Les Voiles de Saint-Tropez 2015…
Une décennie après leur création dans le sillage de la Nioulargue, les Voiles de Saint-Tropez n’en finissent plus d’affoler les statistiques du samedi 26 septembre au dimanche 4 octobre 2015, une dizaine de nations étaient représentées…, plus de 260 accréditations presse…, des milliers de visiteurs…, plus de 300 bateaux et 4.000 marins dans le port, pour cette course internationale alliant, sur les eaux du golfe, les plus beaux yachts de tradition et les plus belles unités modernes !
Ce qui distingue Saint-Torpes (en provençal) d’un spot bling-bling où le champagne sert à se doucher, c’est la beauté intemporelle d’un village de pêcheurs qui retrouve son âme en septembre, à l’ombre du clocher ocre tant photographié…, même si les vrais pêcheurs se comptent sur les doigts d’une main, comme leurs prises dispersées sur le minuscule étal du vieux-port.
Le quai de Suffren semble nu, vidé de ses yachts, l’animation s’est déplacée dans les ruelles qui serpentent vers la place des Lices…, pour avoir une idée du village qu’a connu Brigitte Bardot en 1955, lors du tournage de Et Dieu créa la femme, il suffit de faire quelques pas vers la Maison des papillons…, dans ce cabanon sont installés des tableaux piqués de papillons, mais aussi des photos de famille en noir et blanc…, un instantané du temps où le village n’était pas encore à la mode.
Pour s’imprégner du style tropézien, il faut faire une halte sur le port pour boire une mauresque à la terrasse rouge de Sénéquier, 125 ans au compteur, qui fut d’abord réputé pour ses nougats (toujours en vente à la boutique) avant de devenir le plus célèbre observatoire de célébrités au monde…, à côté, durant Les Voiles (la manifestation nautique préférée des Tropéziens), les marins installent leur QG bruyant au Sube, un bar anglais traditionnel.
Rien de plus impressionnant que le rassemblement de ces voiliers déployés dans la baie de Saint-Tropez, des pur-sang des mers à la pointe de la technique, comme les Wally, mais aussi des gréements centenaires, remis à flot par des propriétaires passionnés, tous sont réunis dans la baie le temps d’une semaine de régates, pour la plus grande joie des photographes et des amateurs, c’est une manifestation bon enfant ouverte à tous avec des animations musicales gratuites tous les soirs sur le port.
Les trois coups du lever de rideau des 17ème Voiles de Saint-Tropez ont résonné d’éclatante manière le dimanche après midi (estival) avec l’arrivée tout en majesté des voiliers Classiques engagés dans la traditionnelle Coupe d’Automne du Yacht Club de France, qui permettait aux concurrents venus de Cannes de rallier en course le petit port Varois…
Les voiles traditionnelles, auriques ou de type Bermudien, mêlaient leurs silhouettes inaltérables aux formes futuristes des voiliers Modernes à l’entraînement dans la perspective des premières joutes du lundi…, les yachts Modernes entamant en effet dès le lundi leur compétition tropézienne, accompagnés cette année des quatre 15 m J…, une rare semaine de spectacle s’avançait ainsi, pleine d’intenses régates sur l’eau dans un vent d’est annoncé tonique… et de fêtes bon enfant à terre où les marins venus du monde entier ont répandu, de ruelles en ruelles, leur communicative bonne humeur.
Quarante-sept Yachts de Tradition se sont élancés peu l’après midi du dimanche au large de Cannes en direction de Saint-Tropez, l’occasion de relier les deux ports rassemblant les plus beaux voiliers de la Méditerranée chaque début d’automne…, la Coupe d’Automne du Yacht Club de France permettant aux voiliers ayant toute la semaine précédente navigué dans le cadre des Régates Royales, de rallier en course les Voiles de Saint-Tropez…, plusieurs équipages s’étant en outre inscrits spécialement pour cette épreuve à l’image du 12mJI français Ikra, de Crazy Life, Encounter, Espar II, Eilidh, ou White Wings.
Le départ avait été donné en baie de Cannes dans un petit souffle de secteur est nord est, pour 4 à 5 noeuds, qui a contraint les organisateurs des Voiles à réduire le parcours, en mouillant une ligne d’arrivée à hauteur des Issambres…, c’est le véloce 15 mJ Mariska, suivi du cotre aurique Rowdy (NY 40 Herreshoff 1916) et du Class J Shamrock, qui s’est montré en temps réel à son avantage, franchissant dès 14 heures 40 la ligne d’arrivée au terme de 17 milles de course !
Chaud et froid, nuages et soleil, brume et éclaircies, brise et pétole, rafales et grand calme…, cette édition 2015 fut celle des contrastes, aux Voiles…, la première journée des régates, se déroulant même dans une atmosphère automnale, où la lumière avait des reflets électriques, le gris du ciel se reflétant dans la mer, offrant un drôle de spectacle aux couleurs glacées, un tableau somme toute attendu, puisque ce premier jour de course était réservé aux seuls modernes, ces Wally et autres esquifs aux coques métalliques, aux voiles en carbone et aux matériaux dernier cri.
La Méditerranée, on le sait, peut parfois se montrer ombrageuse, colérique…, ce fut le cas les jours suivant, où un virulent souffle venu de l’est creusait les eaux du golfe, rendant périlleuse la pratique de la voile au point que Météo France a publié un Bulletin Météorologique Spécial : 30 noeuds de vent établi balayaient l’axe du golfe de Saint-Tropez et les creux atteignaient les 3 mètres…, Georges Korhel et ses équipes de la direction de course ont du, en conséquence, sagement choisir d’annuler purement et simplement les courses du second jour)…
J’en ai profité pour me laisser inviter à bord du Serenade, un 61 pieds construit en 1938 pour le violoniste Jascha Heifetz afin de participer à la fameuse Trans-pacifique, qu’il remporta dès sa première participation avec à son bord un certain Humphrey Bogart…, la liste de ses propriétaires, de la star Hollywoodienne Zaza Gabor au non moins célèbre commandant Cousteau, en ferait à elle seule un bateau remarquable…, mais ce sont ces aptitudes à la mer, la pureté de ses lignes tendues, et son potentiel quelque peu oublié ces dernières années du côté de Mystic (Connecticut) où le bateau végétait, qui ont convaincu son actuel propriétaire de se lancer dans l’aventure…
Sérénade est un cotre marconi de 18,90 m pesant 23 tonnes…, racheté par Alain Moatti, Serenade a traversé l’Atlantique en cargo en avril 2015, pour arriver à Gènes…, après une rapide et soigneuse remise à niveau, Serenade s’est lancée sans complexe pour sa première régate européenne : la Corsica Classic, et rejoint pour la première fois la flotte des yachts classiques des Voiles de Saint-Tropez.
Au temps de la marine à voile, le sloop (du Néerlandais sloep et de la même origine étymologique que le français chaloupe), ou plus exactement le sloop-of-war, désignait en Angleterre, les navires plus petits que les frégates, armés de dix à dix-huit canons sur un seul pont…, les Anglais distinguaient deux variantes principales de sloop, celui comportant une seule voile d’avant (le foc)… et le cotre avec au moins deux voiles d’avant (le foc, un éventuel clinfoc et une trinquette)…, de nos jours, le sloop est un type de gréement de bateau à voile qui ne possède qu’un mât central.
La dernière journée de régates, le samedi 3 octobre s’est clôturée par la désormais traditionnelle soirée tahitienne, avec groupe de danse et dégustations de poisson cru au sein du village, la Polynésie a fait battre le cœur de St Tropez et le toere a résonné tout autour du golfe le plus renommé de Méditerranée.., pour une promotion encore plus dynamique sur le stand Tahiti, au cœur du village des Voiles de St Tropez, les visiteurs pouvaient garnir leur cabas de monoï, de savons, de produits et boissons de Tahiti, et s’offrir des perles de Tahiti, de l’artisanat des îles Sous-le-Vent ou des Marquises…, ils pouvaient également obtenir toutes les informations sur la Tahiti Pearl Regatta (en mai 2016)…, sur la Transpac Los Angeles-Tahiti (en juin 2016)…, sur les conditions de navigation en Polynésie…, sur la nouvelle marina de Papeete… ou encore sur des séjours côté mer en voilier à bord de l’Aranui, ou côté terre avec les packages des agences de voyages JLT et Club Faune ou avec les informations du GIE Tahiti Tourisme et d’Air Tahiti Nui... (si après ça je ne reçois pas un voyage pour deux plus Blacky à toutes ces choses, je n’en écrirais plus rien à l’avenir)…
Voilà, voilou…, c’est fini…, reste à attendre l’ultime manifestation de la saison qu’est “La Grande Braderie de St-Tropez” fin octobre… et ensuite s’en sera terminé des industriels, financiers, sportifs, acteurs, chanteurs qui dépensent sans (trop) compter et voguent (parfois) le long de cette côte dont Brigitte Bardot reste l’icône, sur des yachts interminables…C’est que pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le tourisme (avec ses 148.000 emplois) constitue une manne soutenue par une météo moins capricieuse que dans le reste de la France…, en Paca, un touriste “de luxe” sur deux est étranger, l’offre hôtelière étant calibrée pour cette clientèle de luxe, trois hôtels de Saint-Tropez, le Byblos, la Messardière et La Réserve ont d’ailleurs reçu l’appellation “Palace” (la Côte d’Azur en compte un autre, le Grand Hôtel du Cap Ferrat).
Des clients qui viennent du monde entier à la recherche du calme, pour pouvoir être coupé de tout à quelques minutes des endroits de fête les plus connus au monde et qui pour jouer les Robinson de luxe dans une villas de rêve, vue mer, payent jusqu’à 49.000 euros par semaine pour une villa de 550 m², 3000 m² de terrain, piscine privative et gouvernante six heures par jour…, certaines villas pouvant atteindre 2000 m² affichant des prix qui donnent le vertige…, un Russe a même loué une villa 600.000 euros pour deux mois…
Mais pour s’évader, certains préfèrent larguer les amarres, la grande Bleue à prix d’or, un bateau de 35 à 40 mètres (pour 12 personnes) se louant 120.000 euros la semaine, un 62 mètres 395.000 euros, le prix d’une jolie maison de campagne (et il faut prévoir 25% en plus pour le carburant et les frais de bouche…, de plus, parmi les toys dont certains yachts disposent, on trouve des sous-marins de poche pour explorer au sec les fonds marins).
Les “natifs et natives” doivent dès-lors cohabiter avec une certaine bonhomie avec bateaux et voitures de luxe qui constituent souvent une attraction (j’en tire parfois des chroniques hilarantes assorties de photos démentes)…, cohabitation moins aisée avec les hélicoptères : jusqu’à 30 vols par jour entre Cannes, Nice et Saint-Tropez (de Cannes à Saint-Tropez, il ne faut qu’un quart d’heure en hélicoptère contre 2h30 en voiture, le trajet est facturé 650 euros pour cinq personnes)…, il faut aussi supporter le folklore bling-bling symbolisé par les footballeurs et les rappeurs qui débarquent et font le show (à vomir), certains n’hésitant pas à claquer 40.000 euros en une soirée…