Marilyn et Ed : “Une blonde à Manhattan”…
On a déjà tant écrit sur Marilyn Monroe, sur sa vie, sur son glamour, sur sa fragilité, sur ses écrits, sur sa mort… et pourtant, tout n’est pas dit…, ou pas complètement.
Le livre d’Adrien Gombeaud : “Une blonde à Manhattan”, lève un coin d’un voile qu’on avait vite refermé sur l’expérience new-yorkaise de la star.
1954, Marilyn quitte Hollywood.
Elle se coiffe d’une perruque brune et prend l’avion sous le nom de Zelda Zonk.
Le 7 janvier, elle réapparaît au cours d’une conférence de presse dans un appartement de la 64e Rue où elle annonce la création de sa société de production.
Elle est cependant encore sous contrat avec la Fox.
La bataille est engagée.
C’est une nouvelle Marilyn qu’elle veut montrer.
Une actrice qui vit dans la capitale intellectuelle du pays, qui fréquente les milieux culturels, qui suit les cours de l’Actor’s Studio, qui lit James Joyce.
Loin de l’image de la blonde écervelée qui circulait.
En 1955, un magazine populaire, Redbook, « the magazine for young adults », s’empare du sujet, veut témoigner de la métamorphose de la belle.
Marilyn est d’accord.
C’est Ed Feingersh qui photographiera l’actrice.
Feingersh est un reporter, pas un photographe de salon.
Il ne s’agit pas, pour lui, de réaliser des clichés en studio mais d’effectuer un reportage.
Il suivra Marilyn pendant une semaine, en mars 1955.
C’est ce reportage photo émouvant d’Ed Feingersh qu’Adrien Gombeaud raconte dans “Une blonde à Manhattan”.
Et ce sont quelques-unes des images de ce reportage que le livre nous offre.
Redbook les avait publiées dans son numéro de juillet sous le titre The Marilyn Monroe you’ve never seen, la Marilyn Monroe que vous n’avez jamais vue.
Gombeaud est journaliste.
Ce qui l’intéresse, ce sont les histoires de voyage.
Il a passé dix ans de sa vie en Corée, il a fait une thèse sur le cinéma coréen.
Son précédent livre, L’homme de la place Tienanmen, est paru au Seuil en 2009.
“Mon livre sur Marilyn est dans cette continuité, raconte-t-il. Le précédent parle d’une photo ultra-célèbre d’un homme anonyme. Celui-ci d’une star ultra-célèbre mais personne ne sait qui est derrière l’objectif. J’avais vu l’album de ce reportage paru en 1990. Mais il n’y avait rien sur lui. Et pourtant, Ed Feingersh possède un regard tout à fait spécial sur Marilyn, un regard très différent de celui des autres. J’ai voulu savoir qui était cet homme qui avait vu Marilyn de cette façon”.
Ces images montrent une Marilyn au quotidien, accoudée au balcon d’un hôtel, dans le métro, à l’essayage chez Brooks Costume, au café Costello’s, au kiosque à journaux, en pleine lecture, devant son miroir…
Une Marilyn sans fard.
Et un Ed tout en travail discret mais efficace.
Adrien Gombeaud explique cette Marilyn mais suit surtout Ed Feingersh, révèle ce grand photographe, mort trop tôt et aujourd’hui oublié, retrouve des témoins de l’époque, remonte le fil de la mince piste qu’il a laissée.
“Sur Marilyn, c’est vrai, je ne dévoile guère d’élément neuf, convient Adrien Gombeaud. Mais elle apparaît sous un jour nouveau. Nous sommes d’habitude tellement concentrés sur elle que le contexte est évaporé. Ne pas la placer au centre du récit donne un regard neuf, une vision vraiment autre, de la star. Et me donne l’occasion d’aller au-delà de l’idée simpliste de la femme fragilisée marquée par un mythe qui l’a dépassée” …
C’est un livre sur Marilyn sans aucun doute, sur Ed Feingersh aussi, mais encore sur la presse, sur les débuts de cette presse people à une époque où les médias étaient tout-puissants.
“J’ai pu rencontrer Robert Stein, le directeur de Redbook qui avait commandé le reportage à Feingersh. Un grand directeur de journaux. Il tient toujours un blog”…
Mais ce n’est pas seulement cette période qui se retrouve en photos…
“What do I wear in bed ? Why, Chanel No. 5 of course”.
A peine prononcés par Marilyn Monroe, ces quelques mots ont fait entrer dans la légende deux mythes : le parfum Chanel N°5 et Marilyn Monroe .
Les yeux mi-clos, dans un fourreau lamé, Marilyn fait pleuvoir du bout de ses doigts quelques gouttes de Chanel n°5 au creux de son cou.
La bretelle de sa robe glisse le long de son épaule, sa main effleure son décolleté.
Le visage absent exprime un ravissement extatique, l’image légèrement floue évoque le frisson qui parcourt la peau de l’actrice, surprise par l’humidité du parfum dans un moment d’auto-érotisme brûlant.
Le papier peint moucheté de fleurs, la lumière qui fait légèrement scintiller la robe ultra-serrée, les grains de beauté semés au hasard du cou et des bras, tout pétille dans cette image.
À un journaliste qui lui demandait ce qu’elle portait pour dormir, Marilyn répondit : “Chanel n°5″.
Coco Chanel lorsqu’elle imaginait comment devait être son parfum disait : “Un parfum de femme, à odeur de femme. Car une femme doit sentir la femme, et non la rose”.
Et pour beaucoup, hommes comme femmes, Marilyn Monroe représente LA femme.
Icône glamour par excellence, femme enfant et maîtresse femme à la fois, jamais une actrice, exceptée peut-être Audrey Hepburn, n’a autant marqué la mémoire collective.
Marilyn a été une égérie très forte pour Chanel N°5 en ayant trouvé malgré elle l’un des meilleurs slogans publicitaires de l’époque.
Combien de femmes pensent se rapprocher d’elle en s’aspergeant du précieux effluve ?
Marilyn intrigue encore des années après sa disparition.
On l’appelle Marilyn par habitude comme si elle faisait partie de la famille, son nom n’est plus nécessaire.
Mais elle restera à jamais Norma Jean Baker, LA femme dont le mystère n’a jamais été réellement percé.
Sa mort reste une énigme tout comme sa vie, mais d’elle persiste l’image d’une très belle jeune femme pulpeuse, symbole de la féminité.
Marilyn Monroe demeure le plus grand mythe du cinéma, le plus universel également.
Certes, sa fin tragique à seulement 36 ans n’a pas peu contribué à la légende, mais Marilyn était déjà un mythe de son vivant, une personne hors norme partagée entre un personnage public soigneusement composé et entretenu et une femme méconnue n’aspirant qu’à la reconnaissance de son être le plus intime.
Si la première continue à faire rêver les foules, les différents souvenirs et documentaires écrits à son sujet nous ont peu à peu appris à découvrir la seconde : Norma Jean, jeune femme écorchée vive en quête perpétuelle d’amour et qui persistait à choisir des hommes qui n’étaient tout simplement pas faits pour elle.
Troublante par sa beauté, émouvante par sa fragilité , elle bouleverse et séduit immanquablement.
Et les souvenirs d’elle sont légion, de ces films dont certains ont été tournés dans la douleur…, aux photographies d’elle en noir et blanc.
Elle savait captiver l’objectif comme nulle autre pour nous laisser ces fragments de vie en noir et blanc, vestiges d’une vie chaotique et brève.
Des années après sa disparition, elle fascine toujours autant.
Comme un clin d’oeil en guise d’hommage, les photos d’Ed Feingbergh nous montrent Marilyn se préparant et s’aspergeant délicatement de Chanel N°5.
Séductrice en pleine démonstration de son talent, les traces de ses instants de vie la rendent encore plus magnifique et insaisissable, profondément humaine et pétillante !
Poser pour Marilyn n’était pas un problème, non, le problème, c’était de vivre sa vie…
“Une blonde à Manhattan”…
Adrien Gombeaud
Editeur : Le serpent à plumes.
215 pages, 19 €uros.