Chapitre 1
Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens…
Cette phrase aurait été prononcée lors du terrible massacre de Béziers dirigé contre la religion Cathare en 1209.
Parfois attribuée à Simon de Montfort, elle aurait en fait été prononcée par Arnaud Amalric, légat du pape chargé de réprimer l’hérésie Cathare.
Les Cathares, originaires d’Orient, croyaient en un dieu unique et en deux principes opposés régissant le monde, ceux du Bien et du Mal.
Leur installation en France au début du millénaire a été très rapide ; créant des diocèses et nommant des évêques de leur religion, ils sont vite devenus une menace pour l’Eglise Catholique, qui décida donc de les éliminer.
Arnaud Amalric ayant pour ce faire investi la ville de Béziers, ses hommes lui demandèrent comment distinguer les Cathares des Catholiques. Il aurait résolu le problème en recommandant à ses hommes de tuer tout le monde, Dieu devant ensuite reconnaître les “bons Catholiques“…
Ce massacre, qui fit plus de 60.000 morts, marqua le début de la “Croisade des Albigeois“.
Cette Croisade se termina en 1244 par un autre bain de sang à Montségur, dans le Comté de Foix.
L’hérésie cathare succédait à divers courants dualistes venus principalement d’Europe centrale, tels que les Vaudois et les Bogomiles.
Ces derniers, venus vers le midi de Bulgarie en passant par l’Italie, paraissent bien à l’origine du catharisme.
Pour les Cathares, le Saint Esprit et Satan se partagent la possession de l’homme.
Ceux qui échappent à Satan sont des Parfaits sanctionnés par un sacrement : le Consolamentum.
Les autres se réincarnent dans un corps jusqu’à ce que leur âme ait enfin trouvé le chemin de la perfection.
Le Catharisme prit pied en Languedoc dans une civilisation déjà développée et hautement tolérante.
Les Languedociens, admiratifs de la vie ascétique des Parfaits en opposition avec la richesse et les mœurs dissolues du clergé, acceptèrent volontiers ceux qui pour eux étaient les « Bons-hommes ».
L’arrivée d’Innocent III sur le siège pontifical donna une autre tournure aux événements.
Une lutte sans remissions contre l’hérésie débuta.
En 1208, le légat du Pape Pierre de Castelnau fut assassiné.
De fortes présomptions pesèrent sur le comte de Toulouse qui fut excommunié et dépossédé de ses biens.
La campagne commença alors par le sac de Béziers où le nouveau légat du Pape Arnaud Amaury dira : “Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens“.
La Croisade avait comme chef Simon de Montfort.
La férocité de la répression fut sans mesure.
Pillages, viols, tortures et exécutions se succédèrent au prétexte de rétablir la gloire de Dieu…….
On tuait et massacrait pour une simple idée, pour quelque chose d’abstrait, d’irréel….
Quatre cents Cathares seront brûlés en un seul bûcher à Lavaur, pareil à Toulouse, à Montségur.
Des bûchers furent dressés dans toute l’Occitanie.
Ce carnage fera des dizaines de milliers de morts, sans compter ceux de « La Sainte Inquisition » qui naquit suite à tout cela.
C’était la fin du rêve Cathare, mais ce fut aussi la naissance de la France, puis de l’Europe….
Actuellement, huit cent ans plus tard, à l’époque de « l’ordre nouveau », du « Nouvel Ordre Mondial », les guerres de religions sont toujours prétextes aux plus grandes folies.
Après l’Inquisition, le monde a vécu le massacre des Indiens d’Amérique, d’abord par les Espagnols en quête de l’Eldorado, ensuite par les émigrés Européens en quête de terres….
Puis il y eut le communisme, un massacre….
Puis le Nazisme, un autre massacre…
C’est le monde dans lequel nous vivons, c’est le monde dans lequel je vis….
J’aime la vie, mais le temps passant, je n’aime plus guère les gens et leurs religions, quelles soient-elles…
André Gide n’a pas exagéré, je pense pire…, je hais la foule et les cons (connes comprises), je les vomis, les méprise et les voue aux gémonies….
Prisonnière souvent d’une pensée aussi unique que conjoncturelle, versatile et volatile, la foule est composée de gens parfois honnêtes, souvent cyniques, d’enthousiastes et de frustrés de toutes les causes, de manipulés et de manipulateurs.
Une telle foule, il ne faut ni l’aimer ni la haïr, il faut s’en méfier.
Je rappelle que “l’Appel de Stockholm” signé dans les années cinquante, fut applaudi par des millions de gens formant une foule immense de crédules innocents et pathétiquement manipulés…
Il s’agissait là en effet d’une cynique orchestration Soviétique…
Allah et Mahomet au même rang que Yahvé et Jésus, Bouddah et Chocolat, Hitler et Staline et tous les autres que j’essaye d’oublier, tous dans le même sac des manipulations intersidérales qui sont à l’origine de l’abrutissement général des foules…
Les foules de cons et connes, nous y revoilà revenu…
Dans les foules on rencontre encore la manipulation.Naïve la foule ?
Cela arrive.
Cynique et hypocrite ?
Cela arrive aussi.
J’en ai marre, je hais les foules de cons et connes.
Le nombre n’est pas la raison….
J’ai longtemps hésité à re-écrire.
J’ai pourtant beaucoup écrit.
Des livres, des articles, des sujets, des thèses, des factures et des notes de crédits.
Durant 30 ans…
Avant c’étaient des devoirs, des dictées, des bonheurs.
Des lettres d’amour aussi….
La plus belle c’est celle qui décrit mon plus vieux souvenir.
Elle s’appelait Patricia.
Cinq coquillages pour une fleur, c’était bonheur…
C’était l’époque ou on vivait noir et blanc avec seulement de la couleur au fond du cœur.
Je l’avais rencontrée derrière le sable des dunes.
Elle vendait des fleurs en papier.
5 coquillages pour une fleur.
C’était bonheur.
Je suis parti au loin sur la plage avec mon petit seau, une pelle et un mini râteau pour chercher des coquillages.
Tout un temps j’ai cherché, coquillages, couteaux et même quelques petits crabes.
Mon seau rempli de trésors, je suis revenu vers son petit fort.
Las, il ne restait plus que quelques fleurs, elle n’avait pu résister à les échanger contre quelques beignets.
Mon seau déversé avait bien trop de coquillages ébréchés et les crabes lui on fait pousser un hurlement de terreur.
5 coquillages pour une fleur, ce fut bonheur.
Je lui ai aussi donné un baiser pour me faire pardonner.
J’ai gardé la fleur en papier, elle est un peu déchirée, j’ai aussi retrouvé le seau de coquillages…
Ils sont tous ébréchés, la pelle, le petit râteau cassé, avec encore un peu de sable séché.
J’ai pleuré le temps passé.
Dans un coin secret, j’ai placé le seau, la pelle, le petit râteau, les coquillages ébréchés, la fleur en papier déchirée, et le souvenir d’un baiser…
Cinq coquillages pour une fleur, c’était bonheur…
Voilà, il est temps de terminer cette introduction.
« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » , vous le lirez, c’est une interview hallucinée, caustique et déjantée, de moi-même par un autre moi-même,
Quelqu’un et Quelqu’un d’autre, le tout réalisé en multiples clins d’œils et double-sens au hasard du temps qui passe, dans un texte qui est en même temps le livre, son contenu et sa critique…
Un livre différent, qui parle de lui en parlant de moi tandis que je discoure d’humeurs et sur le monde peuplé de gens.
Si l’on a eu la sagesse de mettre sa jeunesse dans un lance-pierres pour qu’elle fracasse les vitres de la bienséance et nous fasse passer au-delà du miroir social, là où le simple fait de vivre encore devient merveille, alors, même si les anniversaires se succèdent plus vite que les piqûres de moustiques et autres bestioles à dard, alors, l’homme a la chance de durer, de bonifier, de se libérer des dogmes de la convenance, d’être lui sans passer par les détecteurs d’états d’âme plantés à chaque coin de rue d’un monde de plus en plus fliqué, friqué, fripé, frité.
Prenez Quelqu’un.
Il est libre.
Au fond de son cœur rôdent la mélancolie, l’angoisse, le doute.
Mais il a appris que ces sentiments se transforment en formidables chevaux d’orgueil pour galoper sur la pampa d’une enfance que les meilleurs d’entre nous retrouvent toujours une seconde fois, intacte, s’ils luttent pour ça.
Raisonnable dans le déraisonnable et déraisonnable dans le raisonnable, se fichant du qu’en dira-t-on pour oser être candide, il a transformé l’ennui et la médiocrité, lot de tout humain, en plages de jeux.
Quelqu’un rit, s’amuse, blague, jouit de tout et de rien et a une spécialité : la causticité.
Il a réinventé ça pour faire la nique à Quelqu’un d’autre, qui ne va vraiment pas bien, le pauvre.
Coup de folie gratuit ?
Non.
Une manière d’entretenir sa fantaisie et de dérailler le train-train quotidien pour éviter de se prendre au sérieux afin de pouvoir toujours catapulter une innocence émouvante et étrange.
Quelqu’un, mon ami moi-même, tu as compris une chose qui mérite d’être transmise aux jeunes, que l’époque si dure a rendus goulus et trop obéissants : il est faux de croire que la vie commence par une explosion et finit par un concordat.
Ce serait absurde !
Patrice…
Un autre Quelqu’un, même si c’est le même …
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Côté face, il était éditeur, créateur de magazines internationaux.
Côté pile, il fut “outlaw”, agent secret d’affaires insoupçonnables.
Coté tranche de la piécette, il est lui-même…..
Mais il écrit aussi, rendant folles les femmes, jaloux les hommes, enfilant les nuits blanches et les réunions secrètes interdites, brouillant toutes les pistes qui mènent jusqu’à lui.
Et plus il se dérobe, semant ses poursuivantes et admiratrices nombreuses dans les vapeurs, plus son charme augmente.
L’ambiguïté a ses attraits.
Sauf que l’ambigu, pour “Quelqu’un“, n’est qu’un masque de plus.
Sa vérité, le montre faisant du mystérieux le sujet de ses écrits.
C’est un révolutionnaire de cœur et de conviction, ce qui dans son cas revient au même.
Sa mission sur terre est indéfinissable.
De cela dépend le tour que va prendre l’humanité.
“Quelqu’un” n’est pas un pion placé dans le jeu de l’histoire.
Il est Maître du jeu, voire des jeux, également Maître des mots, voire des maux qu’il fait subir….
Voilà qui ajoute une dimension au personnage.
Le doute est une écharpe sur le manteau de brume qui entoure son identité.
Il va, passant magnifique, et rit dans le noir des nuits.
Ce qui fait se tordre les rides de son visage marqué par les abus multiples.
Et le chœur divisé des témoins de son histoire de lancer, au gré de cet insensé…, “Quelqu’un est un sale gosse, il aime s’amuser avec les choses tristes, il a l’âme romantique et diabolique, une âme indéfinissable…”
On croit qu’il a échangé le bonheur contre sa révolution.
Lui a d’autres priorités.
Oui, car, dans le fond, tout au fond, au vrai du pur de son âme, “Quelqu’un” est un homme plein d’idéal.
Il est persuadé que l’intelligence vaincra la bêtise…
Le comble est que ce personnage romanesque entre tous existe.
Je le signale dès le début de l’autobiographie virtuelle de ce livre que je terminerai bientôt….: “Les lecteurs au fait des choses du réel, auront identifié le personnage virtuel qui a inspiré cet extraordinaire livre…”Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens“.
Mais qu’est-ce que le « réel » ?
Une multitude de documents : articles de presse, interviews, souvenirs rédigés par des protagonistes de l’affaire, lettres, é-mails, articles divers, coupures de presse, études universitaires, films, etc., m’ont permis de reconstituer, comme un puzzle, à travers les jeux de ma subjectivité, une trame de faits.
Nul désir en moi au demeurant de construire, à la façon de l’archéologie, un quelconque « objet » à partir de ses brisures…
C’est tout au contraire son « éclatement » qui m’intéresse.
Le « Quelqu’un » n’est pas un monolithe.
Et c’est là sa « beauté »…
On pourrait parler d’une composition « cubiste »…
Cet aspect éclaté fait tout à la fois l’originalité et la difficulté de « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ».
Il faut franchir le cap des premières pages pour trouver sa place dans ce livre atypique.
Qui parle ?
Et qui pense quoi ?
Quand se passe ceci ou cela ?
Qui est qui dans cette histoire ?
Et où l’auteur veut-il en venir ?
Que faut-il lire dans telle phrase ?
Quelle allusion a-t-on loupé pour se retrouver perdu au tournant d’une page ?
Certes intelligent, « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » n’a pas de sens unique de lecture.
Trouver un coin où se loger pour vivre cette histoire en lecteur heureux n’est pas une mince affaire.
Mais s’acharner à trouver cette place en vaut la peine.
Car il y a de l’aventure à partager dans ce livre édifiant.
Au fur et à mesure des écrits de “Quelqu’un“, cette forme débridée difficile à apprivoiser révèle qui plus est toute sa pertinence.
Son embrouillamini structurel reflète en fin de compte très justement l’esprit des grands basculements.
Cette donne n’est hélas pas sans réduire le cercle des lecteurs possibles de « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ».
Une solution, peut-être : lire ses écrits en abusant de café.
J’avoue bien en avoir bu sans mesure pour marcher (tituber ?) sur les traces de “Quelqu’un” lors d’un voyage au lac de Genval ou j’ai réussi à l’interviewer…
-Patrice De Bruyne ; “Comment arriver à dire « je » tout en gardant sa personnalité ?“.
-Quelqu’un ; “En fouillant dans ce qu’il y a de plus sincère, de plus profond, de plus généreux et de plus révolté en soi-même.
A partir de là, on rencontre les autres, on peut communiquer avec les autres.
Je suis Quelqu’un qui a un dialogue invisible avec ceux qui lisent mes écrits.
Si un de ceux-ci (mes écrits, pas ceux et celles qui les lisent…) ne peut être revisité en pensée par le lecteur, c’est qu’il est mauvais.
Un écrit doit travailler longtemps dans la tête de qui l’a lu ; sinon à quoi bon créer ?”.
-Patrice DB ; “Vous traitez de sujets tantôt gravissimes, tantôt mineurs, mais presque toujours avec un humour ravageur quoique caustique.
D’ou tenez-vous ce style ?”.
-Quelqu’un ; “La légèreté et l’humour contenus dans mes écrits ne sont pas un choix… Mon caractère a été construit sur ces divers éléments indéfinissables.
Je suis un mélancolique amer quoique humoriste caustique de naissance.
Rien à voir avec une stratégie manipulatrice !
Mais je me pose souvent cette question : “Pourquoi l’humour existe-t-il ? D’où est-il venu ?”
Depuis le début des temps, l’homme est une bête qui se bat, veut le pouvoir, aime dominer et, pourtant, il rit.
Paradoxal, non ?
Et je n’ai pas de réponse…
Mon sens de l’observation « caustico-amer » vient de mon enfance dans un ghetto doré coincé entre un parc et une chaussée.
C’est ma manière de mentir au malheur en lui riant à la figure.
La fonction de l’humour, je crois, est de pouvoir réunir des êtres venus de partout, emplis de convictions différentes et de leur permettre de discuter autour d’un fait qui les oppose.
Quand Quelqu’un rigole, il peut, en même temps, se saisir d’une mitraillette et tirer !
Le comique a quelque chose de magique.
La preuve : moi qui ai un visage sévère, je ris à mes propres blagues, tout en pleurant des mimiques clownesques des autres non moi-même”….
-Patrice DB ; “La mélancolie est souvent un beau cheval d’orgueil pour oser transporter gaiement la contestation sur l’état de nos sociétés“.
-Quelqu’un ; “On ne gagne pas un diplôme en mélancolie. On l’a en soi. Ou pas. Je l’ai. Je m’en sers, je l’affûte en humour absurde. « Humour absurde » est une juste définition pour « mélancolie », je crois…
Mais ne croyez pas que je sois mélancolique par rapport aux atrocités qui se déroulent dans le monde !
La bêtise qui s’évapore du monde est tragique, folle, mène à l’horreur annoncée.
La mélancolie serait une faute.
Il faut lutter, constater, tenter de changer des opinions grâce à des images, des histoires, des sketches.
La trace de mélancolie visible dans « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », encore qu’il s’agit plutôt d’une mélancolie rageuse, se situe au début avec la séquence de quelqu’un qui ose écrire “Ceci est le miroir au fond duquel dort ma douleur…“.
Je me refuse à expliquer ce texte.
Que chaque lecteur/lectrice en tire la leçon qu’il désire”.
-Patrice DB ; “Les gens d’au dehors d’ici, m’en veulent d’admirer autant « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » qui, pour eux, est une lecture insoutenable.
Ils me demandent comment je puis aimer une œuvre, même belle, venue d’un écrivain « déjanté » comme ils disent.
Ils sont traumatisés par les bêtises qui se déroulent quotidiennement autour d’eux…”.
-Quelqu’un ; “Dites-leur, au nom de votre amitié, qu’ils viennent « parler » avec mon livre !
Partout, dans le monde, quand on veut dénier un individu, y compris dans le monde quotidien du travail, on trouve un mot qui l’isole : « fainéant », « marginal », « individualiste ».
Méfions-nous du vocabulaire, il est aussi redoutable (dans ses effets) qu’une bombe.
Lors de l’Inquisition, les catholiques brûlaient ceux des leurs qui les dérangeaient en les nommant « sorciers »…
Moi, je pleure sur les bains de fautes et de mauvais goût qui coulent des deux côtés du monde.
Qu’est-ce qui justifie qu’un ou une soit tué (e) par une explosion de bêtises ?
Rien.
Qui a inventé ces atroces fanatiques qui ont détruit tant d’espoirs et de rêves?
Les “Cons” et “Connes” qui veulent contrôler le monde parce que leur société ne fonctionne et ne s’enrichit que sur un sentiment de peur névrotique qui atteint aussi bien les politiques que l’homme de la rue !”.
-Patrice DB ; “Vu d’ici, au dehors de vous-même, on a l’impression qu’il n’y a aucun espoir de paix dans la partie du « moi » où vous vivez…“.
-Quelqu’un ; “Je ris quand vous dites « vu d’ici » !
Comme si vous n’étiez pas concerné.
Comme si votre douillet cocon sociétal n’allait pas un jour se déchirer !
« Vu d’ici » ou « Vu de chez moi », nous sommes dans un même fleuve de violences, d’égoïsmes et de retour des incompétences qui gagnent toutes les rives de la planète.
Méfiez-vous, les distances n’existent plus dans notre univers globalisé.
Pourtant, j’ai l’espoir et l’utopie qu’un jour l’amour gagnera partout.
Si je n’avais pas cette espérance, je n’aurais pas écrit « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens »…”.
-Patrice DB ; “Je suis perturbé par la lecture de votre livre, d’autant plus que j’ai le sentiment qu’il s’en vendra quelques-uns.
Réduire votre livre “Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens” à son titre serait une erreur, il y est moins question de culpabilité que de désillusion.
Le fil rouge (ou noir, comme on voudra) de ce livre capital pour la philosophie humaine, ce n’est pas le mea-culpa obligé du pécheur.
Ce sont les faiblesses humaines, le désarroi des gens qui font fausse route et s’en aperçoivent trop tard”.
-Quelqu’un ; “La vie est emplie de malentendus, de non-dits, de trop-dits, de pas assez écouté ou de trop parlé….
On pourrait poursuivre ainsi, en remarquant que mes histoires semblent hantées par un profond pessimisme.
Je n’accepte toutefois pas ce terme de pessimisme.
Les textes que j’écris viennent naturellement, sans volonté de noircir les situations, quoique…
Vous auriez dû interroger Dostoïevski sur ce thème !
Si vous me dites que mes textes ne sont pas toujours drôles, d’accord.
Qu’ils parlent de gens ordinaires, d’accord, quoique…, je dis juste ce que je pense en fonction d’une vision des choses en multiples sens, je construis quelque chose d’inattendu, je ne suis pas là comme quelqu’un soucieux d’exprimer sa vision du monde….., quoique…….!!!
C’est le moment fugitif qui m’intéresse : où s’est produite la fêlure ?
Qu’est-ce que telle parole, telle phrase, telle attitude, tel fait, a pu réveiller chez l’autre ?
Mais il n’y a pas de pessimisme : la vie est faite d’ajustements constants par rapport à des choses que nous maîtrisons…, comme nous le pouvons, mais dont nous sommes responsables.
Le fait de s’en rendre compte est déjà une manière de mieux s’en sortir”.
-Patrice DB ; “On ne vient jamais vraiment de nulle part, les relations entre homme et femme ont toujours été un grand mystère. Pragmatique, vous semblez intégrer cette donnée à votre univers, en considérant également que l’attraction mutuelle se rapproche à certains moments du désir animal“.
-Quelqu’un ; “Je pense que c’est avec les relations hommes/femmes que tout commence, et que l’on peut trouver les meilleurs exemples de ce qui peut advenir dans une vie, en bien ou en mal, peu importe.
Les gens aiment lire ce genre d’histoires, parce que cela concerne le plus intime de nous-mêmes, notre propre nature, et nous savons qu’elle n’est pas facile à comprendre.
D’abord parce que, entre hommes et femmes, les sensibilités sont différentes, et les moyens de l’exprimer également.
La sexualité, le désir sont encore perçus d’une autre manière par chacun.
Ajoutez-y l’âge, la culture, la sympathie, l’intelligence, le passé familial…, et vous avez là un ensemble d’éléments qui donnent de multiples possibilités à un écrivain.
Ce qui m’intéresse, c’est de raconter la vie, et donc d’essayer de trouver le langage le plus juste, le plus adapté, pour présenter les différentes situations auxquelles les personnages se trouvent confrontés.
Bars, motels, autoroutes, aéroports traversés par des gens ordinaires et malmenés.
L’extérieur d’eux-mêmes tient en trois lignes.
Mais leurs fractures intérieures, leurs tentatives pour accorder une solitude à une autre, pour se changer, pour combler tous ces vides qui font une vie, voilà à quoi je m’attache.
C’est cette capacité extraordinaire à capter en toute sobriété les mouvements les plus subtils, les plus dérangeants aussi, de notre intimité, qui font de chacun de mes textes, une sorte de moment privilégié, souvent douloureux, mais que je n’oublie pas.
Une « histoire », c’est un drame.
Le vôtre.
Le mien.
Celui du type qui est en train de la lire assis dans le métro en face de vous.
Tout est récit, et le simple fait de conter, de narrer, renvoie à cette vérité première : nous avons besoin de crise, d’angoisse, d’attente, d’espoir, de la peur de se tromper, de soif de la vie que nous pensons vouloir et de la déception que nous inspire celle qui est la nôtre.
Mais que peut-il se produire quand on est arrivé au sommet en grimpant par la face lumineuse de la montagne, sinon la descente, de l’autre côté, plus sombre et menaçant ?
Oui, la vie est un château hanté dans les pièces duquel l’ambitieux rencontre plus ambitieux encore, et c’est alors une lutte à mort dans laquelle certains y laissent leurs plumes, et parfois davantage”.
-Patrice DB ; “En cette période de multiples rentrées académiques de toutes sortes, et d’approche des fêtes quelles qu’elles soient…, votre livre est celui qui s’impose.
Il émerge peu à peu au fur et à mesure que nous papotons mais il lui faudra pourtant quelque temps pour s’affirmer pour ce qu’il est. Certainement pas un ouvrage de référence ordinaire, mais un impressionnant travail de pionnier (j’avais envie de mettre un « S » à « pionnier » pour m’y inclure), doublé d’une intense source de plaisir.
Disons-le tout net : ce « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » devrait s’avérer un apport inestimable à la connaissance, en même temps qu’un magnifique outil d’initiation à la vie.
Le plus aigu d’un savoir s’y allie à un souci de rendre service au plus grand nombre.
C’est cela, la science démocratique. Il faut s’en réjouir”.
-Quelqu’un ; “On parle trop souvent n’importe comment de littérature, parce que l’on pense à tort, comme le déplorait déjà Valéry, qu’il s’agirait d’une chose vague.
Ces approximations fréquentes sont sans doute la conséquence d’un manque de concertation précise sur le sens et l’usage des termes utilisés.
Je vous avoue, à cet égard, avoir fait un gigantesque travail de mise à plat.
Avec une grande rigueur de méthode, j’ai commencé par inventorier les notions qu’il s’agissait d’élucider, et puis, pour chacune d’entre elles, je me suis imposé de les définir, d’en retracer l’historique, d’en déployer la problématique.
Chaque texte, quelle qu’en soit sa dimension – aucun ne laisse sur sa faim – s’impose ces multiples approches, ce qui donne une grande cohérence à l’ensemble, renforcée par d’habiles esquisses de circulation dans l’ouvrage”.
-Patrice DB ; “Depuis l’Antiquité, on s’est penché sur les formes et les modalités de la littérature, et cette démarche a connu bien des périodes fastes, dont le dernier demi-siècle n’est pas la moindre (« Le degré zéro de l’écriture » de Barthes aura cinquante ans l’an prochain). Tout cela est brassé dans vos pages, toujours scintillantes d’intelligence organisée“.
-Quelqu’un ; “On y va de surprise en surprise, parce que la sélection des entrées n’est jamais conventionnelle, quoique toujours motivée.
On y devine, entre les lignes, que le terme de « précieuse » survint une première fois sous la plume d’un chevalier de Sévigné en 1654, mais aussi que le “World Wide Web” date, la coïncidence est intéressante, du lendemain de la chute du mur.
J’écris aussi, à cette suite, aussi bien de la pastorale que de la pataphysique…”.
-Patrice DB ; “Il y a de quoi s’attarder plaisamment dans cet étonnant et infiniment utile monument de culture enjouée. Quelqu’un, vous chiffonnez la ligne du temps… N’est-ce pas justement ce que vous cherchez à faire de temps à autre sur le Web ? Une façon de prendre une revanche sur le temps qui passe ?”
-Quelqu’un ; “Il n’est pas question de prendre une revanche mais bien de faire un croc-en-jambe au temps.
Tout ce qui le concerne m’a toujours fasciné.
J’aime le mettre à l’épreuve, que ce soit dans mes livres ou ma vie.
Par exemple en voyant si j’arrive à aller très vite en avant ou en arrière, par flash-back
Je mène avec le temps une lutte qui dure depuis longtemps.
Je crois me souvenir l’avoir gagnée jusqu’à présent, mais peut-être n’est-ce que littérature…, de toute manière c’est un combat que nous perdrons toutes et tous, tôt ou tard, le plus important n’étant pas cela, mais la manière d’y arriver…. “.
-Patrice DB ; “Seriez-vous fâché avec la chronologie ?
Lorsque vous ayant demandé de la « matière biographique » pour dresser votre portait biographique, vous m’avez répondu par l’envoi de deux biographies : la vôtre et celle de Patrice, moi-même en fait, pseudo sous lequel vous avez commencé à publier…”.
-Quelqu’un ; “C’est un jeu surréaliste.
Si on essaye de comprendre les méandres du temps, autant lui montrer qu’on ne le suit pas à la trace, qu’on peut très bien sauter d’avant en arrière et qu’il n’a rien à dire !
J’ai commencé à publier sous le pseudonyme de Patrice pour des raisons très terre à terre. « Je ne me souviens pas du titre », mon premier roman, publié il y a un certain temps, est composé de nouvelles qui, à cette époque où on était encore puritain, semblaient très érotiques.
J’étais naïf…
Mon biographe de ce temps passé, qui a renoncé depuis et en est mort, m’avait dit que ce serait dommage qu’on me cherche des puces.
Il m’avait conseillé de prendre un pseudo.
Ce que j’ai fait pour venir sur le « Web »…..
Mais ça aussi, c’était un jeu !
Je me souviens de dîners particulièrement jubilatoires où on me parlait de ce mystérieux Patrice…
Le temps passant, et après avoir obtenu la nationalité française, j’ai conservé ce pseudonyme, je me demande même parfois si ce n’est pas mon vrai prénom…., mais je dois rêver virtuellement.
Jouer c’est aussi s’amuser à changer les règles du jeu !
Je vais vous livrer quelques morceaux choisis, mais réactualisés, de ce « Je ne me souviens pas du titre », tout en vous prévenant par avance que c’est très « HOT »…., vous sortirez turgescent de cette lecture…..
Après de longues années consacrées à la satisfaction des plaisirs les plus divers -du déniaisement brutal aux raffinements les moins coûteux-, Quelqu’un d’autre voulait essayer de ne plus penser au sexe.
La lente dépravation de Quelqu’un d’autre….
Quelques déconvenues sentimentales causées par son insistance balourde l’avaient convaincu de l’authenticité de cette décision.
Il vouait sa vie oisive à l’abstinence la plus totale.
Car si Quelqu’un d’autre savait que la recherche et la pratique des vices les plus anodins peuvent mettre sur la paille les hommes les plus honnêtes, il apprit bien vite qu’il n’est pas de plaisir plus cher que l’absence de plaisir.
Il commença par s’astreindre à l’ascétisme le plus rigoureux.
Toute autre nourriture que du riz blanc et quelques légumes verts, toute autre boisson que l’eau la plus pure et bien sur toute autre activité que la méditation lui étaient proscrites.
Il réduit son sommeil au minimum et s’imposa une chasteté implacable afin de purger son âme de toutes les passions, entendues comme les expressions diverses dans la forme et le degré de la matérialité répugnante de son corps.
Il cherchait l’idéal des sages antiques : la séparation nette entre deux mondes qui avaient eu le malheur de se rencontrer.
La plus complète sérénité l’envahit, il manifesta le plus haut détachement pour les choses de la chair et pour toute autre chose que sa parfaite quiétude.
Au bout d’un mois de ce régime sévère, la violence des hallucinations érotiques qui l’assaillaient avait gravement perturbé sa perception de la réalité.
Les impressions et les images lubriques d’une existence oubliée venaient le torturer jusqu’au plus profond de sa retraite.
Il rompit ses vœux presque sans le vouloir : on le retrouva nu et haletant devant son ordinateur.
Il chercha une solution dans la pratique assidue des religions les plus castratrices.
Vêtu des apparats extravagants d’obscures et rigides sectes, il se couvrit la tête de cendres et abjura son ancienne conduite.
Tout débordement sensuel lui apparaissait comme définitivement impie.
Il s’emplit de la faute des hommes, se laissa submerger par le poids des péchés du monde entier.
Son corps devint l’objet de ce ressentiment planétaire : il le tortura, le flagella et le tordit dans des rites d’initiations barbares et des autodafés sanglants.
Sa contrition ne connut plus de bornes, il se lacéra, se mutila pour la gloire de ses dieux, crachant ses anathèmes sur ceux qui contrevenaient aux très strictes règles de l’amour divin.
Il se rendit compte au bout de quelques semaines que rien ne lui donnait plus de plaisir que de se soumettre à ces châtiments exemplaires et que son excitation croissait avec la violence et son humiliation.
Il voulut perdre son regard et couvrir d’un voile ces plaisirs qui l’horrifiaient, mais il devenait manifeste aux yeux des prêtres de sa congrégation que la pratique intense de la religion provoquait en lui la passion la plus dominatrice sous le couvert de la plus chaste volonté.
Il fut exclu, sodomisé et roué de coups.
Il abandonna l’idée de contraindre son corps par l’abstinence.
Il voulut tenter de trouver une juste mesure, un équilibre des forces de l’esprit qui lui permettrait de mener son corps à sa guise.
Il fut le plus moyen des hommes ; en tout il parvenait à conserver une extraordinaire tempérance qui lui assurait un parfait commerce avec son corps.
Il mangeait à heure fixe, buvait un verre de vin par jour, s’occupait le matin de gymnastique, d’exercices intellectuels et de lecture, puis le soir après sa longue promenade, de travaux manuels simples mais précis.
Il se couchait de bonne heure, dans une grande chemise de nuit de cotonnade et se levait tôt, pour recommencer une journée bien remplie.
En l’espace de quelques jours, son esprit parvenait à nicher dans l’objet le plus anodin la plus capiteuse des tentations.
Il rêvait de pénétrations gigantesques, de viols soudains et acharnés et de violences indignes à travers les obsessions les plus transgressives.
Il était tour à tour victime et bourreau de ses perversités monstrueuses et lancinantes.
Il passait ses journées hagard dans un univers qu’il croyait perdu depuis l’adolescence, fait de fantasmes improbables et d’envies subites qui vous broyaient le bas-ventre.
Il vécut quatre jours au cœur de cet enfer rose et noir avant de soulager sa conscience devant son ordinateur….
Quelqu’un d’autre décida de perdre son appétit dans tous les excès sans rapport avec le sexe : il mangea des quantités pharaoniques de nourriture, but des litres et des litres des tous les liquides passant à sa portée ; il aspira les fumées les plus intenses et mélangea à son sang les substances les plus divertissantes.
Il vécut ainsi dans l’euphorie et dans les brumes éparpillées de sa conscience.
Il parvint à ne plus penser à autre chose qu’à manger, boire et remplir de papillons ses globes oculaires.
Absente de tous ces plaisirs, la chair ne tarda pas à se manifester : il devint physiquement impossible à notre ami de contraindre son corps à ce régime débridé.
Il lui était absolument nécessaire de dormir, mais il appréhendait le moment où il cesserait de détourner les pulsions de son corps des objets qu’il avait choisis.
Peu à peu, il dut concéder à son organisme des périodes de repos qui se traduisaient immanquablement par des feux d’artifices fantasmatiques que son esprit ne parvenait pas à circonscrire : il se laissa dépérir dans le coin d’une pièce, submergé quelquefois de bouffées de chaleur qu’un spectateur distant aurait pu confondre avec un accès particulièrement fort de malaria.
Dès lors il décida de tuer une bonne fois pour toute le désir qui l’obsédait : il s’enferma avec les meilleures prostituées, les professionnelles les plus coûteuses du marché et les amatrices sexuelles parmis les plus innocentes, dans un hôtel particulier qui contenait mille accessoires et instruments de toutes tailles (il fallut presque abattre des cloisons pour installer certains de ces ustensiles).
Il voulait satisfaire ses instincts au-delà du raisonnable pour que jamais ils ne fussent plus en demeure d’exiger quoique ce soit de lui.
Au bout de deux semaines d’exercices intenses, il dut arrêter sur avis médical, son médecin traitant l’ayant averti que la congestion de son membre ne laissait d’autre recours, mis à part l’imposition urgente de bouillottes glacées, que l’amputation.
Il mit à la porte toutes les participantes de cette fête inachevée et dut se résoudre à constater que malgré le traitement de choc qu’il lui avait fait subir et le priapisme qui le guettait, sa libido était en parfait état de marche.
Ecœuré par tant d’ingratitude, ruiné, Quelqu’un d’autre tira un trait sur cette période sombre de sa vie.
Il changea de nom et s’acheta une maisonnette quelque part dans les environs du lac de Genval…
Il y vieillit paisiblement, chaque jour occupé à satisfaire ses obsédants penchants, courant nu, la nuit, sur les berges du lac en quête d’émotions fortes….
Ma première rencontre avec Lorenza…
Tout était calme.
Seuls les faisceaux des deux phares de mon Prowler bleu s’enfonçaient dans ces curieux nuages blanchâtres qui envahissaient la route, tandis que j’observais le bitume qui semblait me fuir sous un épais brouillard.
Je quittais l’inauguration d’un bâtiment créé par un groupe d’architectes.
Le Champagne avait coulé abondamment, pourtant je n’étais pas saoul, juste grisé ou un peu gai (pas gay)….
Il ne devait pas être plus de vingt et une heures, mais le brouillard inondait la rase campagne du Brabant Wallon de ses formes mouvantes pour les envelopper d’un insondable mystère.
Je me concentrai autant que je le pouvais sur ma conduite en espérant ne pas faire la rencontre malheureuse d’un gendarme équipé du fatal alcotest.
Mais c’est là que je réalisai mon ivresse, ils ne devaient pas être nombreux les gendarmes, là, au milieu de nulle part à attendre les rares voitures.
Pourtant, après quelques kilomètres, les nappes brumeuses se dissipèrent et je retrouvai une visibilité normale.
Je me sentis aussitôt plus détendu.
L’idée de parcourir la quinzaine de kilomètres qui me séparait de ma maison d’Uccle ne m’enchantait guère dans ces conditions.
Mais là, longeant la route, aux abords du Lac de Genval, j’aperçus soudain une jeune femme qui semblait perdue.
Mes phares balayèrent son visage et je découvris des yeux hagards.
Il n’y avait pas de village (La Hulpe) avant cinq minutes de route et je décidai de m’arrêter.
” Je peux vous déposer quelque part ? ”
La jeune femme sembla confuse, timide, presque sauvage.
” Si vous voulez” dit-elle en ouvrant la portière.
Elle s’assit à mon côté et je la contemplai rapidement.
Elle n’avait sans doute pas plus de trente-cinq ans.
Son visage était entouré d’épaisses boucles brunes et ses yeux étaient si extraordinaires qu’ils ne contrastaient en rien avec la couleur de ses grains de peau.
” Vous allez où comme ça ?”
” Dans le village d’à côté, à La Hulpe“, dit-elle d’une voix douce.
” Vous vous promenez souvent comme cela, toute seule, de nuit autour du Lac de Genval?”
” Je ne me promène pas… Je suis… somnambule. Dès que je m’endors je ne peux pas m’empêcher de marcher. Ca doit vous paraître étrange, non ?”
” Ca doit être dangereux aussi. Comment vous faites si un camion arrive sur vous ?”
” Pour l’instant j’ai eu de la chance. Quand j’étais petite il m’arrivait de me réveiller chez des gens que je ne connaissais même pas. Un matin je me suis retrouvée dans les branches d’un arbre, je n’ai jamais compris comment j’avais fait pour monter si haut“, dit-elle en riant.
Elle avait un joli rire qui animait de vie son visage si pâle.
” Vous… Vous êtes mariée, vous vivez seule ?”
” Non, je n’ai jamais… Enfin. Bon. Vraiment… Je vis chez…. dans une grande maison, pleine de pièces, avec des rideaux jaunes….”
” Personne ne vous surveille quand vous vous enfuyez ainsi au milieu de la nuit ?”
” J’ai Trente-quatre ans vous savez… Quand je n’étais pas enchaînée, si. Et puis avec le temps… Ils se sont fait une raison. De toutes les façons c’est plus fort que moi. Je crois même que j’y prends un certain plaisir. Et puis à La Hulpe je ne risque pas grand chose.”
” Vous êtes sportive…?”
” En quelque sorte. Et vous, que faites-vous là ?”
” J’étais chez des amis architectes.”
” Intéressant. Vous travaillez dans quoi ?”
” J’étais architecte-designer. J’ai créé des objets de toutes sortes… Mais maintenant, après avoir été éditeur, je me suis retiré de ces vies de fous et je suis devenu une sorte d’antiquaire en voitures de collection hors-normes.”
” Moi je ne fais rien… Si je dors et c’est là où j’en fais le plus, finalement. ”
Elle rit à nouveau et son petit rire de jeune fille timide me fit sourire à mon tour.
” Votre prénom, c’est quoi ?”
” Lorenza”
” Un prénom italien, vous avez de la famille là-bas si loin ? ”
“Non, ils m’ont appelé comme ça parce que c’était le prénom d’une actrice à la mode, quand je suis née. Et vous ?”
“Patrice”
“Vous habitez où ?”
” A Vence, dans le sud de la France, mais j’ai une petite maison ici. J’aime bien ce coin.”
” Vous êtes marié ?”
” Non, enfin, je l’ai été… Nous nous sommes quittés parce que… C’est du passé, à quoi bon en parler. C’est difficile la vie de couple, vous savez.”
” Oui, je sais“, dit Lorenza en baissant les yeux, “j’ai connu un Grec qui….. Mais peu importe… Il y a le brouillard qui vient on dirait. ”
Je regardai la route et aperçu une nouvelle nappe blanche qui glissait vers nous.
Elle était bien plus épaisse que la précédente et je ralenti malgré moi en constatant que je ne voyais même plus au delà du capot de la voiture.
” Vous feriez mieux de vous arrêter sur le bas côté.”
” J’en ai bien l’impression. ”
Je m’avançai alors lentement sur l’herbe qui longeait la route et me stationnai là avec précaution.
” Heureusement que je vous ai rencontré. Je déteste ce genre de situation où on doit attendre sans savoir pour combien de temps.”
” Mais là, vous n’avez pas tellement le choix… Que voulez-vous faire autrement ? Rouler dans les champs ?”
” J’aurais écouté une de mes vieilles cassettes ou lu un des magazines qui traînent dans le coffre.”
” Il n’y en a pas pour longtemps, dix minutes tout au plus.”
Je regardai le brouillard qui enveloppait toute la voiture.
Seule la lueur des phares du Prowler nous apportait un peu de lumière.
Lorenza était assise à côté de moi, calme et confiante en moi.
J’aurais pu être n’importe qui, un imposteur, un assassin, un violeur…
Quelqu’un d’autre….
C’est vrai, cette Lorenza était tellement séduisante dans son long manteau de cuir noir.
J’avais envie de le lui enlever, d’enlever tous ses vêtements, d’arracher son soutien-gorge, de la pénétrer sauvagement, de lui faire l’amour au milieu de cet intense brouillard, de s’emmitoufler l’un dans l’autre pour ne pas penser qu’on devait attendre…
Je m’imaginais déjà passer la main sous son manteau et y découvrir de longues jambes fines et souples, des hanches prêtes aux caresses, un bas ventre qui n’attendait qu’un mouvement pour s’ouvrir à moi, des fesses qui se cambreraient sous mes mouvements…
Je n’étais décidément qu’un obsédé sexuel pour imaginer qu’aussitôt qu’une fille pénétrait dans ma voiture c’était forcément pour que la pénètre à mon tour.
” Embrassez moi“, dit Lorenza….
Je ne sais pas qu’elle attitude j’eus à cet instant, mais je devais être bouche bée.
Un silence demeura suspendu dans la voiture.
Bien sûr que j’en avais envie.
Je n’attendais que cela !
Je réalisai que si je posai une question ou que je disais le moindre mot, j’avais toutes les chances qu’elle change d’avis.
Aussi, je m’approchai lentement et embrassai ses lèvres.
Elles étaient fines, mais douces, chaudes et légèrement humides.
C’était bon de l’embrasser.
Lorenza dégageait une sorte de fluide particulier, un magnétisme mystérieux, quelque chose qui n’appartenait qu’à elle et qui incitait à en vouloir davantage.
Je l’embrassai encore et la serrai dans mes bras avec douceur pour l’inviter à recommencer.
Oui, j’avais envie d’aller plus loin, de la couvrir de baiser, de l’embrasser jusqu’à ce qu’elle soit trempée de ma salive.
Cette Lorenza m’excitait soudain comme aucune autre ne l’avait jamais fait.
Oui. J’aurais voulu la prendre toute entière dans ma bouche et l’aspirer complètement pour qu’il n’en reste plus rien, la serrer contre moi si fort que je l’aurais broyé contre mon torse…
Elle retira son manteau en cuir noir de manière pudique et laissa apparaître un petit décolleté où j’entrevoyais déjà deux petits seins ronds et fermes.
Le rêve !
Elle baissa les yeux et pencha la tête en arrière et laissant ses lèvres roses entrouvertes.
Je ne sais si cela fut le fruit de l’alcool que j’avais ingurgité, ou de ma seule excitation, mais je pris ses deux seins à pleines mains et plongeai d’un mouvement mes lèvres dans son décolleté pour baiser cette peau si jeune et si fraîche avec une sauvagerie exceptionnelle.
Après je l’embrassai à nouveau et caressai sa poitrine avec passion.
Je sentais déjà ses tétons durcir sous les paumes de mes mains.
Lorenza dégageait un parfum doux et frais qui m’enivrait davantage que tout le Champagne qui avait précédé.
J’étais excité comme un fou.
C’était comme si à cet instant précis, le but de ma vie n’avait jamais été que de faire l’amour à cette jeune femme.
Si jamais elle avait décidé de tout arrêter, je crois sincèrement que j’aurais été capable de la violer !
Je retirai mon pull d’un seul geste et Lorenza caressa mon dos avec une telle sensualité que cette seule idée m’excite encore.
Tantôt elle balayait ma peau avec ses ongles, tantôt elle la massait dans un exercice qui me donnait à envier les touristes thaïlandais.
Je la déshabillai alors complètement et m’abandonnai au bonheur que m’offrait ce corps fin et voluptueux.
Ses hanches étaient l’invitation la plus scandaleuse à la fornication.
J’étais maintenant tellement ivre de toute cette excitation que je serais incapable de dire ce qu’il advînt ensuite.
Oui, le plaisir était si bon, si grand, si puissant que j’en oubliai tout, le Prowler, le brouillard.
Tout.
Lorenza lâcha un dernier soupir et je contemplai son corps qui demeurait étendu sur le siège, abandonnée, presque inerte.
Ce spectacle était magnifique.
Non seulement je l’avais comblée, mais en plus, j’avais dompté cet irrépressible besoin de lui faire l’amour.
C’était comme si, en me libérant de la prison de cette soudaine passion, nous nous étions rendus plus heureux l’un et l’autre.
J’adorais les courbes lisses et douces de son corps fin.
Tout en elle inspirait une sorte de fragilité enfantine, la beauté délicate d’une sculpture de cristal, prête à se briser à la moindre maladresse.
Mais son magnétisme était si grand que j’aurais voulu la combler encore et encore.
Elle se laissait contempler comme si elle venait de perdre sa vertu, comme si le plaisir charnel l’avait libéré de toute pudeur, qu’au delà du plaisir commun, elle voulait conserver le sien, celui de se sentir nue devant un homme.
Elle leva lentement les yeux vers moi et elle me sourit d’un étrange manière.
Vraiment ce sourire était presque inquiétant.
” Qu’y a t-il ?” Lui demandai-je.
” C’était la première fois avec un homme, normalement je suis lesbienne… ”
Je ne su que dire.
Mais que pouvais dire après cela ?
Non, mais peut-être que j’aurais du.
Oui, j’aurai du.
Mais je laissai le silence installer une barrière invisibles entre nos deux vies.
Je me contentai d’embrassai son ventre et de caresser affectueusement ses cuisses.
” Tu veux passer prendre un verre à la maison ?” lui demandai-je, presque pour meubler.
” Non, je vais rentrer, maintenant. Regarde, il n’y a plus de brouillard…Tu me raccompagnes ?”
” Oui, bien sûr.”
” J’ai beaucoup marché ce soir, tu sais.”
” Oui, je m’en doute… Si ce n’était que ça” , ajoutai-je en caressant délicatement sa joue.
Tu voudrais que l’on se revoit ?
” Je ne crois pas…”
” Ha ! Bon ? Pourquoi ?”
” Je ne crois pas que ce soit possible. ”
Elle tourna la tête vers moi et je vis qu’elle pleurait.
” Que se passe t-il ? Quelque chose ne va pas ? ”
” Ramène moi chez moi, s’il te plaît. ”
Vraiment, cette fille semblait beaucoup plus compliquée que je ne le pensais.
D’abord elle s’était présentée comme une femme libérée et offerte, et maintenant la voilà qui me la jouait romantico-tragique.
Moi qui avais toujours imaginé que les filles de la campagne, surtout celles des environs de La Hulpe et du Lac de Genval…, étaient sans histoire, je tombais vraiment mal.
Les quelques kilomètres qui nous restaient à parcourir défilèrent rapidement.
Je ne savais plus quoi lui dire.
Je ne savais pas ce que je devais penser de ce qui était arrivé.
Pendant et après.Non entrâmes dans le petit village de La Hulpe et elle me demanda de m’arrêter au coin d’une rue mal éclairée.
” Ma maison est là, un peu plus bas” dit-elle, ” c’est celle qui a les rideaux jaunes. Mais ne t’avise jamais d’y venir… Jamais.”
” Pourquoi tu me dis que c’est celle-là alors ?”
” Adieu“, dit-elle en claquant la porte comme une gifle qu’elle m’enverrait en pleine figure.
J’aurais voulu qu’elle me donne quelques explications, qu’elle ne m’abandonne pas à cette confusion étrange, à ces questions sans réponse.
Mais je me dis que je n’allais pas la retenir, de toutes façons.Je la laissais partir sans dire un mot, sans même lui dire au revoir. C’était comme le témoignage d’une époque où les gens se consomment entre eux, où le sexe devient un sport, où les sentiments sont jetables et où les humains ne sont plus que les objets d’eux mêmes.
Le lendemain je restai cloîtré chez moi à tapoter des bêtises sur mon ordinateur.
Cela m’ennuyait.
Je n’avais envie de rien.
Non, de rien.
Enfin, je pensais au corps de Lorenza.
Oui, au début ce n’était pas très gênant, et puis les heures passant, je ne pus m’empêcher d’y penser.
Je revoyais ses petits seins ronds et fermes, ses lèvres fines qui attendaient que je l’embrasse, ses hanches qui semblaient moulées pour tenir parfaitement dans mes mains…
Je sentais son parfum, son corps contre le mien, j’entendais ses petits gémissement timides qui m’invitaient à en donner toujours plus…
C’était incroyable.
Jamais je n’avais vécu cela, non, jamais.
J’avais toujours rêvé d’une sensualité exacerbée, d’une volupté fantasmagorique, d’une passion charnelle plus forte que la réalité. Et voilà que je l’avais trouvé… au milieu du brouillard.
Mais je pensai soudain à ses yeux mouillés de larmes, à la porte du Prowler qui claquait, son sourire étrange, son interdiction de la revoir, son adieu…
Cela me rendait malade.
A peine avais-je connu cette ascension, que tout s’ébranlait déjà pour ne me laisser qu’un goût amer du bonheur.
Les heures défilèrent sans que mes mains n’effleurent le clavier, sans que le téléphone ne sonne, sans que rien ne se passe.
Le temps est parfois douloureux et cruel.
Je regardai dehors et réalisai que la nuit tombait.
Il devait être dix-sept ou dix huit heures.
Je songeai que Lorenza était une couche tôt, si aux alentours de vingt et une heure elle somnambulait déjà sur les berges du Lac de Genval.
Mais oui, bien sûr !
Si je voulais la revoir, mon unique chance était d’attendre qu’elle dorme, peut-être que je la retrouverais sur cette route autour du lac, comme la veille.
Je devais être un peu fou pour penser tout cela.
Mais oui, je l’étais.
Lorsque je montai dans le Prowler, je ressentis quelque chose d’étrange.
Je ne savais pas si ce que j’allais faire était bon ou mal.
Mais finalement, si Lorenza m’avait interdit d’aller à sa maison, elle ne m’avait pas interdit de la retrouver sur la route de notre rencontre.
Je m’installai au volant et découvris un cuir, un portefeuille qui était tombé entre les deux sièges.
C’était le portefeuille de Lorenza, elle avait du le laisser tomber en retirant son manteau en cuir noir…..
Plutôt que de l’ouvrir, je me dis que je devais absolument le ramener…
A sa propriétaire !
Oui, voilà.
Sans le vouloir, je venais de trouver la meilleure des excuses pour la revoir.
Je pris donc à nouveau cette route de campagne en arborant un large sourire.
J’allais pouvoir me faire pardonner de tout ce que j’avais pu faire ou ne pas faire et plus encore.
J’allais inviter Lorenza à prendre un Kir tranquillement chez moi.
Je serais le plus doux des hommes, j’accepterais tout, oui, tout.
Nous ferions l’amour comme des dieux, comme des anges, comme des bêtes, exactement comme elle le voudrait.
Je lui dirais tous les mots qu’elle voudrait entendre ou je transformerais nos silence en la plus belle des mélodies.
Arrivé devant sa maison aux rideaux jaunes, je me souvins de son interdiction de venir la retrouver là.
Pourtant, sans doute plus motivé par mon orgueil que par le respect qu’elle m’inspirait, je frappai trois coups légers à sa porte.
Il était près de vingt et une heures et Lorenza devait sans nul doute dormir profondément.
J’étais là, devant la porte d’une femme qui ne voulait plus me revoir et encore moins que je vienne chez elle.
C’est une femme d’une quarantaine d’année qui vint m’ouvrir.
Son visage et ses traits me parurent des plus étranges.
On avait l’impression qu’en plus de son âge, quelque chose de terrible était arrivé dans sa vie, que son visage avait été marqué par une vieillesse rapide et prématurée en plus de la boisson…..
” Bonsoir Madame, je ne suis un ami de Lorenza… Elle a perdu ce portefeuille alors je le lui rapporte. ”
La femme me scruta soudain avec des yeux exorbités de terreur.
” Comment ? Que voulez-vous ?”
” Simplement rendre ce portefeuille à Lorenza. Tenez, prenez-le”, dis-je en le lui tendant.
Elle regarda le portefeuille d’une manière catastrophée et joignit les mains devant sa bouche et hurla “André, André, vient vite….“.
” Que se passe t-il, Elodie ?” dit la voix d’un homme en s’approchant de la porte.
” Le… le portefeuille, regarde André !“, dit la femme, terrorisée…
“C’est le portefeuille de Lorenza !”
” Quoi ? Que voulez-vous dire. Je suis un ami de Lorenza. Je voulais simplement lui rendre son portefeuille qu’elle a oublié dans ma voiture la nuit dernière.”
“Allez-vous en !” dit l’homme d’un ton menaçant.
“C’est dégoûtant ce que vous faites ! Lorenza est morte il y a dix ans. Laissez-nous tranquille. On ne plaisante pas avec ces choses là.”
J’étais soudain tétanisé par la tournure que prenaient les événements.
” Je ne comprends pas”, leur dis-je, “je l’ai vue hier soir. Elle était aussi vivante que vous et moi… Elle m’a dit qu’elle habitait ici”.
La femme éclata en sanglots.
” Partez !“, dit l’homme qui se prénommait André, “Lorenza est morte vous entendez ? Elle est morte depuis 10 ans dans un Gang-Bang sexuel… AL, un ami journaliste l’avait engodée analement sur une peau de mouton et la serrait très fort par la gorge, il se croyait maître en asphyxiophilie, l’imbécile… Moi, elle me faisait une fellation, tandis qu’Elodie lui triturait le bout des seins avec des pinces… Soudain, j’ai poussé un cri, Lorenza m’avait coupé le pénis d’un grand coup de dent… Elle étouffait à cause d’AL… Sans air, et avec mon pénis sectionné qui s’est coincé au fond de sa gorge, elle est morte étouffée… ! ”
” Oui” surenchérit la femme, “d’un seul coup… Al… en est devenu fou. Il termine ses jours dans un asile. Quant à André, il est devenu Eunuque, il n’a plus de pénis… Heureusement qu’André à récupéré le gode-ceinture d’AL…, sinon comment pourrais-je encore jouir ?.”
Je me sentis pris d’un vertige incontrôlable.
Que racontaient donc ces deux….. ?
Comment était-il possible que Lorenza sois morte dix ans plus tôt alors que j’avais fait l’amour avec elle la veille ?
Et dans de telles circonstances…
La pauvre fille, qu’avait-elle du endurer ?
Que lui avaient-ils fait comme horreurs sexuelles ?
Ne m’avait-elle pas dit qu’elle était enchaînée ?
Résigné je parti sans même penser à poser le portefeuille qu’ils n’avaient pas voulu prendre.
Je m’avançai vers mon Prowler en titubant.
Cette histoire était véritablement insensée.
Je m’installai à mon volant en regardant le siège de droite.
Je n’avais pas rêvé, non.
J’avais bien fait l’amour avec Lorenza la veille, dans cette voiture.
Je regardai alors son portefeuille et l’ouvrit.
Il n’y avait qu’une une carte d’identité jaunie et périmée.
Je regardai aussitôt la date de naissance…, la date était effacée !!!.
Sur la photo, Lorenza portait ce même manteau en cuir noir qu’elle avait la veille.
Non, c’était impossible.
De plus, dans son porte feuille se trouvait une lettre qui m’était adressée….
Un mal de crâne épouvantable s’empara de moi lorsque je l’ai lue…., et je me demandais si je rêvais ou non.
(La copie certifiée authentique est publiée à la fin de ce texte)…
Je démarrai le Prowler sur les chapeaux de roues et filai droit au cimetière de la Hulpe.
Si Lorenza était morte, elle devait bien avoir une tombe quelque part.
La grille en fer forgée s’ouvrit dans un grincement strident et seules les lumières des maisons environnantes éclairaient les tombes plongées dans la nuit.
Je longeai les allées et le prénom de Lorenza attira mon attention sur une des plaques de marbre.
1959 – 1993, voilà ce qui était écrit.
Lorenza était bien morte dix ans plus tôt.
Aussi impossible et fou que cela puisse paraître j’avais fait l’amour de la manière la plus divine avec une morte.
Oui, une morte !
Sans même comprendre pourquoi je le fis, je m’agenouillai devant cette tombe et y lâchai une petite prière.
C’était curieux, étrange, fou.
Je pris le petit portefeuille et le déposai avec délicatesse sur la plaque de marbre, parmi les chrysanthèmes et les plaques de dernier hommage.
Je me levai lentement, étourdi par toute cette mésaventure et descendis la petite allée.
Mais au moment où j’allais partir, je sentis une présence derrière moi, un regard, quelque chose.
Je me retournai et ne vis qu’une nappe de brouillard qui semblait descendre l’allée pour se diriger vers moi.
Des filaments d’humidité s’en extirpaient lentement, comme de longs bras qui voulaient aller plus loin, plus vite.
Je tournai les yeux vers la grille et m’aperçus que celle-ci avait disparu derrière un autre nuage suspendu dans les airs.
Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, mes pieds et mes jambes avaient étés engloutis dans un nuage blanc qui semblait me vouloir tout entier.
Je réalisai alors qu’un étrange parfum flottait dans les airs.
Oui, je reconnaissais cette fragrance douce et fraîche…
Oui.
Là, quelque part, autour de moi, Lorenza était revenue !
Pour moi, pour moi seul.
Elle m’avait tout pardonné, elle voulait simplement me revoir, tout comme moi j’étais venu pour elle.
Elle voulait qu’il y ai une seconde fois, peut-être une troisième et puis une autre et une autre.
Je sentis mon cœur battre à nouveau et mon corps s’abandonner aux plaisirs que Lorenza me proposait.
Je fermai les yeux et me laissai emporter au milieu de ces nuages porteurs du bonheur dont j’avais toujours rêvé.
Je me retrouvai alors nu au milieu d’une blancheur presque angélique et je sentis les longs doigts de Lorenza glisser lentement dans mon dos, comme pour me bercer, me faire lentement glisser vers une douce folie.
Depuis ce moment, je suis devenu un fantôme, un fantôme virtuel qui hante le « Web », en compagnie de Lorenza.
Certains soirs, aux bords du Lac de Genval, nous glissons silencieusement, elle et moi, au milieu d’un nuage de brouillard…..
Copie de la lettre trouvée dans le portefeuille de Lorenza…
Patrice, vous m’avez vaincue en me faisant l’amour comme un Dieu dans votre Cobra..
Je me masturbais chaque soir, fantomatique et seule depuis 10 ans, sur les berges du lac de Genval, en pensant à Quelqu’un.
Encore et encore et encore.
Il y a plus de 10 ans, j’ai été capturée intellectuellement et physiquement par Elodie…
Je vais tout vous dire ; C’est mon histoire réelle et pas sortie d’une imagination fertile…
Voici pour le décor de ma vie d’avant et ma situation sexuelle édifiante d’alors.., assez étrange pour certains et anodine pour d’autres.
Une grande maison aux rideaux jaunes ( sept chambres un vrai gâchis) pour un vieux daddy que j’adorais, une vraie bonne plus que bonne qui méritait plus que cet adjectif, mais hélas sans résistance, une confidente très très à l’écoute.., une gouvernante plus que méchante et à l’ouie fine mais pour d’autres raisons (désolée pour les rimes)..,indispensable et efficace pour l’intendance, une sœur mariée avec un mari un peu coincé mais souvent absent (huit mois par an pour raisons professionnelles), une Maîtresse kinée délurée (amie d’enfance de ma sœur), mariée aussi mais ayant un amant, le tout entouré par un jardinier très présent au printemps et en été et quelques ouvriers (hommes de métiers) en permanence dans un va et vient incompréhensible….
Je vivais au milieu de toute cette agitation, et j’étais le jouet sexuel de toutes et tous, toujours prête, toujours presque nue et perpétuellement enchaînée par le cou par une longue chaîne qui me permettait seulement d’aller et venir dans ma chambre, dans ma salle de bain et sur une petite terrasse jouxtant ma chambre, ainsi que dans une grande pièce dont les meubles étaient un fauteuil gynécologique, une table d’examen médical, une vierge (une statue creuse en fer qui s’ouvre en deux partie) et une croix de St André.
J’avais besoin de tout cela, je n’étais qu’un sexe.
J’ai connu toutes les formes de sexe, tous les styles, races et même certains animaux.
C’est ma propre sœur qui m’avait peu à peu enveloppée dans ce climat qui était devenu une drogue.
D’une perversité incroyable, ma sœur était ma première Maîtresse, elle m’a obligée à tout ce qui était humainement acceptable, à l’inacceptable aussi, même aux portes de la mort…
Puis, elle m’a obligée à satisfaire mon papy, des fellations complètes et presque morbides, avant de me prendre comme un jouet sexuel sans limite, obligée de satisfaire la bonne, le jardinier et certains hommes d’entretiens, comme un boni de leur travail…
Pour seule récréation et seule véritable ouverture sur le dehors, j’étais connectée à une messagerie téléphonique et à des revues de petites annonces BDSM avec lesquelles je devais trouver une femme chaque mois, selon une sorte de cahier de charge qui changeait en fonction des fantasmes de ma sœur et de sa complice qui était aussi ma Maîtresse, la Kinésiste….
La femme que je devais rechercher via quelques annonces, était appâtée par quelques faux messages venant d’une femme bi-sexuelle en quête d’une amie sexuelle, voire d’un couple dont la femme était demandeuse de fantasmes… et cela uniquement pour disposer chaque semaine d’un nouveau jouet sexuel……
Pourtant, j’avais mon jardin secret, c’était Quelqu’un qui me fascinait et avec qui je voulais m’évader, mais je ne pouvais pas parce que j’étais aussi prisonnière de moi-même !
Je désespérais à imaginer Quelqu’un.
Je suis née fatiguée il paraît.., j’étais un peu paresseuse ,un peu peureuse, mais quelques bulles et je m’envolais, débarrassée de toute pudeur ridicule dans certaines situations !
Vous connaissez l’adage , paresse et ennui est mère de tous les vices…
Tout mon petit monde vaquait à ses occupations quotidiennes, l’une faisait son jogging tous les matins et l’autre (la kinée) venait presque chaque jour.., accompagnée souvent de son amant un peu “sadique”, un peu pervers tous les deux….
Ce qu’il y avait de bizarre c’était la faculté de la kiné à se transformer, quant elle m’apercevait nue et enchaînée par le cou, elle devenait autoritaire et sadique, elle m’obligeait alors, au moins deux à quatre fois par jours et nuits, à la lécher jusqu’à jouissance, puis parfois, si je ne l’avais pas correctement satisfaite, elle m’obligeait à faire de même à la bonne ou à sucer le sexe du jardinier, pour se masturber devant ce spectacle.
Je ne sais ce qui provoquait cet enchaînement..
Dans les rares moments de détente, une fois par mois, on m’autorisait à sortir à Waterloo pour une promenade extérieure, habillée dans un accoutrement sado masochiste caché sous un long manteau de cuir noir.
Je n’osais pas prendre le volant de la belle Mercedes aux vitres fumées qui se trouvait dans le garage. J’avais peur à cause de certains signes qui me faisaient croire que j’étais en danger de mort imminente si je prenais seule la route..(certains entretenaient cette peur sans le savoir bien que ..?), c’est pour cela que j’allais aussi voir mon psychanalyste qui ne s’intéressait pas seulement à dénouer.. ce qu’il y avait dans ma jolie tête!
“Il faut la surveiller de près cette petite, elle est d’un caractère instable, versatile et de plus capricieuse..” me disait-il en m’obligeant à lui faire une fellation, et je passe encore et encore toutes les “choses” qu’il m’obligeait à lui faire et qui ne faisaient que me déstabiliser un peu plus…
Mais que faisais-je de mes journées et de mes nuits entre les visites imprévisibles de ma sœur et de ma Maîtresse kinésiste??
Et bien je prenais ce qui me tombais sous la main…, ou j’expérimentais de nouvelles choses, ainsi que je m’adonnais à l’auto bondage, ce qui excitait particulièrement la kinésiste…
La kiné venait masser mon daddy chaque jour.., ce qui était un bel alibi à destination de son mari (qui travaillait avec elle) pour qu’elle vienne avec son amant ici pour profiter de moi aussi, je vous laisse imaginer la suite…
Vers la fin de ma vie réelle, j’ai du accompagner la kiné dans un scénario que je ne connaissais pas à l’avance, j’avais du me préparer en conséquence de ce que je ne savais pas..!
Ce qu’on me préférait comme habillement devait toujours surprendre.. sans quoi ma sœur et ma Maîtresse kinésiste se fâchaient gentiment mais fermement et déchiraient tous mes vêtements jusqu’à ma petite culotte si la couleur ne convenait pas, ou si je n’en avais pas!
J’étais toutefois très sensible aux mots…, mes yeux restaient bandés principalement quand d’autres mâles ou femelles que je ne pouvais ou voulais pas voir, étaient invités à une messe noire ou une partouze, ( c’est la kiné qui décidait..) et je sais quelles sensations cela procurait, rien que d’entendre le bruit de ma jupe qui craquait et se déchirait me mettait dans un état d’exitation tel que mon désir d’être possédée de partout durant des heures sans interruptions se retournait contre moi, je devenait tellement docile et soumise , quant j’étais à ce point à l’abandon, que cela provoquait en moi un désir de profiter de la moindre parcelle de mon corps….
Rien de ce que je ressentais n’ échappait à la kiné, mon souffle devenait alors plus court et ma peau dégageait une odeur que mes jolis flacons de parfums ne pouvaient cacher, je savais que j’étais dans de bonnes mains mais parfois j’étais laissée dans le doute et le silence qui m’envahissait et qui ne faisait qu’amplifier les envies des invités et invitées, ainsi que parfois la “femelle” que j’avais du draguer par petites annonces et qui devenait mon jouet avant d’être celui de toutes et tous présents…
Il est des peurs étranges qui se transforment en voluptés ..et s’il m’arrivais de pleurer, il n’y a que ma belle kiné qui pouvait boire à mes yeux, le nec le plus ultra.., mis à part d’autres nectars…
Parfois, dans des endroits soigneusement choisis, ma Maîtresse kiné aimait me faire des chauds et des froids.., cire de bougies et glaçons en forme de pénis.., quand, nue et harnachée de sangles de cuir qui me saucissonnaient de partout et que je claquais des dents j’étais parfois encore plus excitée , c’était alors la pénétration que je préférais mais pas en mouvement continu, ma kiné harnachait alors un mâle particulièrement bien membré et l’attachait à moi pour me pénétrer au plus profond de moi, sans qu’aucun des deux ne puisse plus bouger…
C’était une perversion accentuée par des godes vibrants enfoncés dans mon anus et celui de mon “partenaire“, gode qui lui garantissait une érection continue mais sans va et vient possible…., après 20 minutes, généralement j’essayait d’hurler mais je ne pouvais y arriver car ma bouche était également attachée à celle de mon “partenaire” par un harnais….mais ce n’est qu’un détail…
Dois-je vous en donner d’autres, cher Patrice ?
Quant aux manipulations.. et le savoir faire dans ces petits jeux qui me faisaient jouir et qui excitaient et faisaient bander presque tous les mâles au long de ces séances?
Pensez à tout ce qu’on m’a fait faire et cela vous surprendra rien qu’à l’image de mes seins bondagés, de mes fesses ligotées et de mon beau regard quant je portais cet harnais … cette boule dans ma bouche…., ou mieux encore, cet appareil de dentisterie qui maintenait ma bouche grande ouverte et bavante, offerte à de multiples fellations obligées, parfois de 10 à 20 hommes qui devaient tous, l’un après l’autre, décharger au fond de ma gorge jusqu’a ce que je sens le sperme de tous m’envahir presque jusqu’à l’asphyxie !
L’amant sadique de ma kiné, organisait pour cela, chaque mois, une sorte de vente aux enchères dont j’étais l’enjeu exclusif, chaque homme passant avant l’autre en fonction de ce qu’il offrait.
Un jour l’élu ou l’élue de ce jeu diabolique devait avoir l’obligation de me dégoûter du fantasme qui me chiffonnait.. ; Quelqu’un…. !
Ni ma sœur, ni ma Maîtresse kinésiste, ni tous ceux et celles dont j’étais le jouet, ne voulaient pas me perdre, j’étais un sujet rare de par ma complexité, il était des attachements autres et des liens invisibles plus difficile à dénouer…
Toutefois, lors de la dernière séance, derrière les rideaux jaunes, ce fut un ami journaliste qui me “gagna” aux enchères.
Son fantasme était de me prendre violemment et analement sur une peau de mouton, avec un gode-ceinture géant et auto-vibrant…
Son utilité était de lui maintenir une érection continue et forte, aidée par cet appareil inventé par ma kiné, un manchon d’acier qui enserrait son pénis et empêchait toute rétractation tout en emprisonnant ses testicules de manière à obtenir une érection anormalement puissante durant de longues heures….
Ce fut terrible…
Pénétrée au plus profond de moi-même, obligée de faire une fellation à André, l’amant d’Elodie, AL me fit simultanément une asphyxiophilie tout en se contorsionnant sauvagement avec son gode-ceinture.
La douleur fut si violente, quoique bonne, que je mordit violemment le pénis d’André que je sectionnait d’un coup de dent….
André, dans son mouvement de va-et-vient était à se moment au plus profond de ma gorge, et son pénis vient se bloquer dans ma gorge.
Entravée de partout, les seins triturés par Elodie au moyen de pinces, mes gémissements et mes spasmes d’agonies furent pris pour des spasmes de jouissances, jusqu’au moment ou André poussa un hurlement…
Il était trop tard pour moi.
Al n’a pas eu plus de chance de son coté, puisqu’il se retrouva coincé dans mon anus avec le gode vibrant qui finit par broyer ses testicules et son pénis à cause du manchon métallique.
Ivre de douleur, toute greffe étant impossible, il finit sa vie dans un asile ou il ne peut même plus se masturber….
Voila toute la vérité.
La raison pour laquelle j’ai voulu vous rencontrer l’autre soir est que je savais que vous étiez “mon” Quelqu’un.
Je voudrais que vous acceptiez de vous soumettre à moi, enchaînés l’un à l’autre dans une vie de douces perversions.
Lorenza…, toute à vous pour l’éternité.
Aventures au lac…
Depuis que Quelqu’un avait quitté les abords du lac, une litanie de jours maussades avait écoulé son chapelet sans que les habitants des bords du lac et alentours d’ailleurs, fussent le moins du monde conscients de l’alternance des après-midi ensoleillés mais venteux et de la nuit froide et marécageuse où coassaient les grenouilles.
Hormis le temps qui passait son temps avec un appétit brutal, les bords du lac étaient devenus aussi silencieux que l’intérieur d’un cercueil.
Le poêle ronflait au milieu de la cabane de Quelqu’un, nichée dieu sait ou, mais pas trop loin ni trop près…
A l’intérieur de la cabane de Quelqu’un, il se dégageait une tiédeur vite évaporée par le courant d’air qui réchauffait à peine la lumière morte des vitres dépolies et ravivait seulement l’étouffante odeur de sperme séché qui imprégnait la pièce.
Pendant le cauchemar de solitude à la durée incertaine dont chaque minute était entièrement vouée à la bataille livrée pour conserver en vie l’image de Lorenza, Quelqu’un n’avait pas failli à son image sulfureuse et son existence tout entière avait pris des allures de célébration muette.
Au moindre souvenir d’elle, à la plus infime odeur d’elle, au moindre é-mail arrivant sur son ordinateur, le sexe de Quelqu’un frémissait.
Du fond des ténèbres, Lorenza l’appelait comme une invite.
Il s’en allait alors la prendre et la ramenait dans son univers.
Avec le dévouement d’une bête exténuée mais fidèle, Quelqu’un lui prodiguait ses soins sexuels.
Sous l’empreinte de son regard singulier, il lui renouvelait ses caresses.
Quelqu’un massait Lorenza avec de nouveaux onguents, lui préparait une tisane fébrifuge.
Pour atténuer ses douleurs d’amours, il desserrait avec douceur et compétence ses lèvres.
Il instillait entre ses dents un peu de sirop de morphine dérobé à un Chinois, une médecine occasionnelle dont il usait lorsqu’il voulait aller au paradis de l’enfer du sexe.
Entre Quelqu’un et Lorenza, bien qu’aucun mot ne fût jamais prononcé, était née une curieuse amitié, empreinte de mystère et d’amour.
Lorenza, dont tous les sentiments dégoulinaient d’amour, mais qui dans le domaine obscur des fissures intimes se savait disqualifiée par elle-même, profitait en cachette du bonheur suraigu, idéal et charnel que lui procurait la fréquentation de son Quelqu’un à la peau chaude et s’octroyait – me croira-t-on ? – de coupables plaisirs, d’obscures déviances interdites.
Elle risquait tout dès qu’elle était à l’abri de son regard.
Elle était prête à oser les gestes les plus hardis, les actes les plus inexplicables, prête à braver les interdits, à bafouer toutes les règles sexuelles pour simplement retrouver l’espace d’un instant l’étrange et coupable émoi, l’irrésistible folie qui la traversait chaque fois qu’elle approchait le grand corps musclé mais vaincu de l’homme aux yeux singuliers.
Ainsi, à l’heure éteinte où d’imperceptibles clapotements, des frôlements de bestioles sur les toiles goudronnées, de vagues rumeurs de terre mouillée, reléguaient la cabane de Quelqu’un dans l’eau morte de l’oubli, à l’heure tournoyante où les êtres sont seuls et les consciences brumeuses, elle aimait à s’aventurer jusqu’au chevet du grand gisant, endormi sur sa couche, “son” Quelqu’un….
Immobile, elle laissait battre son cœur plein de tendresse, écoutait le vent obsédant qui précédait le jour et, doucement, soulevait la couverture.
Elle glissait son avant-bras sous le haillon de cretonne qui faisait office de drap et posait sa main entre les cuisses de “son” Quelqu’un.
Cette fête pour elle seule était célébrée sans vice, sans perfidie ; elle laissait simplement ses mains branler de longs instants le sexe turgescent de son amant..
L’esprit de l’amour enveloppé de sexe flottait alors, comme enveloppé d’un nuage épais.
L’œil de Quelqu’un, d’un coup, se posait sur elle.
Une lutte muette et effroyable commençait.
Les loups venaient hurler dans la pensée perdue de Lorenza immobile.
Sa main ne bougeait plus.
Elle attendait.
Une main fine et embaumée de mille senteurs d’amour.
Une main qui attendait son heure de douceur et de gloire.
Une main d’esclave et simultanément de Maîtresse experte.
Une main née pour l’amour, pour la jouissance.
Et toujours le mystère allait son train…
Quelqu’un ne disait rien, il attendait, son sexe turgescent à l’extrême, palpitant dans les mains de Lorenza….
Son visage déformé par la jouissance contenue, doucement, s’apaisait.
Il refermait la paupière, la lisière du sommeil, il s’abandonnait.
Lorenza restait battante de son désir d’aimer et épouvantée par la violence des mots qui lui venaient à la gorge.
Eclairé par la lucarne du poêle, son visage prenait la couleur de la flamme.
Dressée, abrutie de ce qui lui arrivait et qu’elle ne comprenait pas, elle dominait le sexe en érection de “son” Quelqu’un qu’elle tenait à sa merci.
Elle connaissait chaque pouce de son corps naufragé.
Dans son obstination exaltée à enfin faire jouir “son” Quelqu’un, Lorenza déplaçait enfin sa main avec une tendresse calme et profonde, elle était heureuse de caresser le sexe de “son” Quelqu’un, d’avancer ses doigts pour sentir la chaleur de ses testicules.
Un matin, vers six heures, les grenouilles s’étaient tues, elle referma sa main sur le sexe de “son” Quelqu’un, puis se mit à le branler……
Le lac de Genval est situé au fin fond d’une sorte de vallée entre La Hulpe et Wavre, c’est assez loin de la frontière espagnole passée laquelle il y a Cadix et Madrid, malgré qu’une ambiance de torero y flotte, preuve en est les “Huh!” et “Vi!” ponctués par des amatrices qui font du pédalo.
Le Lac de Genval, coté sexe…
Le lac de Genval sert de base de départ pour les randonneurs sexuels.
Chacun peut y trouver des emplacements délimités pour garer sa voiture, de grands panneaux de bois avec les cartes du coin punaisées et plastiquées, des fléchages de sentiers, des toilettes bâties en pierres locales, des tables faites de gros morceaux de bois empiétés de béton, et même des barbecues avec de grosses grilles scellées.
En fin d’après-midi, Lorenza et moi, nous avons attendu sur le parking d’un restaurant italiano pas typique mais chic, que repartent les berlines et quatre-quatre et leurs occupants avec leurs grosses chaussures et leurs énormes sacs.
A la tombée de la nuit, il ne restait plus que nos deux voitures, sans doute sommes-nous de ceux qui aiment dormir dans les buissons et sous-bois ou planter leur tente dans la nature sauvage.
Tranquillement, comme si tout cela était très naturel, nous avons alors ouverts les coffres et sorti le matériel des véhicules pour l’installer face au château du lac: groupe électrogène, éclairage, petite sonorisation, camion aménagé en bar.
Une petite infrastructure très légère et mobile, facile à transporter et mettre en place.
J’avais insisté sur ce point et calmé les ardeurs sexuelles des participants invités.
Il fallait absolument que la régie technique soit efficace bien sûr, mais simplifiée.
En tant que Quelqu’un, je ne me sentais pas de sortir le grand jeu et mon gros machin (que tout le monde réclame toujours) dans des conditions si précaires.
D’ailleurs le groupe électrogène destiné à faire quelques électro-stimulations ne donnait que 3 ampères et ce n’était donc pas la peine de s’exciter outre mesure.
Pour être sûrs d’en avoir au moins un (de groupe électrogène), nous avions demandé à trois personnes différentes, et l’histoire nous donna raison car il n’y en eut qu’un seul à se présenter à l’arrivée, appartenant à l’un de ces types qui habitent dans les granges du coin et n’ont que ça pour électricité.
L’un d’entre nous, d’entre les organisateurs, fut chargé de le faire démarrer et de s’assurer qu’il fonctionne toute la nuit.
On le vit partir dans les buissons alentours avec sa rallonge de câble, ses bidons de gasoil et deux porteurs qui peinaient dans le crépuscule.
Pendant ce temps, nous installions un semblant de donjon sous tente adossé aux bâtiment des toilettes.
Quand l’électricité arriva, précédée d’un léger ronflement de moteur dans le lointain, nous n’eûmes plus qu’à tester un voltage sur Nana qui s’évanouit illico en poussant un cri avec ses cheveux tout hérissés.
Le bazar ne donnait pourtant qu’ approximativement du 220 volts…
Comme il commençait à faire vraiment nuit, nous avons aussi cherché des effets d’éclairage: le toit des toilettes fut transformé en triangle psychédélique, en pyramide cosmique, grâce à deux rampes fluorescentes, tandis que deux PAR trouaient la nuit de leurs faisceaux bleus et que deux stroboscopes placés au sol apportaient un peu de mouvement en saccadant les gestes des futurs participants et participantes placés devant, et qui semblèrent alors comme des personnages de vieux films muets noir et blanc.
Un jeu de lumière simple et efficace, qui jouera pour beaucoup dans l’ambiance générale de cette nuit.
Les gens arrivèrent vers dix heures.
Ils avaient été informés par le téléphone arabe (c’est de circonstance) et par ces petites feuilles de papiers, distribuées sur le marché le matin même de la main à la main, que l’on appelle désormais des flys-sexys.
Il n’y avait donc que des amis et ils furent plutôt nombreux.
Il y eut bientôt une trentaine de véhicules garées à l’entrée du parking du château du lac et une centaine de personnes qui s’éparpillèrent dans la nature.
Nous comprîmes assez vite que notre bar et ce qu’il devait rapporter s’envolerait dans les sphères du rêve inachevé: chacun avait apporté en grosse quantité ses packs de bière, ses cubitainers de rouges, ses baguettes et sa charcuterie, ses paquets de tabac.
Mais après tout, nous n’avions investi aucun argent et la fête promettait d’être belle, anthologique…
C’est Charlie qui ouvrit le bal avec une branlée bien grasse et des paroles en français.
Ce mec est de la race ancienne et instinctive de ceux qui savent alterner les gueulantes les plus tripales et les murmures les plus suaves, le tout dans un état second hésitant entre la force brute et la révélation intime du sexe.
On voit tout de suite qu’il ne fait pas semblant et se donne vraiment jusqu’au fond.
Avec lui, près de lui, quelques branleurs ne sont pas des surdoués de la technique, des preneurs de tête du contretemps et de l’harmonie qui tuent, mais n’ont pas leur pareil pour éjaculer fort et dru, c’est à dire tenir le dard bien haut dans sa forme la plus élémentaire et efficace.
Comme d’habitude donc Charlie électrisa les chairs du public qui préfère toujours, du moins autour du lac de Genval, ceux qui sont manifestement sincères, même s’ils sont parfois choquants et agressifs, que ceux qui sont distants et réfléchissent trop visiblement à ce que l’on va penser de leurs attitudes et de leurs looks (les pauvres chéris).
Le parking du château du lac reçut donc cette chaleur du premier degré dans son inconscient primitif et, oubliant les jeux de la conscience et de l’apparence, commença à se laisser aller à la fête, à la spontanéité des rencontres et du lieu.
Le deuxième à ce laisser aller fut Lucky, qui continua sur le même registre de la branlée, mais plus en français mais d’une voix moins intériorisée en flamand.
Ses cris inintelligibles mais hurlés avec la même énergie primitive, sont plus remplis de nostalgie.
Autrement dit, ce feu qu’avait allumé Charlie et autour duquel tout le monde avait volontiers imité s’est fait plus familier et l’on s’est assis pour se draguer et se souvenir des histoires d’amour.
Mais on ne s’y est pas endormis, parce que la branlée collective est aussi faite d’harmonie bizarres et chaotiques qui emportent dans un univers inhabituel pour se résoudre dans des accords et rythmes tout ce qu’il y a de plus BDSM.
Le branleur est alors capable de hurlements interminables qui surexcitent un groupe d’autres branleurs venus exprès pour lui et qui reprennent ses gestes repris en hurlant de même.
Après ces deux lascars, nous avons fait une longue pause de fellations et cunnilingus entre nous.
Le temps que chacun revienne plus au centre de lui-même.
Le temps aussi de boire un coup, de fumer une cigarette, de discuter de choses et d’autres.
A cet instant, ce qui dominait, c’était la magie des lieux, de ce lieu incroyable qu’est le parking de château du lac de Genval, éloigné de toute civilisation et société, comme un îlot perdu dans la nature sauvage, habité par des gens qui ne souhaitent que s’amuser et baiser.
C’est alors que nous éteignîmes les lumières et la sono, et que dans le ciel nous ne vîmes plus que des étoiles minuscules mais parfaitement nettes, une infinité de points brillants sur un fond immensément noir.
L’air était un peu frais, mais ceux qui avaient froid pouvaient se réchauffer au feu allumé un peu plus loin.
Pendant quelques temps nous nous laissâmes bercer par le silence et l’obscurité.
Vers les deux heures du matin, un halo circulaire bleuté apparut au dessus du parking.
Prenant insensiblement la forme d’une sphère, il descendit vers nous et se posa en plein milieu de la scène, à quelques dizaines de centimètres du sol.
On entendît sortir du vaisseau des grondements sourds de machine, une épaisse nappe d’une multitude de sons indiscernables.
Alors le halo se dispersa et fit place à l’hologramme d’une silhouette humanoïde vraisemblablement féminine parée de bandes fluorescentes qui soulignaient les bras, les jambes, l’articulation du corps, et qui se mit à danser sur place.
Des baguettes qu’elle tenait entre chaque main surgirent de longues flammes orangées qui ondulèrent au rythme de ses mouvements.
Deux androïdes surgirent derrière elle, l’un à droite, l’autre à gauche, avec de grands yeux oranges, allongés comme ceux des chats, seule tache visible sur des corps noirs, et qui entamèrent un chant étrange et monocorde dans la langue étrange des tribus de l’âge néolithique, le tout sur un beat assez lent, lourd et syncopé.
Au centre de ce cercle un deuxième hologramme se forma sous les traits d’un colosse, le torse nu et le visage tatoué de symboles cabalistique, entouré de grosses tresses jaunes fluorescentes liées de fines lanières noires.
Il tenait entre ses jambes un épais djembé basse à la peau détendue sur lequel il frappait le rythme les yeux mi-clos, la tête rejetée en arrière et qui se balançait en faisant tournoyer la chevelure.
C’étaient les flics du coin qui faisaient une descente en règle et embarquaient tout le monde, nous n’étions plus vraiment sur le parking du château du lac, ni même autour du lac, mais flottions à quelques centimètres au dessus du sol, dans un univers complètement imaginaire.
Du moins pour ceux qui ne s’étaient pas évanouis complètement dans les rêves psychédéliques…..
La Casa Popular d’Anamary…
Mortilla de Alarcon (fin fond de la campagne espagnole centrale…
Nous partons, Lorenza et moi, vers 8 h30 du soir pour voir les bandas (nous avions vu des affiches au camping pour un festival de bandas).
A notre grande surprise, le centre ville de Mortilla de Alarcon est fermé par des barrières et la rue principale est pleine de monde.
Les ramblas, Avenida del Ratio, sont des allées centrales bordées de marronniers et de bancs.
Les gens s’y promènent d’un pas nonchalant.
Les femmes sont bien habillées, bien coiffées.
Elles portent de grandes jupes plissées et colorées, des gilets brodés.
Hommes et femmes marchent la tête haute, l’air fier.
C’est presque une parade, le défilé d’une mini société villageoise.
Les vieux sont assis sur les bancs : ils regardent passer les gens eux aussi.
Les jeunes femmes courent au milieu, elles passent, habillées comme des poupées espagnoles.
Sur une place à côté, un groupe d’hommes installe un manège.
La fête se prépare.
Ils ont le teint basané, les muscles forts.
Ils travaillent tous ensemble.
De temps en temps ,une femme sort d’une caravane et vient crier des mots que je ne comprends pas.
A l’intonation ce sont des mots secs qui n’attendent pas la réponse, des ordres, des remarques.
Une femme tourne autour de moi.
Elle me regarde puis, vite fait bien fait, lève sa robe et me montre sa chatte….
Je la regarde, ne répond pas.
Elle revient, me tire la langue, je lui souris.
Il y a beaucoup d’Anamary qui se promènent, quelques unes ont du mal à assumer leurs hauts talons, mais dans l’ensemble elles sont gracieuses marchant par groupe de trois ou quatre, toutes en Kenzo jaunes…., c’est fort de café….
Nous allons vers les bandas sur le stade municipal, mais déception, il n’y a plus de sono ni d’affiche.
Nous nous interrogeons sur les dates mais nous avons beau recalculer, elles correspondent.
Nous retournons, Lorenza et moi, sur les ramblas, bras dessus-bras dessous, l’air aussi droit et noble que possible, et choisissons un café.
Tables et chaises jaune “Schweppes“.
Nous commandons deux cervezas et deux cocas.
Lorenza demande s’il y a des bandas. “Si, si,” nous répond le serveur en nous posant nos boissons et une assiette de chips, “à la CASA POPULAR“.
Sur les ramblas, une petite cahute où une dame vend des bonbons.
Elle décortique et mâchouille d’une main experte les fameuses graines de tournesol.
Les jeunes femmes en Kenzo jaunes affluent, choisissent longuement et repartent.
Les autres clients du café mangent des petits plats, on dit tapas, avec des coquillages: couteaux, praires…
Les jeunes mecs passent à vélo dans les rues libérées des voitures.
Nous payons 540 pesetas nos consommations et partons vers la CASA POPULAR.
Des gens s’attardent devant la porte.
L’entrée est gratuite, nous rentrons.
Nous sommes surpris par le modernisme de l’architecture qui est très belle et très aérée.
Nous montons un grand escalier blanc et arrivons dans une belle salle de spectacle.
Tout est plein.
Sur la scène, bordée de gros rideaux pourpres de velours, un orchestre, sans doute une école de musique, joue des airs classiques.
Une soixantaine de musiciens de quinze à soixante ans s’y produisent.
Des clarinettes, des hautbois, des bassons, des flûtes traversières, des saxophones, des cors et des percussions.
Pas de violons ni aucun autre instrument à cordes.
Nous nous croyons dans un film surréaliste car ils sont tous et toutes entièrement nus….
Le chef d’orchestre s’agite, certains musiciens jouent faux, l’ambiance est démente.
Dans la salle, toutes les femmes agitent presque en rythme leurs éventails car il fait vraiment très chaud.
Quand ils ont fini de jouer, un tonnerre d’applaudissements puis aussi vite, les gens se lèvent et se foutent à poil.
Le chef d’orchestre se met alors à se branler, mais personne ne le voit.
Une voix plus forte arrête le mouvement du départ.
Trois personnes entrent sur scène, entièrement vêtues de cuir noir.
Soudain, la foule s’abat sur Lorenza et moi et nous déshabille avant de nous porter jusqu’à la scène ou nous sommes attachés sur des cadres qui sont ensuite hissés vers le haut…..
Je ne sais la suite, nous avions sans doute été drogués…
Nous nous sommes retrouvés le lendemain matin dans une petite ruelle, seulement recouverts d’un drap maculé de sang…
Nous reprenons alors une dernière fois les ramblas, en direction de la Jeep dans laquelle nous prenons d’autres vêtements, mais j’ai du briser une vitre pour y entrer…
Nous rentrons nous coucher au camping.
Demain nous partons pour Madrid ou se trouve une maison dont je rêvais dans mes cauchemars.
Plutôt un appartement près de l’aéroport, une belle demeure.
J’y allais parfois explorer les lieux virtuellement en feuilletant mes archives.
Il y en a plusieurs de ce style autour de l’aéroport de Barajas/Madrid, la plus belle étant la Residencia Los Alamos.
L’appartement est situé dans une grande maison en briquettes rouges, avec les angles en grosses pierres blanches.
Les fenêtres ouvrent les pièces au vent froid.
Elle est sur les hauteurs d’une colline et domine le paysage.
Du perron, on voit s’étaler sur les coteaux les pistes de l’aéroport de Barajas, et plus loin les grandes masses perpendiculaires des tours de bureaux de Madrid.
J’ai laissé Lorenza se reposer dans la Jeep et suis parti exorciser mon vieux fantasme.
Après avoir poussé la grille grinçante et rouillée, je me suis retrouvé dans un petit parc à l’abandon.
Il y avait là une carcasse de voiture, une BMW cabrio bleue qui avait rendue l’âme, sans roues ni portes, dépouillée.
Pour entrer, j’ai du prendre l’un des côté d’un double escalier de pierre.
Arrivé sur le perron, pousser une porte dont la vitre était protégée par une grille de fer forgé.
Le vestibule était tout en longueur, recouvert d’une toile de jute mauve au dessus des lambris.
Des masques de tous les pays du monde y étaient accrochés, souriants, menaçants, reposés, sans expression.
Une porte sur la gauche donnait sur un immense salon partagé en deux par une ogive.
Chacun des murs était peint d’une couleur différente, dans les tons vifs, rouge, orange, vert, bleu, jaune.
Il y avait des tapis orientaux partout sur le plancher.
De vieux canapés, des tables basses, des plateaux en cuivre jaune, quelques plantes vertes.
Des bûches craquaient dans la cheminée, la plaque de fonte représentait le dieu Pan qui jouait de la flûte traversière.
Tout cela était assez sale, vieilli et sentait la récupération, la décharge, le manque d’entretien.
Pourtant, c’était arrangé avec goût, avec un certain goût, quoiqu’une odeur de sperme séché flottait dans l’atmosphère.
Je me suis allongé sur un des canapés, enroulé dans une couverture de laine rêche, et j’ai essayé de faire disparaître la solitude qui bourdonnait dans ma tête par la concentration sur un point du plafond.
Je finis par m’endormir…
Il n’en avait pas fallu plus pour que monte cette chaleur, cette petite drogue apaisante qui fait tant de bien, qui fait que l’on souhaite vivre et surtout qu’on se sente vivre….
C’est ce mec, charlie, qui nous avait téléphoné pour participer à une fête sexy qu’il animait avec des musiques à la con….
Le soir où j’ai éjaculé sur Lorenza….
On lui devait (soit disant) une sonorisation, alors il fallait que l’on vienne.
Il poursuivait aussi son idée de grande fraternisation entre associations à but sexuel, mais bon…
On ne faisait pas grand chose en ce moment, alors on a eu envie d’y aller quand même, même s’il mériterait amplement que nous l’envoyassions promener comme il se devrait.
Il m’a retéléphoné même tout gentiment dans la semaine, pour me demander de venir très tôt dès le vendredi avec tout le matos, le gros son…
Nous sommes arrivés vers midi, avec un matos moyen et suffisant me semble t-il : une petite façade avec un caisson de basse au milieu, deux retours, deux micros, un ampli de guitare, le tout sur la Lada-break, comme d’hab.
Ni plus ni moins…
Plutôt un peu moins que ce qu’il voulait, mais suffisamment pour une fête privée.
Nous avons installé le tout sur une scène sous le chapiteau dressé aux bords de ce putain de lac de Genval, chauffé à la soufflerie à gaz vu la froidure intense de ce mois.
A huit heures du soir, nous étions tout au plus une vingtaine à discuter de choses et d’autres.
Le sujet, c’était cette association d’associations de trucs de sexe, de superstructure pour organiser des super trucs bandards.
Mais à mon sens, et je l’ai dis très tôt, il n’y avait nul besoin de s’associer à ce point, ou alors une fois par an, pour le symbole.
Je dirais même, en bon anarcho-communiste et ancien activiste socialiste, parfois légèrement teinté de vert, que ce genre de truc me paraît dangereux parce que personne ne peut vraiment faire l’unité à ce point, que chacun a sa tribu, son ambiance et ses méthodes pour jouir, et s’organise très bien dans son coin, comme d’habitude.
Je ne voulais pas voir non plus à la tête de ce truc un type qui n’aurait jamais lui-même vraiment produit un spectacle BDSM de A à Z, un de ces beaux branleur qui viendrait nous parasiter le peu qu’il y a à éjaculer.
Requins s’abstenir!
Là bien sûr, tout le monde était d’accord.
De toute façon, dans ce milieu du sexe branlant, et aussi bien de la culture sexuelle underground, nous sommes tellement habitués à ce genre de comportement où chacun se gausse d’avoir fait quelque chose à laquelle il n’a en fait jamais participé, tirant de ses mains crochues la couverture à lui, que le type qui va nous faire ça n’est pas encore né, que nous le voyons venir de très, très loin.
Mais, alors que nous glosions de la sorte entre amis et ennemis, ne voilà t’il pas que s’encadra dans la porte, accompagné de son Quelqu’un et de quelques potes, celle que je reconnu tout de suite comme étant la papesse de sexe ; Lorenza, la même qui écrit ses mémoires avec son Quelqu’un.
Dans mon genre (on me le dit), je suis un peu snob.
Et j’étais donc là, sur mon banc de bois, tout esbaudir de cette apparition, me retournant vers mes voisins pour leur chuchoter à l’oreille, tout en leur donnant un léger coup de coude: –T’as vu qui est là ? Tu la reconnais pas ? Et eux, de leur air las: -Ah ouais ? Qui ça ? Ah…, la chouette nana…, bandante mouais…
Je me suis énervé un peu…
Je n’aime pas ceux qui ne savent pas reconnaître qui ils ont à côté d’eux!
C’est à croire qu’ils ne font que se regarder le nombril en se disant qu’ils sont les meilleurs!
Moi, je regardais Lorenza et son Quelqu’un qui rentraient sous la toile d’un air bien cool, prêts à l’ambiance. Mais je remarquais aussi bientôt qu’ils étaient venus sans leurs tenues sadiques et que ça les ennuyait.
Pris d’un coup de nerf, je leur ai proposé direct de se foutre à poil sans tout ce falzarbande en cuir plastoche, dès les premières secondes, comme si je les connaissais depuis toujours.
Et ça a marché, ça l’a fait!
J’ai envoyé simple et carré, sans fioriture, privilégiant le sex-groove, le collectif qui bande, en soulevant mes couilles en grand et en branlant mon dard.
Après quelques va et viens j’ai éjaculé en poussant un cri, en plein dans le dos de Lorenza qui s’est retournée vers moi et m’a souri.
J’étais aux anges.., j’en ai léché mes doigts.
En plus, le sexe n’étant pas, ou peu, une technique mais un état d’esprit, je savais que mon peu de technique de branle était compensé par ma connaissance et mon travail du style, de ce que l’on y entend habituellement comme branlée turque, des trucs que j’ai vraiment fait pendant des heures.
Car, même si le sexe à la turque est un répertoire machiste de la rue, des bars, né dans des conditions de misères inconcevables même pour nous et nos banlieues pourries, encore faut-il avoir vu (travaillé) les grands maîtres et leurs grandes accompagnatrices en BDSM dans les taules d’Istamboul et, en l’occurrence, avoir surtout compris (je ne dis pas copié) l’état d’esprit particulier de leurs jeux de sexe.
Je ne connais que trop de branleurs qui sont incapables de bander ce qu’un gamin pourrait faire, et qui osent se moquer de la simplicité absolue, primitive, essentielle, du sexe à la turque.
Quand je pense à tous ces gens qui cherchent la complexité et le génie, ça me rendrait plutôt triste.
Que de temps perdu!
Bref, ce soir tout a roulé parce que j’étais au top.
Lorenza fut vraiment exceptionnelle: une frappe forte, précise, qui ne varia jamais le tempo et mit en valeur chaque intervention de son fouet, comme une locomotive sur mes fesses.
Quelqu’un a assuré aussi très exactement comme il fallait, il fut incroyable de technique et de doigté.
Rapidement (en fait dès la première seconde) j’ai baigné dans le Nirvana du sexe et dans mes spermes, dans cette atmosphère particulière où le corps, la pensée, les autres, le lieu, ne font plus qu’un, c’est à dire ne se contredisent plus, sont ensemble.
L’Un et l’Harmonie!
Je veux d’ailleurs faire ici une distinction entre la fusion, où tout se mélange en se noyant, et l’harmonie, où les choses et les gens se mélangent en restant eux-mêmes.
Le sexe peut faire entendre ce genre de phénomène complexe à comprendre seulement par l’intellect, les couilles et les nichons pendouillant, parce que tout ce bazar concrétise des notions qui pourraient paraître plutôt vagues voir fumeuses si on ne les rattachait à quelque chose de vécu.
Le sexe est l’une des sciences de l’Harmonie, la plus pure.
Et même si dans le BDSM les sexes sont attachés par des chaînes et autres pince-couilles et trucs qui emprisonnent les “machins“, son langage, et à vrai dire celui de toute forme d’Art un tant soi peu authentique, se doit, est, universel.
La dimension esthétique, celle par laquelle on comprend les Arts du sexe, est le sol sur lequel les piliers des sociétés secrètes se construisent.
C’est sur ce sol, quel qu’il soit mais forcément là, que nous pouvons envisager les échanges….».
Ces textes d’un érotisme totalement pornographique, comportent tout un attirail d’éléments à la fois tangibles et symboliques qui habitent votre célèbre livre « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » mais aussi « Je ne me souviens plus du titre », votre précédent roman.
-Patrice DB ; “C’est HOT effectivement, vous avez l’imagination débordante ou une bonne mémoire.
Ancrés dans le présent virtuel, l’avenir hypothétique pathétique et le passé incertain quoique réel, ces éléments semblent également le signe d’un ailleurs.
Quels rapports entretenez-vous avec la réalité ?”.
-Quelqu’un ; “La réalité rugueuse est quelque chose qui ne m’a pas toujours plu.
Je suis effaré par le visage haineux ou accablé de tristesse des êtres au dedans du Web, au dehors aussi d’ailleurs. Il faut changer cet état d’esprit fait soit de résignation soit de révolte sans issue.
Il y a actuellement quelque chose qui ne va pas dans la réalité virtuelle et dans l’irréelle réalité non virtuelle.
L’imaginaire étant tout ce qui tend à devenir réel, y recourir est ma manière de tordre le cou à la réalité, de la faire plus à mon image.
Ce qui n’empêche pas le train de partir sans moi si j’arrive en retard à la gare !
Il faut avoir les deux pieds sur terre et la tête dans les étoiles pour essayer de toucher l’absolu, même s’il nous échappe à chaque fois…
Surtout ne pas se résigner mais essayer de voir, toujours, si on peut changer la vie !”.
-Patrice DB ; “Deux et deux font parfois quatre dans votre vie, mais ils font plus souvent trois, voire deux.
Vous y donnez de curieuses leçons d’arithmétique.
La physique quantique s’y invite.
L’air de rien, vous y posez de grandes questions.
C’est un curieux livre métaphysico-virtuel-réaliste…”.
-Quelqu’un ; “Un tout petit peu initié à la physique quantique, j’ai essayé de l’utiliser dans ma vie.
Mais j’aime aussi beaucoup rire….
Je ne suis pas sérieux, mais bien grave.
Les problèmes problématiques me préoccupent.
Par exemple savoir jusqu’où peuvent aller les forces de l’esprit, et ou vont mes spermatozoïdes lorsque j’ai une éjaculation….
Mon prochain livre racontera l’histoire de deux couples hommes pas bi et femmes-bi.
L’un est virtuel, et l’autre réel.
Ils se rencontrent dans un ordinateur et s’attirent, car chacun ressemble à l’être aimé perdu par l’autre pour cause de virtualité.
Parallèlement, quelque part dans la réalité, les deux femmes-bi se croisent.
Une des femmes envisage de profiter du corps de l’autre et s’enchaîne à elle.
Elle encourage les hommes à faire de même. Ce qui fait quatre corps pour deux paires de menottes !”.
-Patrice DB ; “Quelle sera la place de ce futur roman dans votre œuvre, tant littéraire que virtuelle ?
Il semble que vous ne détrompez pas la réputation de sulfure entourant votre virtualité réelle… ?”.
-Quelqu’un ; “Chaque fois que je raconte une histoire, j’aime qu’elle soit différente des autres.
Marcher les pas dans mes pas m’ennuie.
Je ne veux pas vivre indéfiniment, ni écrire toujours le même genre de livre.
Cela dit, mon prochain livre correspondra davantage à cette étiquette d’érotisme sulfureux qui m’est accolée.
S’il fallait cependant définir le point commun de mes écrits, je dirais qu’ils racontent tous l’histoire d’une transformation, le parcours de quelqu’un qui au départ est amer puis qui se révolte.
Mais par lui-même, pas dans le cadre d’une révolte virtuelle ou suite à quelque autre mouvement de termitière.
J’écris en vivant le parcours de libération d’indomptés plutôt individualistes.”
-Patrice DB ; “Vous avez l’art de la formule.
Les jeux de mots semblent votre tasse de thé.
Dans quelle mesure s’agit-il là d’un héritage du Surréalisme, mouvement que vous avez notamment fréquenté via votre pseudo “Patrice”, qui vous est proche ?”.
-Quelqu’un ; “J’aime faire bouger les mots sur leur socle.
Mais tous ceux en « iste », comme « surréaliste », me donnent de l’urticaire.
J’ai fait du surréalisme sans le savoir, comme le Monsieur Jourdain de la prose.
Je préfère le mot « libre », à mon sens le plus beau de la langue française.
J’ai toujours été très sauvage…”
-Patrice DB ; “Géant fragile, tendre comme ces alcooliques qui mettent leur cœur dans un verre de bière pour qu’il ne s’assèche pas, vous vivez à hauteur d’homme.
Vous possédez l’art de regarder et d’encore vous émerveiller, même du chant d’un coq sur un tas de fumier.
A cet art s’ajoute celui de communiquer vos émotions au public.
Une âme parle aux âmes et nous dit de ne pas faire l’âne : la vie passe trop vite.
Vous émouvez et faites rire avec ces trois fois rien qui sont la preuve par neuf que l’existence, même dure, vaut la peine d’être vécue.
On devine alors comment votre juke-box peut devenir un coffre-fort à joies, comment le rock’n’roll vous redonne de la pêche, et ce que la présence d’un petit chat amical vous apporte d’humain…
Mais vous n’êtes pas un gogo.
Vous dénoncez aussi.
Avec l’arme de la dérision désabusée.
Vous êtes plus qu’un homme, vous êtes une œuvre d’art sans boursouflure ni surchauffe intellectuelle qui s’attache à vos sentiments comme du sucre dans un café.
Magnifique épopée !
Un brin de fatalisme et un penchant pour le pessimisme réaliste suffisent à planter votre décor environnemental.
Vous aimez les atmosphères.
Quoique les humains de chair et de sang vous ennuient souvent de leurs mesquines mesquineries.
Vous fonctionnez à l’instinct et aux sentiments dans la vie.
Vous vous méfiez des idées.
Vous semblez croire davantage aux sentiments, à l’instinct, à l’intuition.
A l’acte irréfléchi pour une action libre.
« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », votre livre, est empli d’humains inhumains et d’humanité désabusée”.
-Quelqu’un ; “Sincèrement, il n’y a que les êtres émouvants, même s’ils sont saccagés, qui éveillent mes pulsions”.
-Patrice DB ; “Vous semblez pourtant conscient, à travers vos écrits, d’être responsable et solidaire de votre pseudo…“.
-Quelqu’un ; “Oui. Presque physiquement, je démonte la structure de la société et en donne le sens.
Même un stupide écrit d’amertume exacerbée en dit plus sur mon mode de vie, mes mœurs, mes ambitions.
Un écrit, s’il est lu…., entre dans la réalité du monde et agit telle une loupe.
On doit en être conscient. Donc, attention à la manière de présenter les choses !
Comme dans tout art !
Moi, je surveille ma prose pour éviter l’artificialité.
Mais je suis loin d’être parfait”.
-Patrice DB ; “Est-ce facile de mener une vie aussi simplement exigeante que la vôtre ?“.
-Quelqu’un ; “J’ai presque besoin de me masturber pour vous répondre…
Chaque fois que je vais me promener sur les berges du lac de Genval, certaines femmes meurent rien que de me voir !
J’en mourrai aussi d’ailleurs peut-être un jour !
Il faut bien partir à cause de quelque chose , non ?
Amusant ou tragique ?
Les deux sans doute.
Comme notre destin.
C’est une façon de répondre à votre question !”.
-Patrice DB ; “Le lac de Genval vous semble un endroit plus libre ?
Y êtes-vous heureux ?
Etes-vous heureux ?”.
-Quelqu’un ; “J’ai décidé d’être libre partout !
Que personne ne me dise ce que je dois faire même si je ne sais pas… ce que je dois faire.
J’y arrive assez bien, d’où un certain bonheur.
Je suis actuellement en Belgique car c’est un pays gris.
Le gris est une couleur qui possède toutes les nuances, elle est la métaphore de la vie.
Il faut accepter d’être là où l’on est et tenter d’y creuser un petit trou de bonheur, c’est la philosophie la plus sage”.
-Patrice DB ; “Vos écrits mélangent l’inhumanité humaine et l’absurdité de la société. D’accord ?“.
-Quelqu’un ; “C’est votre opinion.
Je respecte toutes les opinions.
Moi-même en ai tellement !
Mes écrits sont ce qui me passe, à l’instant, dans la tête.
Je puis être ému par un sein, par un parfum, par la forme d’un nuage, par la détresse, par le bonheur fugitif d’un regard, par un geste furtif d’amitié ou d’amour.
Sans fioritures, sans intellectualiser, sans sublimer.
Mon âme est mon regard sont alors transcendés….”.
-Patrice DB ; “Si on définit vos écrits comme une alchimie entre l’humain et l’absurde, et, en ça, il y a du Jacques Tati en vous, vous n’allez pas rejeter ce propos ?“.
-Quelqu’un ; “Non…, je suis quelqu’un d’autre tout en étant autre moi-même…
Mais nous sommes tous enfermés en nous-mêmes.
Que savons-nous de l’opinion des autres ?
Rien de très sûr.
Donc, je ne puis affirmer que votre opinion sur mes écrits est la bonne puisque je ne suis pas à l’intérieur de votre cerveau.
Je fonctionne, d’ailleurs, un peu sur ce principe.
Mon art, si art il y a, est d’être souvent ennuyé par le spectacle des humains.
Et j’ai la chance de ne pas m’ennuyer non plus avec ce qui grouille dans ma tête !
Je suis né ainsi.
Je suis désabusé d’amertumes”.
-Patrice DB ; “Etes-vous particulièrement en colère contre certains aspects de la société actuelle ?“.
-Quelqu’un ; “Je ne puis comprendre la bêtise humaine et ça me met en rage.
Je ne comprends pas pourquoi on ne se comporte pas amicalement avec son semblable alors que c’est tellement plus facile et plaisant que de le bousculer, de l’humilier ou de le marginaliser.
Je traduis cette rage souvent avec humour.
Notre univers pourrait-être beau.
Et on le gâche par la méchanceté, la lutte pour le pouvoir et l’argent.
On passe à côté du bonheur.
Faire l’amour, c’est mieux que de faire la guerre, non ?
Cela provoque toujours un choc en moi lorsque je rencontre des contemporains qui ne comprennent pas cette idée si simple et naturelle.
J’ai faim d’amour…”.
-Patrice DB ; “Pourquoi vos écrits pour transmettre vos émotions ?“.
-Quelqu’un ; “Parce que si je tenais une épicerie, je communiquerais moins bien mes sentiments.
Cela dit, j’aime travailler avec mes mains, fabriquer des objets ou des meubles, travailler sur mes voitures de collection.
Abandonner ce que la société a mis de moche en nous peut être un soulagement pour l’homme.
Ce n’est pas une règle générale.
Un nouveau départ, un changement de vécu peuvent rendre meilleur.
Brièvement, hélas”.
-Patrice DB ; “Vous croyez en Quelqu’un ?”
-Quelqu’un ; “Je ne crois en rien”.
-Patrice DB ; “Vos écrits montrent que vous ne croyez pas en l’humain !”.
-Quelqu’un ; “Plus maintenant. Il y a eu des trahisons.
Je pleure et crie pour retrouver ma foi en l’homme.
Mais, avec l’âge, malheureusement, je deviens un réaliste.
Si mes écrits sont teintés de cynisme et de désespérance désabusée mâtinée d’humour corrosif au second degré et qu’y surnage un fond d’optimiste, c’est parce que je suis Quelqu’un..!
Mais je puis vous dire une vérité : demain, il y aura un autre jour…. “Avec le temps, tout est foutu…“, disait Ferré.
Mais j’ai des doutes…, quoique les ratures de la vie commencent à me marquer.
Et c’est dans mon travail que j’oublie le tic-tac du réveil qui avance.
Je vais envoyer un é-mail anonyme aux membresses de ce site: « Si tu es encore capable d’être amoureuse, rendez-vous, le 1er janvier, en haut de l’Atomium »…
Certains, certaines se regarderont dans le miroir, avec goguenardise, humour, cruauté.
Se moquant de leur physique.
Jurant.
Tuant le temps avec des frivolités pour ne pas pleurer de le sentir passer.
Comme l’avant…, qui est parti.
Terrible mélancolie.
D’autres ne viendront pas, ou se tromperont de 1er janvier…..
Drôle d’affaire !
Y aura t-il quelqu’un en haut de l’Atomium le 1er janvier ?
Rien n’est certain, tout est possible et son contraire….
Romantique ou cruelle, selon votre humeur, où la frivolité est une politesse.
Où les gestes deviendront regards et les regards gestes.
Vers quoi ?
Vers le romantisme, ce cocon qu’on imagine pour se consoler en sachant qu’il n’existe pas, et qui tient au corps même lorsque celui-ci se flétrit un peu.
Qui n’espère ?
L’inespéré(e ) ne découvre jamais rien…..”.
-Patrice DB ; “D’un pas mesuré, marche après marche, vous élaborez votre œuvre.
Vous vous entendez à nous conduire, sans crier gare, dans les zones imprécises des sentiments , là où justement la littérature semble la seule boussole.
En nos temps où l’on se croit averti, prévenu, blindé contre le mystère, vous repérez des régions du cœur où la sonde rationnelle n’a toujours pas trouvé sa voie.
Et c’est là, sans peur et sans reproche, que vous vous aventurez.
Votre courage est sans faille, votre tolérance aussi.
Vous avez d’emblée fait montre de cette double approche dans votre premier livre intimiste, « Quelqu’un », où vous abordiez la perversion d’amertume avec une sorte d’innocence avertie dont le style était le principal garant.
Car vous croyez aux vertus éclairantes et subliminales de l’écriture.
Et, faisant les gestes de votre foi, vous nous gagnez à votre cause.
Vous nous parlez d’un monde que les esprits prudents ne peuvent pas connaître.
Ou ne veulent pas savoir.
Vous gagnez du terrain, dans notre société qui s’obstine à ne pas se regarder en face.
Vous ne vous voilez pas les yeux.
Restez attentif à tout, et à tous ainsi qu’à toutes, et particulièrement à ce qui se passe dans les bas-côtés des vies qui prétendent baliser nos destins.
Le plus bel exemple étant ce sublime texte “Quelqu’un est mort” qui aborde sous divers angles votre relation avec la vie.
Vous y ralentissez volontairement la cadence scriptographique de votre âme et faites de vous-même, laissé-pour-compte de la vie stupide, le concentré de nos démissions.
Sans pour autant faire la leçon, votre conviction est telle qu’elle se passe d’énonciation.
Voici maintenant que vous parvenez à nous chavirer l’âme avec votre dernier livre “Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens“.
La charité, chez vous, est une vertu post-théologale.
Vous semblez très lucide sur vos présupposés.
Car Quelqu’un – appelons-le ainsi puisque vous ne portez pas de nom – trouve dans cette forme d’altruisme une réplique à vos propres détresses.
La mission que vous vous étiez confié dans un autre de vos livres « Liens d’amours » y est redoutable, écrire des lettres d’amour, des billets d’émotions, dans lesquels se mêlent des considérations personnelles et des points de vues amers et caustiques pour lesquels un bénévole d’une association de prévention au suicide vous a mis en garde, vous signalant que rien n’est plus périlleux.
Et, de fait, vous allez, à plusieurs reprises, être tenté de céder au plus littéraire des modes de suicide, favorisé par le fait que vous errez souvent autour d’un lac.
Vous allez même, à un moment indéterminé de vous-même, vous préparer à vous emplir les poches de pierres avant de marcher vers les eaux, comme le fit Virginia Woolf.
Par deux fois, un é-mail inespéré, ou providentiel c’est selon, va vous en empêcher.
Mais il était moins une, et c’est dans ce mince intervalle que vous avez écrit “Liens d’amours“.
Manifestement, le romancier que vous êtes a tenu à nous faire partager les affres qui président au niveau d’écriture que vous ambitionnez.
Une pratique de l’art qui confine à une sorte de sainteté.
Vous avez un jour écrit que « Dans cette réalité intime qu’est la solitude du poète, nous ne pouvons ignorer le fait que toute fuite au désert de l’écriture se construit sur un carnage. Oui, les saints ne sont saints, et les poètes, poètes, qu’au prix d’un combat qui ensanglante les abords de la source ».« Liens d’amours » est, en ce sens, un ensemble de 230 lettres, poèmes, émotions et humeurs d’un combat, au plus intime et au plus brûlant de votre conscience.
Tout, chez vous, se passe à l’étage de l’âme, ce qui vous dote d’une impudeur tranquille à l’étage du corps. Et vous parvenez à faire de ses exercices spirituels la matière première d’un livre aussi envoûtant que captivant.
Où la littérature est tenue pour une forme de salut, la voie salvatrice par laquelle, en tout cas, passe la tentative de récupération de votre vous-même sur les berges de la vie.
Cet engagement sans réserve mérite une entière adhésion.
Vous venez de voir votre œuvre reconnue et plébiscitée par l’union des écrivains iconoclastes.
Un premier prix obtenu avec une majorité écrasante des voix.
Vous êtes en fait un personnage hors-normes quoique iconoclaste qui pense que l’expression littéraire ne doit pas avoir crainte de représenter le chaos de notre quotidien.
C’est réellement tonique ! “.
-Quelqu’un ; “Quelqu’un est mort, était un texte émouvant, je vous le replace ici…;
Quelqu’un est mort l’autre soir, derrière son ordinateur, on ignore de quel mal……
Il était né à “Trop longtemps“, dans une humble maison dont les fenêtres étaient garnies de vitraux colorés dont les dessins le faisaient fuir lorsqu’il était enfant.
“Trop longtemps” c’est quelque part et partout.
Une petite ville proche et éloignée de la mer qui rêve dans une terre intérieure de voir au loin des montagnes.
Quelqu’un fit de “Trop longtemps” son cœur lorsqu’il décida de devenir non un adulte personne, mais un homme quelqu’un….
“Trop longtemps” est francophone, il suffit de traverser le seul pont de la ville pour se retrouver ailleurs, avec sa poésie en contrebande.
De cette proximité sinistre Quelqu’un gardera toute sa vie un goût vigilant pour la tolérance mécanique, le respect des automobiles, et l’amour de l’écriture, des poèmes et des factures..
Une philosophie humaniste qu’il développera lorsque devenant enfin quelqu’un de biens, il s’illuminera aux quatre coins du monde.
Petit garçon espiègle, Quelqu’un rêvait des filles et devenu quelqu’un d’autre il décida d’entrer dans des chairs éphémères qui voguaient sur son vague à l’âme romantique, n’ayant pas encore compris que ce serait son doigté qui le conduirait aux succès.
Puis il fit du business son terrain poétique et gagna les étoiles en facturant tout et n’importe quoi.
La notoriété internationale le poursuivit contre son gré.
Il allait….il aurait pu…..il devait…..
Puis voila que la mort est sortie du néant de la bêtise pour lui dire qu’il était temps d’entrer en bière, lui qui ne buvait que du vin….et du coke pétillant….
Dans ses yeux (verts), il y avait du loup ou du renard, grondé par les jésuites de ce site pour sa prétendue gourmandise féminine alors qu’il n’était gonflé que de tendresses…..
Cela craquelait ses textes, les mouillait de larmes presque invisibles, sa sensibilité était sa faiblesse.
Quelqu’un eut le mérite d’être quelqu’un, dans un monde ou l’on ne va pas à pied mais en rêves virtuels…..une nouvelle patrie d’imaginaire ou il renaît à chaque fois….
Il faut retourner à ses 10 ans pour le comprendre.
Son meilleur ami était malade, rongé par la tumeur dans son cerveau.
Un après midi Quelqu’un lui a apporté un cornet de glace avec les économies de son argent de poche, trois pièces et deux sous.
Trois boules de glace en couleurs.
Son meilleur ami, celui des premiers jours de maternelle ou les enfants pleurent d’abandon, l’a pris et a souri en reniflant la friandise.
Son sourire était si beau et triste.
Il partait vers la mort alors que le bonheur du monde peut être contenu dans un simple cornet de glace.
C’est le plus beau et le plus terrible souvenir de toute sa vie, son meilleur ami, celui qui gagnait aux jeux de billes, qui pleurait avec lui lorsque maman n’arrivait pas a la cloche sonnante, souriait pour lui faire oublier qu’un jour la Camarde viendrait le prendre également dans ses bras, sans qu’un ami ou une amante ne soit la pour lui offrir la dernière clef du ciel.
C’est la mélancolie de quelqu’un qui vous parle de petits bonheurs alors que vous ne connaissez même pas le prix de la vie…..
-Patrice DB ; “Quelles relations l’improvisation et l’écriture entretiennent-elles dans votre œuvre ?”
-Quelqu’un ; “Ce sont deux domaines qui m’intéressent également, c’est à dire à parts égales, ce qui n’empêche pas de me concentrer davantage sur l’une ou sur l’autre.
J’ai beaucoup appris de l’improvisation, particulièrement l’improvisation amoureuse.
Mais ce n’est pas nouveau, bien que je doute, mais j’ai mis en pratique mes dires, affirmant que créer c’est improviser avec.
Peut-être est-ce davantage réaliste aujourd’hui, grâce à la publication de “Liens d’amours“.
Personnellement, j’ai une formation essentiellement architecturale mâtinée d’une introspection dans les arts graphiques et la publicité.
Mais, dès la fin des années 60, j’ai eu la chance de rencontrer l’avant-garde de l’improvisation libre dans le climat surréaliste de mai ’68.
Avec mon moi-même, je créais des concepts exclusivement basés sur cette improvisation libre, inspirée du Bauhaus épuré comme les vides architecturaux Japonais, sans thème ni structure.
Depuis une dizaine d’années, j’ai développé certaines techniques d’écriture spontanée qui ressemblent à de l’écriture automatique dans l’esprit du mouvement Oulipo.
Peut-être en réaction au formalisme poussé du mouvement sériel”.
-Patrice DB ; “Quelles sont ces techniques ?“.
-Quelqu’un ; “Vous voulez que je vous révèle mes petits secrets interdits que j’écris à même mes grains de peau ?
Aujourd’hui, il faudrait tout révéler…
Mais c’est aussi difficile que de parler de soi-même.
Beaucoup tient de l’inconscient”.
-Patrice DB ; “Cette méthode spontanée, est-ce le secret de toute la sève qui déborde de votre littérature ?“.
-Quelqu’un ; “Rien n’est garanti.
C’est même une méthode qui vous éloigne des certitudes.
Mais le risque en vaut la chandelle puisqu’il ouvre sur des possibilités qui, en conditions normales, sont exclues.
En corollaire, j’ai dû constater que dans mon œuvre, il n’y a pas de style désuet.
Cela m’a troublé dans ma jeunesse.
Puis, j’ai décidé que c’était comme ça, que, peut-être, le concept même de style appartenait à une autre époque.
Beaucoup d’écrivains de la fin du XXe siècle ne montrent-ils pas une variété extrême ?”.
-Patrice DB ; “Comment expliquez-vous ces accents qui jaillissent littéralement de votre œuvre ?“.
-Quelqu’un ; “Depuis dix ans, je réfléchis au sens du rapport entre l’écriture et l’expérience humaine.
Or, il me semble que les formes classiques qui proviennent de la rhétorique grecque du langage, n’ont aucun rapport avec l’expérience quotidienne.
Evidemment, l’expérience quotidienne ne respecte pas la structure formaliste du langage.
J’ai donc tenté de développer des structures qui puissent réfléchir l’aspect chaotique de l’expérience subjective de la réalité.
En bref : écrire ce qui me passe par la tête, supprimer les mécanismes d’autocensure inévitablement présents et décider, après coup, si une idée est bonne ou mauvaise.
D’abord écrire, puis choisir”.
-Patrice DB ; “Une structure qui puisse donner une image du chaos, n’est-ce pas antinomique ?“.
-Quelqu’un ; “Cette forme d’écriture spontanée débouche sur un livre hors normes, qui défie la logique.
C’est voulu : ma vie est bizarre. Je cherche à écrire des textes qui témoigne du chaos de la vie sous tous ses aspects irrationnels…”.
-Patrice DB ; “Comment éviter l’autocensure ?“.
-Quelqu’un ; “Par des techniques psychologiques bien connues (comme la relaxation), qui libèrent l’esprit.
Il y a une technique fondamentale : faire le contraire de ce qu’on avait dans l’idée, faire une activité qui n’a aucun rapport avec la création.
Car le travail d’écriture, c’est un travail de mémoire : retenir des impulsions pour les exprimer dans une forme symbolique ; transformer une mémoire à court terme en une mémoire à long terme.
C’est tout l’inverse de l’improvisation, par laquelle je tente d’oublier ce qui occupait ma conscience pour pouvoir répondre à une nouvelle nécessité.
L’improvisation, c’est la technique de l’oubli”.
-Patrice DB ; “Ne vous sentez-vous pas limité par le timing de la vie ?“.
-Quelqu’un ; “C’est paradoxal mais l’écriture présente la caractéristique de s’adapter à la subjectivité de celui qui en abuse.
Il peut révéler immédiatement un style, une personnalité, notamment par la sensibilité mêlée de fureur qui s’y niche, dont aucune électronique n’a pu reproduire l’expressivité.
L’écriture est plus actuelle que jamais, et je présente avec “Liens d’amours” un répertoire nouveau et foisonnant.
Ce qui ne sera pas sans influencer les rapports sexuels entres hommes et femmes, également entre femmes et femmes, hommes et hommes, femmes-Bi et hommes-Bi, ainsi que les transsexuels dans tous les rapports imaginables…”.
-Patrice DB ; “Dans quel sens ?“.
-Quelqu’un ; “Mais dans un sens sexuel de l’improvisation !
Aujourd’hui, on n’apprend pas à improviser la cadence d’un crescendo lubrique, ce qui est pourtant un processus naturel.
Reste encore à ruer dans les institutions…”.
-Patrice DB ; “Vous souvenez-vous de votre première réaction à la relecture de « Liens d’amours » ?”
-Quelqu’un ; “Bien sûr. Je me souviens.
C’est une réaction très intime.
C’est intéressant parce que, d’un côté, il y a eu en moi-même une espèce d’intimité et de dépendance et, de l’autre, je me suis découvert une co-dépendance, en fait peut-être que ma vie aurait été différente si je n’avais pas retrouvé une page perdue .
Je pense que je suis maintenant disposé à faire certains trucs que je n’aurais normalement pas faits de par moi-même”.
-Patrice DB ; “La mort d’un autre Quelqu’un reste un mystère.
Quel est votre conviction personnelle ?
Pensez-vous que c’est votre personnage qui l’a assassiné ?”.
-Quelqu’un ; “Je pense que quelqu’un d’autre était le bon suspect, mais il a été acquitté.
Maintenant, avec le mode de vie qu’il menait, il peut tout aussi bien s’agir d’une maîtresse jalouse, d’une Maîtresse, d’une amante.
Il a eu des relations intimes avec tellement de “personnes“, ce qui est à prendre non “à la hussarde” mais au second degré, qu’il aurait très bien pu mettre Quelqu’un en rogne”.
-Patrice DB ; “Quelqu’un fait découvrir à Quelqu’un d’autre son côté obscur et l’encourage à le développer. Avez-vous rencontré des gens comme Quelqu’un d’autre dans votre propre vie ?”.
-Quelqu’un ; “Je pense bien que oui.
Je ne crois pas avoir rencontré quelqu’un comme lui, mais plus comme quelqu’un qui est heureux de vous donner quelque chose dont vous avez besoin mais qui n’est pas spécialement bon pour vous.
C’est quelque chose de relatif, mais, si vous regardez dans le monde des célébrités auquel j’appartiens, même si je ne me considère pas tellement comme tel, vous pouvez être attiré par certaines grandes vedettes.
J’ai travaillé avec quelqu’un de bien, et, bien sûr, le pouvoir qu’il a, le pouvoir de séduction qu’il exerce, attirent une foule de personnes (ce qui est à prendre non « à la hussarde » mais au second degré), qui font tout pour vivre le plus près possible de Quelqu’un.
Le monde est rempli de Quelqu’un et Quelqu’un se remplit du monde….
Dans sa vie, c’est ce que les gens qui l’ont connu m’ont raconté, c’était le genre de type qui voulait que tout le monde soit heureux.
C’était quelqu’un de biens (le “s” est ajouté pour donner un autre sens), il était chaleureux.
Ce n’était pas quelqu’un de retors, il voulait juste que tout le monde fasse se sente bien. Je trouve aussi intéressant de ne porter aucun jugement moral sur la sexualité de quelqu’un”.
-Patrice DB ; “Quand on regarde votre vie, on se rend compte que vous prenez beaucoup de plaisir à disséquer les personnages ambigus.
C’est parce que c’est plus excitant ou parce vous vous sentez plus à l’aise ?”.
-Quelqu’un ; “Naturellement, quand vous vous mettez dans la peau de quelqu’un d’autre, vous avez conscience de la moralité ou du jugement que les gens vont projeter sur le personnage en question.
Et il faut vous battre contre cela et aller dans la direction opposée.
Vous devez apporter une sorte de tension entre ce qui est connu et ce qui ne l’est pas.
A un certain degré, c’est comme si cela consistait à développer la faculté que j’ai de pouvoir m’identifier à Quelqu’un.
J’adore explorer toutes les possibilités qu’a cet homme et je ne veux pas me contenter d’illustrer un seul aspect de sa personnalité.
Mon quelqu’un souhaitait, d’une certaine manière, me protéger”.
-Patrice DB ; “Vous avez besoin d’avoir des connexions personnelles avec Quelqu’un d’autre ? “.
-Quelqu’un ; “Toujours, et je ne pense pas qu’il en soit possible autrement.
Bien sûr, la compréhension de Quelqu’un change en fonction de la personne, mais la seule chose qui ne change quasi jamais est votre incompréhension toute relative qui doit être la plus vraie et la plus personnelle possible.
Autrement, ça sonne faux, et Quelqu’un se rendra compte de votre manque de concentration et d’investissement”.
-Patrice DB ; “Dans quelle mesure, Quelqu’un vous aide-t-il à vous apporter quelque chose ?“.
-Quelqu’un ; “Je ne sais pas, en fait.
Mon travail me permet de combler certaines aspirations que je ne rencontre pas ailleurs d’autre part.
Ça me fait du bien et ça me force à réfléchir sur ce que je fais et pourquoi je le fais.
Passer de Quelqu’un à Quelqu’un d’autre et de Quelqu’un d’autre à Quelqu’un, me remet beaucoup plus en question”.
-Patrice DB ; “On peut se demander pourquoi cela … ?“.
-Quelqu’un ; “A l’heure où je vous parle, et je n’exclus pas que cela puisse changer, j’adore tellement écrire.
Je crois que la grande différence est que j’aime « faire », je détesterais rester assis sur une chaise et regarder Quelqu’un jouer l’histoire de Quelqu’un d’autre.
Je ne suis pas un observateur, je suis un homme d’action.
J’aime la sensation physique, j’aime la magie qui s’opère en moi lorsque je m’invite à être quelqu’un d’autre. Je ne crois pas que vous pouvez avoir ces émotions comme personne, c’est une histoire plus cérébrale et intellectuelle”.
-Patrice DB ; “Vous êtes très certainement un philosophe des plus singuliers.
A l’origine du mouvement virtuel de la pensée intellectuelle anti-conformiste sur le “Web”, vous semblez révolutionner une bonne part de l’élaboration actuelle des concepts tant philosophiques que psychanalytiques.
Vous êtes apparu, déjà, dans les années 70, comme le pré-curseur d’une philosophie nouvelle, hors-tradition.
Vous annoncez les fondements de territoires existentiels futurs et les univers de valeurs que vous développez pour nous tous dans votre dernier ouvrage qui s’avère un nouveau concept philosophique.
Vous affectionnez particulièrement les interviews que vous utilisez comme un « nouveau » moyen d’écriture tout en vous servant de moi-même.
Comment expliquez-vous que le “Web” génère une population de pseudos de plus en plus importante?”.
-Quelqu’un ; “Il me semble qu’il y a aujourd’hui une décomposition des stratifications traditionnelles.
Le phénomène de la virtualité “Wébienne” crée une misère intellectuelle incroyable, équivalente aux situations les plus lamentables du quart-monde, mais qui coexiste avec, ou a côté du réel.
C’est comme si le “Web” ne pouvait subsister qu’en créant une dynamique artificielle entre la réalité et la virtualité intellectuellement paupérisée.
Pour se maintenir actuellement dans le rythme “Wébien” et assurer un niveau de discussion satisfaisant, le “pseudo” doit “sur-travailler intellectuellement” et sacrifier une grande partie de ses relations virtuelles et sexuelles (les exemples sont particulièrement parlants).
S’il n’arrive pas à assumer et à s’insérer dans ce codage social, le pseudo se paupérise très rapidement.
Pour vous aider à comprendre, je vais essayer d’être simple…
On a vécu avec l’idée que les progrès technologiques effaceraient les différences sur le “Web”.
En réalité, que ce soit à l’échelle planétaire ou d’un pays, on observe qu’il y a une exacerbation des différences pseudo-maniaques.
Cela fait partie du rouage même des systèmes de valorisation du “Web”.
En fait, on ne peut mettre les pseudos au clavier de leur ordinateur et les inciter à se positionner qu’à travers cette tension entre un monde réel oligarchique (basé sur des valeurs de consommation), et ce monde de paupérisation intellectuelle.
A un certain tournant du virtuel, existait cette polarité entre le réel et le virtuel.
Aujourd’hui, il a quasiment disparu…”.
-Patrice DB , “Cette « désaffiliation » virtuelle d’une frange de la population du “Web” serait selon vous un repère et une dynamique pour les virtualités actuelles?”.
-Quelqu’un ; “C’est exactement cela.
Ces pseudos se servent d’un système de polarité sans même sans rendre compte.
On a tendance à considérer les pseudos intellectuellement défavorisés comme une entité résiduelle, une marge.
Or cela fait partie intrinsèquement du système de débilité ambiant qui forme ou déforme le “Web
C’est la fonction de la peur, de l’angoisse, du vertige existentiel, de la décomposition qu’engendre le virtuel”.
-Patrice DB ; “Comment expliquez-vous la maintenance de cette peur de la décomposition sociale?“.
-Quelqu’un ; “Tout d’abord parce qu’on évite d’en parler trop. Cela s’inscrit dans la subjectivité collective ou la «capitalistique-virtuelle » (capitalisation virtuelle subjective dans le “Web”) qui est fondamentalement infantilisante.
Elle a pour but d’exclure tout ce qui est singularité, mort, douleur; souffrance, «hors-norme ».
Ça gêne, on ne présente que des images ou des messages redondants et rassurants généralement illustrés de “Gifts” débiles, à l’image de leurs pseudos….
Les événements dérangeants sont eux-mêmes présentés avec des systèmes de “ré-assurance“.
Ce que développe le monde virtuel est un univers où les choses vont de soi.
C’est un comportement global d’évitement qui est la condition pour que les pseudos se transforment en somnambules qui suivent leur bêtise certifiée pur-porc pour les uns, et leur marche vers la retraite masturbatoire pour les autres”.
-Patrice DB ; “Face à cette aliénation virtuelle, les sites importants et porteurs semblent aussi s’inscrire dans cette décomposition?“.
-Quelqu’un , “Quelqu’un d’autre que moi-même, quoique je m’y perd parfois, a fait un apport considérable au “Web” en complexifiant les schémas virtuels, en introduisant la notion de conflit virtuel au cœur des rapports entre pseudos débilitants.
Il me semble qu’aujourd’hui on a tendance à schématiser; à réifier la pensée de Quelqu’un d’autre plutôt que de la suivre dans son mouvement.
Il faudrait conserver à l’esprit qu’il n’y a pas qu’un Quelqu’un, mais un phylum « Quelqu’unien », une pensée quelqu’une qui s’enrichit, se différencie, et par la suite va se figer, se dogmatiser.
En outre, ce mouvement de complexification n’a pas été compris par les théoriciens du “Web”, en particulier sur le fait que les contradictions ne sont pas uniquement des contra-dictions virtuelles (qui ont une position relative avec d’autres pseudos antagonistes : Nord / Sud, Hommes / Femmes, entre les temporalités dans le “Web”).
Il est nécessaire d’aller vers une pensée de complexe, une pensée écosophique qui prend en compte les flux virtuels, mais également les communautés existentielles, la façon dont les pseudos vont se recroqueviller sur une identité virtuelle, tous ces phénomènes qui ont échappé à la pensée de Quelqu’un et qui explosent aujourd’hui avec la montée du racisme virtuel, de l’intégrisme virtuel, et de la xénophobie virtuelle.
Une autre dimension du “Web” repose sur les pseudos qui ne reprennent pas suffisamment à leur compte des imaginaires libertaires de valorisations sexuelles, et des systèmes utopiques.
L’utopie dans l’histoire du “Web” a été de plus en plus restreinte, quoique c’est grâce aux utopies que j’ai découvert des émotions et l’Amour.
Actuellement la complexité du “Web” dans le contexte des nouvelles technologies et des nouvelles relations internationales virtuelles ne trouve pas de moyen d’expression réellement intelligent….
Tant de technologies pour afficher des sexes sur le “Web”, des pénis laids en érection et des vagins dilatés….
C’est d’un triste…”.
-Patrice DB ; “Dans divers messages débilitants de certains pseudos, on retrouve ce paradigme de l’utopie, du non-avenir des pseudos-maniaques, des masturbateurs virtuels. Comment analysez-vous cette perte de valeurs?“.
-Quelqu’un ; “C’est effectivement la constatation d’un affaissement des univers de valeurs.
Comme s’il n’y avait qu’une seule référence, à savoir; l’univers de la masturbation virtuelle et de l’échangisme généralisé, s’incarnant très bien dans le mythe du “Web”….
La bêtise prend place dominante avec le virtuel.
Dans l’imaginaire des pseudos, il y a aussi des dimensions sexuelles associées avec tout une symbolique de la masturbation.
Actuellement, c’est vrai, les pseudo-maniaco-sexuels ont moins de consistance et moins de possibilités de trouver leur jouissance.
En outre, les pseudos sont les gestionnaires de la subjectivité virtuelle.
Ceci dit, il y a tout de même des transferts subjectifs très significatifs qui échappent à la normalité.
Il y a toutefois, épars, quelques normalités qui représentent un univers de valeurs d’une motivation subjective dans un lubrisme très prégnant…”.
-Patrice DB ; “Comment dénoncer la tromperie des univers de bêtises virtuelles qui fleurissent sur le “Web” ?“.
-Quelqu’un , “C’est justement ce caractère trompeur et absurde qui leur donne une énergie.
C’est un paradoxe.
Mais c’est justement parce que « c’est encore plus absurde » que cela devient vrai.
Il y a une forme de jouissance dans la mauvaise foi, une complicité de la désagrégation des schémas mentaux rationnels.
Ce n’est pas en donnant des explications pédagogiques qu’on luttera contre ce phénomène, mais c’est en cherchant à aller au cœur de cette décomposition subjective que cela représente, et, aussi, en trouvant d’autres possibilités de pro-motions d’univers de valeurs virtuelles”.
-Patrice DB ; “Ces univers de valeurs potentiels peuvent-ils s’organiser sur des bases contre-culturelles ?“.
-Quelqu’un ; “C’est ma conviction. Mais cette perspective est corrélative de ce que j’appelle la “chaos-mose” de l’humanité virtuelle, une sorte de tourbillon, de système catastrophique, où manifestement les pseudos sont carencés.
Actuellement, il y a une désertification vertigineuse dans le “Web”.
La «chaos-mose“, cette plongée chaotique doit nous donner la capacité de recharger la complexité de nouveaux schémas virtuels, de nouveaux agencements pragmatiques ; faute de tels dispositifs de production de subjectivités, la « chaos-mose » continuera de tourner sur elle-même et aboutira à des systèmes où la crétinerie généralisée nous apparaîtra comme une douce plaisanterie en comparaison à des systèmes de sauvageries virtuelles tout à fait ahurissants.
C’est la catégorie de l’être lui-même qui est en danger.
La philosophie a toujours vécu dans une sorte de passivité par rapport à l’être.
Aujourd’hui, sur le “Web”, on produit une homogenèse de l’être, une catégorie détaxée, dénaturée.
C’est un rétrécissement de l’altérité, le rétrécissement du rapport à l’être…”.
-Patrice DB ; “Peut-on se déterminer positivement en fonction de cette altérité de l’être, de ce négatif?“.
-Quelqu’un ; “Le négatif est toujours corrélatif d’une promotion de références transcendantes, de droits.
Il est sûr que l’opposition manichéiste entre le bien et le mal, le riche et le pauvre, le virtuel et le réel, est quelque chose qui fait manquer un rouage essentiel : celui de l’affirmation existentielle.
Celle-ci devrait avoir droit d’expression dans les rapports entre pseudos, mais doit avoir aussi une affirmation.
A ce moment-là, ce n’est plus le bien, mais les catégories immanentes de la joie, de la créativité, du rêve qui deviennent des relais.
Actuellement, sur le “Web”, la carence fondamentale est celle des pratiques.
La question que l’on se pose est : « y-a-t-il une pratique de la vie, une inventivité possible dans le domaine de la virtualité immédiate, de la virtualité collective esthétique, etc. ? »
Le concept de “pratique” se trouve affaissé.
Si l’on ne réinvente pas ces pratiques de solidarité, des praxis de la construction de l’existence, on risque de s’engager dans une épreuve de dépression catastrophique “wébienne”.
-Patrice DB , “On en reviendrait à une forme de pragmatisme comme source de changement?“.
-Quelqu’un ; “Oui, absolument !
La praxis précède l’être.
Dans les faits, il y a des résidus de tentatives de rénovation pédagogique.
Plus généralement, il y a aussi des mouvements progressistes dans le virtuel.
Les pratiques psychanalytiques telles que les thérapies “Wébiennes” sont, par ailleurs, des instances de production de subjectivité, d’invention de subjectivité, là où il n’y avait que des réponses de ségrégations, de marginalisations et d’évitement des problèmes.
Cependant, cela reste dans un état de décomposition, de démoralisation, et ne trouve pas d’expression virtuelle à plus large échelle.
Il y a tout de même une énorme potentialité de refus du système de valorisation virtuel dominant.
Toutes ces pratiques « microscopiquestes » conjuguées les unes aux autres vont aboutir à des mutations d’univers de valeurs virtuelles”.
-Patrice DB ; “Est-il encore possible, selon vous, d’associer ces univers de valeurs au triangle majeur des instances lacaniennes ou dans la dualité Sartrienne du “Web” ?”.
-Quelqu’un ; “L’alternative duelle (de l’être et du néant) ou le triangle Lacanien (Réel/Symbolique/Imaginaire) sont en opposition avec ce que j’appelle l’homogenèse de l’être.
Il y a des dimensions hétéro génétiques de l’être.
Il y a des univers incorporels différenciés qui sont porteurs de complexité.
Cette complexité qui n’est pas seulement l’imbrication d’éléments les uns par rapport aux autres, mais qui est une production de la complexité (c’est-à-dire de foyers de subjectivité).
Il n’y a donc pas les trois instances Réel / Symbolique / Imaginaire, mais des niveaux de réalité stratifiés les uns par rapport aux autres (des Imaginaires, des Territoires virtuels existentiels).
Il n’y a pas de mathèmes universels, mais des modes de sémiotisation, des codages qui s’articulent les uns avec les autres, des cartographies…
Quant au néant virtuel, c’est un horizon de la subjectivité.
Beaucoup de pseudos n’ont pas vécu avec le néant.
Et même chez Sartre, l’expérience du néant reste très littéraire…”.
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