1974 Lancia Stratos HF…
Dès les années soixante, lorsqu’en Italie l’automobile ne fut plus “officiellement” considérée comme un moyen de locomotion destinée à la reprise économique d’après-guerre, mais comme une passion, chaque année, les grands carrossiers italiens ont pris l’habitude de présenter une ou plusieurs carrosseries “de rêve” dans des salons d’autos ! Il s’agissait généralement d’explorations esthétiques ou techniques à la limite de “l’inroulable”, de “l’inconduisible” et de “l’inconfort-sportif”, destinées autant à séduire qu’à sonder… Les années soixante vont toutefois également générer des objets mythiques comme la Ferrari 250GTO et autres merveilles esthétiques, quoiqu’absolument épouvantables à conduire et même manoeuvrer, ainsi que d’exceptionnels cauchemars à posséder, entretenir et tenter de conduire !
C’est toutefois au début des années soixante-dix que le summum va être atteint avec des “Bellissima” de rêves-fous, mais mi soixante-dix c’est la Grande-Finale, elles sont comme maquillées comme des voitures volées, fardées comme des putes, d’une ingénierie complexifiée, débilitante et d’une fiabilité douteuse ! La Lamborghini Miura dont le style touchait les étoiles faisait place à la Countach qui donnait, certes, l’illusion de pouvoir aller sur la lune, mais qui devenait d’une vulgarité hors-norme ! C’est Bertone le grand responsable avec la présentation de la Stratos Zéro au Salon de Turin 1970 ! Imaginez (les photos illustrant l’article : 1970 Lancia Stratos Zéro… sont d’ailleurs là pour suppléer toute défaillance de ce côté), une “chose” ultra plate, posée sur quatre larges pneus et haute seulement de 84 centimètres ! Pas de capot, un immense pare-brise servant d’unique portière, deux sièges “transats” capitonnés, un rétro-périscope et une longue poupe carénée. Une abomination inconduisible et inroulable ! En fait la Stratos Zéro de 1970 se situait à mi-chemin entre la voiture et l’engin astronautique et pourtant elle rencontra un incontestable succès d’estime.
Et puis un “complot” naquit chez Bertone et quelques techniciens de chez Lancia : pourquoi ne pas partir de cette “extraordinaire” réalisation pour donner naissance à un véritable engin de sport ? Le moment n’était-il pas venu de créer une véritable machine à gagner les rallyes (une sorte de super-berlinette Alpine), au lieu de s’entêter à modifier des voitures conçues dans un but tout différent ? On raconte dans les coulisses turinoises que le groupe Fiat-Lancia se retrouva ainsi nanti d’un prototype nouveau, sans que la “Direction Générale” en soit vraiment informée. Réalisée par Bertone avec la collaboration d’une équipe technico-sportive, la “vraie” Stratos fut ainsi présentée en 1971 à un aréopage stupéfait : “On” ne savait trop que faire de cet engin étonnant, mais il avait une telle allure qu’il semblait difficile de l’abandonner. Il restait au service compétition de Lancia de faire le reste… Et en 1972 le concept-car “Stratos” fut présenté !
Deux années plus tard, en 1974, une série de six cents Stratos était en cours de fabrication et l’avenir du modèle semblait assuré, dans la mesure où la clientèle suivrait et accepterait de signer un chèque d’environ 100.000 Francs Français de l’époque. Sachez-le de suite, seulement 492 seront fabriquées, la clientèle n’ayant pas suivi en grand nombre… La voiture était toute entière assemblée autour d’une coque centrale tôlée et renforcée par un treillis tubulaire constituant l’habitacle. Un important cadre parallélépipédique formait la face arrière de l’ensemble : il recevait le groupe motopropulseur implanté en travers, ainsi que les suspensions arrière. Les longerons avant étaient plus discrets mais ils supportaient néanmoins l’ensemble du train avant, ainsi que le radiateur et ses deux ventilateurs électriques. A ces structures métalliques s’accolaient des éléments d’habillage en plastique, qu’il s’agisse des deux énormes capots qui découvraient totalement la mécanique ou des portières.
Il est intéressant de noter à ce propos le contraste existant entre la robustesse de la structure et la grande légèreté des revêtements, l’ensemble n’était pourtant pas spécialement léger : il frôlait la tonne et donnait l’impression d’avoir été plus conçu pour courir le cas échéant sur mauvais terrains plutôt que de se battre sur circuit, où la légèreté est un atout primordial. Le moteur était emprunté à la Dino, un six cylindres en V 92.5 x 6, de 2418cc, développant 180ch DIN à 7000 t/min, avec un couple maximal de 22 mkg à 4500 t/min. Né au milieu des années ’60, ce groupe pouvait développer une puissance plus importante, mais ses prestations et son architecture n’en étaient pas moins séduisantes. Ses quatre arbres à cames en tête, ses trois carburateurs double-corps Weber, son radiateur d’huile, sa boîte cinq vitesses et son pont auto-bloquant plaisaient aux amateurs italiens, tout comme les quatre roues indépendantes suspendues par ressorts hélicoïdaux et barres stabilisatrices transversales, les disques ventilés et les larges jantes en alliage de 7 1/2 sur lesquelles étaient montés des 205/70-14. A noter également, les multiples possibilités de réglage de la suspension : garde au sol ( /- 35mm), rigidité des barres, carrossage et pincement.
Grâce à un ami grand spécialiste de voitures exceptionnelles, j’ai pu rouler quelques jours dans une Lancia Stratos ! Entrer dans cet engin ne fut pas une partie de plaisir… et une fois à bord et la portière fermée, j’ai de suite regretté d’être venu… J’ai dû ressortir de suite pour une raison technique (pipi) et la sortie fut pire encore… J’ai tenté ensuite d’y entrer différemment (avec ma vessie soulagée ce devait être plus simple) et, surtout, j’avais plus de temps à consacrer à cette tâche complexe… Mais ce fut pareillement ridicule… Que soit, une fois engoncé dans le siège trop petit, le bas du volant m’écrasant le pénis et les coucougnettes, je me suis rendu compte que pour passer les vitesses, mieux valait être amputé de la jambe droite ! Sur l’autoroute, avec un vent pratiquement nul, j’ai atteint 230 km/h compteur qui était stabilisé à 7500 t/min. Cette vitesse fut obtenue sans que le moteur répugne à monter en régime et les accélérations étaient également convaincantes : les 400m DA furent couverts en “virons” (je me rapporte pour cette étude très complexe au mode de calcul “pifométrique” tel que relaté dans mon article : La Pifométrie et l’automobile ancienne… ), soit 15 secondes et des poussières… et les 1000 m en 28 secondes en “virons”, tandis que les reprises depuis 50 km/h en 5ème (moins de 1500 t/min au compte-tours) donnaient 18 secondes au pouce aux 400m et 33 secondes en “virons” aux 1000 m.
Ces chiffres, qui feraient déjà honneur départ arrêté à bien des berlines ménagères (familiales) actuelles (sic !), vous laissent supposer d’une souplesse d’utilisation qui devait rendre la Stratos agréable à conduire… Grande erreur mes cochons, la réalité fut toute autre, vous lirez plus loin ce qu’il en est ! L’importance de la puissance disponible à tous les régimes, sensée procurer par ailleurs à la voiture une grande efficacité sur les parcours tourmentés, où il n’est pas toujours possible de disposer du rapport de boîte idéal, procurait à contrario à qui osait (et j’ose tout) foncer comme un boulet de canon, une impression d’aide immédiate au suicide… La boîte à cinq vitesses était très bien synchronisée sauf en première (et marche arrière), mais ses verrouillages étaient extrêmement fermes, surtout à froid et en conduite sportivo-touristique (j’ai réalisé un test de conduite sportivo-touristique dans les embouteillages pour tenter une comparaison avec un essai nocturne) !
Au contraire, la technique pointe et talon (privilégiez des chaussures fines italiennes à des godasses de baroudeur) et les manœuvres énergiques à haut régime… furent bien accueillies par la mécanique. L’embrayage était également d’une très grande fermeté et la course de la pédale s’avérait considérable (sic !), ce qui rendait la meilleure position du siège délicate à déterminer… et ce n’est pas pour moi un bon souvenir que de l’écrire, quelques mois plus tard sur mon fauteuil roulant (je vous signale que mon fauteuil de bureau est effectivement doté de roulettes) ! L’agrément était donc nettement plus évident sur une autoroute dégagée qu’en ville où la marche arrière et la première étaient pénibles à enclencher. En poussant le compte-tours à 8000 t/min, la première montait au compteur à 70km/h, la seconde à 110 (J’étais déjà en contravention à l’arrêt), la troisième à 145, la quatrième à 190… Rapide, nerveuse, souple et même plutôt discrète de bruit, sauf à très haut régime, la Stratos s’est montrée également d’une sobriété digne d’un alcoolique anonyme, telle que certains amis ont été jusqu’à lui pardonner sa vélocité.
Entre 130 et 170km/h (en “virons”, vous incitant à relire encore mon article sur la “pifométrie” automobile : La Pifométrie et l’automobile ancienne… ), sur des itinéraires extrêmement variés, j’ai consommé 15 litres et des poussières (appréciez le double sens) aux 100km, ce qui constitue une jolie performance.
En exploitant à 100% les possibilités du moteur, j’ai pu atteindre et même dépasser légèrement 25 litres en “virons”, mais mon post-examen de la courbe de consommation (via les tickets de carburant) m’a démontré qu’il était facile de parvenir jusqu’à ces sommets. Avec un empattement de 2,18 mètres, et une voie arrière de 1,46 mètre, la Stratos affichait un rapport de 1,49 (c’est un gag !), nettement inférieur à la moyenne. Que conclure de ces mensurations originales, sinon que ses auteurs-créateurs avaient voulu favoriser la mobilité, c’est-à-dire la maniabilité, par rapport à l’auto-stabilité (wouafff !). Et, inutile de tergiverser, le but recherché n’a pas été atteint : la Stratos sera éternellement un petit phénomène dont les voltes-face et les esquives dessinent un ballet de vif-argent exceptionnel au pays des routières !
Et si je parle de “petit” phénomène, c’est parce que la Stratos est une petite voiture dont la compacité n’apparaît pas sur les photographies : 3,71m de long et 1,10m de haut, ce n’est pas beaucoup, et la carrosserie apparaît toute bâtie en largeur (1,75m). Avec son absence quasi totale de porte-à-faux avant et arrière… et ses poids rassemblés vers le centre (y compris ses deux réservoirs d’essence totalisant 85 litres), la Stratos a été conçue essentiellement pour virer, même en ligne droite… Le réglage de base de la voiture est manifestement sous-vireur (c’est peu dire !) et cette caractéristique apparaît d’autant plus nettement (en premier lieu sur route glissante) que le pont auto-bloquant, monté en série, exerce également son influence néfaste. Se présenter rapidement en entrée de virage et tourner le volant avant d’appliquer la puissance (je ne parle pas de freiner)…, équivaut pratiquement à continuer tout droit !
Si l’on conduit vite, la Stratos doit être menée avec la dose d’agressivité qui sied au vrai pilote suicidaire.
Plus ou moins balancée, c’est-à-dire lancée, puis propulsée, la Stratos s’inscrit dans toute courbe avec une allégresse perverse. L’accélérateur maintient alors le nez à l’intérieur et la motricité guide le comportement avec une précision aussi aléatoire que les qualités du pilote suicidaire ET masochiste…, sans parler des facultés d’accélération qui envoient littéralement la voiture d’un virage à l’autre, à un rythme devenant vite infernal. J’ai ainsi eu la chance extraordinaire que les virages se trouvaient très exactement là où ils devaient être dans le cours des gauche-droite-gauche-droite que la voiture effectuait en suite de mes tentatives de rattrapage des glissades au bord du néant… A un tel engin, il faut, bien entendu, une direction exceptionnelle : celle de la Stratos est très directe pour la conduite rapide normale (mais qu’est-ce qui peut l’être dans un tel engin ?), avec “l’avantage” d’un rayon de braquage réduit, mais elle ne possède pas l’instantanéité de réaction qui conviendrait à ce fauve, quoiqu’il est possible que des pneus “Racing” possédant un pouvoir directionnel plus important, améliorent les choses (gag !).
Quoi qu’il en soit, l’empattement court l’empêche d’accepter de bonne grâce les sprints en ligne droite à 230 km/h (en “virons”) ou encore les courbes à très grand rayon. On sent bien que son terrain d’élection est ailleurs (oui, mais où est-il ?)… Les freins, enfin… Ils sont très durs à froid, très mous à chaud, quasi inefficaces à chaud comme à froid et de moins en moins au fur et à mesure que la vitesse s’accroit et que la mort vous talonne… Et même les distances d’arrêt à faible vitesse surprennent désagréablement (mais bien sûr, on peut changer de qualité de plaquettes selon qu’on conduit en ville ou sur autoroute…). En un mot, le passager (qui est assis à la place du mort) a vraiment intérêt à être attaché !… Pour moi la Stratos est au-delà (c’est à dire “à côté”) de la beauté. Elle représente “l’engin-diabolique” dans ce qu’il peut avoir de plus agressif et de plus abominable.
Cela étant écrit, en vérité je vous le dit, les voies (arrières) du saigneur sont pénétrables sexuellement (et financièrement), la présentation est austère et ne correspond absolument pas à celle d’une voiture luxueuse et coûteuse, quoique je n’ai souffert ni de courants d’air (il faisait suffocant avec 55° en permanence dans l’habitacle), ni d’infiltrations d’eau (aucune goutte d’eau n’est tombée durant mes quelques jours d’essai, si ce ne sont quelques jets-d’eau arrosant divers massifs floraux en ville). Je serai beaucoup plus sévère pour les sièges-baquets, les dossiers, en particulier, possèdent trop de défauts : ils manquent de largeur, présentent une concavité générale au lieu de la légère convexité souhaitable… et l’absence d’appui-tête efficace est scandaleuse. En bref, au panier !… Lorsqu’on se trouve installé au volant (avec quelque peine car l’accessibilité est ce qu’elle est : médiocre), le capot est totalement invisible. La gêne en ville est moins grande qu’on pourrait le craindre et l’impression est extraordinairement paniquante sur route, surtout en virages d’autant plus que la visibilité latérale est catastrophique…
Et j’en arrive à la vision vers l’arrière, à travers les lames d’une jalousie que les technocrates Français des années ’60 et ’70 ont interdit à l’Alpine A310 lors de sa naissance. Que ces éminents spécialistes (qui ont déjà à leur actif quelques jolies bévues pardonnées puisque beaucoup sont morts), me spermettent de leur faire remarquer (dans l’au-delà), que la visibilité au travers d’une jalousie correctement implantée, comme celle d’une Stratos (et c’est sans doute la seule chose qui l’ait été !), est nettement supérieure à celle que l’on peut constater au travers d’une glace de custode quasi horizontale et souillée presque en permanence par la poussière, la boue ou l’eau (je précise toutefois que la jalousie est un vilain défaut… et que celle qui m’occupe et vous occupe n’est pas une jalousie ordinaire, de plus je n’ai pas pu tester cette jalousie sous les mauvaises intempéries, vu qu’il faisait beau temps)… Il faut avoir réellement conduit une voiture ainsi équipée pour juger en connaissance de cause…, je ne jugerai donc pas l’aspect jalousie maladive… Néanmoins, il est vrai que la visibilité de trois quarts arrière est totalement nulle, ce qui est bien gênant lorsqu’on aborde une route prioritaire à 45° vers la gauche !
Le volume habitable satisfera les conducteurs dont la taille ne dépasse pas 1,70 mètre (en mon cas mon mètre quatre-vingt-dix et des poussières (sic !), n’a pu se caser confortablement dans cet engin ! La largeur utilisable est toutefois considérable au point que les vide-poches des portières peuvent recevoir casque, blouson, etc., en dépit des vitres latérales (celles des portières) qui descendent toutes seules, mais remontent difficilement de travers et en travers sur des glissières mal bricolées. L’instrumentation est lisible, mais réduite au minimum sportif. L’unique essuie-glace balaie l’énorme pare-brise à rayon constant avec une efficacité que je n’ai pu tester qu’en tentant d’ôter les insectes qui s’écrasaient en grand nombre, rendant ma conduite encore plus aléatoire qu’elle l’était déjà… Quant à la soufflerie soi-disant anti-buée si elle est surprenante de puissance, elle est tout aussi inefficace que les courants-d’air… incapables de rafraichir l’habitacle (pas d’air conditionné) ce qui rend le conducteur et sa passagère, semblables à des pigeons farcis d’idées noires qui rôtissent rapidement.
Persuadé (a tort) que conduire ce four à roulette, de nuit, supprimerait la cuisson rapide, j’ai été déçu du résultat, d’autant que les projecteurs escamotables génèrent des turbulences néfastes amplifiées par leurs compléments antibrouillards intégrés au capot. La roue de secours est installée sous le capot avant et les bagages disposent à l’extrême-arrière d’un volume parallélépipédique très insuffisant pour un week-end à deux personnes désirant “se changer pour le soir”… La Lancia Stratos n’est donc pas un engin de consommation sexuelle ! Elle ne présente guère de points communs avec une Porsche, une Jaguar, une Alfa, une Corvette ou même une Ferrari “du petit commerce” et son degré de raffinement technique est celui des engins de compétition habituellement peu accessibles au public (c’est heureux) ! Pour qui aime réellement conduire (et qui possède par surcroît un très important compte en banque), la fréquentation assidue d’une Stratos sera une expérience inoubliable, même en dehors de toute idée de compétition… et bien que les possibilités de la voiture soient telles qu’il devient pratiquement impossible de la conserver sur la route… En vérité je vous le re-écrit, maintenant que vous savez que les voies du saigneur sont pénétrables… si j’étais conservateur d’un musée automobile fortuné dédié aux pires horreurs roulantes, j’installerais sans tarder une Stratos sur un piédestal d’honneur !
La Stratos fût un terrible échec commercial. En 1978, on comptait seulement 250 ventes ! Niveau prix, elle était pourtant relativement bien placée car elle coûtait en gros le prix d’une Porsche 911 S. La Stratos a été disponible à la vente jusque 1982 “environ” (je me rapporte une dernière fois pour cette étude très complexe du temps qui passe et ne revient plus jamais, au mode de calcul “pifométrique” tel que relaté dans mon article : La Pifométrie et l’automobile ancienne… ), mais directement à l’usine de Turin, plus aucun concessionnaire Fiat-Lancia-Ferrari ne voulant supporter la garantie d’un engin problématique perpétuellement en panne et mettant gravement la vie de ses occupant en danger de mort… Les sources d’échec sont que cette voiture n’avait été conçue que et uniquement pour la compétition et qu’elle était très très très très difficile à manier, aussi bien sur route qu’en ville, mais surtout parce qu’elle atteignait ses limites, assez rapidement (dès 50 km/h) ! Elle n’avait pas non plus de coffre ou d’espace de rangement, son confort n’était pas terrible, elle rouillait de partout, son moteur était coûteux à entretenir (Sévices Ferrari) et s’avérait peu fiable… Bref, comme on dit vulgairement, c’était une belle merde… et elle l’est restée grâce à une “mythification” absolument pas justifiée !…
Un ami féru de rallyes et de courses de vitesse m’a dit que la Stratos était extraordinaire en rallyes parce qu’elle se mettait à tourner tout naturellement et que ça évitait de donner “le” coup de volant d’amorce, donc cela permettait de gagner du temps… Au final, seulement 492 modèles ont été construits, en plus des 3 prototypes de mise au point. Ceci ajouté à son design et à son histoire en compétition, sont les seuls points qui rendent la Stratos rare et recherchée… S’il existe encore un certain nombre de Lancia Stratos en Europe et en France, les annonces se font plutôt rares si on retire les, parfois très belles (Hawk, Carson), répliques. Fréquentes dans les rallyes historiques, les Stratos sont désormais recherchées pour courir en VHC ou équivalent. Mais il faut être très patient. Alors, comment faire pour en trouver une ?
La source la plus abondante aujourd’hui, c’est Internet. A condition de parler couramment anglais, il suffit de visiter les sites d’annonces de “classic cars” pour en dénicher. La deuxième source, ce sont les annonces de la presse spécialisée en voitures de collection, consultables chaque mois chez votre libraire.
La dernière source, ce sont les ventes aux enchères haut de gamme. Alors, grande question, combien ça coûte ? Pour une Stratos Stradale en bon état général, la cote semble se situer désormais à un minimum de 200.000 €… et parfois bien plus si l’état ou les frais effectués le justifient. Pour une Groupe 4, on atteint même largement le double… Bien sûr, ce sont des prix moyens observés et les écarts peuvent varier fortement.
Mais avant de faire un achat, il y a un minimum de choses à savoir.
-Une restauration peut coûter très cher mais la cote élevée justifie de plus en plus ces coûteuses remises en état.
-La structure principale est particulièrement robuste, donc il n’y a pas de problème de ce coté-là.
-La carrosserie en polyester est fragile mais facilement réparable. Néanmoins, elle est très mince et au niveau des portières ce n’est pas vraiment sécurisant, au point que certains n’ont pas hésité à les renforcer.
-Comme sur beaucoup d’italiennes anciennes, le faisceau électrique est une calamité. Il est vivement recommandé de le changer.
-Si les pièces détachées spécifiques sont rares et donc chères, certaines pièces proviennent néanmoins de chez Fiat et sont donc faciles à obtenir à condition d’avoir les bonnes références différentes.
-Le moteur enfin, le V6 Dino, a un point faible bien connu des spécialistes : ses arbres à cames qui s’usent très rapidement, même avec un entretien scrupuleux (vidange et entretien très onéreux tous les 5000 km). Et un spécialiste en Stratos justement, on en trouve où ? Nulle part !
Jamais considérée comme une priorité par Lancia qui avait d’autres préoccupations à cause de ses soucis financiers, la Stratos n’a pas connu de réelle carrière commerciale et sa carrière sportive officielle fut brève. Gestation difficile, éviction rapide d’Alitalia malgré des résultats tonitruants, elle n’a eu, finalement, que la vie qu’elle méritait ! “Tout ça pour ça” a-t-on envie de dire comme souvent malheureusement avec les italiennes, pourtant cette Stratos était un vecteur d’image hors du commun. Un mythe ! Mais mité… Bien qu’en pleine phases de tests, la Lancia Stratos fut engagée dans les certaines courses dès 1972 en catégorie prototype. Les premiers tests ne furent pas bons, aussi bien en ce qui concernait la tenue de route qu’au niveau de l’aérodynamisme ou encore du refroidissement du moteur. A chaque problème résolu, un autre venait s’ajouter, les ingénieurs payant leur audace et les innombrables innovations technologiques.
Malgré un abandon pour la première course sur le Tour de Corse avec au volant Sandro Munari, il ne fallut pas longtemps à la voiture et à son pilote pour démontrer de quoi ils étaient capables avec la victoire en Espagne en 1973 suivie de celle en France peu après. L’homologation fut effective en 1974 avec la production de la voiture en série limitée (400 exemplaires grâce au changement du règlement) et à partir de là, son règne sera sans partage : trois titres de championne du monde de 1974 à 1976, elle comptabilisera 82 victoires dont une mythique à Monte-Carlo en 1977. Mais malgré tout ceci, Fiat décida de laisser de côté cette auto hors norme pour privilégier la 131 Abarth aux retombées commerciales jugées plus intéressantes. A partir de 1978, le flocage Alitalia disparut de la Stratos. Malgré tout, elle continua de courir jusqu’en 1982 grâce à la passion de Bernard Darniche, Sandro Munari ayant préféré démissionner que de s’installer derrière le volant de la 131. Triste fin. Une version V8 fut envisagée disposant du moteur de la 308 GTB mais ne vit jamais le jour, faute d’accord trouvé avec Ferrari.