Michel Cacoyannis a retrouvé Zorba au paradis du cinéma…
Le cinéaste chypriote-grec Michel Cacoyannis, 89 ans, connu pour avoir réalisé le film Zorba le Grec est décédé à à l’hôpital Evangélismos, dans le centre d’Athènes, où il était hospitalisé depuis 10 jours.
Né à Chypre le 11 juin 1922, Cacoyannis est devenu internationalement connu avec Zorba le Grec, primé de trois Oscars en 1964, une adaptation du roman de l’auteur grec Nikos Kazantzakis avec Anthony Quinn, Alan Bates, Irène Papas, Lila Kedrova et la bande originale de Mikis Théodorakis, l’un des plus célèbres compositeurs grecs.
Son film Electre, tiré de la tragédie d’Euripide, avait, de son coté, reçu le prix de la meilleure transposition cinématographique et le grand prix de la Commission supérieure technique du cinéma français en 1962 au festival de Cannes, où il a été six fois en compétition au cours de sa carrière.
Quand tout est foutu, quand on a envie de baisser les bras, quand les larmes coulent le long des joues, quand le chagrin nous étreint, il suffit de danser, de laisser la douleur quitter le corps par les pieds comme un courant électrique dans la terre et de retrouver les sensations de l’espace et de la vie.
C’est la grande leçon de ce monument du cinéma qu’est Zorba le Grec, de Michel Cacoyannis.
Vous vous rappelez : Zorba (Anthony Quinn) et Basil (Alan Bates) inaugurent en grande pompe, avec fanfare et vin d’honneur, l’installation qu’ils ont conçue pour descendre les grumes de la montagne ?
Et soudain, tout s’écroule.
La fanfare se tait, les notables et la population s’en vont.
Zorba et Basil restent seuls, effondrés.
Et le grand Grec se lève, commence à danser sur la plage et entraîne l’Anglais avec lui.
Comme si plus rien d’autre ne comptait que le mouvement du corps et la sublime musique de Mikis Theodorakis.
Aujourd’hui, Michel Cacoyannis doit avoir retrouvé Zorba et Basil au paradis du cinéma et danse avec eux le sirtaki, avec le sourire sur les lèvres et le bonheur dans le cœur. Le réalisateur grec est mort lundi à Athènes, où il était hospitalisé depuis dix jours. Il avait 89 ans.
Cacoyannis a sans doute été le plus grec des réalisateurs, il s’est même targué d’avoir toujours fait des films grecs, même s’il obtenait l’argent des Américains, comme pour Zorba.
Après Electre, disait-il en 1997, j’ai imposé de telles conditions aux producteurs qui voulaient me transplanter à Hollywood qu’ils ont renoncé. Après Zorba le Grec, trois Oscar sur six nominations, même chose ! Cette fois j’ai été arrogant. J’ai dit à la Fox : OK, je viens, vous me donnez un million de dollars, vous ne lisez pas le scénario, je choisis mes acteurs, vous ne pouvez pas voir les rushes, vous pourrez visionner le film une fois terminé. Bonne méthode pour les faire fuir à nouveau…
Grec jusqu’au bout de la pellicule, Cacoyannis était aussi tragique jusqu’au bout de la dague.
J’ai le souvenir de son Electre, d’après la pièce d’Euripide, sorti en 1962 : un somptueux noir et blanc, la musique de Theodorakis, le visage torturé et magnifique d’Irène Papas, la cruauté de la scène de la mise à mort d’Agamemnon dans sa piscine.
Ce fut suivi de deux autres tragédies : Les Troyennes et Iphigénie, toujours d’après Euripide, avec Irène Papas et la musique de Theodorakis.
Mais Les Troyennes était une coproduction américaine : elle se voulut une métaphore de la guerre du Vietnam et on engagea Katharine Hepburn, Vanessa Redgrave, Geneviève Bujold et Patrick Magee (celui de Chapeau melon et bottes de cuir).
Ce ne fut pas une réussite.
Cacoyannis, d’origine cypriote, sut aussi évoquer la tristesse des quartiers pauvres d’Athènes dans Stella, avec Mélina Mercouri), de la bourgeoisie dans La fille en noir, les problèmes de la division de Chypre dans Attila 74.
Electre est sans doute son plus grand succès d’estime… et Zorba son plus grand succès international.
Le premier est d’une pureté qui renvoie à Euripide et à l’âme grecque authentique.
On a reproché au second son folklore grec pour touristes.
Mais grâce à Anthony Quinn, Alan Bates, Lila Kedrova, Irène Papas et Mikis Theodorakis, grâce à ces personnages de chair, de sang et de danse, on regarde bien davantage Zorba qu’Electre aujourd’hui !
1922 Naît le 11 juin à Limassol, à Chypre.
1954 Le réveil du dimanche.
1955 Stella.
1956 La fille en noir.
1960 Notre dernier printemps.
1962 Electre.
1964 Zorba le Grec.
1967 Le jour où les poissons sont sortis de l’eau.
1971 Les Troyennes.
1975 Attila 74.
1977 Iphigénie.
1986 Sweet Country.
1993 Sens dessus dessous.
1999 La Cerisaie.
2011 Meurt le 25 juillet à Athènes.
L’homme doit avoir un brin de folie ou alors il n’ose jamais couper la corde et être libre…