1925/1934 Rolls Royce Jonckheere Coupe aérodynamique I…
Les fantômes sont immortels, ne l’oubliez jamais !
Elle m’a dit : “Ils sont venus pendant que j’étais partie, je ne supportais plus. Ils ont déplacé les bancs et ils ont fait du feu parce qu’ils avaient froid, à rester comme çà toute la nuit ici, pour regarder les voitures… Je ne me souviens de ce qu’il est advenu de mon voisin. Lui, il était resté et voyant cela il était aller protester au près des touristes, il avait dû rebrousser chemin se sentant menacé. Il était resté cloitré dans sa voiture le temps du week-end . Un week-end vavavoum, à méditer sur le monde de la bagnole et la délicatesse de ces aficionados”…
Il y avait plein de photographes… et puis moi avec ma petite caméra Canon Power Shot G6 numérique… et puis je suis allé vers eux…
Je me suis rendu au regroupement, c’est-à-dire le point de rencontre des propriétaires, c’était une idée de reportage.
Je leur ai posé quelques questions sur Peeble-Beach puis sans crier gare : “Pensez vous que Barak O’Bama, va faire quelque chose contre le réchauffement climatique ?”….
Stupeur, colère, blocage de neurones…, c’était en 2012…, maintenant on sait que Donald Trump s’en f…
La bagnole, l’automobile, la poubelle, la caisse, la carriole, la tire, la charrette à piston, la voiture…, c’est sacré.
C’était une suite de bruits, une logorrhée d’échappements, un défilé criard sur des carrosseries de jouets pour adultes, c’était Peeble-Beach 2012…, comme une incongruité sur un parcours de Golf face à l’océan Pacifique, aussi doux et subtil que le passage d’un brodequin sur un mandala, de la beaufitude à son comble qui n’avait d’égal qu’un affront ou un défi à ce qui nous reste de nature et d’intelligence et qui devrait en ces temps provoquer une sérieuse remise en question face au désastre écologique devenu inéluctable.
S’est écoulé un flot presque ininterrompu, où s’entremêlaient des voitures de rêves, celles de monsieur et madame pas-tout-le-monde, des grosses caisses… et d’autres moins énormes, celles de pilotes de course, celles qui faisaient un bon gros bruit bien vulgaire, comme un affront au temps venu, celui de réfléchir à la portée de ses actes.
On le sait et pourtant rien ne semble indisposer l’amateur de la bagnole, comme si rien ne saurait résister à cette fascination envers cet objet.
A l’heure des économies d’énergie, d’une nécessaire remise en question quant à notre aptitude à détruire notre planète et à engloutir de l’énergie fossile quand il ne s’agit pas de se bâfrer aux nécros-carburants, la grotesque ronde des bagnoles hors de prix dans ce bout de monde de milliardaires, vient encore illustrer l’ ignorance crasse pour qui s’enorgueillit de porter au plus haut deux plaies de l’humanité, l’esprit de compétition et la bagnole.
Un arc en ciel prenait son pied au bout du Golf…, c’est que le soleil venait de se lever en même temps qu’une bourrasque venue du nord, une espèce de brouillard financier qui empêchait de savoir ce qui pouvait déranger.
Il faisait un temps de droite, comme une bonne vieille droite dans la gueule d’un pauvre.
Que dire de plus face à ce qui se passe dans le monde, alors que nous sommes tous au courant, alors que nous avons chaque jour un peu plus à subir les conséquences de l’innommable, un gaspillage de démocratie, de pluralisme, d’écologie, de social… et de quoi se perdre incrédule dans cette liste non exhaustive, qui s’étire sous nos yeux comme un générique de fin, avec le consentement général.
La tartuferie, le cynisme, la manipulation et la vulgarité sont poussés à l’extrême et rendent ce qui relève de l’improbable ou de la science fiction, comme Le meilleur des mondes ou 1984 enfin réalisable, ou d’ores et déjà établi.
Et tandis que le mur se profile, d’aucuns préconisent d’accélérer encore, tandis que d’autres pour faire simplement dans une posture d’opposition préconisent de freiner, juste un peu.
Je peux citer bien sûr, les chiens policiers, le doigt dans le cul des journalistes, loi du genre pour le commun des mortels interpellé par ailleurs !
Ici, à Peeble-Beach, plus besoin de camps, de barbelés, du bruit des pas cadencés de la patrouille au soir venu, tout cela était rentré dans les esprits du plus grand nombre et chacun vaquait et œuvrait docile, perdu, anonyme…
C’est bien la crise et c’est commode et comme un empereur Romain, çà fait passer plein d’affreux remèdes, de vilaines potions qui en d’autres temps eurent repassées dans un vomi général…, tandis que dans l’indifférence l’ignoble show continue au proche et moyen Orient, au Congo, au Soudan, en Afrique d’une façon générale et sans jeu de mot déplorable, en Chine où défilent tels des fantômes les migrants de l’intérieur, dans les forêts tropicales qui donnent de l’ombre à ceux qui viennent les abattre, dans les laboratoires qui chaque jour mettent au point l’absurde lutte contre le vivant…, la crise !
Tout cela est su, connu, décrit, comme jamais cela ne l’a été et pourtant telle une malédiction, la loi du plus petit dénominateur commun, que sont la paresse intellectuelle et le conformisme portent aux pouvoirs des démocraties, quand ce n’est pas la simple vulgarité, le pire de ce qu’elles peuvent produire.
Boucanier, prince des chauffeurs routiers, je t’ai reconnu, frère de la route, à ton air chaloupé, évitant les herbes qui se soulèvent et venant, d’un clin d’œil me poser la question qui dessèche : “L’est 9 heures 3, non ? T’es Français ? Tu viens voir les bagnoles à Billionnaires ?”…
Comme me le disait un chauffeur routier venu décharger 6 voitures de rêve de son énorme Péterbilt tout chromé : “On n’a pas le cul sorti des ronces”…
Ces polémiques en devenir m’effraient un peu, mais je connais çà… et je m’y arrête quand même, je ne m’y dérobe pas, un zeste de citron vert et j’essaye de répondre, pour comprendre, du moins essayer… et c’est là pour moi le sens de l’écriture, comprendre ce qui reste à dire de ce que j’ai flashé au fond de ma petite boite noire et qui est passé par ma rétine, ou l’objectif est passé par les prismes et retourné par les paradoxes et craché par le cœur…
La vie c’est ce qui se passe pendant que tu fais autre chose…, disait Jacques Higelin… et là se qui se passe devant mes yeux c’est un mouvement entre trame et chaine, la vie qui se sert de tout et qui tisse sans cesse une autre histoire pendant qu’on se perd et se fourvoie à lire le présent avec les lorgnons du passé et qui rend obsolète les discours lénifiants.
Ce que j’ai voulu dire je l’ai écrit plus haut mais je prends le temps d’une marée humaine et j’y reviens, mon propos n’est pas, assurément dans les guerres de religion, catholiques, protestants, musulmans, juifs, Hindous, bouddhistes, agnostiques, athées, boulistes, scientologues, la globale confusion, où sont amalgamés croix de David et symboles Nazis, El pueblo unido et Hamas sera vincido ou le gout de l’Hémoglobine, non…, je n’aime pas cela, plus que çà, tout comme le spectacle du boucher débitant des quartiers de bœufs, simplement, il se passe quelque chose devant moi… et soit j’ai le nez collé dessus et je l’interprète selon mes conditionnements… soit je recule d’un pas et ce que je vois révèle autre chose…
Pendant que les Présidents s’évertuent à faire rentrer l’histoire dans un musée, celle-ci leur échappe et s’en va en récréant sans cesse de nouveaux rapports entre les gens qui viennent de partout comme depuis toujours !
Ce que j’ai vu c’est la manière dont le peuple à la base recompose, recrée, envisage une nouvelle vie, bien ou mal, je ne sais pas, mais, juger trop rapidement c’est à coup sur ne pas comprendre qu’inconsciemment mais surement le petit peuple invente un nouveau pays, une nouvelle histoire en se servant des bribes du passé, c’est là la seule force des petites gens : vivre et se frotter au monde avec ses frusques, ses oripeaux hérités du passé jusqu’à ce qu’ils soient usés jusqu’à la corde pour les remplacer peu à peu par d’autres au contact des autres.
Pour commencer ce qui m’a frappé, c’est le silence.
La mort, fusse-telle d’un mouton, me posera toujours question jusqu’à ce que vienne mon heure et je sais bien qu’en écrivant ce genre de texte, j’aurai affaire au courroux de ceux qui sont au dessus de la mêlée mais assurément, ce que j’ai vu, au-delà de la fête, ce sont des gens qui brisent malgré eux le cercle des communautés et contre tout attente font vivre…
Puis bientôt à l’inverse, une sorte de tumulte a grandit et envahit peu à peu tout l’espace.
Le bruit de la vie confinée derrière mes muqueuses se faisait entendre.
Un bavardage incessant se répandait dans mon esprit absorbé tantôt par une tâche, ou bien par ma conscience qui elle aussi parlait toute seule dans ma tête.
Et puis cette conscience du bruit intérieur me laissait de temps en temps la place au plaisir d’un luxe prodigieux, celui de contempler une seconde, au hasard quelques automobiles extraordinaires…
J’étais au-dedans de moi-même, derrière les yeux de celui qui paraissait et quand je la vis…, je me dis que ce n’était pas possible.
Il y a peu de voitures qui sont aussi dramatique que la Rolls Royce Coupe Jonckheere.
Sa ligne inédite, son design invraisemblable, son modernisme élégant et mathématique des formes géométriques qui étaient populaires à l’époque, sa longueur imposante, toute en courbes menaçantes et sur-dimensionnées, rendent les autres voitures d’avant-guerre look ennuyeuses et guindées par comparaison.
Cela est particulièrement vrai des portes circulaire de la voiture !
En outre, les critères de taille, la stature, le coût… ne seront probablement jamais atteint à nouveau.
Une telle voiture doit certainement avoir un propriétaire excentrique, né dans le mouvement Art déco des années 1930.
La légende cherche à combler les trous dans un historique particulièrement agité et où subsistent des zones d’ombre…
On a raconté (et l’on raconte encore…) une foule d’histoires fausses et contradictoires à son sujet.
Je vais laisser tomber les histoires à dormir debout concernant cette automobile (vous en lisez suffisamment sur GatsbyOnline) et je vais me contenter de ce dont je suis “sûr” !
Cette voiture (une Phantom 1 de 1925, commandée en 1925 par Mr.Hugh Dillman de Détroit ) a tout d’abord été carrossée en cabriolet par Hooper en 1926.
Dotée d’un moteur six cylindres OHV de 7,66 litres et équipée d’une boîte à quatre vitesse, elle était capable de croiser à 160Km/h, tout en permettant, dans un grand silence, de tenir une conversation et d’observer le ciel à travers ses deux toits ouvrants…
La voiture réapparait en tout cas au milieu des années 30 où elle fait parler d’elle et remporte quelques concours d’élégance…
Elle ne quitta pas le sol anglais, mais, par la suite, le Maharajah de Nampara en fit l’acquisition puis la vendit au duc de Windsor qui la confia à Henri et Joseph Jonckheere (en Belgique) pour être re-carrossée (probablement en 1934, mais nous ne pouvons pas le vérifier car les ets Jonckheere ont été ravagés par un incendie qui a détruit toutes les archives relatives à cette voiture ! )…
En 1937 le magazine LIFE consacre un article assez complet (et fantaisiste !) sur la “Rolls en or aux portes rondes” et, peu après, on n’entendra plus parler de la voiture qui disparaitra totalement de la circulation pendant de longues années…
Retrouvée à l’état d’épave sur un terrain vague appartenant à un ferrailleur, au début des années 50 dans le New-Jersey par Max Obie (qui la confia pour une restauration complète à George A. Brummer), elle fut repeinte en blanc après plus de trois ans de travaux.
Mr. Obie décide ensuite de la faire “dorer” toute entière et en fait une entreprise commerciale en faisant payer aux curieux la somme de 1 dollar pour la voir…
En 1954 elle gagna le grand-prix lors du “World’s Motor Show” au Madison Square Garden.
Pour obtenir l’effet “gold” recherché, on appliquera 17 couches de laque successives enrichies d’une bonne dizaine de kilos de poudre d’or (la légende prétend qu’il y en eut 25 kg ! )…
Aux États unis, Max Obie balade sa voiture “de cirque” en monnayant les photos de l’engin et en essayant de faire parler de lui…
Récupérée par un excentrique qui la restaurera partiellement (celui là a du faire une “bonne affaire”) elle disparait à nouveau (change-t-elle de propriétaire, nous n’en savons rien…), mais elle est rachetée par un collectionneur Japonais en 1981, dans une vente aux enchères pour 1.5 million de $ !
Arrivée en morceaux, le propriétaire du musée envoie l’épave à la société Iron Works en Californie pour rassembler toute la voiture.
La suite de l’histoire est encore assez fumeuse, la voiture fait son retour en Amérique, en Californie, au Musée Petersen.
Toujours est-il que la légendaire Phantom est aujourd’hui totalement restaurée…, après bien des aventures, débarrassée de sa peinture de foire et sauvée de la ferraille…
Les fantômes sont immortels, ne l’oubliez jamais !
Elle m’a englouti tout entier la goulue.
A force de la guetter, de vouloir la surprendre, c’est elle qui m’a pris la traitresse.
Et c’est ainsi que je suis devenu une seconde dans le temps comme une goutte d’eau dans la mer.
Je m’étire comme elle lorsqu’elle s’en échappe, arrondie, rebondie, opalescente.
Elle contient en elle tout l’espace, toutes les traces de l’histoire.
Elle me relie aux autres d’aussi loin que je puis m’en trouver.
Alors je me dis que c’est une illusion et qu’à cet instant c’est le moment d’en sortir.
“Me chercherais-tu encore si tu ne m’avais pas trouvé”….
Pour une fois que j’étais du côté du manche !
En rêve, j’ai pris une masse, une cognée, j’ai déboulé, hirsute, avec l’engin dans mes pognes.
Arrivant à l’endroit où se trouvait la bagnole, la caisse, la tire, la charrette, ce gouffre qui puait et qui polluait parce que c’était comme un vieux blindé, une vraie voiture pourave…, je l’ai attaquée par la face nord, lui défonçant les pare brises, le capot, le toit… tout y est passé…, avec rage… et les phares et les jantes… et avec ardeur… surtout les fameuses portes rondes… et même que je me suis fait mal dans l’emportement, même que j’avais mal pour cette Rolls Royce Phantom…, parce que si ce n’était rien qu’une chose, c’était quand même une chose qui n’était pas grand chose… et puis c’est elle qui allait, dans son nouvel état, me permettre de m’extraire la tête de ce trou du cul du monde… et que même à coup de démonte pneu on pourrait pas me la sortir de ma pôv tête à moi, ma trogne d’allocataire, là bas, au fin fond de la vallée, face à l’océan Pacifique…
Je fulminais, me révoltais, tempêtais, explosais, fracassais.
Il n’y avait rien…, rien que les gueux milliardaires qui poussaient des cris de joie ou de désapprobation, je ne sais plus… qui s’enterraient là depuis des siècles et des secondes longues comme des jours, des gens comme dans’l’temps que c’était mieux avant, des indigents méga-milliardaires de maintenant…
C’était moche, des débris partout, un gâchis, d’une vieille bagnole, il ne restait plus qu’un tas de tôle défoncées, un césar d’honneur.
J’étais rouge, trempé, mais j’avais chaud, de la vapeur d’eau se condensait au bout de mon souffle.
Petite crise existentielle ou simple coup de mou, je ne sais pas car à la relecture de ceci, ce matin, je me suis dit : “à quoi bon, à quoi bon, puisque tout fut dit, décrit… et de quelle manière, de façon sublime à donner la niaque, la verve, la révolte salutaire… et que puis-je donc apporter de plus…, sinon le dérisoire ?”…