Le Boréal…
Il est 16h30 à Almeria et le Boréal, un yacht de croisière français (8.000 tonnes, 7 ponts, 143 passagers pour 140 membres d’équipage), s’apprête à accoster sur le quai du port espagnol à tribord.
Le temps est au beau fixe et le navire flambant neuf qui filait 14,5 nœuds en mer va venir se placer derrière un énorme palace flottant américain de 25 ponts, pas moins.
David dans le sillon de Goliath.
C’est Étienne Garcia, vingt-cinq ans d’expéditions maritimes pour la Compagnie du Ponant, propriétaire du Boréal, qui va conduire la manœuvre de l’une des coursives de la passerelle du commandement, au pont 5.
En dix minutes, le yacht de croisière profilé comme un bateau de course s’approche en glissant vers son port d’attache, Garcia actionnant, au millimètre près, les manettes de pilotage, un véritable travail d’orfèvre, le commandant veillant de ses yeux à l’accostage tout en douceur.
Pas un mot à son second qui transmet par mobile le cours de la manœuvre aux officiers.
Stop.
Fin.
Ce que je crains le plus dans ces approches du quai, c’est le coup de vent brutal qui crée une dérive imprévue, souligne Étienne Garcia, tout de blanc vêtu, apaisé et revenu à son fauteuil de pacha…, car, sachez-le, cette manœuvre finale n’est pas automatisée même si le sonar est là pour détecter les obstacles comme les voiliers qui longent notre navire.
En aparté, il révélera qu’il redoute les dauphins virevoltants et les baleines en mer du Nord.
Le Boréal est le quatrième yacht de croisière armé par la Compagnie du Ponant, créée en 1988 par deux officiers de marine marchande de Nantes, Philippe Videau et Jean-Emmanuel Sauvée (directeur général en 2010), dont le pari consistait à inventer des yachts de croisière à taille humaine, aptes à circuler dans des presqu’îles, dans des eaux étroites, le long des glaciers, afin de préserver le contact avec la nature, les paysages, les animaux…, les must de la Compagnie étant les Confins de la Laponie, l’Appel du Grand Nord et Au Cœur des Glaces du Groenland sur le Diamant cet été, ces croisières insolites demeurent des expériences de navigation ô combien enrichissantes, uniques, pour les passionnés de la mer.
Sorti des chantiers Fincantieri d’Ancône (Italie), le Boréal (110 millions d’euros), aux lignes très design, et au confort irréprochable, est doté d’une une excellente stabilisation, il bouge très peu et la quasi-totalité des cabines ont un balcon et un butler assurant le room service (deux restaurants dont l’un au pont 6 en plein air). Du yachting cinq étoiles.
La nouvelle orientation des périples en mer, c’est la croisière à thèmes, musique pour l’année Chopin, concerts, bridge, gastronomie… et un éventail de destinations rares comme les Croisières Celtiques à la fin août sur le Diamant.
Mais sur les flots aux reflets d’argent, la faim taraude les papilles et dès 20 heures, tous les passagers sont assis dans les salles à manger : vite, on mange !
Sur le navire de 130 cabines et suites, quatre chefs deux étoiles Michelin de la Côte d’Azur ont composé en mai dernier cinq dîners de haute cuisine, escortés de vins de Provence sélectionnés par le maître sommelier Jean-Pierre Rous, la bonne chère, les plaisirs de la navigation et les escales excitantes (Rome, Venise, Istanbul en Europe) ont toujours fait bon ménage.
À côté des repas conçus par le chef Jean-Pierre Hupin, 42 ans, globe-trotter des casseroles, venu du Hilton de Rabat et du Palais Jamaï à Fès, les passagers ont assisté à un éventail de conférences portant sur les huiles essentielles (par le docteur Perez d’Aix-en-Provence), sur le sommeil et l’insomnie (par le docteur Marchand de l’hôpital de la Salpêtrière) et sur le modèle alimentaire de l’archipel d’Okinawa au Japon développé par le docteur Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute, mince comme un salsifis et grand connaisseur des pratiques à table des habitants d’Okinawa où il y a 61 centenaires pour 100.000 personnes alors qu’en France, il sont 22 pour le même nombre.
Pour la seconde croisière du Boréal, à la mi-juin, le thème retenu était Bien être et cuisine de santé, ou la forme et la minceur.
Et ces Japonais qui ne connaissent ni surpoids ni diabète mangent 300 calories de moins que nous, ils consomment 78% de produits végétaux… et ils vivent actifs et sans problème jusqu’à 85 ans.
Le clou des conférences très suivies de nutrithérapie a été le dîner Okinawa composé d’après les conseils du docteur Curtay par le chef le plus prestigieux de la Compagnie, Alain Morville.
Assiette de maki sauce soja, bar et huîtres aux poireaux, noisettes de volaille blanche farcies au chou chinois et curcuma, quenelle de chocolat Manjari et le rouge 2008 du Château Roubine, cru classé de Provence.
Tout dans la légèreté et la finesse des goûts et très peu de calories, à l’opposé du cassoulet toulousain, de la poularde Albufera jus au foie gras et du canard à l’orange en deux services chez Lasserre…
L’atout majeur du Boréal, beaucoup de produits frais achetés aux escales, la morue à Porto, la charcuterie en
Corse, le Jambon de Parme à Florence et les fraises à Malaga, etc.
Pour les adeptes de la cuisine minceur ou diététique, il s’agit de suivre ce régime de nutrithérapie en n’oubliant jamais le plaisir, l’indispensable plaisir de bouche et du cerveau.
À côté des exercices physiques quasi-obligatoires dont la marche quotidienne de trente à cinquante minutes, le docteur Curtay recommandait ces aliments qui agissent comme des médicaments: curcuma, thé vert matcha, jus de myrtille, élixir de grenade, ail, huile d’olive et de tournesol, produits Omega 3 et vin rouge.
Philosophe, le médecin longiligne, crâne chauve comme un bonze, conclut : Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es.
Paris, Istanbul via Patmos et Rhodes, du 23 août au 30 août, à partir de 2.725 euros la cabine.
Paris, Copenhague via Saint-Pétersbourg et Stockholm, du 11 au 18 juillet, à partir de 2.130 euros la cabine.
Paris, Venise, Dubrovnik et retour, du 4 au 11 octobre… et du 18 au 25 octobre, à partir de 2.225 euros la cabine.
Site Internet : www.ponant.com