La pulsion est une force irrépressible, elle pousse certains vers la création, l’art se mêle alors intimement à la déraison sous l’influence de paradis artificiels.
– Et comment cela va depuis la dernière fois ?...
– La dernière fois, c’était au début de l’été, une conversation à bâtons rompus. On avait parlé de tout et de rien, j’avais eu faim et soif durant tout le temps que cela a duré… J’avoue, que dans la vie, il y a bien d’autres risques plus réels…, l’art de l’écriture par exemple, qui est quand même le domaine où la liberté mentale peut s’épanouir. C’est un peu la monnaie de ma pièce…, mais j’y tiens, parce que ça squatte mon cerveau…
– Tu es un provocateur, ton humour grinçant est trop déjanté !…
– C’est un fer de lance. Je ne veux pas passer ma vie à être déprimé. Voir le burlesque dans le douloureux, c’est plus fort que moi. C’est ma nature, pas une posture. Dénoncer la folie ou la cruauté humaine, ce n’est pas par l’art que cela passe le mieux. Pour moi, cela sert d’antidote au désespoir absolu. L’écriture, l’engagement politique et social sont des moyens efficaces !
– En fait, c’est un travail assez égoïste pour te permettre de sortir du marais assez nauséabond qu’est le monde qui nous entoure…
– J’ai mis mon suicide sur petite flamme… Qu’est-ce que je risque ?
– Que cela ne se vende pas !
– Je m’en f… Je ne vends rien… Je n’ai rien à vendre… ! Je ne crois pas à la maîtrise absolue des choses. Je fonctionne à l’affect, selon la sphère affective j’évolue. En art, on peut être la cause, mais en écriture, j’aime laisser venir les choses à moi.
– Pourquoi ?
– C’est par plaisir ! Retables, ruines, charniers, dérives de la violence…, on est toujours dans le même délire à travers le capitalisme actuel. J’espère que mes textes induisent diverses réflexions philosophiques du style : Toutes les jeunes filles recherchent le prince charmant... Et toutes tombent de façon catastrophique sur le même stupide mari. Et cela vaut pour les hommes, qui recherchent tous cette espèce de femme idéale… et qui à plus de 50 % finissent par divorcer de leur beauté…
– La nef des fous est barrée par plus fous qu’eux, chacun rame dans son sens, se piquant du grelot. Le résultat est probant, bien qu’inégal !
– On est toujours le fou d’un autre ! Entre art et déraison, entre le psychique et le somatique.
– Au fou ! Ton but ?
– La satisfaction.
– Va pour la virée hallucinatoire avec toi pour guide.
– Le terme hystérie vient du grec hysteria qui signifie utérus. Depuis les auteurs hippocratiques, on croyait que l’utérus pouvait monter jusqu’au cerveau et créer des suffocations. L’hystérie est liée au sexe. Quand on évoque l’hystérie, il s’agit principalement de souffrance, de colère…
– Convulsion, souffrance, désir, tous les ingrédients sont réunis pour influencer ceux qui n’hésitent pas à se jeter sur le corps des femmes en folie…
– Au tournant des XIXe et XXe siècles, l’hystérie était clairement associée au sexe féminin et à certains attributs de la féminité, considérés comme des causes ou des éléments d’explication de la folie dont la femme était victime. Son utérus était considéré comme le déclencheur qui décuplait des caractéristiques considérées comme féminines. Les femmes se trouvaient à une époque charnière. D’un côté, elles voyaient l’horizon d’un affranchissement de toutes les contraintes sociales qui pesaient sur elles, mais d’un autre, il était encore socialement et historiquement impossible qu’elles puissent être acceptées dans leur volonté de ne plus être des femmes au foyer.
– La folie a été particulièrement précieuse et opportune à ce moment-là, elle a permis de mettre sous cloche toute une série de tempéraments…
– Le désir, le couple, la famille : trio infernal. C’est plus violent qu’on ne le croit. C’est un sujet qui me touche. Pas celui qui me turlupine le plus dans la vie, mais quand même…
– Je suis frappée par la sauvagerie qui existe dans certaines familles. Feutrée, rusée, mais oppressante sous la couverture de l’amour. Et le sexe y est souvent la mèche qui allume la bombe.
– C’est un sujet grave, Le rire n’est jamais loin du chagrin… Le râle de la jouissance amoureuse est très proche du cri de douleur !
– Je n’ai pas été habituée à fréquenter des lieux où la sexualité est débridée. Entrer dans un sex-shop avec une copine, c’est anodin, avec un homme, c’est déjà plus glauque et dangereux. Je sens que c’est à cause des poids sociaux et religieux que la société nous a mis en tête…
– Doit-on ou ne doit-on pas tirer le diable de la sexualité par la queue ?
– Faut pas se le cacher : au bout d’un certain temps, le désir de l’un pour l’autre s’éteint.
– Et ce ne sont pas trois Ave ou une prière à la synagogue qui vont arranger les bidons. Sûr qu’il faut trouver du concret, du fantasme !
– J’ai vécu avec un homme. On avait un problème. Il faisait des efforts… Oh, que ça fait mal ce genre de situation ! De la maladresse de part et d’autre. La sexualité, c’est si délicat ! Dans nos pays, le sexe s’affiche. Partout. Est-ce un bien ? On aime aussi le mystère, non ? Cela donne du sel.
– Tu as vécu le problème du sexe conjugal en berne ?
– Avant, la vue d’une petite culotte vue à un croisement de jambes mettait les hommes en émoi. Aujourd’hui, les demoiselles font remonter leur slip au-dessus de leur pantalon et les fantasmes font plof !
– Exactement. Et il n’y a pas que ta génération qui a cette réaction.
– Tous les âges subissent ça, je crois. Y compris les ados. Trop de trop, c’est pas excitant !
– Ah, la vue volée d’une petite culotte…, ça remonte au début des âges. Le terrible est qu’au début l’homme et la femme sont les aventuriers de la « brouette roumaine », du « toboggan antillais », du « chuchote-moi là où ça me fait du bien » !
– Au bout de sept ans, fini. Respect total. Du sexe, oui, en silence et en rituel réglé. Et ça tue le couple !
– La sexualité doit rester un jeu…
– Plus facile à dire qu’à faire.
– L’homme est un gamin. Dès que sa femme devient mère, elle a deux enfants : lui et le môme.
– Nous les femmes, nous savons nous servir de ça pour vous tenir en laisse. Il y a même, ô horreur ! des couples qui s’appellent « papa » et « maman »…
– Pas oublier que le sexe est aussi dans nos têtes !
– Cela doit être chouette pendant la fête des sens !
– Oui, l’amante devenue mère est mise sur un piédestal.
– On ne la baise plus, on lui fait l’amour. Elle le sent. Cela la flatte un temps d’être traitée en princesse de la Vertu. Mais elle a des fantasmes aussi, et tout ce respect sur sa peau lui pèse.
– L’affreux, comme l’a dit Depardieu, est qu’on parle plus facilement de baises avec son pote de bistrot qu’avec sa femme qui, pourtant, devrait être la première concernée.
– Le nœud est là. Plus que la femme, l’homme ne devient presque jamais adulte ! Et, souvent, s’il le devient, il s’éteint !
– Mais, ne devenant pas adulte, il fait des conneries !
– Paradoxe…
– C’est comme les fantasmes : faut pas de faut pas !… et de faux pas. Quand on se sent en malaise parmi les gens, reste la détente du rire…
– Oui, mais…, il y a quelque chose d’émouvant et de maladif dans cette volonté de faire rigoler les autres tout le temps comme si on avait besoin de ça pour exister.
– Quel est le rapport ?
Là-dessus, elle se met à chantonner d’une voix de casserole : I’ve got you under my skin…, pour mon plus grand malheur…, puis, se ravisant, me lance :
– L’industrie de la mode est en crise, pas celle du luxe… C’est la passion, le rapport !
– Ah ! Ok ! C’est donc la fin des jours glorieux pour l’industrie du luxe ?
– Le luxe, c’est quoi pour toi ?
– Tout signe extérieur de richesse qui n’est pas strictement nécessaire est du luxe : voiture, bijou, sac, et évidemment vêtements. Dans le domaine du prêt-à-porter, il ne faut pas confondre l’industrie du luxe et celle de la mode, soit des créateurs de haute couture qui habillent 200 princesses multimillionnaires. L’industrie du luxe, ce sont les géants comme Hermès, LVMH et Burberry…
– Des géants qui s’effondrent en Bourse…
– C’est dû à la récente annonce de Burberry qui prévoit pour cette année de moins bons résultats que prévu. Cette annonce tardive a créé une méfiance des investisseurs et un crash de 20 % pour l’action à la Bourse de Londres. Effet boule de neige : le géant du luxe britannique a entraîné dans sa chute d’autres groupes de luxe très célèbres.
– Un crash boursier n’est pas forcément un signe de mauvaise santé. Ce petit coup de mou se justifie par le ralentissement de l’économie des pays émergents. Le secteur du luxe doit donc être prudent, mais un sac Vuitton à 20 euros, ce n’est pas pour demain…
– Un début de crise pour le secteur du luxe ?
– C’est le prêt-à-porter qui semble le plus touché…
– Ce sont des achats éphémères. De prime abord, une belle Rolex en jette quand même bien plus qu’une petite veste Chanel… et une Bugatti Veyron aura plus de succès qu’une Lada…
– Pas vraiment, tout dépend du conducteur ou de la conductrice…, dans mon cas justement…
– Quoi donc ?
– Une mise en valeur, la femme que je suis n’a pas résisté à l’appel des billets de banque…
– Les 1.001 chevaux d’une Veyron Grand Sport ne suffisaient pas mettre à mal ton brushing ?
– C’est vrai qu’elle décoiffe… Une vraie voiturette sans permis, en comparaison, est plus rationnelle !
– Surenchérissement… La puissance du W16 8.0 quadriturbo en finale a été portée à 1.200 chevaux, alors que le couple grimpait de 1.250 à 1.500 Nm. Des chiffres qui dépassent l’entendement !
– Est-elle capable d’atteindre 415 km/h en pointe ?
– La Bugatti Veyron cherche à rester civilisée.
– Comme les versions “de base”, elle conserve une transmission intégrale et une boîte à double embrayage. Quelques modifications ont néanmoins été apportées au châssis, alors que l’habitacle fait une plus large place au carbone.
– Juste ce qu’il faut pour justifier un tarif forcément stratosphérique !
– Combien ?
– Cette Bugatti Veyron dépasse amplement la barre des deux millions d’euros. De quoi se payer une dizaine de Mercedes SLS Roadster …
– Alors que la récession frappe les Etats-Unis, les riches Américains tendent à réduire les dépenses superflues et à faire moins étalage de leur argent. Et certains trouvent même cela très chic… Dans les boutiques de luxe, un nouveau mot d’ordre : cacher les étiquettes.
– Certains clients demandent que leurs achats soient emballés dans du papier blanc banalisé vierge de toute marque. D’autres veulent que leurs vêtements ou bijoux soient envoyés directement chez eux, de crainte d’être vus sortant du magasin avec des sacs.
– De Rodeo Drive, rue commercante de Beverly Hills, à Los Angeles, à la très chic Cinquième Avenue de New York, l’heure n’est plus à la dépense ostentatoire chez les Américains fortunés, crise économique oblige. Un phénomène dans lequel certains voient une honte du luxe.
– Faire de grosses dépenses et rentrer à la maison avec un sac Louis Vuitton ou Chanel peut créer un certain malaise…
– Malgré la crise, les riches Américains gardent un train de vie qui semblerait extravagant pour la grande majorité de leurs concitoyens, dépensant des centaines de dollars dans des restaurants huppés et des milliers de dollars dans des produits de luxe.
– Beaucoup diminuent les dépenses non seulement parce qu’ils et elles y sont obligés, mais aussi parce qu’ils et elles pensent que c’est la chose à faire !
– Dans une boutique branchée de Los Angeles, certaines sont encore prêtes à débourser en une fois 10.000 dollars pour deux sacs à main, une paire de chaussures et une robe de haute couture.
– Mais au lieu de sortir du magasin avec leurs emplettes, elles préfèrent souvent se faire livrer leurs achats à domicile…
– L’industrie de la mode a pris en compte le phénomène. Concrètement, cela signifie que si les riches d’Hollywood fréquentent toujours des restaurants chic de Beverly Hills ou Santa Monica, ils sont moins susceptibles de débourser 300 dollars pour une bouteille de vin !
– Je crois qu’il est devenu un peu honteux d’afficher sa richesse…
– Une affirmation de ce fumeux : “je suis autre”…
– Le soleil tape, nous bavardons au bord de la piscine… Je ne vais pas m’habiller en pingouin au risque de faire monter ma tension ! Je me fiche des conventions et me vêts selon mon humeur et mon bien-être. Il m’arrive d’être pris d’une envie subite d’élégance et d’arriver à un barbecue dans mon plus beau costume du dimanche. Je suisse dans la ligne d’un des maîtres de l’ancienne comédie à l’américaine : W.C Fields. Un comique qui osait jouer les grognons, les misanthropes, les revenus de tout, qui trouvait la société insupportable. W.C Fields, était un génie…., moi, j’ai un cerveau assez faible dont seule une moitié fonctionne : à tel point que je ne me souviens jamais de mon âge… Ma drôlerie naît sur une base mélancolique qui se heurte à des situations humoristiques…
– Justement, parlons-en, ta tenue, par exemple, tranche dans ce palace du Lido : chapeau informe, barbe de clochard, chemise à fleurs, short rouge et jaune !
– La comparaison avec W.C. Fields s’arrête là. Ancien jongleur, cet acteur se servait admirablement de son corps.
– Le défi de faire rire est plus grand que celui de tirer des larmes.
– Quand le lecteur lit un de mes textes déjantés, il a souvent plus de raisons d’être angoissé par notre quotidien que joyeux tel un pinson ! Le sortir de cet état n’est pas une mince affaire ! Les gens tirent presque toujours la gueule quand ils rient jaune ! Mon rôle est alors de retourner leur humeur, de les mettre en état de rire franc. Cette perspective me met en défi et me pousse à secouer ma fainéantise. C’est simple comme bonjour. Ce que l’actualité nous fait vivre, le combat que mène l’humain pour être heureux seulement dix minutes par jour, nous pousseraient à chialer 24 heures sur 24 ! L’homme est constamment proche de ses larmes et éloigné de son rire vital. Hélas !
– Mon père était le type le plus sinistre que j’aie connu. Le faire rigoler était aussi difficile que lever la jupe de la statue de la Liberté. Comme je l’aimais, je faisais des pitreries pour lui arracher un sourire…
– Notre aujourd’hui aussi est sinistre : guerres, attentats, changement de climat…
– Je le crois, oui…Nous ne parvenons plus à communiquer nos émotions quand nous sommes dans notre état normal de gestion de notre vie. Pour que le processus de communication renaisse, il faut se mettre en état de fraîcheur, oser le déraisonnable quand le raisonnable ne fonctionne plus. Abordons le monde comme s’il était neuf et ça ira mieux. Ayons l’audace de nous décrire tels que nous sommes réellement !
– N’exagérons pas. Il y a eu des périodes bien plus difficiles dans l’histoire. Je crois, par exemple, que nos sociétés sont déstabilisées à cause de ce qui se passe au Moyen-Orient. Le drame de ce début de siècle est que, assommés par un incendie d’informations mal expliquées, nous sommes perdus dans la traduction entre nous, les humains. On ne comprend plus ce que l’autre veut ou on le traduit mal…
– Chaque journée, finalement, est la même, dans sa banalité, que la précédente et la suivante !
– Sensation de monotonie douloureuse, qui nous affole, qui bouffe nos capacités humaines…
– Achète-toi une Bugatti Veyron, juste deux millions d’euros à sortir de tes poches..
– C’est vachement “cramped” comme engin…
– Celle qu’on m’a confié, si l’on met de côté la position de conduire au ras du sol et la largeur de près de 2 m, elle se conduit comme une Golf. La boîte DSG garantit une conduite fluide, détendue, tandis que les quatre roues motrices apportent une motricité rassurante vu l’énorme couple disponible de1.250 Nm, soit la force de cinq moteurs d’Audi A3 1.8 Turbo cumulés !
– Dommage que la sonorité du 16-cylindres ne soit pas plus enivrante, le 8-litres Bugatti en position arrière glougloute un peu à la manière d’un bateau et n’emballe pas davantage à l’accélération, même en l’absence du toit…
– Cette Bugatti éclipse tous les bolides d’exception que j’ai pu conduire. Seulement voilà, c’est un jouet pour milliardaires.
– Elle frise les 2 tonnes à vide et ses pneus sont d’une largeur inhabituelle : 26,5 cm devant, 36,5 cm derrière. En outre, la vigilance est de mise à chaque gendarme couché ou autre défaut de la chaussée. Il faut s’habituer à les franchir à l’arrêt, sous peine de froisser les dessous de la belle !
– Une Veyron Super Sport dégage une chaleur incroyable de 1’600 kilowatt-heures.
– Ce serait suffisant pour chauffer 80 maisons individuelles.
– Ahurissant !
– Les milliardaires ne comptent pas comme les millionnaires qui ne comptent pas comme ceux et celles qui doivent se débrouiller avec le Smic…
– Depuis quelque temps, tu développes une thématique de la rupture dans tes textes. Rupture provoquée par la mort d’un amour, par la perte d’un idéal, par la méfiance envers les rouages d’une société trop policée pour être honnête, par un défi aux conventions sociales, par les mensonges de l’Histoire transformant les massacres en légendes… Mais ton immense rupture, celle que tu ressens dans ton corps, ton âme, ta réflexion intime, puis que tu traduis en histoires surréalistes, c’est celle qu’il y a entre le bien et le mal tels que compris par un individu qui a bâti ses règles de dignité…
– Entre le bien et le mal tels que définis par les sociétés, qu’elles soient d’Etat ou de simple pouvoir local, et qui fluctuent selon les puissants qui les tordent à leur profit.
– Que penses-tu des voitures comme la Bugatti Veyron ? Est-ce que ce sont des joujoux inutiles pour personnes trop fortunées ? Ou est-ce que de telles voitures témoignent de la volonté des constructeurs de repousser toujours plus loin les limites du possible ?
– De cette fluctuation, de cette collision entre mon éthique individuelle et les tics légiférés du plus grand nombre, naît effectivement en moi, une terrible confusion entre ces « bien » et ces « mal », dont le coït, obligatoire dans le vécu en groupe, donne des règles de vie ambiguës dont je ne cache pas que je peux personnellement en être atteint. Je ne suis pas un ange. Je ne suis pas le docteur Hippocrate des hypocrites. Je sais que la réalité tourbillonnante de l’être est la somme de ses contraires… Ces chocs ne laissent aucun héros intact !
– La vie n’a qu’une règle : on n’en sort jamais intact. On peut déjà être mort avant d’être mort cliniquement. Tué par le regard des gens éliminant ceux qui gênent. Tué par un credo d’individualisme forcené. Tué par une lâcheté personnelle. Tué pour avoir raison quand il vaut mieux avoir tort. Tué parce qu’on accepte ses faiblesses, qu’on les avoue, les regrette face à des sociétés dont les yeux mentent. Tué car, même si on a choisi, après réflexion, de diriger sa vie vers l’Ouest, la chance, la malchance, une faiblesse, une mauvaise décision la font dériver vers l’Est…
– Tu me croques là un trait cruel !
– Si bien que tu as souvent recours à des personnages de fantômes, véhiculant un passé en quête de vengeance. La nostalgie du passé se déploie alors dans ton œuvre. Sauf que tu ne pioches pas dans ton nunuche grenier à jouets d’hier mais dans l’effrayante cave de ton temps passé où doit être caché un arsenal qui te permet d’expulser une colère profonde contre un monde qui traite hommes et femmes avec brutalité. A la fois Ogre et Petit Poucet, tu manges ta vie et celle de tes contemporains pour les régurgiter en textes explosifs.
– Ces textes explosifs ont toujours du goût, piquent et sucrent l’imaginaire comme des bonbons ! La jeunesse est engluée dans la mollesse du rien ne change… et d’un combat qu’elle n’ose pas commencer, car il faut surtout manger, boire, travailler. Et que, tant pis, vogue le navire du quotidien qui s’éloigne de la dolce vita. J’écris à coups d’éjaculations, de fantasmes, comme si j’étais la fleur à la boutonnière d’un clown qui gicle de l’eau vitale sur ses lecteurs. Je mens la réalité pour y mettre sens, émotion, contestation, moquerie, poésie libertaire et burlesque sexuel qui sont le cul caché du vrai réel, que la société oblige à masquer sous un caleçon que seul l’imaginaire peut ôter pour révéler notre partie noble… Les menteurs sont les gens les plus gentils qui soient, ils veulent rendre les autres heureux, ne pas les décevoir, donner à chacun son pain. Mes histoires inventées dans les décors baroques, hantées par des “Je me souviens”, sont des signes d’affection, d’attention, des bouquets de jonquilles, des petits gâteaux, des piments qui chauffent le sang et permettent d’agir, deviennent des puzzles que, à la fois clown et Mandrake, j’offre à aujourd’hui et à demain…
– Tu redeviens sentimental et nostalgique, transformant ta faiblesse en force.
– L’émotion n’est jamais d’hier. Et les larmes que je tire des lecteurs et surtout lectrices, sont emplies d’un sel qui saupoudre le temps des loups et des moutons à venir. J’aide à supporter la vie, alors que la méduse télévision nous englue culturellement et politiquement dans le populisme et le décervelage…
– Cool… Tu ne changeras pas… A plus !
– Ciao, @pluche…