Picchiotti Vitruvius Exuma…
Perini Navi, mondialement connu pour la fabrication de ses fabuleux méga-yachts à voile, dont le Maltesse Falcon, se lance dans la production de yachts à moteurs.
Avec l’aide de l’architecte français Philippe Briand et le savoir-faire du chantier naval, l’étonnant Vitruvius de 50 mètres est une réussite incontestable…
Ainsi, le changement officiel de raison sociale des Cantieri Navali Beconcini de La Spezia en Picchiotti a eu lieu lors du lancement d’Exuma.
Avec ce premier yacht, le groupe Perini Navi entre dans le monde de la grande plaisance à moteurs en faisant renaître le prestigieux nom de Picchiotti.
Le projet Vitruvius est né du génie d’un architecte français de talent dans le monde de la voile, Philippe Briand, qui a trouvé en Perini Navi Group et la marque Picchiotti les bons interlocuteurs.
Outre le 50 mètres Exuma qui va être livré à son armateur, Perini Navi est en train de construire deux unités de la gamme Vitruvius, un 55 mètres certifié Ice Class (en cours d’aménagement à La Spezia) et un 73 mètres (en construction au chantier Perini de Tuzla en Turquie).
Comme avec le célèbre “Maltaise Falcon”, le groupe Perini Navi montre qu’il possède la force et la capacité d’oser, la philosophie Vitruvius étant de pouvoir naviguer en totale autonomie dans les endroits les plus reculés du globe.
Si tous les yachts sont personnalisables, ils respectent toutefois le cadre spécifique du projet Vitruvius.
La coque en aluminium d’Exuma a été réalisée selon le principe BOS® Hull (Briand Optimized Stretched Hull) qui, dans ce cas précis, permet d’avoir une jauge de 497 GT, un déplacement à pleine charge de 400 tounes, un tirant d’eau de seulement 2,30 mètres et une autonomie de 5 500 milles à 12 nœuds.
Ses qualités hydrodynamiques par rapport à une coque à déplacement sont supérieures d’environ 25 à 30% !
Si Exuma n’a pas l’allure d’un Expédition traditionnel, il en possède toutes les caractéristiques.
Dans cet esprit, il transporte dans son garage avant (accessible lorsque les flancs de la coque sont relevés), deux annexes Castoldi de 5 et 4,30 mètres, un appareil amphibie construit sur mesure par Iveco, un aéroglisseur Hov Pod de 12 pieds et deux scooters électriques.
Les lignes extérieures d’Exuma (nom d’un archipel des Bahamas célèbre pour ses eaux émeraude et pour ses mystérieux trous bleus peuplés d’une faune très riche), sont rigoureuses et caractérisées par certains éléments clés : une proue verticale, une largeur réduite à la flottaison et des superstructures basses ceinturées de vitres galbées.
L’effet est valorisé par la peinture gris métallisé (Boero/Dupont) et souligné par des mains courantes en titane.
L’intérieur a été conçu par le studio de design interne de Perini Navi selon les indications de l’armateur.
La coque comporte une quille qui rigidifie la structure, protège les hélices et limitera les dommages en cas d’un éventuel échouage. Les espaces extérieurs sont répartis de la manière suivante : un grand cockpit avec canapés, table et bains de soleil, un jacuzzi entouré d’un immense solarium sur le pont supérieur, puis un vaste espace à l’avant qui peut être aménagé avec des fauteuils et des matelas bains de soleil.
Les matériaux utilisés dans la réalisation des aménagements sobres et élégants sont le chêne rouvre et le teck, auxquels s’ajoutent le cuir gris qui recouvre les cloisons, les tissus clairs des rideaux et le marbre veiné des salles de bains.
Sur le pont principal, on trouve un grand salon comprenant aussi bien la zone conversation que la salle à manger, puis à l’avant, les cabines des propriétaires (une double et une simple) représentant un espace total d’un peu plus de 50 m².
Les trois cabines destinées aux invités (deux VIP et une double) et une salle de sport qui peut se transformer en quatrième cabine grâce à deux lits pullman convertibles sont au niveau inférieur.
L’équipage dispose de plus de 100 m², alors que la zone couchage réservée aux invités n’est que de 80 m².
La cuisine (reliée aux ponts supérieurs par un monte-plats) est un peu plus à l’avant tout comme les quartiers de l’équipage (sept personnes) composés de quatre cabines doubles, dont celle du capitaine.
En montant sur le pont supérieur, on accède à la magnifique timonerie accolée à un petit salon panoramique.
Essentiellement équipée en matériel électronique Furuno, elle dispose d’un sonar qui permet de naviguer plus sereinement dans des secteurs où les cartes ne fournissent pas les profondeurs.
Le pont, avec ses surfaces vitrées galbées (réalisées par Yachtglass), est aussi l’une des nombreuses originalités d’Exuma.
Deux grands passavants sur lesquels sont installés les deux autres postes de manœuvres relient la poupe après avoir descendu quelques marches.
Exuma dispose d’une troisième ancre à l’arrière de façon à ce que le bateau puisse mouiller dans les baies très étroites.
Exuma les fend avec une grande souplesse sans que le moindre embrun ne soit projeté sur le pont.
L’essai s’est déroulé avec des vagues croisées formées par l’intense trafic qui règne dans le golfe de La Spezia.
Nous avons apprécié la stabilité du yacht et le faible niveau sonore dans les cabines les plus proches de la salle des machines.
Les deux Caterpillar C32 Acert de 1300 chevaux permettent d’atteindre une vitesse maximale de 16,5 nœuds à 2 100 tr/min, ce qui est une belle performance pour une unité de 50 mètres.
En régime de croisière, on navigue à 12 nœuds, avec une consommation de seulement 120 litres par heure, soit 10 litres par mille parcouru.
En prenant en compte la consommation des groupes électrogènes, l’autonomie d’Exuma serait de plus de 5500 milles, de quoi s’offrir presque deux transatlantiques sans ravitailler.
La salle des machines, équipée d’une cabine isolée pour l’ingénieur, est grande et bien aménagée (avec le garage arrière, elle représente 123 m²).
En plus des deux moteurs installés en ligne d’arbre, elle abrite les générateurs principaux, le groupe pour l’air conditionné et le système de traitement des eaux usées.
C’est également dans cet espace que seront rangés l’annexe principale (un Castoldi de 6,40 rn) et les différents jouets comme jets skis et Sea bobs.
Juste devant l’entrée de la salle des machines, on trouve un second garage aménagé avec un local pour le compresseur et les équipements de plongée, un petit atelier et le générateur d’urgence.
En plus des pompes automatiques d’urgence, Exuma dispose d’un système de distribution de carburant pour les tenders et d’un convertisseur de fréquence ASEA qui peut s’adapter à celles les plus couramment utilisées dans les différents pays. En reprenant des principes de glisse expérimentés dans le milieu de la voile, Exuma réussit à marier deux composantes telles que performance et rendement.
Sa ligne acérée comme une lame, son excellent comportement marin et ses multiples possibilités de “stockage” en font un yacht de type Expédition hors du commun.
Longueur : 50 Mètres Longueur à la flottaison : 48,90 Mètres
Largeur : 9,50 Mètres Tirant d’eau : 2,30 Mètres Quantité de carburant embarquée : 75.000 Litres Quantité d’eau pure embarquée : 17.000 Litres Déplacement : 400 Tonnes Jauge : 497 GT Motorisation : 2 X Caterpillar C32 Acert
Puissance : 1300 Chevaux Vitesse maximum : 16,5 Nœuds
Vitesse de croisière : 12 Nœuds
Autonomie : 5500 Milles
Coque et superstructures en aluminium
Interview de Philippe Briand, architecte naval du Vitruvius Exuma…
– Qui a été l’instigateur de ce projet ?
– L’idée a été de dessiner un motor-yacht “efficace”. Avec Veerle Battiau nous en avons défini les critères : proportion, esthétique, faible consommation et caractère écologique. Ils ont été le socle de ce bateau nommé Vitruvius en référence à l’architecte romain qui a déterminé le premier les proportions idéales pour l’architecture. Le premier dessin a attiré un propriétaire expérimenté qui avait déjà fait le tour du monde avec son précédent yacht.
– C’est vous qui avez suggéré au groupe Pereni de construire ce projet ?
– Oui, ses responsables ont immédiatement accepté avec enthousiasme et ont confié la fabrication à leur filiale Picchiotti. Deux autres Vitruvius sont actuellement en construction, un de 55 mètres et un autre de 73 mètres.
– Quelle est la méthode pour passer de la voile-racing au yacht à moteur de type “Expédition-Explorer” ?
– Un voilier mû par la seule énergie du vent ne peut avancer que s’il est efficace. La régate est même un concours dans ce domaine. En tant que designer de voiliers de compétition, depuis trente ans, j’expérimente, j’apprends, je cherche continuellement à améliorer le déplacement et les formes des bateaux.
– La progression dans ce secteur est-elle importante ?
– Elle est incomparable, en 1968 un voilier faisait le tour du monde en 300 jours, aujourd’hui, le record est de 48 jours !
– Finalement, c’est cette démarche de développement qui est intéressante !
– Absolument, depuis que l’énergie fossile est à l’économie, il y a une nécessité à ce qu’une démarche similaire soit appliquée aux dessins des motor-yachts.
– D’autres architectes de voiliers sont-ils sollicités dans cette démarche ?
– C’est le talent et la faculté commerciale de chacun qui fait la différence. Parce que j’aime les bateaux, je tiens à définir le concept global. C’est ce que nous avons fait au sein de Vitruvius…, avec ce Vitruvius terminé et les deux autres en construction, nous pensons que notre nouveau concept homogène a été compris.
– Existe-il réellement des points communs entre un voilier hauturier et un grand yacht de type “Expédition-Explorer” ?
– Le point commun est d’emmener un propriétaire, sa famille et ses invités dans un maximum de confort sur toutes les mers et cela en toute sécurité.
– Le niveau atteint sur les voiliers est-il comparable à celui des motor-yachts ?
– Avant, les différences étaient conséquentes ; le voilier a plus d’autonomie naturelle, un comportement plus “marin”, alors que le motor-yacht est plus simple d’usage et bénéficie d’une meilleure plate-forme pour embarquer des “jouets” et des annexes. Avec les Vitruvius, nous voulons apporter les avantages du voilier au motor-yacht.
– Comment y parvenez-vous ?
– L’efficacité de la coque permet un gain de 25% sur la consommation de celle d’un motor-yacht traditionnel. La conséquence est une autonomie plus grande permettant, comme sur le deuxième Vitruvius de 55 mètres, la traversée du Pacifique. La stabilité et le tangage ont été améliorés grâce à un centre de gravité volontairement abaissé et à une ligne de flottaison allongée. Avec Vitruvius on retrouve des sensations assez proches de celles d’un voilier.
– Pourquoi avoir choisi le genre “Expédition-Explorer” ?
– Cela a été demandé par le premier client. Un Vitruvius peut répondre à différents programmes. Dans ce cas précis son propriétaire voulait explorer le monde et il a expressément souhaité un tirant-d’eau maximum de 2,40 mètres… et la présence à bord de nombreuses annexes : voiture amphibie, hovercraft, trois tenders, deux jet-skis, deux scooters. Bien entendu, le comportement marin efficace et l’autonomie importante ont complété ses exigences.
– Les Vitruvius sont donc conçus pour affronter les conditions extrêmes, comme la glace… Cela a t’il amené à d’importantes modifications sur le cahier des charges ?
– A chaque client correspond un programme. Le deuxième propriétaire désire naviguer au nord de l’Amérique. C’est la raison pour laquelle sans changer le concept, nous avons adapté la structure de la coque pour qu’elle soit classée “Ice Class”. Elle est donc en acier et le bateau dispose d’une autonomie de 9.000 miles.
– Quel est le profil d’un acheteur de Vitruvius ?
– Je crois que c’est un client déjà expérimenté ayant bien analysé les qualités et les défauts des motor-yachts actuels. Avec la plupart des clients, mais aussi avec de futurs prospects, nous avons des conversations techniques enrichissantes.
– Que cherchent-ils ?
– Ils cherchent le confort et la facilité d’un motor-yacht sans les inconvénients reconnus tels un comportement à la mer erratique, le passage fréquent aux ravitaillements… et aussi une image pas assez écologique. L’esthétique peu gracieuse est aussi un élément dont ils veulent se démarquer.
– Comment satisfaites-vous à leurs demandes ?
– Nous tentons de réduire ces inconvénients en leur proposant les dessins de Vitruvius plus marin mais aussi plus racé que la plupart des yachts conventionnels. Je crois que le plaisir d’avoir une belle unité, élégante de surcroit, reste une priorité pour tout propriétaire. En résumé, ils viennent nous voir parce qu’ils ne veulent pas d’un bateau comme les autres.
– Qu’en est-il de la conjoncture économique internationale par rapport aux grands yachts ?
– Ayant mis en exergue les limites de la dépendance de la grande plaisance envers une clientèle déjà existante, c’est avec l’ambition de séduire de nouveaux acheteurs potentiels ultra fortunés que les chantiers navals et autres sociétés de brokerage/charters s’activent auprès de leurs réseaux sociaux pour annoncer leurs plus beaux super-yachts, la conquête de ces nouveaux clients garantissant un marché solide et sain à long terme pour toute l’industrie, équipementiers et prestataires de service inclus.
– En 2010, toute la profession des constructeurs de grands yachts croise les doigts, le mot “reprise” est dans tous les esprits, mais bien malin celui qui pourrait la garantir en l’étayant sur quelques signes positifs…
– Il faut miser sur la capacité de créativité des architectes comme moi, tout comme il faut miser sur la capacité des chantiers navals qui restent insensibles au yoyo des places boursières.
– En êtes-vous si certain ? Vos clients dépendent pourtant des aléas des bourses mondiales !
– Quelques décennies d’expérience et une volonté farouche de cultiver la notion de service ont eu raison de la crise parmi les architectes et constructeurs de bateaux, les clients achètent en réalité une sorte d’appartenance à un club fermé, celui de naviguer et d’utiliser son bateau sans soucis.
– Un vrai luxe de nos jours…