2013 Mercedes E 63 AMG S 4MATIC
Le taxi le plus rapide du monde !
Par Marcel PIROTTE
N’en déplaise au scénariste français Luc Besson, auteur de la célèbre série deS films “Taxi”, la Peugeot 406 “marseillaise” conduite par ce déjanté de Samy Naceri (bien secondé il est vrai par de nombreux cascadeurs), n’est plus du tout le taxi le plus rapide de la cité phocéenne !
Mercedes vient de faire nettement mieux avec cette fois une berline ainsi qu’un break, tous deux fabriqués par la division sport du constructeur à l’étoile : AMG.
Son nom, E63 AMG S 4MATIC, 585 chevaux, 800 Nm, des chiffres à vous couper le souffle !
En voiture, attachez vos ceintures, les sensations dépassent l’entendement, je peux en témoigner…
Mercedes et les taxis, c’est déjà une très longue histoire d’amour qui a débuté en Allemagne bien avant la seconde guerre mondiale.
Une aventure qui se prolonge toujours aujourd’hui avec la fameuse série E que l’on rencontre un peu partout dans les grandes villes européennes, témoignant de l’incroyable fiabilité de ce modèle, un peu à l’image de la fameuse W123, toujours en action dans les pays du Maghreb, surtout au Maroc alors qu’en 2004, un chauffeur de taxi grec a fait don au musée Mercedes de Stuttgart d’une 200D totalisant 4.600.000 km au compteur, oui, vous avez bien lu !
Il l’avait acheté en Allemagne alors qu’elle avait déjà 500.000 km dans les jantes…
Je doute bien évidemment que la dernière E63 AMG puisse servir de taxi, à moins d’habiter Dubaï, Abu Dhabi ou bien un autre Emirat du Golfe, mais avouez que ce serait une fameuse carte de visite.
Car se déplacer avec une telle voiture, ce n’est pas triste mais alors pas triste du tout…
D’autant que cette berline ou ce break, sorte de Formule1 “familiale” utilisable au quotidien, du 1er janvier au 31 décembre, par tous les temps, dans n’importe quelle région du globe, peut emmener quatre occupants dans un confort pour le moins souverain, mais également leur procurer des sensations dignes de celles rencontrées à bord de montagnes russes !
AMG…, trois lettres seulement mais quelle histoire fantastique !
En 1967, un ingénieur de chez Mercedes, Hans-Werner Aufrecht ainsi que son partenaire financier, Erhard Melcher, décident de booster les modèles à l’étoile.
Ils fondent à Burgstall un petit atelier de tuning, les trois initiales du sigle AMG signifiant Aufrecht Melcher Grossaspach, lieu de naissance d’Aufrecht.
Il faut cependant attendre quatre ans avant que ces deux sorciers allemands se fassent connaître avec la seconde place aux 24 Heures de Francorchamps d’une grosse berline 300 SEL 6,3l.
De quoi engranger quelques commandes émanant d’une riche clientèle internationale. L’aventure est lancée mais il faudra du temps avant que Mercedes ne s‘intéresse aux activités d’AMG, la société ayant déménagé en 1978 dans le charmant village d’Affalterbach devenu aujourd’hui le site de production d’AMG.
Ce n’est pourtant que dix ans plus tard que AMG et Mercedes s’engagent ensemble mais sans réel contrat, en vue de la mise au point de berlines de course dans le cadre du championnat allemand des voitures de tourisme, le fameux DTM.
En 1990, première ébauche d’un contrat commercial, la classe C 36 AMG de 280 chevaux figure au catalogue.
Il va très vite s’étoffer car en 1999, Mercedes fait l’acquisition de 51 % des parts d’AMG pour finalement en devenir le propriétaire en 2005.
Actuellement, AMG assemble un peu plus de 20.000 unités par an mais compte bien vite atteindre 30.000 unités avec une trentaine de modèle au catalogue, toutes des versions exceptionnelles.
En fait, AMG a revisité l’ensemble de la gamme Mercedes afin de créer des modèles hors du commun, la dernière en date, la nouvelle classe A étant aussi tunée AMG avec une certaine A45 de 360 chevaux, mais à moteur quatre cylindres…
Avec AMG, Mercedes annonce clairement la couleur, faire nettement mieux que les Bavarois d’Audi et de BMW qui inondent le marché avec les Quattro RS mais également les différentes séries M.
Le défi est lancé.
Et dans le cas de la nouvelle E63 AMG, ce n’est pas un, mais bien trois modèles différents, livrables en deux versions de carrosserie, berline et break, que l’entreprise d’Affalterbach propose à une clientèle de connaisseurs.
Tous sont animés par le V8 biturbo de 5,5 l .
Normalement, ce modèle devrait logiquement s’appeler E55, mais pour les futurs propriétaires, cela donnerait l’impression de redescendre en gamme, AMG ayant par le passé proposé des modèles à moteur 6,3 l.
Du coup, ce 32 soupapes du type longue course livre 557 chevaux/720 Nm en version roues arrières motrices, la même puissance en quatre roues motrices pour le modèle 4MATIC alors que la version S 4MATIC la plus puissante permet d’aligner 585 chevaux et 800 Nm.
Du coup, la concurrence, Audi RS6 et BMW M5 doit légèrement s’incliner avec là aussi et dans les deux cas, un V8 biturbo de 560 chevaux, les Souabes ayant maintenant un coup d’avance sur les Bavarois !
Vous me direz que sur la route, cette différence ne vaut pas tripette, mais que pour les puristes, 25 chevaux, ça permet de creuser l’écart…
Je me permets d’en douter mais E63 AMG remet les pendules à l’heure…
Barcelone, vous connaissez !
Imaginez dès lors un parking souterrain situé en plein centre de la ville, à deux pas de la célèbre cathédrale Sagrada Familia, aussi bien gardé que Fort Knox, la réserve d’or des Etats-Unis.
Et pour cause, depuis trois semaines, trente-cinq versions E63 AMG y dorment chaque nuit ! Près de 17.000 chevaux au repos, 4.350.000 € au bas mot, imaginez quand ça se réveille !
Chaque matin, à partir de 9h précises, c’est le même cérémonial, les journalistes de la presse spécialisée du monde entier sont invités à prendre les commandes…, de sacrés veinards, ils vont passer une sacrée journée !
Pas dans le genre du film de “la folle journée de Ferries Bueller”, on n’a pas démoli de Ferrari et encore moins de E63 AMG, mais effectué 250 km de pur bonheur sur les routes sinueuses de la Catalogne.
Contact (cela se fait via une simple clef, j’aurais préféré un véritable bouton de mise à feu), un bruit pour le moins assourdissant, surtout lorsque les 35 V8 s’éveillent en même temps !
Bach se voit sublimé via de grandes orgues et les coups d’accélérateur de s’enchainer, on ne se lasse jamais de ce bruit sourd du V8, un peu à l’image d’un marteau qui 6.000 fois par minute martèle une pauvre enclume, un V8 qui n’attend qu’une chose : grimper dans les tours !
Dans le parking couvert, c’est la folie, les chiens de garde ont des protège-oreilles, les agents de sécurité aussi, tout tremble, les néons clignotent, les murs s’effritent, bref, les AMG sont prêtes à passer à l’offensive !
A l’extérieur sur la grande avenue “diagonale”, les passants n’en reviennent pas, le plus blasé des badauds est interloqué, les agents de police en avalent presque leur sifflet, via le souffle des deux turbos, les mini-jupes remontent à la moindre pression sur l’accélérateur, prière également de bien arrimer les chapeaux et autres casquettes, ça décoiffe !
Les chauffeurs de taxi catalans, “les noirs et jaunes” n’en croient pas leurs yeux, eux qui doivent à longueur de journée trimballer des clients à bord de Seat, Skoda et autres Citroën…
C’est trop injuste !
A chaque feu vert, j’ose à peine titiller l’accélérateur de ma version S quatre roues motrices qui bondit tel un véritable fauve à la chasse…
Il faut cependant modérer mon ardeur, les radars mais également la Guardia Civil nous regardent d’un bien mauvais œil.
D’autant que cette AMG E63 S accepte d’être menée à un train de sénateur, elle se conduit comme un diesel, mais à la moindre pression sur la pédale de droite, c’est l’extase, on prend son pied, même à basse vitesse !
Pas question de les provoquer, 50 km/h, c’est 50 km/h, ce n’est pas le moment de se faire choper alors que la journée vient à peine de commencer.
Bien vite, je quitte la ville, quelques accélérations sur l’autoroute permettent déjà de mesurer tout le potentiel, c’est Byzance, ça vaut le meilleur des massages !
Et bien que la berline pèse près de 1.950 kg, rajoutez-en une bonne centaine pour le break, elle accélère chrono en mains de 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes, 3,6 très exactement.
Lors d’une franche accélération, je me suis retrouvé, presque sans m’en rendre compte et en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire à… 200 km/h…
Beaucoup de voitures de sport prestigieuses peuvent aller se rhabiller, la vitesse de pointe étant électroniquement limitée à 250 km/h !
Arrête ton char Marcel !
Le V8 accepte sans sourciller de prendre plus de 6.000 tr/min, les occupants sont littéralement cloués dans leurs merveilleux sièges baquets, du moins à l’avant, car à l’arrière, les passagers ne sont pas aussi bien soutenus, ils vont un peu dans tous les sens, surtout si la route est sinueuse comme c’est le cas du côté de Montserrat.
En plus de la puissance et du couple faramineux disponible dès 1.750 tr/min, la boîte automatique robotisée à double embrayage comportant 7 rapports, 4 modes de fonctionnement, (C pour confort, S pour Sport, S+ pour davantage de sportivité et M pour un passage manuel des rapports via la commande au plancher ou les palettes au volant), constitue une belle pièce d’horlogerie, la grande précision Made in Germany !
Avec en prime un véritable régal d’efficacité, de souplesse et de rapidité des passages des différents rapports, tout cela sans le moindre à coups, quelle réussite !
Et pour ceux qui trouvent que le mode de conduite S+ n’est pas encore assez radical, AMG prévoit une position RS pour Race Start !
Comme un départ de formule un !
A ne pas faire de préférence sur route ouverte mais bien sur circuit !
Avec l’interrupteur sur cette position, c’est comme si la voiture était littéralement catapultée d’un porte-avions, fou, fou, fou !
AMG a logiquement préféré nous faire partager des sensations de route que l’on peut rencontrer chaque jour !
Avec en plus la transmission intégrale permanente avec un rapport de 33 % sur l’avant et 67 % sur l’arrière, facile de comprendre que cette E 63 S conserve un tempérament de propulsion, mais si l’adhérence vient à se dégrader, le 4MATIC fait le reste !
D’autant que cette version se voit dotée de tous les garde-fous électroniques possibles, le but étant que cette AMG reste parfaitement soudée en bitume en toutes circonstances.
Un fameux plus en matière de sécurité active…
Ce qui nous vaut avec les pneus de 255/35 à l’avant et 285/30 à l’arrière, montés sur des jantes de 19 pouces (pour le remplacement, ce n’est pas encore trop cher mais ça devient limite), une tenue de route pour le moins stupéfiante d’efficacité, le petit volant à trois branches permettant au mieux de guider cette “lourde berline” qui se conduit comme une véritable ballerine.
A l’entrée du virage, on rétrograde, la boîte provoque elle-même le double débrayage avec en prime un bruit dont on ne se lasse jamais, inscription dans la courbe, on met plein pot, l’AMG sort comme un véritable boulet de canon.
Rien que pour le fun, on ne se prive pas de recommencer d’autant que les freins surdimensionnés en céramique composite de la version S n’avouent jamais aucune faiblesse, impossible de les mettre à genoux…
Mais 250 km, ça passe vraiment vite, beaucoup trop vite à mon goût, d’autant qu’à cette allure, le réservoir de 66 l se vide lui aussi très vite, comptez alors entre 15 et 20 l/100 km, il n’y a pas de miracles.
En version berline, cette familiale de sport E63 S 4MATIC revient à un peu moins de 127.000 €, comptez 1.500 € de supplément pour le break !
Une fameuse somme, oui, je vous l’accorde !
Tout cela vous me direz pour un taxi signé AMG qui au niveau du design et de l’émotion ne peut sans doute rivaliser avec la dernière Maserati Quattroporte !
Oui, c’est vrai !
N’empêche qu’en termes d’efficacité et de comportement, cette E63 AMG n’est pas chère du tout, du moins si l’on se donne la peine de la comparer à d’autres coupés sport de très haut de gamme, inutilisables au quotidien et qui bien souvent ne peuvent revendiquer une fiabilité aussi légendaire.
On pourrait encore disserter longtemps sur le sujet…
Vous me rétorquerez à juste titre d’ailleurs, que ce n’est pas la même clientèle et que ceux qui “ont beaucoup de sous”, veulent quelque chose de plus exclusif, d’encore plus cher, de plus snob également.
Pour ceux à la recherche d’une berline hors du commun, il ne reste dès lors plus qu’à composer avec les deux autres concurrents bavarois : Audi et BMW…, sans oublier Porsche avec sa Panamera et Jaguar avec XFR, nettement moins chère il est vrai !
Difficile dès lors de fixer son choix mais cette E 63 S AMG se veut tellement homogène qu’il s’avère bien difficile de s’en séparer.
L’essayer, c’est l’adopter, l’acheter aussi mais pour autant qu’on en ait les moyens.
Si je gagne à l’Euromillion, je me verrais bien le proprio d’un tel engin mais avant la livraison, je ferais remplacer les sigles E63 S AMG par …E220 CDI diesel sur le coffre et je m’amuserais à fixer sur le toit, un petit bloc lumineux amovible où il serait inscrit…taxi !
Marcel Pirotte, pour www.GatsbyOnline.com