2012 Mercedes Kicherer SLS 63 #2
Inutile de jouer les éternels blasés, débarquer en territoire inconnu, de préférence géographiquement éloigné de sa base, constitue souvent une approche salutaire dans l’optique de remettre partiellement tout et rien en question.
Dans le même temps, les premières heures ont aussi tendance à ancrer durablement une vision déformée dans l’imaginaire du voyageur comme du reporter.
Partant de ce postulat simpliste, venir en Islande pour réaliser un reportage sur la Mercedes Kicherer SLS 63 que j’avais déjà présenté l’année passée (lire ICI : 2011 Mercedes SLS63 Kicherer… ), me rendait de méchante humeur… et poser le pied pour la première fois à Reykjavik, en pleine nuit, ou en plein jour plutôt, la nuit étant inexistante en Islande, me foutait incontestablement dans une situation bancale reposant sur un flot de sentiments contradictoires sur un terrain qui restait à découvrir !
A peine arrivé en ville depuis cinq minutes que je croisais divers individus enivrés et titubant.
Radar dans les yeux pour éviter les épaves alcoolisées, l’occasion était trop belle pour moi de me fondre dans les entrailles de la jeunesse locale, quelques années après le plus gros séisme social et économique que le pays n’ait jamais connu…, .
Inutile dès lors de réfléchir plus longtemps, la raison était toute trouvée pour partir à la découverte des rues et alcools locaux en attente du moment ou l’équipe Kicherer m’informerait être prête…
De vous à moi…, qu’est-ce qu’on s’en branle la nouille d’une Mercedes SLS kitée/tunée par Kicherer ou un autre Kustomizeur Germanik, présentée en Islande ?
Rien !
Sauf que…, le mec chargé des relations avec la presse, m’avait certifié qu’une jeune dame belle et merveilleuse serait à mon entière disposition pour les photos et plus si affinités…
On le sait depuis toujours, la voiture a un potentiel érotico-pornographique plutôt élevé.
La scène du branleur qui se fait sucer pendant qu’il conduit est un classique cinématographique avec un rayonnement bien plus large que les simples films de boule.
La voiture est également un accessoire très prisé dans les films amateurs.
Dans les cas les plus soft, on a souvent le droit à une meuf se caressant devant son cochon de mari qui filme sur le parking d’un supermarché Champion.
Parfois ça dérape un peu aussi pour le plus grand plaisir des freins à main et des pommeaux de vitesse qui n’en attendaient sans doute pas tant à l’époque où ils faisaient leurs arme sur la chaine de montage.
Devant tant de symbolique et de matraquage visuel, n’importe quel masturbateur éventuellement enculeur… est évidemment toujours chaud pour se faire sucer au volant.
La pratique n’est pourtant pas sans risque.
Pourtant, tout homme a besoin d’être un peu cajolé.
Mais, ayant l’imagination fertile, j’ai imaginé que je me faisait enfoncer la caisse par derrière (par un van…, encore un putain de hippie !)…, le drame : la belle et merveilleuse sortant de la Mercedes Kicherer SLS 63…, la bouche dégoulinant de sang avec mon pénis toujours à l’intérieur en guise de sucrerie d’un genre nouveau !
L’industrie automobile est une machine qui doit tourner, s’arracher et cracher de la thune, toujours plus de thune, tel un branleur en phase terminale s’obstinant à s’agiter le poireau alors que ses coucougnettes ont été vidées par le fisc depuis longtemps…
Alors, crise financière ou pas, les constructeurs de cageots n’en ont strictement rien à carrer… et les consommateurs ont intérêt à trimer comme des porcs, consommer et continuer à assurer un taux de croissance qui flirte avec les deux chiffres, sinon ça chie gras.
Et pour y arriver, les journaleux de sévices payés, comme vous le savez, en parapluies et casquettes publicitaires, exhortent leurs lecteurs à consommer, quitte à ce qu’ils en crèvent.
Dans une certaine mesure, cela ressemble à ce qui se fait partout dans le monde : pour y aider, li y a également les shows et salons automobiles ou seront bientôt intégrés : machines à barbes à papa, stands de bouffe et coin striptease… et autres manèges à la con.
Kicherer ayant visiblement le sens du spectacle, la présentation de la SLS 63 fut pseudo-matinale…, consécutive à une nuit alcoolisée, en compagnie d’une jeune dame belle et merveilleuse, ce fut pourtant l’occasion de plonger dans un monde assez fantaisiste.
Mal réveillé, l’esprit probablement resté sous les flots brûlants de la douche à l’odeur de soufre… et tout juste rassasié d’un hot-dog englouti en guise de petit-déjeuner, je me trouvais encore salement à la merci de cet alcool qui suintait de tous mes pores.
Sans réellement prendre le temps d’analyser l’essence de la scène qui se dessinait devant moi, mon cerveau engourdi hésitait entre la possibilité d’être en proie à une hallucination ou plus vraisemblablement d’assister à une manifestation folklorique locale.
Une femme se dressait là, souveraine, focalisant mon attention plus que la Mercedes tunée-kitée.
La monstresse en imposait, la gueule surmontée d’une tignasse à faire pâlir une coiffeuse de quartier.
Irréelle et captivante, elle occupait littéralement l’espace, alternant chants lascifs et vocalises académiques, pimentant parfois sa prestation de cris de démence.
A répétition, les chants nordiques qui sortaient de sa bouche, déchiraient l’air à coups de sonorités incompréhensibles, de gémissements torturés de sirènes lointaines, de celles qui vous charment, vous font l’amour puis finissent par vous tuer.
Hypnotisé depuis plusieurs minutes, la fumée nauséabonde me rappela pourtant à mon mal-être physique et me détourna de la scène.
Dès lors, ce ne fut plus ni vers elle, ni même vers la Mercedes Kicherer SLS 63 arborant son tuning de carrosserie à la croisée entre une cagoule de lucha libre et un totem amérindien… que toute mon attention se porta.
Ils étaient là, en formation, soudainement omniprésents, trente peut-être, quarante, jeunes premiers comme vieux rebous, à souffler dans des trombones et des trompettes, à taper à l’unisson sur des caisses claires et des grosses caisses et bien d’autres instruments sans doute dont les noms et les images m’échappent à cet instant.
Calée au rythme de ces chimères du peuple islandais, avançant au milieu d’une foule dense et socialement homogène, cette fanfare traditionnelle pénétrait le lieu de présentation en alternant marches militaires classiques et marches commerciales tubesques.
Écouter et regarder un orchestre mobile qui joue du Beyoncé et Muse en marchant au rythme de marionnettes géantes quand on a passé moins de douze heures sur un caillou paumé quelque part au nord du globe inspire invariablement un éventail de sentiments inhabituels, quelque part entre l’incrédulité et l’ébahissement.
Mondialisation oblige, la place pour l’exotisme est, elle, assez limitée en terre de glace.
Mon passage en revue de la scène ne s’arrêta pas pour autant à ce détail.
L’odeur des hotdogs, des burgers et des pizzas emplissait littéralement l’air et les bouches de ces Islandais de tout âge, trop ravis de pouvoir s’empiffrer de saloperies alimentaires américaines sous prétexte d’admirer (sic !) la Kicherer…
D’ailleurs, cette odeur de graillon ne fera que se confirmer et me coller à la peau tout au long de ce reportage.
L’Islande est un pays dans lequel il est difficile de bouffer autre chose que de la merde si l’on a la flemme de cuisiner et pas les fonds nécessaires pour s’alimenter dans des restaurants dignes de ce nom.
Preuve s’il en est, quelques jours passés là-bas m’auront ainsi conféré le loisir d’ingurgiter quatre sandwiches dégueulasses à base de viande chaude de type Subway, huit hamburgers, trois kilos de frites, onze parts de pizza et vraisemblablement vingt et un hotdogs.
L’Islande possède à première vue un aspect totalement tiers-mondiste.
Ces filles fécondées à un âge où la ménopause ne parait encore qu’un bien lointain bouleversement hormonal pullulent, poussettes au bout des bras, parfois même pas encore vingtenaire, les fesses et les seins encore bien fermes et les yeux emplis de la joie de profiter de la présentation d’une bagnole inutile et hors de prix qu’aucun Islandais ne pourra plus jamais acheter en cause des pertes abyssales des banques locales et de la crise, à la fois sismique et financière…
Tout cela, en regardant leurs bambins se délecter d’un bout de pizza graisseux et coulant comme du rimmel sous la pluie.
Accablé, tel un Strauss Kahn inculpé de tentative de viol, ayant perdu tout espoir… et malgré la présence de la belle et merveilleuse que je pensais violer (une tentative de même), quand il y aurait moins de monde…, totalement désintéressé de l’événement, je subissais l’ennui onaniste typique du baroudeur en rut.
Juste retour de mes cris de frustration… et autres insultes proférées pendant les soixante minutes précédentes…, ma seconde gueule de bois, sentimentale celle-là, prit alors définitivement le pas sur la première, de toute façon désormais noyée dans l’alcool et digérée de facto depuis un petit moment déjà.
Surgir au milieu de milliers de gens bourrés en plein jour file véritablement l’impression d’être lâché au cœur d’un asile à l’échelle d’une ville.
Un peu comme partout dans le monde, on y croise des mecs qui titubent, des blaireaux qui éclatent des verres sur le sol, des bonasses en talon qui vomissent leur mère et forcément, selon la coutume locale il y a toujours un groupe à l’arrêt, dans une file d’attente, espérant qu’il pourra se ravitailler à coups de parts de pizza.
Avec le recul, quelques jours et nuits sur ce caillou nordique auront été suffisants, en surface tout du moins, pour réaliser à quel point Reykjavik n’est qu’un village.
Tout le monde se connaît et tout le monde connaît un paquet d’histoires plus ou moins glorieuses sur chacun.
Pour en avoir interviewé une bonne quinzaine, de l’artiste au businessman, je crois pouvoir dire sans trop raconter de conneries que la crise économique a eu un impact sur chaque jeune de ce drôle de pays.
Chacun possède une histoire plus ou moins sale à ce propos, et même si les prix de l’alcool comme du reste des biens comestibles ont augmenté d’au moins 30% au cours des deux dernières années, l’indigène se démerde toujours pour avoir un petit budget réservé à la tise ou dans le pire des cas, un nombre suffisamment élevé de potes pour se faire rincer à l’œil.
Cette société a beau charrier son lot de merdes, de banquiers pourris et de crevards xénophobes, sa jeunesse, elle, n’a rien à envier à la nôtre.
Confiante dans son avenir, sans espoir de pouvoir, un jour, acheter une Mercedes Kicherer SLS 63…, elle draine un sacré lot d’espoirs qu’elle investit à bon escient dans une volonté créative à faire pâlir les branleurs qui voient Berlin comme un eldorado.
Lot d’espoirs, qu’elle sait noyer comme il se doit, dans l’alcool.
Hipssss !