Ekranoplan, l’incroyable projet 903…
Il y a des traumatismes, des chocs brutaux, qui vous font prendre conscience, subitement et intrinsèquement, de faits qui jusque là n’étaient envisagés que dans le subconscient commun, vaguement admis dans des élucubrations éthyliques ou dans les discours de gourous underground… Cet effondrement de ce pan de réalité pressenti, se révèle avec fracas et alors on se rend compte rétrospectivement de son évidence. C’est ce que j’ai vécu en découvrant cette machine à tuer, qui bien heureusement est mort-née..
Au fond plus on vieillit, plus les coulisses de ce dramatique incident qu’est la vie sur Terre se révèlent, laissant l’homme effrayé devant divers tableaux monstrueux qu’enfant on apercevait par accident et qu’on oubliait aussitôt, replongeant dans le “jouer à”, bien tranquillement installé dans une réalité construite pour nous. Plus tard, on vivra le délitement, le dépouillement de notre “âme d’enfant”, premier signe que la magie a disparu au profit de la jouissance ingrate de la moindre goutte de parfum d’enfance à l’arrière goût rance… Certains resteront même à jamais accro à ces moments suspendus, c
Ils chercheront alors le moindre prétexte pour revivre les émotions les plus sincères de l’enfance. Mais était-ce sincère ? A t’on jamais été innocent ? Avec cette “âme d’enfant”, je me suis laissé entraîner dans un reportage consacré à l’incroyable projet russe “903”, l’étrange “Ekranoplan” qui est conservé dans l’une des bases aériennes parmi les plus intrigantes et les plus isolées de Russie… Si la formule n’est pas foncièrement différente d’autres escapades, cet épisode devait renouveler la saga GatsbyOnline en montrant le génie de l’homme dans ses vices les plus horribles…
Pour illustrer cette idée que pour échapper à la condition humaine l’homme transforme souvent ses angoisses métaphysiques en jeu, dans une immoralité presque « innocente », c’est le domaine de l’irréversible comme dernier rempart d’une humanité asservie, en quelque sorte. En 1987, les services secrets occidentaux, principalement américains mais également britanniques, furent intrigués par un aéronef géant construit par les Soviétiques, surnommé :“Le monstre de la Caspienne”… pour avoir été repéré sur cette mer grâce à des prises de vue de satellites espions américains, l’aéronef intriguait.
L’Ekranoplan, était un appareil porteur de missiles, équipé de dix turboréacteurs sur sa partie antérieure, qui se situait à mi-chemin entre la vedette rapide lance-missiles et le Super Jumbo à effet de surface. “Le monstre de la mer Caspienne” (un autre nom, plus militaire était : “Projet 903”.), révélait des dimensions hors-normes : 74 mètres de long, un poids de 550 tonnes et une vitesse de plus de 550 km/h à trois mètres au ras de l’eau ! En Russie, il avait été appelé “Lun” d’après le nom d’un oiseau de proie : le busard Saint-Martin…,
Les russes avaient l’intention de construire un appareil encore trois fois plus gros, vu sa non-détectabilité par les radars de l’époque (hauteur de vol très basse) : 1500 tonnes pour une vitesse de 900 km/h. Les motorisations de démarrage et de croisière étaient réunies en un seul et même ensemble, constitué de deux fois quatre turboréacteurs de 10 tonnes de poussée unitaire qui assumaient simultanément la propulsion des phases décollage et croisière.
L’appareil était équipé de 3 batteries doubles de missile mer-mer de type Moskit (SS-N-22 Sunburn dans la classification OTAN)…
Il était également muni de 3 radars de surveillance et d’acquisition d’objectifs. Il mesurait 73,8mètres de long et 44 m d’envergure. Il présentait également la particularité de pouvoir voler à une altitude relativement élevée pour ce type d’engin puisque, s’il faut en croire son constructeur, le ‘Lun’ pouvait “grimper” et “voler” à 500 m d’altitude, cet appareil était donc, à cette époque, l’un des plus grand avion jamais construit, en comparaison des 73 mètres de l’Airbus A380. Sa charge utile était annoncée pour 40 tonnes.
Sa capacité d’emport en hommes était plus intéressante dans la perspective d’une application de transport de passagers, puisqu’elle était de l’ordre de 400 places sur 3.000 km… En outre, il ne comportait aucun train d’atterrissage, seulement un énorme hydrosky… Il, n’avait dès-lors aucun moyen autonome pour manœuvrer sur la terre…, raison pour laquelle un dock flottant avait été conçu. En raison de la fin de la guerre froide et du désarmement partiel le projet devait être modifié pour produire un avion de secours en mer, mais il ne fut jamais terminé…
En 2005, les engins de ce type ont été déclassés par l’Organisation maritime internationale parce qu’ils devaient être considérés comme des navires de type hydrofoil plutôt que des avions. L’équipage se composait de 7 officiers et 4 sous-officiers qui devaient être tout à fait autonome pour 5 jours. Le stabilisateur avait une hauteur de 12 mètres au-dessus de la flottaison ! En 1989 “le Monstre de la Mer Caspienne” a soi-disant disparu dans un accident en cause d’une erreur de pilotage… et les enthousiasmes se sont alors refroidis…, Il n’en était rien, le projet avait simplement été abandonné et l’avion caché dans un hangar.
Cet étrange engin avait été divisé en quatre-quarts :
– la partie avant comportait la timonerie/cabine de pilotage et était le corps de maintien des 8 moteurs principaux…
– la partie centrale supérieure était entièrement équipée d’installations de surveillance des essais et d’un système de radio-navigation et de communication.
– la partie centrale inférieure était la quille qui comportait les batteries et générateurs pour l’approvisionnement en électricité au cours des mouillages…
– la partie arrière (la queue) comportait le quartier de tir et une toilette.
La base militaire ou a été abandonné “le monstre de la mer Caspienne”, c’est une longue histoire… et pas seulement militaire. J’ai commencé ma visite à partir du centre, mais une fois sur le front d’eau, le risque fut de ne plus vouloir en partir… Non loin de la gare, s’élève une église inachevée, les riverains la dénigrent car elle fut érigée sur un cimetière sous lequel, assurent les autochtones, on trouve des labyrinthes souterrains, une ancienne galerie et même des revenants. Les connaisseurs de villes provinciales russes chercheront en vain ici, les repères architecturaux habituels.
Impossible d’identifier d’un coup d’œil un hôpital ou une préfecture, ici, ce qui ressemble à une école est une caserne, une cabane avec un air de check-point abrite en fait une école d’art, un musée est en fait un hôpital, je n’ai donc pas été surpris que l’un des plus majestueux bâtiments abrite le parquet et les limiers de la police. Le loisir principal des habitants locaux, c’est la pêche, munis de cannes à pêche, des dizaines de gens se baladent dans la ville, roulent en voiture et à vélo, se déplacent en bateau pneumatique.
Sur la jetée, des hommes en vestes ouatinées et hautes bottes se balancent en équilibre sur les brise-lames, ils chassent le hareng baltique. Leurs femmes, qui sont là, sur la jetée, se plaignent : « Dans le temps, cent personnes se rangeaient en ligne et pêchaient tranquillement…, aujourd’hui, on est obligé de se jucher sur des saillies dangereuses ».( À noter que ces mêmes pêcheurs vendent le hareng sorti de l’eau à 1 euro le kilo). Du boulevard de la Mer, on accède directement à la plage, le sable ici est particulier, blanc et noir, au ras de l’eau, le sable pressé est moucheté de roux, la vague généreuse peut offrir un éclat d’ambre.
Plus haut, où l’eau n’arrive pas, le sable est doux et léger, on a envie d’y plonger ses mains.., il ne colle pas aux doigts, mais glisse comme de la soie. La base militaire est à la fois navale et aérienne, le repaire de toute une flotte de vieux mais toujours puissants Bears et Backfire de l’Aviation Navale Russe ; des appareils rarement visibles (voire jamais vus) par les russes et encore moins les occidentaux. La date exacte de la création de la base s’est perdue dans le temps mais les premiers documents officiels du Commandement de la Marine Soviétique à y référer, datent du 1er Décembre 1947.
On sait cependant que la construction a commencé dans les années 1950, mais le mystère qui entoure cette base est tel que même les origines de son nom sont sujettes à interprétation, certains affirment qu’il vient d’un ancien langage et qu’on peut le traduire comme « Cité de la Mort ». En raison de l’extrême isolation des installations, les habitants ont vécu pendant des années sans eau ni électricité courante, les prisonniers d’un bagne local entreprirent la construction initiale de la ville, des camions amenaient l’eau alors que les générateurs d’électricité étaient coupés durant la nuit…
Rien que pour acheter à manger, les habitants devaient marcher jusqu’à la station de train la plus proche située à 5km. Dans le même temps, la base était devenue une installation militaire stratégique vitale chargée de projeter la puissance aérienne soviétique au-delà de ses frontières. Différents appareils furent basés ici au cours de l’histoire et quasiment tous étaient des bombardiers lourds…, le Tu-16 Badger fut l’un de ceux qui restèrent le plus longtemps…, les deux premiers Badger atterrirent le 2 Février 1957 ; les entraînements et la transition sur cet appareil commençant en Octobre de la même année.
Le régiment changea de désignation pour devenir le 568 ème MRAP (Morskoy Raketonosnyi Aviatsionnyi Polk ou Régiment de Bombardiers de l’Aviation Navale) tandis que le 310 ème OPLAP (Otdelnyi ProtivoLodochnyi Aviatsionnyi Polk ; ou Régiment Aérien Indépendant de Lutte anti sous-marine) disposait de Tu-142. Cependant, une restructuration eu lieu au tournant du siècle et les Tu-22M3 du 568 ème OMRAP (Otdelnyi Morskoy Raketonosnyi Aviatsionnyi Polk ; ou Régiment Indépendant de Bombardiers de l’Aviation Navale) et les Tu-142 du 310 ème OPLAP furent réunis au sein d’un seul et même régiment.
Le principal occupant de la base aérienne fut le 568 ème Gvardeyskiy OMSAP équipé de bombardiers Tu-22M3 ainsi que de Tu-142MZ de lutte ASM et d’avions relais de communications Tu-142MR Bear J…, le gigantesque Tu-142 constituant l’ossature du parc d’avions de lutte anti sous-marine (ASM) de la Marine russe (le Tu- 142 a été dérivé d’une version maritime plus ancienne : le Tu-95RT Bear D). Les premiers Tu-142 de la base arrivèrent en 1979…, leurs équipages et leurs familles occupèrent tous les logements vacants, créant une surpopulation massive de la ville !
Ils sont encore appelés « hunhuzy », un dialecte local pour le mot russe « razboyniki » (voleurs ou pirates). Le Tu-142MR Bear-J est une variante rare utilisée comme relais de communication, produite par Beriev et basée sur la cellule du Tupolev…, l’appareil est équipé pour les communications hautes et basses fréquences avec les sous-marins en opérations et pour relayer les messages avec les postes de commandement de la marine. Également connu sous le nom de Oryol (aigle), le Tu-142MR est équipé de diverses antennes de communication et d’un système relais Etyud situé dans de la baie abritant les armements.
Pour communiquer avec un sous marin en opérations, un épais fil de 7,5mm s’étend sur 7,5 km depuis un carénage sous l’avion pendant que ce dernier vole en cercles serrés ; ce qui permet au fil d’être suspendu quasiment à la verticale.Le manque d’informations sur les opérations aériennes quotidiennes reflète le caractère secret de la base, cependant, j’ai le plaisir de vous offrir ce reportage et cet aperçu privilégié de l’une des bases les plus fascinantes, les plus isolées et les plus intrigantes au monde.
L’un des pilotes les plus respectés de la base est le Colonel Anatoliy Viktorovich Semyonov, Commandant en second de l’escadrille ASM, c’est un pilote très expérimenté avec : « un divin talent pour le pilotage », mais également connu pour sa manière de voler peu orthodoxe. Il est bien connu des pêcheurs locaux parce qu’il aime piloter son Bear à des altitudes tellement basses qu’il incommode quiconque se trouve sur la mer (moins de 20m au-dessus de certains bateaux de pêche).
Un Dimanche de Juillet, Semyonov et son équipage furent chargés de localiser le porte-avions américain USS Kitty Hawk (CV-65) qui menait des exercices dans les eaux internationales au large de la côte russe…, Semyonov trouva rapidement le navire et réalisa plusieurs passages beaucoup plus près du navire et beaucoup plus bas que les usages officiels alors en vigueur entre les deux nations…, tout en prenant des photos ! Un F/A-18 Hornet fut envoyé à la poursuite du bruyant Tu-142 et fut aussi photographié par l’équipage de Semyonov…,
Le Hornet vola directement entre le Tu-142 et le porte-avions avant qu’il ne fasse demi-tour quelques minutes plus tard lorsque le Bear s’éloigna…, suite à cette mission réussie, l’équipage de Semyonov déboucha le champagne sur le tarmac de la base aérienne. L’US Navy envoya ultérieurement une note de protestation soutenue par une vidéo de 12 secondes qui confirmait la violation ! Dans la forme, les photos ramenées pour illustrer ce reportage, sont assez différentes que divers reportages précédents…,
C’est une volonté pour que je ne me pose pas trop de questions dans la mise en scène, qui donne une ambiance surréaliste, ce qui n’était pas gagné d’avance… mais, je ne vais pas me voiler la face : ce reportage, s’il est lu (et regardé), ne marchera pas essentiellement par mon écriture, mais plutôt par les photos.
C’est le premier degré qui triomphe ici… et l’absence de recul dans va dans ce sens, car c’est destiné à vous mettre la tête dans le seau (si je puis dire, sans ménagement) ! Ce sont exactement les règles de la bourse : à un niveau d’abstraction donné, on ne pense plus aux vies humaines en jeu.
Il s’agit d’un mécanisme ou tout est rationalisé : passer le temps, pour ressentir l’excitation des chasseurs primitifs ! Il ne s’agit plus seulement d’assouvir l’extase ultime, il s’agit de faire disparaître aussi les contraintes en donnant une illusion de risque (de secrets militaires) tout en garantissant un résultat…, cette façon “de faire” devant faire de moi un épicurien au milieu des stoïciens. Ceci écrit, comme le sujet est de vous présenter “le monstre de la mer Caspienne” n’est qu’une abomination militaire capable de pulvériser une partie de la planète avec des missiles à ogives atomiques !
Il démontre que l’homme est une raclure comme une autre, et ce sont les plus riches qui survivent dans la grande majorité des cas, avec tout ce qu’il est nécessaire de fureur et d’engagement, avec moult palabres et grandiloquence, mais aussi pureté et quête de la Vertu ! Qu’importe la foi intangible qu’ont les héros, du dévouement absolu que nécessite la Grandeur d’âme, de la futilité du courage quand il n’est pas le fruit de valeurs pures. Vous pourriez croire, à un moment, que je me suis engoncé dans des valeurs pudibondes, dans une austérité moyenâgeuse, alors qu’il n’en est rien…
Je poursuis mes chimères, mêlant mes obsessions à celles de marginaux improbables. Dans une Geste quasi mythologique, je fais défiler devant vos yeux hagards, quelques figures emblématiques de l’héroïsme des contes d’antan, les confrontant à notre monde vidé d’idéaux, vendu aux plus offrants, aux monopoles décadents, aux télévisions hystériques, aux monstres braillards et avides que sont devenus les Hommes. Car il s’agit pour moi d’une symbolique, d’un combat vital, métaphysique, de la vision d’un homme, de la chasse du Dragon d’autrefois, des princesses et de leur Amour vénérable…
Comme il y a des siècles, un retour aux années d’obscurantismes, aux prophètes hystériques, aux banquiers mégalomanes, tout étant projection, anticipation, manipulation. On ne parle plus aux laissés pour compte, on leur ment…, on les chasse et les torture…, on est dans un cirque, bouffons devant les foules adipeuses et suintantes…, on est au siècle des mass-médias, du médium-roi…, Avalon est un ilot fétide où les iphones ne passent pas, Morgane est une pute décrépie de télé réalité, l’Homme-masse et ses non-projets se noient dans la grande dérive du siècle.
Personne n’est déterminé au sens noble du terme, pas une action ne doit subir le lourd fardeau du temps, l’échelle n’est plus la vie, c’est la micro seconde… et ce n’est pas être réactionnaire que regarder dans le passé pour évoquer le néant contemporain. L’Histoire et la mémoire sont les tenants de la civilisation…, on ne rendra pas la forêt moins primitive qu’avant avec des tapisseries qui la dissimule…, la civilisation est un artifice, une construction de tous les instants. On ne peut pas jouir de ses avantages sans se préoccuper de la soutenir…, car sinon, en un instant, toute trace de civilisation aura disparue.
Et quand, chien errant, votre hurlement rejoindra les milliers de hurlements qui monteront de la Terre vers les étoiles, demandant désespérément à un Dieu un chemin, un commandement, quelque chose à faire de votre vie, c’est de mecs comme moi dont vous aurez besoin…, quitte à crever, en vous focalisant sur une bande de potes idéalistes aux prises avec leur époque ! Dans une dernière extase que la fin d’été attisait, je me suis dirigé ému vers “le monstre de la mer Caspienne”, assuré que tout ce que je venais de vivre et d’écrire, valait son pesant de nougat mou…