1998 Smart City Coupé Brabus, un “collector” !
La circulation en ville s’est compliquée dès les années ’60 et malgré une rationalisation et une organisation régulière, celle-ci est devenue toujours plus difficile…
La solution pour s’en tirer moins mal que les autres usagers de la route, étant une voiture de taille réduite, Nicolas Georges Hayek (19 février 1928 – 28 juin 2010), un entrepreneur suisse d’origine libanaise, né à Beyrouth, président du groupe horloger Swatch Group, à eu l’idée d’un véhicule mesurant 2.50m de longueur, spécialement adapté à un usage citadin : la Smart.
Il lui fut rapidement nécessaire de se rapprocher d’un grand constructeur… et c’est avec Mercedes que l’affaire fut faite : la société Micro Compact Car était née.
Cependant, la réalisation effective de cette mini-voiture non-conformiste, plutôt chère et branchée restant assez éloignée du concept initial de M. Hayek qui la voulait plus populaire et écologique, le célèbre constructeur de montres se retira du projet… et c’est donc le constructeur automobile allemand qui présenta la première Smart et en lança la production à un niveau industriel.
Ce ne fut ni un pari perdu, ni un égarement passager de lendemain de beuverie, j’ai volontairement, sciemment, quasiment en connaissance de cause, acheté une Smart City Coupé (ForTwo) en novembre 1998.
Mieux (ou pire selon les points de vue), je circule toujours quasi-quotidiennement avec cette voiture de12 ans et quelques mois, qui totalise en ce 22 février 2011…, 84.218 kilomètres plus quelques mètres parcourus…
Erreur regrettable ?
Expérience initiatique ?
Quelques précisions utiles tout d’abord…, ex-publicitaire et éditeur, j’ai toutefois étudié l’architecture, et mon hobby a toujours été l’automobile ancienne, pourtant la monture de mes lunettes n’a jamais été mauve ou bleu piscine, d’autant que je n’en porte plus depuis 5 ans !
Que de ni…
Je plaide non-coupable et déclare solennellement apprécier la chose automobile étant capable d’en évaluer une autrement qu’en donnant un coup de pied dans le pneu avant gauche !
Alors pourquoi ai-je décidé d’acquérir une Smart City Coupé kitée Brabus…, neuve…, en novembre 1998 ?
Plusieurs raisons : la nouveauté et son côté ludique…, la perspective de frais fixes et variables extrêmement faibles…, le concept en lui-même ainsi que la vente en “tours” vitrées !
Quitte à rouler dans une boîte de conserve, autant qu’elle ait l’élégance de coûter peu et de trouver facilement un parking grâce à son format hyper-compact (2.50m de longueur) permettant de parquer en longueur sur la même place de garage deux motos de grosse cylindrée et la Smart.
Allez chercher l’explication dans un ras-le-bol des contingences, des taxes, des amendes, des contraintes et des difficultés de circuler en ville en Aston-Martin Lagonda, qui était alors ma voiture quotidienne…
J’ajoute, pour faire bonne mesure, un certain snobisme à passer d’un jour à l’autre d’un 3 cylindres de 599cm3…, à un 8 cylindres de 5 litres et quelques babioles…
Malgré son esthétique pimpante, la Smart City Coupé allait vite me montrer son manque de polyvalence en dehors de son univers de prédilection : la ville.
Par la faute d’un étagement de boîte avec une cinquième longue et une sixième digne d’un V8 américain, les trajets autoroutiers péri-urbains devinrent rapidement pénibles.
A la descente, au plat, pas de problème, mais dangereusement sous motorisé à la montée, au point de tomber dans le syndrome du périphérique français : je coupe pas sinon je suis foutu.
Avec un trou d’étagement entre cinquième et sixième digne du gouffre de la Sécu, chaque côte devient un dilemme : subir les hurlements du petit moteur tri-cylindres en cinquième, ou observer le déclin inexorable de l’aiguille du tachymètre.
A noter que ma version Brabus amène une différence cruciale entre le viable et l’insuffisant.
Le comportement routier est comique (j’allais écrire “rigolo”, mais ce terme m’est maintenant reproché)…
Probablement échaudé par les affres des épreuves d’évitement de caribous suédois appliquées aux autos ovoïdes au centre de gravité élevé (les débuts mouvementés de la Mercedes Classe A), les chefs de produit ont mis au cahier des charges un comportement qui interdisait tout risque de tonneau, même si la voiture devait finir dans le tambour d’une machine à laver.
Recette imparable : du sous-virage, beaucoup de sous-virage.
Alors les ingénieurs-châssis se sont appliqués et le résultat fut une réussite totale : solidement campée sur des Continental Eco Contact durs comme du vieux chêne, la Smart sous-vire résolument dès que la moindre accélération latérale (la force centripète pour être pédant) apparaît.
La sensibilité au vent latéral est significative et la stabilité à l’approche de la vitesse de pointe (140km/h, auto-limitée) demande une certaine concentration.
La conduite hivernale est à l’unisson.
Une propulsion à empattement court, une courbe de couple joufflue grâce au turbo et un ESP facilement dépassé par les événements, ça donne une alsacienne éduquée à l’école finlandaise, une véritable toupille qui, sur neige, fait devenir tout amateur… “LE” spécialiste du contre-braquage.
La motricité en côte est plutôt limitée à moins d’avoir les jambes assez longues pour pouvoir reculer les sièges à leur maximum et charger le train arrière de son séant.
Pour parfaire le tableau, le confort est largement perfectible : l’empattement court rend le filtrage des inégalités comme une mission impossible… et le chauffage est insuffisant l’hiver.
Quoi d’autre ?
Les haut-parleurs en monte d’origine sont d’une qualité sonore pitoyable.
Le coffre est toutefois spacieux pour le format général et pratique d’accès.
Autre déception, la Smart s’est avérée gloutonne en hydro-carburants : la moyenne mesurée de 6.22 L/100km reflète certes des trajets autoroutiers dont une portion se fait pied au plancher pour combattre la gravité…, mais ça reste vorace pour un petit 599cm3 turbo-compressé, surtout que même en faisant attention, je ne suis jamais descendu sous les 5.5L/100km.
Le petit réservoir de 22 litres autorise une autonomie raisonnable.
Les pneus ne s’usent pas…, les Conti Eco Contact ont des gommes dures pour diminuer la résistance au roulement, le grip y perd mais la contrepartie est qu’il est possible de faire 250.000km avec un train (j’exagère à peine).
Même chose pour les freins (disques avant, tambours arrière), efficaces par ailleurs, dont les plaquettes salissent copieusement les jantes alu sans s’user de manière perceptible pour autant.
Et la boîte séquentielle ?
Ah, la boîte séquentielle.
En plus d’un étagement catastrophique, elle est d’une lenteur touchante.
Aucun coup de gaz au rétrogradage, le seul moyen de lisser les descentes de rapport est de freiner du pied gauche et de lisser du pied droit.
A l’instar du comportement hivernal, conduire vite et coulé avec l’engin requiert le développement de certaines facultés qui sont aux antipodes de la vocation de l’auto.
L’embrayage utilise un système dont le mécanisme ne mérite probablement pas qu’on s’y attarde, mais chaque démarrage en forte déclivité est pénible : le régime moteur reste invariablement le même, pas moyen de faire cirer en appuyant plus.
Détail irritant, il est impossible de rentrer une vitesse du point mort dès que la voiture roule : arrêt complet obligatoire.
Passer au neutre dans un bouchon est donc une opération périlleuse : si la file démarre, il faut observer un arrêt complet pour pouvoir rentrer la première…, concert de klaxons garanti.
Un problème fréquent et peu plaisant : les corps de turbo ont tendance à se fendre, se traduisant par des à-coups à pleine charge.
Le mien eut l’élégance de lâcher à 1 mois du terme de la garantie et fut pris en charge par Smart.
Le second a lâché après 10 ans, bien heureusement en même temps que le boîtier-ordinateur qui régule les freins…, ce qui a ainsi permis de tout réparer simultanément…, l’ensemble me coûtant l’équivalent d’une descente du Nil en navire de luxe “all-in”…
Autre désagrément : les nids de poule très fréquents en Belgique, j’ai ainsi vécu plusieurs flancs intérieurs des jantes (avant et arrière) endommagés, d’où crevaisons lentes, un déchappage sur autoroute et un temps considérable perdu à faire réparer…
Le bilan ne semble pas brillant, pourtant je suis très attaché à ma Smart car elle se parque sans soucis en ville ce qui m’enlève bien du stress… et me permet de ne pas partir une heure à l’avance à divers rendez-vous…
Qui plus est, si le confort général est assez chaotique voire tressautant…, j’y suis très bien assis/installé… et la voiture est amusante à conduire…, j’évite toutefois de l’utiliser pour me rendre en province, quoiqu’elle s’en sort fort bien là-aussi..
La seule justification valable d’acquisition d’une Smart City Coupe est donc sa faible longueur/largeur et son côté fun.
Sinon, le prix d’achat élevé, une consommation peu flatteuse, des prestations routières peu convaincantes sont autant d’arguments pour lorgner vers une Toyota iQ : les frais fixes seront moins favorables, mais les frais variables devraient facilement compenser… et les prestations routières sont d’un autre niveau.
Il n’empêche que la Smart est à mon sens plus attachante, plus sympa, plus fun… et finalement moins fragile de carrosserie !
Cette Smart City Coupé première génération, d’un design assurément beaucoup plus réussi que la version actuelle retouchée par les ingénieurs Mercedes en quête d’une lourdeur toute germanique qui détruit le concept de Nicolas Hayek, créateur Suisse de la Smart…, est très bien équipée.
Les jantes alu Brabus sont splendides (mais fragiles) et l’engin dispose de la climatisation, d’un toit vitré panoramique, d’un lecteur CD et d’un lecteur de cassettes (actuellement c’est un “collector”).
Le coffre est suffisant pour des “courses” en grandes surfaces (casier de bière et d’eau de source inclus), ainsi que pour un week-end à deux.
Je rappelle que le Neiman de la Smart se trouve à la base du levier de vitesses, qui est donc bloqué au point mort lorsque la clef est absente.
En cas d’accident, cela permet d’éviter de se blesser à la jambe.
Il y a en revanche une habitude à prendre.
Ce système a le mérite de dégager les jambes et de gagner un peu de place au tableau de bord.
Avec quelques astuces dans ce genre, il y a finalement pas mal de place au volant… et au bout de quelques minutes on oublie que l’on est dans une si petite voiture.
La hauteur sous plafond (surtout avec le toit vitré), la position surélevée du conducteur et le pare-brise éloigné, comme dans tout monospace, participent à cet agréable sentiment.
C’est en ville que la Smart City Coupé se laisse apprécier.
Le moteur se trouve entre les roues arrière, caché juste derrière le bouclier.
Il s’agit d’un minuscule 3 cylindres en ligne de 599 cm3, à seulement 6 soupapes mais dopé par un généreux turbocompresseur agrémenté d’un intercooler…, il développe 62 chevaux et 9 mkg.
Sa première caractéristique est sa sonorité métallique et rageuse, on se croirait dans une voiture de sport !
La seconde est commune à un certain nombre de moteurs turbo : à bas régime, le moteur est vide, mais dès que le turbo souffle, l’accélération vient d’un seul coup, impression mise en lumière par la boite…
Pour gagner de la place et du poids, la boite de la Smart est à 3 vitesses seulement, mais qui jongle avec 2 rapports de pont, ce qui permet d’obtenir dans la pratique 6 rapports.
La commande est séquentielle… et l’électronique se charge de jongler avec tout ceci en coulisse.
En contrepartie de quoi les changements de rapports sont très lents.
Pour faire court, c’est le principal défaut de la voiture.
En ville, en conduisant doucement, le changement de rapport se fait doucement et en souplesse et le conducteur n’est pas gêné.
Mais dès que l’on hausse le ton, le turbo pousse, un long moment en roue libre marque le changement de rapport, puis le turbo pousse fort, puis on attend le rapport suivant et ainsi de suite.
Énervant !
Un bouton permet de laisser la boite changer les rapports à la façon d’une boite automatique, c’est beaucoup plus reposant, ce qui n’était pas de série sur toutes les versions.
Sur autoroute, tout change !
Sur les quatre premiers rapports, très courts, la Smart City Coupé (ForTwo) est décidément très vive et étonne pas mal d’automobilistes.
La cinquième est en revanche nettement plus longue, mais la prise de vitesses est encore correcte, ce n’est pas une voiture sous-motorisée.
Très vite les 140 chrono sont atteints, vitesse à laquelle cette auto est bridée.
Du coup, la boite en profite pour passer le sixième et dernier rapport…, le régime moteur baisse alors pas mal.
Et oui, le dernier rapport tire vraiment très long.
Mais il suffit pour maintenir les 140 chrono, dans un silence relatif.
En réalité, c’est le vent qu’on entend…
Rouler à 140 permet de doubler finalement beaucoup de voitures, la jauge de carburant baisse inexorablement, mais lentement et il n’est pas nécessaire de surveiller le compteur de vitesse.
C’est pourtant une erreur car on finit par l’oublier et à maintenir les 140 chrono dans les zones limitées.
Flashé en Smart est donc possible !
Le 3 cylindres ronronne derrière sur son sixième rapport, la boite ne repassant la cinquième que dans les longues montées…, mais, outre les bruits de vent, une seule chose dérange : le manque de confort.
La Smart City Coupé kitée Brabus dispose de pneus taille basse et d’une suspension assez ferme.
Du coup chaque joint ou raccord au sol, à chaque pont notamment, est sèchement renvoyé dans l’habitacle.
Et ce ne sont pas les sièges, pourtant agréables et reposants, qui amortissent les chocs car eux aussi sont fermes.
La gestion automatique de la boite est assez intelligente et travaille seule…, avec un peu d’habitude on peut la faire changer de rapport en jouant sur la position de l’accélérateur, comme une vraie boite automatique mais avec toujours un temps de réponse délirant.
Deux détails sont à ajouter à la liste des défauts : d’une part, il n’y a aucun accoudoir, d’autre part la commande des vitres électriques n’est pas éclairée et il faut la chercher lorsqu’il fait nuit.
Le punch du moteur permet de doubler facilement les éventuels trainards, surtout si l’on a pris soin de faire sauter le mode automatique et que l’on s’est placé sur le bon rapport.
Faute de quoi il faut mettre le clignotant, déboîter…, la boite décide éventuellement de rétrograder, et on se retrouve au point mort pendant quelques instants, sur la voie de gauche… en croyant qu’on va mourir !
Côté confort, c’est mauvais…, mais ça a au moins le mérite d’obtenir une tenue de route décente, car une propulsion avec un empattement aussi réduit, un centre de gravité aussi haut et une telle répartition des masses, faire tenir la route à la Smart était un véritable défi pour les ingénieurs de Mercedes.
Mais l’affaire de la Classe A avait déjà eu lieu et ils connaissaient la méthode.
D’une part, obtenir un train arrière imperturbable via un anti-patinage et des gros pneus à taille basse.
Ensuite, empêcher la voiture de basculer sur le côté à cause d’une accélération latérale trop importante grâce à de fins pneus avant qui feront sous-virer la voiture en approchant de ses limites.
Enfin, un dispositif ESP pour échapper au pire en cas de dérive.
Et l’ESP, qui se nomme ici Trust Plus, est mis à contribution !
Sans l’électronique, cette voiture aurait-elle pu naître ?
La Smart City Coupé est maintenant devenue “Collector” grâce à son design bien supérieur au modèle actuel !
Elle est capable de bien plus que quelques trajets urbains… et avec une notion d’économie que ne laisse pas supposer son prix trop élevé.
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