoise… L’armée immobile des arbres sait la légende du rameau vert qui donne le bonheur à celui qui le trouve, Tolstoï a voulu que près de sa tombe à Iasnaïa Poliana une phrase écrite sur un panneau rappelle cette légende : La verte paix, par-delà le bien et le mal…
Il était une fois une enfant trop vite montée vers la gloire, elle ne savait pas comme il est lourd le prix à payer, quand on a fasciné avec son corps, ses gestes à des millions de regards… A qui l’expliquer ? Pour vous écouter, il n’y a que les arbres…