Être viscéralement anticonformiste (pas uniquement dans la mise, bien entendu)…, être souvent pris entre de nombreuses contradictions dans la quête d’un idéal…, posséder un esprit subversif et être toujours là où on ne m’attend pas…, sont pour moi des qualités essentielles.
C’est dans cet esprit que je suis allé à Pebble Beach à l’occasion du plus fameux concours d’élégance automobile du monde…
C’est là, près de Monterey, en Californie, sur un célèbre parcours de golf bordé par l’Océan Pacifique, qu’a lieu chaque été depuis 1950 le “Pebble Beach Concours d’Elegance“, un défilé d’environ 170 voitures de collection, de concept-cars et autres raretés automobiles.
C’est l’un des plus prestigieux rassemblements de voitures au monde… et, en cette année 2008, il se tenait le dimanche 17 août, .
La Route 1 Sud, me mène jusqu’à Monterey, à 160 km de San Francisco.
La ville fut capitale de la Californie dès 1775 avant d’être remplacée par Sacramento en 1854.
Longtemps Monterey resta l’unique port d’entrée de la côte ouest et un port de pêche très important.
Les immigrants, siciliens pour la plupart, travaillaient dans les conserveries de sardines et le roman de John Steinbeck Cannery Row (Rue de la Sardine) contribua largement à la notoriété de cette activité.
Aujourd’hui, les conserveries et entrepôts de sardines ont été transformés en restaurants et boutiques-souvenirs.
Une statue de Steinbeck domine le Laida Café, bistrot préféré de ce romancier.
Le Fisherman’s Wharf, a aussi été reconverti, comme à San Francisco, en centre de tourisme et l’Aquarium est très réputé.
Les paysages côtiers sont spectaculaires : quelques airs de Bretagne, d’autres d’Irlande…
La baie de Monterey, découverte dès 1602, est une zone protégée où se donnent rendez-vous : loutres de mer, phoques, otaries, éléphants de mer et dauphins…, sans oublier la richesse des colonies d’oiseaux (mouettes, cormorans, pélicans bruns de Californie…), qui fréquentent assidûment ces belles côtes découpées.
Mais il faut prendre un rythme de balade pour apprécier pleinement la beauté du site, constitué avant tout de villas de milliardaires cachées derrière une végétation luxuriante…, de terrains de golf face à l’Océan parmi les plus beaux parcours du monde…, de palaces divers réservés aux tycoons d’affaires… et de panoramas inoubliables…
Cette route en corniche est un passage obligé pour tous les amoureux de belles images…, sans oublier un climat exceptionnellement doux…
De la ville de Monterey elle-même, il n’y a rien de spécial à raconter : belles maisons, des arbres et des fleurs partout….
Suivant l’Ocean View Boulevard, la Route “17 Miles Drive“, privée et payante (20 $), relie Monterey (Pacific Grove) à Carmel, à travers Pebble Beach et la Del Monte Forest (la forêt Del Monte…), elle traverse ce qui est ni plus ni moins un paradis caché et surveillé (fliqué à mort !), pour milliardaires multi-milliardaires… (c’est pour vous souligner que le standard de vie, en cet endroit, dépasse de très loin celui de Monaco).
Au milieu de la forêt et des greens, c’est une concentration de demeures toutes plus hallucinantes de démesure et de luxe les unes que les autres.
J’étais vraiment content, en m’acquittant des 20 US$ de péage obligé, d’avoir ainsi versé ma modeste obole au bénéfice de ces nécessiteux !!!
“Ne pensez même pas à toucher une des voitures, on vous tuerait“…, me prévient un responsable de l’organisation du concours d’élégance automobile de Pebble Beach, où seuls les nababs s’alignent et où les riches ont juste le droit d’admirer.
Alors que les entrées d’air maritime sur la péninsule de Monterey ont étouffé l’été californien et donné au panorama de la baie de Carmel un air de Nouvelle-Angleterre, le parcours du 18e trou du golf de Pebble Beach est envahi, en ce dimanche après-midi, outre par des centaines de journalistes habillés n’importe comment…, par une foule élégante, blazers bleu sur pantalon clair pour les hommes, robes d’été à fleurs et chapeaux pour les femmes.
Chiens de race en laisse, coupe de champagne à la main, cette communauté, composée de milliers de clônes de Gatsby’s…, communauté de milliardaires donc, d’où s’exhalent des effluves de cigares et de parfums coûteux…, butine autour de quelque 170 voitures, pour la plupart des exemplaires uniques, devant souvent se frayer un passage au travers de la foule des hommes et femmes de presse !
“C’est le plus prestigieux concours automobile du monde, point barre“, me souligne Michael Hollander, responsable de la communication de cet événement qui a attiré lors de sa 56e édition des concurrents de 13 pays et de 27 Etats américains, composant un plateau évalué à 200 millions de dollars.
Parmi ces automobiles exceptionnelles, des coupés et cabriolets aux lignes extravagantes des années 1930 et 1940, à l’époque où les têtes couronnées et les stars de Hollywood roulaient français grâce à des marques comme Bugatti, Delahaye ou Delage, mais aussi des automobiles extraordinaires des années 50′, 60′ et 70′, telle cette magnifique Bizzarini rouge.
Mais pour rafler le “Best of show“, le prix le plus prestigieux de Pebble Beach, il faut d’abord passer le redoutable examen des juges… et par “juges” s’entend également des nuées de jeunes et jolies femmes…
“Chaque boulon compte, même les bielles et pistons, c’est à ce point-là“, indique M. Hollander (et ce pourrait, là, être un double sens sexuel) !.
“C’est comme un contrôle technique“, explique pour sa part Phillip Moch, un collectionneur français de voitures Voisin, marque honorée cette année.
Trois juges examinent sous toutes les coutures son coupé C 27 Aérosport de 1934, un modèle à la ligne époustouflante doté d’une planche de bord digne d’un avion.
Il a mis trois ans à reconstruire ce véhicule à partir de pièces éparses et l’a fait transporter en Californie depuis la France, spécialement pour l’événement.
Tandis que les hauts-parleurs susurrent de la musique Grand Siècle et que le public sirote des Martini’s sur le gazon, les juges, très concentrés, évaluent trois critères : état mécanique (les voitures doivent démarrer et rouler), élégance et respect de l’origine.
Dans ce monde où le mieux est rarement l’ennemi du bien, quelques entorses sont pourtant tolérées, comme le cabriolet Voisin bleu (non illustré dans cet article), au même châssis que la voiture de M. Moch et où le propriétaire a installé une sellerie en cuir… d’autruche.
Et tout cela pour la beauté du geste et le prestige de s’aligner à Pebble Beach, où les vainqueurs ne touchent pas d’argent.
Pas même pour le “Best of show” attribué pour cette édition à une Daimler Double-six 50 Corsica Drophead Coupé de 1931, propriété d’un collectionneur du Nevada ouest (photo ci-dessus).
“Ce n’est pas vraiment un problème, les gens ici n’ont pas besoin de plus d’argent, ils sont déjà en haut de la chaîne alimentaire“, commente Steffany Schroeder, la blonde directrice d’une chaîne d’instituts de beauté californiens, qui présente une rarissime Packard Darrin rouge…
Mais la décontraction des “happy few“, qui ont déboursé 150 dollars pour leur billet d’entrée, contraste avec la tension visible chez les propriétaires lorsque l’heure de l’examen arrive.
“Celle-là a seulement un phare qui marche“, remarque un juge en détaillant une sublime Hispano-Suiza, un modèle pour lequel bien des collectionneurs se damneraient…
Elle s’en trouve impitoyablement recalée.
Bon, mais en fait, entre-nous…, sincèrement, tout ça est grotesque… et vient de la manie du toujours plus chez les méga-milliardaires américains, qui, aprés la restauration 100 points de leurs voitures (qu’ils n’utilisent quasi jamais, sauf pour aller jouer au golf…, ou pour aller dans quelques concours d’élégance), veulent, pour faire plus que leurs petits camarades : la patine et le palmarès !
Quelle sera leur prochaine lubie débile?
Peu avant le concours d’élégance de Pebble Beach, se déroulait, le 15 août, chez Bonhams&Butterfields, une fabuleuse vente aux enchères de voitures dites “de collection“…
44 des 77 voitures proposées ont trouvé acheteur ; ces derniers ont versé un total de 21 millions de US$ !
En vedette, un unique prototype Jaguar de 1960, vendu 4,9 millions US$.
La belle Jaguar a été suivie de cinq autres trésors roulants qui ont dépassé la marque du million de dollars.
À la même date, chez RM Auctions, les 147 voitures vendues (sur 172) ont ramené 44 millions de US$, le record du week-end étant attribué à une Ferrari 250 GT SWB Berlinetta 1961, à 4,5 millions US$.
Les 16 et 17 août, au Pebble Beach Equestrian Center, Gooding&Company a placé 112 voitures (sur 140) et récolté la coquette somme de 64,2 millions US$.
En tête de liste, un splendide coupé Bugatti Type 57SC Atalante 1937, qui garnira le garage de celui ou celle qui a pu allonger les 7,9 millions de dollars requis !
Vingt autres voitures ont été vendues plus de 1 million de dollars, dont l’extraordinaire Duesenberg illustrée ci-dessus.
Une chose pareille ne peut arriver qu’aux Etats-Unis, plus précisément à la vente publique de Pebble Beach en Californie et ceci en un moment où il est particulièrement difficile, en Europe, de se défaire d’une grosse cylindrée.
L’année passée la vente publique rapporta non moins que 60 millions de dollars, cette année elle grimpa jusqu’à 64.2 millions !
Vingt voitures changeaient de propriétaires pour plus de US$ 1 million, cinq pour plus de US$ 2 millions et la collection Bugatti de Peter Williamson pour plus de US$ 15.5 millions.
Quelques ventes étonnantes se sont également déroulées :
– 1937 Bugatti Type 37SC Atalante Coupe – US$ 7,920.00 millions, prix record absolu pour une voiture en Amérique du Nord !
– 1959 Ferrari 250 GT LWB “California” Spider – US$ 3,630.000.00 millions !
– 1938 Alfa Romeo 6C 2300B Mille Miglia “Sleeping Beauty” – US$ 2,585.000.00 millions !
– 1950 Ferrari 166 MM Berlinetta Le Mans – US$ 2,200.000.00 millions !
– Les trois voitures de la collection de Oprah Winfrey, dont une 1954 Mercedes-Benz 300 SL Gullwing, vendues pour US$ 716,000.00 !
Y a-t-il des leçons à tirer de cet événement quant à la situation économique ou quant aux richissimes ?
Que les milliardaires deviennent méga-milliardaires…, que les millionaires deviennent milliardaires…, que les non millionaires ont bien du mal à le rester… et que les pauvres cons s’apauvrissent d’avantage tout en bavant, suant et ralant…
Fait est… que les raretés sont toujours bien recherchées par les grosses bourses et que les sociétés de ventes aux enchères font de bonnes affaires avec les super-méga-riches américains… et les méga-riches d’ailleurs (d’outre-mer).
Ahhhhhhhhh, qu’entre milliardaires…, que les plages de Californie sont tentantes !
Hélas, le sable est bien loin des Concours d’Elégance de Pebble Beach, hormis celui des bunkers du golf qui les accueille… les non-nantis restant dans les sables mouvant… et moi dans l’émouvant !
Mais le spectacle proposé est unique au monde.
Une fois de plus, Pebble Beach a dicté sa loi avec succès, couronnant cette année l’Alfa Romeo 8C 2900B de 1938 de Jon Shirley, l’ancien président de Microsoft.
Carrossée par Touring, cette Alfa Romeo 8C 2900B de 1938 faisait logiquement partie des prétendantes à la couronne.
Elle a été préférée au cabriolet Hispano Suiza K6 Brandone 1935 de Sam Mann.
On ne peut parler de surprise car si l’on regarde la liste des précédents vainqueurs du concours, les automobiles de l’élégante période de l’entre-deux-guerres se retrouvent généralement sur la plus haute marche du podium.
2008 n’aura donc pas été une exception.
Comme chaque année, les voitures inscrites ont été réparties entre différents thèmes et classes.
En ce millésime 2008, certaines catégories honoraient particulièrement Lancia, Lamborghini et fêtaient dignement les 50 ans de la Ferrari California Spyder.
Pas moins de six d’entre elles concourraient d’ailleurs cette année tandis que, parmi les Lamborghini, on pouvait remarquer le rarissime roadster Miura carrossé par Bertone, sortant tout juste d’une restauration dans sa spécification d’origine, couleur bleu pâle et intérieur en cuir blanc compris.
Chapeau bas également pour le suisse Arnold Meier dont la Ferrari a couru le samedi à Laguna Seca, ce qui ne l’a pas empêché de se présenter, immaculé, aux mains de son pilote David Franklin au 18e trou du célèbre golf le lendemain à 6 heures.
On pouvait aussi remarquer dans cette catégorie la Ferrari 312 PB 1972 de Steven Read, en provenance de Berkeley.
Malheureusement, pour des raisons évidentes de garde au sol, aucune de ces voitures de course n’a pu faire le Tour d’Elégance Rolex du jeudi.
Cet hommage à l’auto “mobile” consiste en un trajet pittoresque sur la California Highway 1 vers Big Sur avant de revenir vers Pebble Beach.
Parcouru au milieu des légères volutes d’un brouillard saisonnier, cet événement dans l’événement n’est par ailleurs pas qu’une simple ballade, il donne lieu à une note permettant de départager les éventuels ex-aequo du concours du dimanche.
Il rappelle aussi que les voitures présentées à Pebble Beach savent aussi rouler, n’en déplaise à certains.
Rouler lors et dans cet évènement, fut sans aucun doute, mon moment préféré, au volant d’un cabriolet Mercedes-Benz 770K, toujours inscrit dans la classe “sauvegarde des avant-guerre” et encore doté de ses plaques d’immatriculation “Forces Américaines basées en Allemagne“.
Les 100 ans de General Motors se fêtaient autour du fameux bus “Parade of Progress” trônant au milieu de diverses catégories réservées : aux breaks-bois de la marque…, aux voitures dotées de moteurs GM (Bizzarini, Allard, Scarab et bien entendu Corvette), tandis qu’une exposition était réservée aux concepts cars (aucun d’entre eux n’étant éligibles aux concours).
Enfin Cadillac, Rolls-Royce et Mercedes-Benz disposaient de leurs propres classes lors du concours du dimanche.
N’en déplaise aux experts, le prix “Classic Driver” est allé couronner la Lancia D24, bien que l’Alfa Romeo brillait de mille feux, j’aurais bien voté une mention spéciale pour le camion de transport de l’écurie Scarab (puis de Shelby American) appartenant à Donald Orosco, complet avec ses voitures.
Avoir de l’allure n’est finalement qu’une question de style.
En plus du concours d’élégance de Pebble Beach et des diverses ventes aux enchères, d’autres manifestations se sont déroulées lors des jours précédents et suivants :
“The Quail, A Motorsports Gathering“, les “35th Rolex Monterey Historic Automobiles Races” disputées sur le “Mazda Raceway” (appellation officielle du circuit de Laguna Seca)… et le “Concorso Italiano“, organisé cette année pour la première fois sur le Marina Airport, à 16kms au sud de Monterey.
Durant ces journées, ce coin de Californie paraît plus Californien encore que dans l’imaginaire des Européens.
J’ai en effet été stupéfait d’apercevoir, de côtoyer, de suivre ou de croiser, un nombre impressionant d’automobiles prestigieuses, rares, exceptionnelles…, les aires de parking étant même de véritables étalages d’automobiles d’exception.
“The Quail A Motorsports Gathering” est dans ces manifestations, un rassemblement BCBG organisé en marge de la “Carmel Valley Road” sur le site d’un autre golf tout aussi huppé.
Dans une ambiance toute britannique, les exposants sont répartis dans un espace verdoyant… et, à l’heure du déjeuner, cette rencontre de passionnés chics et bons-genre, prend l’allure d’un pique-nique ultra-chic !
Les spécialités locales et les magnifiques légumes et fruits de la vallée du Carmel sont mis en valeur par des chefs talentueux…
Le champagne aussi !
Il n’est donc pas étonnant que les constructeurs européens ou une maison comme “Hermès Intérieur & Design“, qui excellent dans le domaine du luxe, soient présents ou qu’ils organisent des évènements autour de leurs dernières ou futures créations.
Ce sont parfois des réunions mystérieuses, quasi secrètes, comme celle de Ferrari pour la California… ou au contraire, bien visible comme celle de Bentley…, ou carrément spectaculaire comme la présentation publique, devant “The Lodge” (le siège du golf) de la nouvelle Bugatti Veyron 16,4 Grand Sport à toit amovible, suivie le lendemain de la vente aux enchères par Gooding&Company du premier exemplaire de production.
Lorsque le jour tombe sur Pebble Beach, le spectacle qu’offre le gigantesque parking réservé aux tracteurs routiers et à leurs semi-remorques spécialement adaptées au transport des automobiles de collection, impressionne…, moins toutefois que le spectacle permanent des jeunes et jolies femmes souriant aux cotés de divers bardons aux volants de leurs chères voitures…
J’ai alors songé au chiffre d’affaire gigantesque que génère un tel évènement dans une multitude d’entreprises hautement spécialisées…, en ce compris l’aspect sexuel de l’entreprise, aspect tout aussi gigantesque…
La passion n’est pas si égoïste ou déraisonnable que d’aucuns le pensent !
Quoique…
Oui, quoique tomber nez-à-nez avec la nouvelle Rolls Royce Phantom Drophead en jaune vif, intérieur cuir jaune assorti de Bija Pakzad…, c’est un choc duquel on ne se remet pas facilement…
En fait…, je ne m’en suis toujours pas remis…, car il m’a ensuite invité à passer discuter dans sa boutique de Beverly Hills à Los Angelès… !
Depuis que je suis revenu en Europe, ou les voitures sont fades et grises comme bon nombre de conducteurs (et conductrices, je ne suis pas sectaire), je rêve d’avoir exactement la même !
Bijan Pakzad m’a dit qu’il envisageait une série limitée avec quelques “customisations”…
C’est prévu pour 2011…, je vous tiendrait informé !
La prochaine édition du Concours d’Elégance de Pebble Beach se déroulera le dimanche 16 août 2009, les marques vedettes retenues étant Bentley et Bugatti.
Alors, en 2009, plage ou Pebble Beach ?