Roger Hanin… Curée sordide !
Il s’était surnommé l’ours en lambeaux dans un beau livre qu’on ne trouve plus que d’occasion, il parlait de lui, une brute souple et comique qui fait voler ses pas déchirés devant la vie assassine.
C’était il y a trente ans, et nous y sommes, sauf que l’ours ne danse plus, plaqué dans un fauteuil pour vieil homme… et ce sont les autres qui dansent et dépècent Roger Hanin.
Deux semaines que les crocs médiatiques rongent l’os Hanin avec leurs mots pauvres et l’ivresse des décompositions.
Une dette de 300 000 € qu’il réclame aux héritiers Mitterrand, ses neveux par alliance… et c’est un nouvel enterrement du mitterrandisme, essoré dans un mauvais Mauriac ; un octogénaire placé sous curatelle, dépendant de sa fille Isabelle, une dure qui remet ses comptes en ordre et s’en va récupérer ce que son père n’aurait jamais réclamé seul ; et pour faire bon poids dans la trivialité journalistique, la fausse découverte d’un fils caché, qui ne fut jamais caché pour ceux que cela concernait, mais aimé et accompagné.
A 87 ans, Hanin paye donc, mais le sait-il dans sa fatigue ?
On fait barrage autour de lui, sauf pour quelques élus.
Il se voulait aimé et l’a été, il disait haïr l’argent mais en était couvert, jurait vouloir partir nu comme à sa naissance et flambait par culpabilité.
L’histoire originelle, c’est à Alger dans les années vichyssoises, quand la maman de Roger, alors Lévy, vole une dame riche pour faire vivre les siens.
La dame s’appelle Schwarzkopf, elle a confié à Victorine Lévy des tissus et tapis précieux, cachés dans la pauvreté de Bab el-Oued.
Les Américains débarquent, Mme Schwarzkopf vient reprendre son bien ; mais les tapis ont été vendus et Victorine reste impassible sous les insultes : Non, vous ne m’avez jamais rien confié.
Roger a raconté cette histoire et quelques autres, la tante Esther, mendiante, devant qui l’on fermait la porte…
Cette question de la richesse qui abîme et de la pauvreté qui tue a dû le hanter.
Elle cristallise désormais, quand l’avocat de sa curatelle, Me Pardo, explique que l’homme des Navarro est à 300 000 € près pour sécuriser sa fin, entre Wafa, la gouvernante et les soins médicaux.
La peur juive est-elle revenue ?
Longtemps l’argent ne fut pas son sujet.
Juste l’amour, les mots, jouer et écrire, des polars sous pseudonyme, des romans bizarres…
Roger est monté en France après-guerre.
Il épouse Lisette, qui tiendra un salon de coiffure vers l’avenue Montaigne, qui lui donne une fille, Isabelle, aujourd’hui la tutrice du père.
Roger quitte Lisette, se remarie avec Christine Gouze-Rénal, aristocrate républicaine, productrice et sœur de Danielle Mitterrand.
Au mariage, en 1957, François Mitterrand est témoin avec André Rousselet, qui plus tard inventera Canal +. Roger s’étonnait d’être allé si loin au cœur de la France.
Il mariait bien des contraires qu’il apaisait dans ses valses.
Il était un parmi les saltimbanques, frère d’armes de Robert Hossein ; et le Roger de Christine, l’homme du théâtre ; et le costaud du clan Mitterrand, défiant les nervis gaullistes en 1967 ; en réalité, engagé et romantique, et qui voudra plus tard traduire dans son art les générosités du mitterrandisme, tournant Train d’enfer pour dénoncer le racisme meurtrier, posant dans Navarro un flic pour le peuple.
Il était aussi Roger Lévy de Bab el-Oued, rendu à lui-même dans les sagas d’Alexandre Arcady… et qui se ressourçait dans la vraie vie avec ses frères d’Alger, Arsène Nono Benaïm, rêveur et intello, son double génial… et Moïse Taïeb, hôtelier et magnat des vins kasher.
Avec eux, Roger relâchait l’accent et évoquait ce qu’il cachait aux autres, en posant ses limites : Il n’aimait pas parler de ses jardins secrets, dit Moïse.
En 2002, Christine meurt et la vie est pliée.
Roger peut faire le beau, aimer encore et le proclamer ?
Il a eu trop de pertes.
Lisette était morte déjà et son père, et sa maman et Nono l’ami, il s’isolait sur sa tombe en écartant les autres potes.
Roger parle à ses morts.
La vraie vie n’a plus de structure.
Il a écrit un livre où un veuf parle à sa femme, en aimant une prostituée mineure.
Rêverie.
En réalité, il a rencontré une pianiste, Agnès, autour de laquelle s’agglutineront méchantes rumeurs et réprobations inquiètes, mais qui l’accompagne, une parmi d’autres, charnelles ou complices, consolantes.
Il s’en va retrouver son père, qui était communiste et naturiste, en accompagnant Robert Hue, puis transgresse en se proclamant sarkozyste en 2007.
Pour le coup, Moïse Taïeb, de gauche depuis Alger, l’engueule.
C’est par amitié, dit Roger… et l’amitié a bon dos dans cet absurde.
Petit à petit, il s’éloigne de la Mitterrandie.
Il s’est fâché avec André Rousselet, qui n’a pas aimé une pièce de théâtre qu’il a écrite ; il fréquente encore les Lang, parle à Charasse.
Les Mitterrand eux-mêmes ?
François était son admiration, mais Danielle l’agaçait dans son gauchisme.
En 2001, Christine et Roger ont encore participé au sauvetage de Jean-Christophe Mitterrand, emprisonné par le juge Courroye, alors un Savonarole du siège, qui abîme à plaisir ce Mitterrand soupçonné de trafic d’armes, dans le cadre de l’Angolagate.
Curée sordide pour un détail ignoré : François Mitterrand, tant soupçonné, ne s’était pas enrichi sur la République et n’avait rien laissé aux siens.
Danielle, veuve, n’a pas les 5 millions de francs de la caution, et fait appel aux amis qui peuvent.
Dette ou don ?
Danielle considérait que c’était un geste normal, se souvient André Rousselet. Ce que l’on devait à la dévotion qu’avait inspirée François Mitterrand. Dans cette histoire, comprenez, chacun a des raisons.
Roger a-t-il oublié la dévotion, ou lui paraît-elle indue ?
La dette des Mitterrand, il en parlait parfois, assure Georges-Marc Benamou, qui fut un petit frère renié puis retrouvé.
Au point de la réclamer ?
Qu’importe.
Entre une attaque et des chutes, les hanches fracturées, la fatigue, Roger Hanin a perdu sa volonté, ou la force d’en avoir.
Sa fille a pris les affaires en main.
Isabelle protège, isole, monte la garde, assainit, décrète donc une créance et à elle, les Mitterrand ne sont rien.
Roger là-dedans ?
Il en termine, et c’est parfois doux.
L’automne dernier, il fêtait encore son anniversaire au Fouquet’s, il y avait Delon, Robert Hossein, une poignée d’autres, Roger était en fauteuil et allait mal, depuis il va mieux, il voit des gens, il sort au restaurant. Il a été viré du grand appartement de l’avenue d’Eylau où il vivait avec Christine, par une propriétaire qui trouvait le loyer trop bas.
On l’a déménagé dans un appartement sur jardin dans le XVIe.
Tu es bien, là, lui a dit Moïse Taïeb… et c’est sans doute vrai, un bel appartement pour un vieil homme.
Avec Moïse, ces dernières années, il est retourné à la synagogue Saint-Lazare, pour Kippour, et faire le carême comme en Algérie.
On parle d’avant.
On n’embête pas Roger avec les bruits des journaux.
Ça ne compte pas, sauf dans nos distractions.
Personne n’en mourra de cette histoire, ou juste un peu de ce qui fut nous… et de toute manière Roger n’est presque plus.
Extrait du film : “Le grand Pardon”
“Chez nous quelques olives, un petit bout de pain, on remercie d.ieu”…
Arcady n’a pas eu besoin de beaucoup d’imagination pour réaliser ces deux films, par chance, nous avons échappé à la trilogie. Ouf ! Roger Hanin en Parrain juif et Richard Berry en bon fils, tel Al Pacino, bof …
Une des affirmations de judaïsme est :
“On ne peut aimer Dieu que si on aime l’homme et on ne peut aimer l’homme sans aimer Dieu.”
ET :
“Il est impossible d’être un bon juif sans être bon et juste envers les autres”
C’est donc aux parents, en premier lieu, que revient la charge de transmettre ces valeurs ” de base “…
Celles-ci reposent, sur les cinq des Dix Commandements qui concernent les relations entre les hommes, c’est-à-dire sur des notions essentielles de bonne intelligence.
La plus grande de ces valeurs est certainement le respect. Respect de soi et respect d’autrui : de ses parents d’abord, de ses enfants ensuite et de tout être humain, mais aussi de tout animal et de toute chose. Respect dans ses actes, mais aussi dans ses paroles et dans ses pensées.
C’est le respect qui fonde l’harmonie de l’humanité dans sa diversité…
Il est légitime de se réjouir de sa propre réussite ou de celle de ses enfants, mais il faut penser que c’est une chance et non une arme pour ” écraser “ les autres.
Une autre grande valeur défendue par une éducation saine est la tolérance, qui est d’ailleurs le prolongement de l’humilité et de la modestie.
La tolérance est une vertu, une puissance, le courage de l’homme assuré en lui-même et dont les failles maîtrisées ne craignent pas la proximité de l’autre et du dissemblable…
Cette altérité n’est perçue comme dangereuse que par ceux-là seuls qui, trop incertains d’eux-mêmes, ne peuvent tolérer la différence en autrui.
Tolérer est donc une force en soi, pour soi. C’est accepter ce que l’on pourrait condamner, c’est laisser à autrui la jouissance de son libre-arbitre et les convictions qui sont les siennes. C’est aussi peut-être abdiquer une partie de son pouvoir et de sa capacité à la colère…
Enfin, dans les valeurs universelles, il faut évoquer la capacité à admettre quand on s’est trompé, à accepter que l’on puisse faire des erreurs et à reconnaître celles-ci.
Par ailleurs, le judaïsme prône activement la maîtrise de soi et surtout le refus de céder à la colère, qui est toujours une mauvaise conseillère.
Lorenza