Les Voiles de Saint-Tropez 2018…
Peut-on croire qu’un voilier se pilote tout seul lorsqu’on voit la mer glisser sous lui avec aisance… que l’équipage n’a rien d’autre à faire que regarder aux alentours et contempler un monde dont le voilier est le centre.., ou chaque autre voile à l’horizon, chaque ombre dans l’eau, est une distraction.
Qui sont les hommes qui saisissent tout cela d’un seul coup d’œil ?
Le soleil veille, brille si fort qu’on peut distinguer chaque vague…, elles glissent, bien ordonnées, sagement l’une derrière l’autre, parfois, une trébuche, culbute sur elle-même, puis disparait dans un trait d’écume blanche…, alors vient une nouvelle vague…, c’est presque à l’infini de l’ennui…
La mer amie…, la mer ne peut pas être une amie…, l’eau n’a ni sentiment, ni histoire…, elle ne fait rien, elle est, c’est tout.., si elle assassine, si elle noie, il n’y a là rien à chercher que la stupidité humaine, la mer n’est ni une amie, ni une ennemie.
C’est un fait que, dans l’eau, tout l’avenir des gens de mer en dépend, le leur et celui d’autres…, l’eau n’y peut rien…, l’eau s’en fiche complètement.
Le problème de l’homme, c’est qu’il anthropomorphise…, l’homme pense que l’eau a un plan…, l’homme veut se montrer plus fort que l’eau, alors qu’il ne s’agit que d’eau…, de l’eau sans pensées, sans arrière-pensées.
Aux voiles de Saint-Tropez, point de tempête, même s’il fait grand vent…, la mer porte délicatement chaque voilier., la mer est une boîte de Petri remplie de plomb liquide…, un dieu antique tient la boîte et la fait osciller, avec régularité et attention, de façon à créer une onde longue et houleuse…, la proue glisse dessus sans problème…, les vagues sont suffisamment grandes pour soulever haut… et après avoir soulevé chaque voilier, elles les laissent redescendre avec mille précautions…, comme si elles reposaient un bébé dans son berceau…
A bord d’un bateau, le capitaine est le seul maître, c’est une personne solitaire…, les capitaines ne peuvent pas prendre de mauvaises décisions, mais ils le font tout de même…
Tout le monde rêve de mer, beaucoup rêvent de Saint-Tropez, peu s’y aventurent…, pour la mer je ne sais pas, mais pour Saint-Tropez, les natifs et natives qui y habitent encore malgré la spéculation immobilière insoutenable (dans les multiples sens de ce mot) détestent les étrangers, surtout les touristes suceurs de glaces sur le port, sauf “ceussent” qui vendent des glaces (les suceuses à mille euros sont également décriées, quoique dans ce registre, tout le monde “fait la pute”)…
A vrai dire, les commerçants affairistes adorent les touristes qui dépensent sans compter…, Saint-Tropez est devenu une entreprise consumériste qui peut supporter jusqu’à un certain point, mais c’est une atteinte à l’identité de la communauté, c’est comme s’ils prenaient la forteresse…, mais s’ils aiment partir en vacances, quand ils sont en vacances à Saint-Tropez, ils aiment rentrer…, et c’est ça qui sauve tout…, qui donne du mou aux cordes tendues des pendus potentiels.
Pour des gens habitués à changer régulièrement d’aspect et de nom, Saint-Tropez est une bénédiction… mais sinon c’est une horreur, les arrivées n’échappent à personne, et les départs non plus…, tout le monde connaît les traces qu’ils et elles laissent, impossible de s’y cacher ou de s’éclipser si cela devient nécessaire, les meilleures prisons sont construites sur des îles ; Alcatraz, château d’If, Robben Island, île d’Elbe… et Saint-Tropez est une ile pour millionnaires, vrais et faux, ainsi que pour milliardaires…, à croire que le monde agit comme si, voulant se débarrasser de divers et diverses, il pousse les vaniteux friqués sur cette île en or dur et n’a plus besoin de s’en occuper… sauf pour en faire des articles people..
On ne le dirait pas, mais ici, les Tropéziens et Tropéziennes aiment le drame.
N’importe où se pose le regard, braqué vers la mer…, on voit effectivement la mer… et ça rend vulnérable, c’est pour ça que les masses se blottissent si fort les unes contre les autres dans ce village de poupées à mille euros la passe voir bien plus pour les “affaires” immobilières…, toutes et tous jouent les bravaches, mais tous les jours, ont une peur bleue de voir la marée des stupidités (qu’ils et elles fabriquent et vendent) emporter la cité…, tout le malheur vient de l’extérieur…, ça rend méfiant.
Personne ne vit sans laisser de trace, pour les faire remonter à la surface il faut vérifier minutieusement l’histoire récente, puis descendre un escalier, en suivant la rampe.
Un bonne histoire finit tragiquement…, sinon, on ne continue pas à y réfléchir… Saint-Tropez en ce sens, hisse ses voiles…
Les rêves peuvent devenir facilement de véritables cauchemars, chacun l’apprend à ses dépends et souvent commence à être en proie à des hallucinations…, les angoisses et les tourments prennent le dessus et il faut les battre seul, personne ne peut véritablement aider…
Le sujet principal de cette chronique, est-ce vraiment la mer et les Voiles de Saint-Tropez ?
C’est avant tout psychologique, la mer est autant intérieure qu’extérieure et à Saint-Tropez il devient peu à peu impossible de démêler la part de réel et la part de fantasme tant cet ancien village de pêcheurs est l’histoire d’êtres perdus qui souffrent d’un manque abyssal de reconnaissance… et se confrontent avec eux-mêmes, toujours en invoquant Sainte-Brigitte plutôt que Saint-Tropez, qui a s’en saouler et à faire pleurer le monde entier !
Pour ma part de narrateur, à Saint-Tropez, je me suis mis à chérir la solitude, les nuits, les lumières, les heures entre minuit et quatre heures du matin…., comme faire le quart…, le quart du chien…, Blacky, mon Cocker…
Ecrire c’est comme ramer… et ça devient tout d’un coup pénible, comme si une vague bondissait hors de mon écran d’ordinateur (car je n’écris pas à la plume sur du papier “ministre” voire des parchemins pharaoniques)…, je rame tout seul comme en pleine mer…, la traversée à la rame la plus importante de l’histoire et personne ne me voit…, personne ne le sait, je suis le rameur d‘un rêve qui rame dans la boue…., je rame et rame et les rames glissent dans l’eau, il faut que je les enfonce plus fort…, je ne dois plus être loin de la fin de cette chronique, enfin jeter l’encre… et l’ancre…