Wiegert Vector, Lamborghini Countach, Ferrari Testa Rossa…
Ils étaient tous venus, ils étaient tous là pour assister au concert du siècle…
A l’affiche, il ne manquait que “Ferry and the 959″…
C’était pour alimenter le rang des éternels râleurs.
Quant aux autres, la majorité absolue, ils se pourléchaient depuis des lustres…
Devant eux allaient descendre dans l’arène du son, les trois meilleures formations du moment…
Nous sommes en août 1987 et ce que vous lisez allait alors être l’article phare du magazine AutoChromes Collection N°5…, aussi les paris allaient bon train…
Qui de “Enzo and the mécanic song” ou de “Master Lambo singer” allait prendre le meilleur ?
A moins que le “Glen Wiegert Band” ne vienne jouer le trouble-fête en arbitrant magistralement la représentation…
Le spectacle promettait d’être inoubliable…, il le fut, ceux qui le vécurent peuvent en témoigner.
Les trois protagonistes ne se firent aucun cadeau, ils connaissaient trop la musique pour se planter… et puis, il y avait, dressé en filigrane invisible pour le commun des mortels mais en leitmotiv d’enfer pour les héros de la scène, l’enjeu : énorme, monstrueux, satanique…, à la mesure des prétentions et aussi de l’orgueil des participants : occuper le podium de la renommée !
Il y avait pourtant longtemps que cela était chose faite pour chacun d’eux.
Ce qui leur importait ce jour, plus que tout au monde, c’était l’accession à la marche ultime.
Une consécration d’autant plus évidente qu’elle ne pouvait s’obtenir qu’au détriment des deux autres.
Cette pôle-position méritait tous les sacrifices…, tous les risques aussi…, aussi avaient-ils soigneusement préparé chacun leur coup.
Pas question de jouer “Drame dans le tram” pour cause d’ampli défaillant.
C’eût été non seulement rédhibitoire mais plus simplement et directement éliminatoire : les idoles ne peuvent supporter le presque parfait ou s’excuser du “pas de chance”.
Leurs fans encore moins.
Aussi, il fallait les avoir bien accrochées pour arborer une tête confiante et donner libre cours à une verve affichant haut et clair ses prétentions avant le round fatidique.
Une bonne part d’inconscience et de suprême complexe de supériorité également.
Dopé ou pas (nous ne le saurons jamais), aucun des trois ne craqua avant d’entrer en piste.
Crânement et fièrement, ils firent hurler tour à tour leurs supporters.
L’ambiance était au zénith, la moindre étincelle aurait déclenché une explosion en face de laquelle les V2 (pas W2, ne confondons pas) n’étaient que pétards mouillés.
Avant d’en venir à l’Evénement, il nous faut revenir quelque temps en arrière.
Pour mieux vous permettre de comprendre l’animosité déchirant les trois parties définitivement, je me dois de vous expliquer leurs antécédents.
Maestro, please.
A Modène vivait un pape, adoré de tous et craint des autres, ce qu’il faisait était mieux fait que partout ailleurs…
C’était du moins sa version des choses et il la diffusait volontiers à la cantonade.
Comme trop souvent dans la vie, la majorité se rallie à la bonne parole qu’elle achète argent comptant.
Ainsi se créent les mythes, parfois nés d’une fadaise mais voulus comme réalités par l’opinion publique.
Dans une moindre mesure, certains nuls donnent le change en s’entourant d’un mystère aussi épais qu’un fog londonien du meilleur cru…, ou alimentent la rubrique du “potin-crottin” par leurs multiples exploits, conquêtes et découvertes…, ces rois de l’esbroufe sont naturellement de plus en plus nombreux, de plus en plus puissants et de plus en plus écoutés dans un monde sombrant dans l’artificiel.
Quoi qu’il en soit, il n’en allait pas exactement de même à Modène.
Notre pape, héros national et international, réalisait de grandes choses, c’était indéniable.
Malheureusement, il les réalisait parfois au détriment de vies humaines (combien de pilotes ont fait don de leur corps à la marque et cela parfois à cause d’une rivalité sciemment entretenue par le Commendatore) et, de toute façon, en alléguant un mépris superbe à tous ses adversaires.
“It’s good to be the king”, pourquoi l’afficher aussi ostensiblement à tous ces rivaux malchanceux ?
Si certains observateurs trouvaient la dèmarche normale, déifiant davantage encore le “génial artisan”…, tous n’étaient pas forcément du même avis, même s’ils pouvaient admirer sa production, bon sens et passion obligent.
Hélas, il n’est pas bon de mettre en doute la gloire de certains, ainsi que leurs mérites.
Encore moins de vouloir être objectif à leur sujet.
Les stars sont parfaites, tout le monde le sait.
Tout ce qu’elles font est sacré, tout le monde y croit.
Si, par malheur, vous tentez de faire la part des choses, on a tôt fait de vous taxer de jaloux, d’empêcheur de tourner en rond, d’intrigant ou de malade.
Dès lors, critiquer d’une façon ou d’une autre, l’œuvre du Signor Ferrari correspond, dans l’esprit de certains, à vouloir remettre en cause le savoir-faire de Michel-Ange.
Il y a de cela un bon paquet d’années, cet industriel, Ferrucio Lamborghini, se rendit à Modène pour réparer sa Ferrari…, pour un ensemble de raisons (a priori valables, sa ferrai était toujours en panne), il lui fut signifié que le pape ne daignait pas lui accorder une quelconque garantie, jugeant l’individu probablement indigne de conduire les V12 de Maranello, Ferrucio Lamborghini fut excommunié de l’Eglise Ferrari…
Ferrucio étant un sanguin, il vit rouge et se promit ce jour-là de faire trembler le Cheval Cabré.
C’est de cet outrage retentissant qu’est née la guerre à outrance entre Modène et Bologne, où, comble du destin, les ateliers du concurrent sont installés “Via Modena” !
Ferrucio a ensuite délaissé l’automobile pour s’occuper de ses vignes…
Sa marque, quelquefois moribonde, a survécu au déluge et, dans les mains de la famille française Mimram, à regagné une à une les marches de la célébrité qu’elle avait dégringolées, (Lee lacotta de Chrysler a acquis ensuite un gros pourcentage des actions Lamborghini… et en finale d’une existence tortueuse que Ferrucio ne verra plus pour cause de fin de vie…, c’est Volkswagen-Audi qui a racheté Lamborghini, ce qui a relancé encore plus les choses).
Aussi, il suffit que le Cavallino présente une nouvelle arme pour que Sant’Agata rétorque au plus vite, le Taureau ne supportant pas de se faire distancer d’un fifrelin par le noble étendard au petit cheval cabré…
Outre-Atlantique, loin de ces basses querelles intestines sauvages, vivait (il vit toujours !) un Américain de souche allemande nommé Jerry Wiegert…, son rêve d’enfance était d’engendrer un monstre capable de faire taire définitivement cette sempiternelle bataille pour une hégémonie de principe.
De grandir ne changea rien de ce rêve, sinon que ce dernier tourna à l’obsession.
Chacun de nous a caressé un jour le rêve (qui a susurré le mot “utopie”) de devenir constructeur automobile.
Nous n’avions pour toutes connaissances, que nos idées et aussi l’absence de tout cahier de charges. Contre notre initiative se dressait un écueil suffisant pour remiser nos plus beaux projets dans le tiroir de l’oubli, nommé argent.
Eh bien, figurez-vous que cet inconvénient ne se limita pas qu’à nous accabler.
Là-bas à Venice (Los Angeles, Californie), en 1987 il handicapait aussi Jerry Wiegert et le pénalisait dans son défi de vouloir produire en série (petite, mais quand même) la GT américaine qui serait vraisemblablement la plus terrifique (pas Jerryfique, non, mais… ) du monde…, aussi a-t-il dû se tourner vers des investisseurs.
Jusqu’au jour où celle-ci prit corps automobile : la Vector W2 venait de naître et, avec elle, Jerry paraissait toucher au but…, celui de terrasser les enfants d’Enzo et de Ferrucio, vociférant à qui mieux mieux.
Pour apporter un crédit à ses revendications, il nous restait à organiser une confrontation internationale à la mesure des trois participantes.
Malheureusement pour lui, l’Amérique avait déjà connu de douloureux antécédents en ce domaine, comme par exemple Malcolm Bricklin, mais dont le plus connu reste bien entendu John Zachary De Lorean, ex-big boss de General Motors, puis constructeur automobile ayant vu se terminer sa conquête de l’univers du Grand Tourisme dans une sordide chambre d’hôtel où, piégé par le F.B.I., il troqua ses splendides gourmettes et chaînes en or de séducteur pour de moins commodes menottes… , même pas en platine.
L’horreur pour celui qui conclut ainsi son odyssée sous le label, lavé depuis en justice (de toute façon il est décédé depuis) de trafiquant de drogue.
Comme il y a en ce bas monde une “justice humaine”, De Lorean avait été remis rapidement en liberté et était sur le point de relancer la machine, c’est-a-dire espérait trouver quelques nouveaux “investisseurs” pour repartir sur des bases saines dans la jungle de la construction automobile.
Trouvez l’erreur… !
De toute façon, il n’y a plus à s’en méfier…, par contre ses Delorean DMC2 lui ont survécu (pas toutes heureusement), mais suffisamment pour perpétuer l’horreur…
Je me dois de vous apporter quelques précisions au sujet de la Vector W2 (en attendant de devenir W2-A, évolution du modèle ci-contre illustré, faisant appel à de la fibre de carbone pour quelques sections de son châssis, une électronique plus sophistiquée, un moteur plus “gratifiant” encore, ainsi que d’autres raffinements).
Au moment ou le reportage avait été réalisé (août 1987), il n’en existait au monde qu’un seul exemplaire roulant, “presque définitif” : la voiture ayant servi à ce test !
Totalisant plus de 200.000 miles d’essai (!) dans ses roues, elle était dans un premier temps peinte en gris foncé métal (anthracite)…
C’est ainsi qu’elle a servi à quantité de promotions diverses, de photos et de films…, souvent entourée de filles minces et sportives…, des Californiennes types, le genre qui donne le tournis aux hommes… et aux femmes d’ailleurs !
Il s’agissait du laboratoire roulant et de la carte de visite de Jerry Wiegert.
Ensuite, elle fut peinte en gris argent, telle qu’elle a servi pour les essais de ce reportage… et ensuite en rouge vif…
D’autres Vector se cachaient bien à l’ombre des locaux de la firme, mais elles n’étaient pas complètement terminées.
Pourquoi ? Au lieu de se limiter à élaborer un magnifique ouvrage laudatif, Jerry s’est lancé en 1978 dans le grand bain de la construction automobile.
Sa première idée (au début des années soixante) fut de construire une Vector d’onze cents kilos environ à moteur rotatif et qui aurait dû coûter quelque 7.500 $.
Sans le sou, il s’est vu alors momentanément obligé de temporiser, travaillant dans l’intervalle en de nombreux endroits (entre autres un an au centre de design Calty de Toyota).
En 1978 donc, il a formé la “Vector Cars”, une société reprenant les unités de design et de consulting de la “Vehicle Design Force”, première entreprise créée par Jerry.
Il abandonna à la même époque l’idée de sa voiture à 7.500 $, lui préférant une GT au superlatif qu’il proposera contre 150.000 $ (excusez du peu. Une Testa Rossa coûtait alors moins de 90.000 $ alors qu’une Countach plus démonstrative était proposée en échange de 115/120.000 $).
Mais pour l’aider dans cette entreprise, il lui fallait des actionnaires qui, très vraisemblablement, ne se contenteraient pas de lire que la W2 était la meilleure voiture au monde, la plus rapide, la plus “tout ce qu’on veut”, même si c’est Jerry qui le narrait.
Il y investit ses économies, suppléées par des aides diverses.
Il passa donc aux actes et réalisa son projet.
Il était conscient de construire un engin perfectible, mais ce qu’il voulait démontrer dans son prototype, c’était son potentiel énorme.
Quand celui-ci fut terminé, il convia la presse qui, unanimement, lui ouvrit grandes ses colonnes.
Deux ans après sa construction, mon magazine Calandres, suivi quelques mois plus tard par mon ex-confrère américain Car and Driver, lui consacrèrent même nos couvertures.
Plus fort encore, la voiture passa de nombreuses fois sur les écrans de télévision de la principale chaîne nationale US, l’utilisant il est vrai à des fins la servant davantage qu’elle.
Des procès s’ensuivent, mais aussi contre un fabricant de cigarettes illustrant ses emballages et sa publicité du dessin de la Vector, et encore contre Good-Year ayant repris le nom de “Vector” pour une de ses gammes de produits. Les années ont passé et si Jerry était heureux…, ce n’était pas parce qu’il avait vendu quelques Vector…, que nenni…, mais parce qu’il avait gagné beaucoup d’argent grâce à ces procès lui permettant ainsi de survivre et d’espérer…, car les investisseurs ne se sont pas poussés à la porte de Jerry !
Une question saute dès lors immédiatement à l’esprit : Est-ce tout simplement parce que la voiture était fondamentalement mal conçue ou pour une toute autre raison ?
Une ébauche de solution (la suivante se trouve plus loin dans mes lignes) est donnée par Chris Cedergren, un spécialiste renommé des études de marché.
Selon lui, et nous sommes alors, encore, en 1987…, le marché de la voiture de sport était réduit, très réduit ! (Ce que j’ai écrit de nombreuses fois depuis, la première étant lointaine, à l’occasion de l’article sur la KodiaK F1 paru dans l’AutoChromes II de mars/avril 1987).
Ferrari, en 1987, écoulait alors 700 véhicules par an aux States (presque toutes des 328 GTB)…, or, malheur à la Vector…, contre débours de 150.000 $, qu’avait-elle à proposer sinon une technologie et des performances de papier ? Réponse laconique : rien.
Dans ces conditions, le marché potentiel d’une Vector était réduit à peau de chagrin… et espérer en commercialiser plus de cinquante par an dans le monde entier relevait de l’illusion.
Ce qui refroidit les investisseurs potentiels.
Quant aux grands constructeurs américains, ils ne se sont pas non plus poussés au portillon…, du moins officiellement.
Alors, il ne restait à Jerry que sa foi inébranlable et sa conviction d’avoir produit la GT la plus fantastique au monde (quoiqu’est arrivée entre-temps la Porsche 959 ).
Et son espoir d’aboutir…, quoiqu’il n’est arrivé qu’à envahir les pages en papier glacé de quelques magazines spécialisés en automobiles extraordinaires !
Jerry Wiegert a donc opté pour un berlingot d’origine Chevrolet (bouhou le vilain roturier. .. ) revu et corrigé par Donovan.
Pour éviter d’accoucher d’un limaçon asthmatique souffrant d’anorexie, ce dernier l’a gavé de deux turbocompresseurs Garrett AiResearch d’origine militaire.
Au minimum, Jerry pouvait donc tabler sur 600 chevaux, mais en tournant une mollette on obtenait le chiffre satisfaisant tous les fantasmes.
Curieusement, on remarquera que ce bloc est installé transversalement au centre de la Vector et que les turbos crachent directement leur venin sans le refroidir.
Par contre, une oreille bercée de dialogues automobiles se souviendra que les V8 Donovan sont entièrement réalisés en alliage d’aluminium...
La boîte est installée transversalement, dans le prolongement du moteur, il s’agit d’une boîte automatique à trois rapports provenant des petits camions et des motorhomes de la GM et disposant d’une commanda hydraulique.
Le levier de commande est placé à main gauche du conducteur (Wiegert ne supportait pas l’idée d’un tunnel central, l’empêchant de développer une W2 ultérieure à trois places frontales et ruinant nombre de ses efforts lorsqu’il était accompagné d’une amie), il se manœuvre comme un sélecteur de moto, en ligne, ce qui, utilisé manuellement à la volée, n’offre qu’avantages.
En matière de châssis, là encore, la Vector innove singulièrement, se rapprochant plus du monde aéronautique que de l’antre du sorcier affairé assemblant son châssis tubulaire.
Surprenant néanmoins est le pont arrière De Dion.
On a déjà vu mieux !
Le freinage a été emprunte aux barquettes Can-An (disques épais et mâchoires à 4 pinces) et s’est vu ensuite complété par un ABS, une chose apparemment inconnue à Sant’Agatha à l’époque.
Quant à la direction, elle est assistée électroniquement.
Pour l’essentiel, j’arrête : je vous vois défaillir…
Je t’aime, moi non plus…
Ici s arrête le rationnel, l’objectif.
Je libère ma libido.
Première cartouche pour la Ferrari.
Ne mettons pas les petits plats dans les grands et reconnaissons à Pininfarina d’avoir osé une ligne bizarroïde !
Certains abhorrent, moi pas.
Cela risque peut-être de choquer les conventions des bien-pensants ou encore semblera être un revirement, d’habitude je suis peu tendre pour les engins estampillés Ferrari.
Je n’y peux rien moi, je l’aime bien la Testa Rossa, dans toute sa démesure… , discrète.
Si son avant est classique (avec un porte-à-faux visuellement parfois dur à digérer), son profil est envoûtant et son arrière excitant.
Je vais encore me faire taper sur les doigts…, tant pis.
Non pas que cela me plaît, mais parce que je vous raconte que la Testa Rossa me botte.
La rédaction d’AutoChromes présentait un microcosme d’individus aux goûts variés, s’affrontant la plupart du temps sur tout et sur rien mais se respectant.
Ce qui pourrait donc paraître pour illogique ou incohérent (nous n’appartenions pas à un courant d’opinion monolithique) se comprendra mieux ainsi.
A l’opposé de la plupart des magazines où une ligne maîtresse est tracée (“les Renault sont bonnes”, “les véhicules germaniques sont les meilleurs”, etc …, aux pigistes de composer à partir d’un thème commun, le Rédac’Chef se gardant le pouvoir du bic rouge… et moi le pouvoir de publier)…, Auto Chromes s’est toujours distingué par son souci d’objectivité.
Une chose commençant donc par le respect des opinions de chacun des collaborateurs, même si celle-ci allait à l’encontre d’une autre émise précédemment.
C’est la vie…, il est impossible d’expliquer une émotion esthétique, aussi ne le ferai-je pas.
Je ne suis pas sans savoir que nombre de Ferraristes distingués se sont interrogés et continuent aujourd’hui encore sur ce qui a poussé Pininfarina à affubler ce véhicule de ces cinq stries latérales et regrettent toujours amèrement la BB.
Je m’en fiche.
Je n’ai rien à ajouter pour ma défense et ne souhaite pas avoir raison, tout cela ne m’intéresse pas… , à ce niveau des événements.
Nous verrons plus tard ce qu’il convient d’en penser…
Par contre… et j’en entends d’ici hurler…, la Lambo me fatigue.
Je n’ai jamais été un inconditionnel de la marque (pas plus que de Ferrari), même si j’ai apprécié la ligne de certains modèles.
Mais la Countach n’a jamais eu prise sur moi.
Avec ou sans son accoutrement de guerre composé d’une vaste planche à pain arrière.
Je lui reconnais une agressivité hors du commun, susceptible de rendre la vue à un aveugle…, mais n’en déduisez pas que je déteste le manque de discrétion et y vois un défaut grave.
Non.
Mais la Lambo me laisse de bois.
Elle ne me fait pas flipper et n’y arrivera jamais, même comme ici présentée avec un aileron avant.
Trop, c’est trop.
Ce que je lui reproche ?
De multiples choses.
En commençant par ce pavillon plat, tracé à la règle…, se continuant par le ridicule combiné clignoteur/feu de position mal intégré dans son museau…, se prolongeant par ses élargisseurs taillés à la serpe.
Même la prise Naca m’ennuie.
Quant aux versions “ailerons partout”, elles m’apparaissent repoussantes de mauvais gout.
Suis-je méchant ?
Probablement.
A ma décharge, je vous dirai que je me suis montré gentil quant à mes considérations esthétiques à son sujet.
N’en déplaise à Bertone, je n’ai même pas abordé le domaine de l’efficacité aérodynamique, un domaine où la ligne de la Countach promet énormément et ne tient aucune de ses promesses… !
Face aux deux joyaux européens, la Vector est à l’image de son pays : sans commune mesure.
Ce qui, rapport à ses deux rivales ne faisant déjà pas dans la dentelle, est déjà un exploit.
Elle les renvoie toutes deux jouer dans le bac à sable.
Une seule chose est sûre: la Vector sidère les foules, leur apparaissant comme un engin intersidéral.
Cette presque-monocorps subjugue par son coté extravagant, séduit par sa bestialité dégageant une force évidente et achève de convaincre par la pureté de ses formes (hormis l’aileron arrière un zeste trop rajouté). Elle semble s’être échappée d’un livre de Michel Vaillant.
Bouleversante, elle ne laisse personne indifférent.
Même ses roues (Centerline de 9,5 pouces de large à l’avant et de 13 pouces à l’arrière, chaussées de 225/50 à l’avant et de 345/35 à l’arrière) vous humectent les paupières.
A côté d’elles, les OZ à trou-trous de la Lambo et les étoiles de la Ferrari apparaissent soit maigrichonnes soit rétrogrades.
Au choix.
Ses rivales pourraient être la Kodiak ou l’lsdera lmperator.
Et encore.
Bref, du beau travail qui renvoie avec insolence les dessinateurs du Vieux Continent tailler leurs crayons.
Jeter un coup d’œil aux intérieurs respectifs vous confronte à deux tendances distinctes.
Mieux : à deux époques.
La Ferrari – no surprise – est une enfant de Maranello.
Ce qui n’est pas synonyme de perfection à tous les étages.
La position de conduite plaira à certains alors que d’autres l’abhorreront.
Le rétroviseur extérieur, disposé de manière curieuse, entrave incontestablement le champ de vision.
De toute façon, la visibilité panoramique n’étant pas l’apanage de nos trois rivales, ce n’était pas un inconvénient décisif.
Quant à la présentation, force est d’admettre que si elle manque peu d’originalité (mais est-ce une qualité ?), elle convainc par sa sobriété.
Tradition oblige, le levier de vitesses s’érige au centre de la fameuse grille en alu sans laquelle une Ferrari ne serait plus tout à fait une Ferrari. Sans vouloir devenir le mambo de la Lambo ou son ennemi juré, il convient d’être circonstancié lorsqu’on aborde le paragraphe consacré à la vie en Countach.
Tout d’abord, son accès n’est pas des plus aisés.
Si vous souhaitez aller rechercher avec elle grand-père à sa sortie de l’hôpital, oubliez votre bon geste qui sera interprété comme une torture par votre aïeul.
Si vous vous obstinez dans votre idée, prévenez-le de s’habiller dans un survêtement sportif ample lui facilitant tous ses mouvements.
Une fois glissé à bord de celle qui représenta le mieux le hi-tech des années ’70, vous aurez à vous accommoder de l’envahissant tunnel central dont on se demande à quoi il sert, le moteur étant à l’arrière… !
Toute chose ayant un revers, l’avantage de cet inconvénient est de vous offrir un vaste accoudoir central.
Comme sur la Testa Rossa, la visibilité est qualifiable gentiment de quelconque et, honnêtement, de très perfectible, voire de complètement nulle vers l’arrière.
Ici aussi, le levier de vitesses émerge d’une grille, de couleur sombre.
Le claustrophobe déplorera l’exiguïté des vitres latérales jusqu’au moment où vous lui ferez remarquer qu’elles se s’ouvrent que de moitié.
A ce. moment précis, il devrait hurler… , ou mordre dans la planche de bord, faite rigoureusement de lignes droites.
C’était probablement plus simple à dessiner et encore plus à réaliser… , tout en jetant un parfum de modernisme.
Il n’y a pas eu longtemps à hésiter et Lamborghini ne l’a pas fait.
Une nouvelle fois, la Vector fait dans l’exotisme le plus outrancier.
Outre les Recaro multi-réglages et le volant très ergonomique à trois branches, vous êtes plutôt propulsé à bord d’un jet prêt au décollage que d’une vulgaire voiture comme on en rencontre quotidiennement.
Surprise… et de taille, l’espace habitable n’est pas chiche, ce qui vous suggère d’oublier l’accès peu commode.
Le fait que les deux sièges soient accolés permet au conducteur une position presque centrale et, en tout cas, l’autorise à s’asseoir parfaitement dans l’axe du mouvement de la machine (pas évident dans les deux italiennes, pénalisant l’espace-conducteur et aussi passager, par la venue au sein de l’habitacle des encombrants passages de roues avant).
L’instrumentation électronique se trouve hors du champ visuel direct de pilotage, montée de manière oblique à la gauche de la colonne de direction.
Quant à la visibilité, c’est mieux ici encore que sur les deux autres voitures : avec un peu d’imagination, vous vous plairez à vous trouver enfermé dans un chasseur Tomcat… !
Le pied !
Avant même d’avoir pris la route, il vous reste à exacerber vos aptitudes au pilotage sans visibilité.
A la navigation pourrions-nous ajouter, sur un ton impavide.
Faut-il préférer le froid ordonnancement et la rigueur des latines à la frivolité et à l’extravagance de l’américaine ?
Que vous répondre, tous les goûts étant dans la nature et le mérite de chacune des deux écoles étant de vous offrir un cocktail singulier.
Alors, basta de ces considérations propres à alimenter le zinc du Café du Commerce. Par contre, plus intéressant est de noter que le niveau de finition de la Vector est convaincant, même s’il peut toujours souffrir de la critique.
Comme il s’agit d’un prototype (et qui plus est ayant parcouru de multiples miles, même s’il est constamment ausculté et l’objet de soins préventifs de son maître), je serai indulgent, voire encourageant.
Ma bonté n’est pas fruit du hasard.
Elle mérite explications.
Si Jerry a osé mettre entre mes mains son unique prototype, totalisant un kilométrage important, cela est révélateur : non seulement, il voue une confiance absolue dans son produit, mais il n’hésite pas à le confier à un journaliste après de nombreuses heures (de vol serais-je tenté de dire) de sollicitations extrêmes. Autre précision indispensable avant de poursuivre cet essai…, je vous devance, voyant pleuvoir dans ma boîte un lot innombrable de courriers attestant de ma folie.
En effet, comment ais-je osé opposer un véhicule ayant plus de 300 mille kilomètres dans les jantes, à des rivales presque neuves ?
0 grand Pachamachac, explique-nous.
C’est simple.
La W2 essayée a été plus que reconsidérée avant cette entrevue.
Détruite dernièrement lors d’une sortie, elle a entièrement été reconstruite et tous les organes manifestant la moindre faiblesse ont été écartés.
Je vous rassure donc : le véhicule descendu dans l’arène de la mort n’a rien à voir avec un engin au bout du rouleau, vomissant ses derniers écrous par ses tubulures d’échappement.
Il fallait que cela soit écrit.
J’arrête de vous faire languir et retransmets la confrontation…, à ce stade de votre lecture, je peux ajouter qu’aucune ne craqua non plus durant le match infernal.
Dans l’intro, je vous ai précisé qu’aucune des trois rivales ne craqua avant le début des hostilités.
Elles défendirent leurs chances jusqu’au dernier moment, se baissant quelquefois sous le joug de l’adversaire pour se redresser immédiatement après.
Un combat de chefs.
Une partie à trois de titans.
Un spectacle paradisiaque pour les spectateurs Pour belles qu’elles soient, toutes trois ne font pas pour autant preuve d’un caractère pratique évident, ni d’une intelligence particulière quant à l’agencement, ni encore d’une réalisation irréprochable.
Les exemples ne manquent pour servir cette thèse.
Pêle-mêle, citons des porte-à-faux avant perturbant nombre de manœuvres et d’accès aux parkings souterrains, des meubles de bord se reflétant abondamment dans le pare-brise incliné, des seuils de portes larges gênant considérablement l’accès à bord (même si c’est moins pire dans la Ferrari), une absence presque totale et en tout cas dénuée de tout côté rationnel d’espaces de rangement, des carrosseries absolument pas pensées pour être lavées (bonjour les stries de la Testa, authentiques ramasse-crasse), tout cela en omettant de vous citer tous les détails de finition qui agaceraient la majorité d’entre vous…(principalement la finition du coffre avant et du compartiment moteur de la Testa Rossa)…
Je le dis tout net…, on ne s’aperçoit de tout cela que le deuxième jour de conduite !
Car, bien entendu, le premier jour, est réservé à la découverte du jouet.
Comme celui-ci est beau et rare, il fascine.
Néanmoins, il déçoit déjà un peu indirectement, pour une raison qui lui est tout extérieure : le propre du rêve est de faire rêver.
Lorsque celui-ci devient réalité, il en perd une partie de son essence et, de là, de sa saveur.
En clair, penser être le boy-friend de Paméla Anderson est excitant…, tant que vous ne l’êtes pas.
Le jour où vous le devenez (heureux homme ou malheureux esclave), indéniablement une partie du charme se brise.
Ce qui vous apparaissait hier encore comme exceptionnel devient votre quotidien.
Rapidement, vous en oubliez le côté jadis inaccessible.
Petit à petit, il vous semble dû.
Désillusion souvent accompagnée d’une autre : ce qui vous paraissait unique et merveilleux s’avère la plupart du temps bien similaire au reste, sinon pire.
Une appréciation renforcée dans ce dernier sens par le fait que vous en attendez davantage et vous montrez dès lors plus exigeant.
Moralité : l’homme a plus de plaisir à conquérir qu’à posséder !
Il en va strictement de même avec nos trois élues.
Oh, pas le temps d’un essai, il est vrai.
Là, tout apparaît tout beau, tout rose.
En fait, même si la réalité n’est pas exactement telle, vous la considérez ainsi, emporté dans votre univers de fiction.
Les défauts, vous ne les distinguez pas.
Si on vous les relève, ulcéré, vous les masquez ou y voyez des avantages.
Sourd et aveugle êtes-vous.
Mais pas muet.
Vous tarissez d’éloges au sujet de tout et… de rien.
Tel un gosse capricieux, vous vous accrochez à vos chimères.
Pour tout l’or du monde, vous ne voudriez pas avoir tort, avouer une quelconque faiblesse, reconnaître que, finalement, la réalité que vous connaissiez. préalablement était probablement supérieure en de nombreux points de vue (et en tout cas en homogénéité et en bon sens) à ce rêve ayant pris forme et auquel vous vous accrochez comme une sangsue, ayant l’impression d’avoir enfin le bon bout.
Vade retro, Satanas !
Soigne-toi, Ô malade, tant qu’il est encore temps.
Ouvre les yeux et vois les choses telles qu’elles sont et non telles qu’elles te semblent.
Arrête de rêver.
Les trois monstres réunis sur ces pages n’usurpent pas leur nom.
Ce sont bien des monstres… à vivre. Que dis-tu Popu ?
Tu t’en moques ?
Tu veux jouer jusqu’au bout, franchir le seuil de l’irrationnel, pénétrer le monde des excès ?
OK, parfait.
Je m’incline, mais t’avais prévenu.
Tu verras, ici tout est extrême : le bien (car c’est vrai, il y en a et beaucoup) et le mal.
A toi de t’accrocher.
L’école de la tourmente commence.
Si tu parviens à rester lucide, tu es un homme.
Un vrai.
Pas une larve amorphe vivant au crochet du snobisme et de ses vérités.
Avanti, les 32 cylindres chauffent…
Commençons par la plus “banale” des trois : la Testa Rossa.
Monte, je t’explique.
Pour civilisé qu’il soit ou paraisse, le monstre reste monstre, quoiqu’il fut doté d’un formidable tempérament : en conduite Grand Tourisme, il trompe l’adversaire, lui rendant la vie facile.
Oui, la perfidie commence par là.
Car tout est simple au volant de la Testa Rossa aux régimes coulés, au point où l’on sous-estime en permanence sa vitesse.
Ce qui n’est pas le cas des forces de l’ordre, vous assimilant rapidement à un incivique irresponsable… , restant cependant taillable et corvéable à merci.
Comme le serf moyenâgeux.
Merci petit barbecue de camping répondant au doux nom de radar.
En action, la direction (non assistée) de la Countach se révèle plus légère que celle de la BB (non-non, il ne s’agit pas d’un camion… ), alors que la tenue de route et de cap se montrent étonnantes de facilité et d’efficacité.
Le moteur, incontestablement présent par le bruit qu’il dégage, pousse admirablement.
Même s’il n’est pas le plus puissant sur le papier, il n’est assurément pas le plus désagréable à l’usage.
Parfaitement secondé par la boîte dont l’enclenchement mécanique marque votre main, il utilise manifestement tout son potentiel.
Les suspensions font un excellent boulot mais on en vient rapidement à se poser une question, pas si saugrenue qu’elle en a l’air : à plus de 290 krn/h, l’asphalte défile à une cadence tragique lorsqu’on se remémore l’absence cruelle de tout ABS !
Plus près des étoiles, on en vient à prier Dieu pour qu’il ne se passe rien.
Le moindre chat ou chien venant à traverser sous votre capot, et le drame est garanti.
Ce qui revient à dire que rouler à ces vitesses réclame une dose évidente d’inconscience.
C’est ce que j’ai retenu de celle que j’ai pris comme référence, battue par ses deux challengers lors de la séance, insoutenable d’intensité, des mesures chronométrées…, les rauques rugissements du V12 revu par Papy Alfieri sont une exhortation à laquelle nul humain ne peut résister.
Débarrassé de la Ferrari pour la finale susceptible de faire blêmir les diodes des chronos, je t’emmène dans la dauphine du match (non, pas la Renault…), j’ai cité la Lambo !
Surtout de l’extérieur.
Non pas que la Countach soit silencieuse de l’intérieur, mais les sons y sont plus feutrés.
Il n’y a qu’en tirant sur tous les rapports comme un écorché vif que la fureur du V12 se déchaîne totalement…, et alors tant pis pour le sonomètre ! En fait, l’auto est moins homogène que la Testa Rossa (ce qui est normal dans la mesure où son concept a quinze années dans ses guibolles) et réalise des performances finalement assez comparables à sa rivale, quoique sensiblement meilleures.
Un petit peu.
Mais ses sensations sont tout autres.
La Testa c’est de la Soul Music.
La Countach, si ce n’est pas encore du Hard Rock, c’est incontestablement plus rythmé, plus saccadé aussi.
A bas régime, la petite fille de Ferrucio n’affiche rien d’exceptionnel… , du moins dans sa version à carbus.
Au-delà de 3.500 tr/rn jusqu’au régime maxi indiqué, c’est la balle.
La navette spatiale aussi, moins les accidents.
Et encore !
A cet exercice, la Countach s’assimile plus à un dragster démoniaque qu’à une automobile un tantinet civilisée : les pneus arrière semblent arracher le bitume tandis qu’au volant vous appliquez sans cesse de multiples corrections de cap.
Tenter un 1000 m départ arrêté dans toute sa splendeur vous expose à quelques risques.
Timides et sensibles s’abstenir.
Cardiaques aussi.
Une concentration optimale et également une poigne d’acier sont requises pour tenir le pied droit rivé au sol.
Si ce dernier critère vous fait défaut, adieu la perfo.
Si les deux premiers ne sont pas votre fort, oubliez la manœuvre sous peine de courir vous reposer six pieds sous le métro.
Par contre, la récompense à vos efforts physiques est un chrono pulvérisant bien des données et enfonçant la performance signée à bord de la Testa Rossa de 1,4 sec. sur 1000 m.
Y a pas de petits profits…
Par contre, au niveau de la vitesse de pointe, Sant’Agatha ne parvient pas à distancer Modène.
Ou si peu.
Cela s’explique par la forme désuète quant à son efficacité aérodynamique de la Countach.
Malgré ses multiples appuis (on voit mal où on pourrait encore rajouter un aileron si ce n’est sur le toit…), la stabilité à haute vitesse n’est pas le point fort de la bête, nettement battue en ce domaine par la Ferrari plus moderne.
Quant aux suspensions, proches de celles d’une Formule Un, ,elles digèrent plutôt m.al toute inégalité de terrain, vous garantissant à cette occasion quelques sueurs froides peu jouissives.
En revanche, elles confèrent à la Lambo un comportement très typé, quasiment dépourvu d’inertie, mais réclamant néanmoins une bonne dose de machisme pour être mené à ses limites.
Dans ces conditions en effet, la Countach alterne avec une aisance déconcertante entre le sous-virage et le survirage, ne laissant pas le choix de la possibilité à son conducteur mais lui imposant de trouver (et vite) les remèdes adéquats.
Olé !
Drôle assurément, mais épuisant aussi. Tout comme l’est la direction, certes retransmettant un excellent feeling de la route mais à quel prix !
A côté d’elle, celle de la Testa Rossa semble être assistée.
Ce qui revient à tout dire.
Pour achever cette conduite physique vous plaçant dans une situation équivalente à celle d’un guerrier en période d’alerte, il reste à vous parler du freinage, très puissant et progressif mais dépourvu de tout ABS, ce qu’une commune Ford Escort proposait en 1987 en option contre une poignée de bonbons..
Oui, vous l’avez compris, ma préférence a été attribuée à la GT de Jerry !
Non parce que c’était un copain et qu’il faut faire plaisir aux copains, mais pour toute une foule de bonnes raisons.
Que je vais vous donner.
Et qui n’ont pas empêché Jerry de s’endormir sur son ouvrage.
Car la Vector W2 n’était pas parfaite, loin s’en faut.
Ses rivales ne l’étant pas non plus, la logique était respectée.
Toutefois, elle était alors la GT présentant le potentielle plus exceptionnel et le plus utilisable à condition de mener à terme le projet.
Telle qu’elle nous fut confiée, la W2 m’avait emballé et aussi courroucé.
Le meilleur côtoie le pire, mais l’avantage de ce dernier est qu’il reste corrigeable, la voiture n’était encore qu’un prototype !Tout d’abord, je vous dois une constatation, la W2 n’a pas (ré) édité dans mes mains les performances apocalyptiques annoncées par Jerry.
Elle n’a jamais approché la barre de 400 km/h (rassure-toi, maman), se contentant d’un plus modeste 309 km/h, ce qui mettait néanmoins près de 20 km/h dans la vue aux deux altières italiennes.
Si le contrat ne fut pas complètement rempli, il satisfaisait en tout cas le tout-venant et moi-même, puisque la W2 était ainsi la GT la plus rapide au monde… , derrière la Porsche 959 et devant la Ferrari GTO.
Si Jerry voulait décrocher la timbale, il lui suffisait de se pencher sur les turbos et de leur susurrer quelques remarques. Du côté des accélérations, la W2 était plus probante encore, réalisant sans peine un 20’9 aux 1000 m des plus significatifs … !
Tiens, où étaient les rivales ?
Arrêtées ?
Evidemment, me direz-vous, construire un dragster, c’est bien mais cela ne sert à rien.
Une Porsche 959 est bien plus raisonnable.
Qualificatif discutable.
En effet, si la 959 bénéficie d’une technologie d’avant-garde lui octroyant des qualités dynamiques exceptionnelles, témoignage d’un savoir-faire immense, dans la réalité du trafic automobile, est-ce bien raisonnable ?
A priori, non.
Dès lors, s’il s’agit de s’amuser, pourquoi ne pas le faire selon ses goûts ?
Le meilleur amusement se réalisant à l’improviste et d’une manière baroque, la W2 promettait alors d’être la meilleure GT achetable au monde.
Je ne dis pas que la 959 lui était inférieure (il faudrait être sot pour cela).
Je dis que cette dernière était plus sérieuse.
Par opposition, la W2 apportait la touche de fantaisie et d’exotisme seyant parfaitement à l’idée que l’on pouvait avoir d’une GT de rêve en 1987.
Pas d’une GT du bitume. Encore fallait-il qu’elle reste utilisable.
Ce que la Vector était…
A basse vitesse, le cirque débutait par une progression feutrée.
Etouffé par les turbostwin, le 5,7 litres vous jetait toute sa puissance instantanément après les premiers borborygmes du V8.
Trop.
Exagérément.
Dangereuse.
On devinait l’anguille sous roche.
On craignait le déferlement du tonnerre… , mais d’un tonnerre toujours relativement discret, côté décibels.
Nettement plus en tout cas que le magistral coup de pied aux fesses distillé par le bloc Donovan, vous projetant à 100 krn/h en moins de 4,5 sec.
Soit le temps de l’infraction.
Sur les American Highways, dois-je vous rappeler que la vitesse est limitée de manière draconienne ?
Bref, pour rester tip-top avec les cops, vous accélérez 4,5 sec. et restez branché… , sur le premier rapport ! Au-dessus, bing-bing affreux voyou ! Pour le reste, la conduite de la W2 se rapprochait plus de celle d’un chasseur supersonique que d’une classique GT.
Facile métaphore ?
Non.
La Vector réalisait exactement vos pensées, qui lui étaient communiquées par le bout des doigts des mains et des pieds.
La commande de boîte, était à priori curieuse sur une GT.
A l’usage, et à moins d’être un mordu du levier, elle s’avérait idéale et relaxante, libérant une main de cette fonction astreignante en usage musclé pour mieux la consacrer au volant.
La direction, assistée électroniquement, était un régal de précision et de netteté permettant de corriger au millimètre près la moindre erreur de trajectoire, bien aidée en cela par un comportement routier très sain.
Je pourrais continuer à m’extasier sur cette brillante réalisation, mais ne le ferai pas… , car vous finiriez par douter de mon intégrité.
Je n’insisterai pas non plus sur les griefs formulables à la W2, dont la liste fut remise à Jerry.
Paradoxalement, la GT la plus sage de ce test fut la Testa Rossa.
Elle s’est montrée la plus docile, la plus “grande série” et finalement la moins envoûtante même si elle reste celle qui possède l’écusson le plus coté.
La Countach, c’est tout autre chose.
Raisonnable elle ne l’est pas, déraisonnable elle ne l’est pas assez à mon goût.
Reste la Vector, un engin remontant à presque 25 ans…, mais toujours aussi fraiche à tout point de vue et avant-gardiste.
Elle préfigurait la GT d’un demain de 1987 mais son plus grand atout serait d’exister encore aujourd’hui.
Appel à qui veut l’entendre…