Yeah yeah yacht…
Ils sont de plus en plus gros, de plus en plus luxueux, de plus en plus intimidants : les Superyachts sont devenus ces dernières années l’un des moyens préférés des ultrariches pour faire étalage de leurs immenses moyens et pour vivre à distance de la plèbe, les petites et moyennes gens qui polluent, râlent et jalousent les Président(e)s, Reines et Rois, Dictateurs et trices de pays et empires, qui se congratulent, s’offrent des Fee, des Pots de vins et autres cadeaux et même pillent et volent des oeuvres d’art qui sont protégées/enfermées dans les Off-Shores de Ports-Francs insensibles aux taxes et protégés des Gabelous… Un des problèmes sociétaux est que leurs Yachts-Navires sont aussi des catastrophes environnementales.
Mais rassurez-vous, il existe au monde une faille spatio-temporelle à l’abri des soubresauts de l’actualité où l’on peut encore rêver d’aventure et de démesure. Cela se passe à Monaco, fin septembre, au moment du Monaco Yacht Show (MYS). Il suffit pour en goûter le parfum de s’acquitter de 500 euros (le prix d’un ticket pour la journée) et de se déchausser. Vous pourrez alors visiter les plus beaux, les plus grands, les plus onéreux superyachts de la planète et a dmirez les innombrables piscines, les jardins, et même la forêt embarquée de l’Alpho, un palace flottant qui s’étend sur 115 mètres. Certes, son prix de vente est de 300 millions de dollars, mais qu’est-ce que ce dérisoire montant en regard des fortunes amassées par les vrais riches ? Pas grand chose…
Calmez-vous les nerfs en profitant des 500 euros du ticket Monégasque, allez regarder un film dans la salle de cinéma du Victorious, 85 mètres de luxe dont vous n’avez pas idée que c’est une simple entrée de gamme Vous pourrez aussi utiliser l’ascenseur pour monter tout en haut du Triumph, 65 mètres, presqu’une cathédrale flottante, et découvrir son jacuzzi, son sauna, ses salles de gym et de massage que vous n’aurez jamais qu’en rêves… Ensuite, remettez vos chaussures (de préférence des mocassins ou des escarpins labellisés) et promenez‑vous parmi les centaines de stands du salon dédiés aux navires de luxe. Vous pourrez choisir aussi choisir la couleur de votre moquette en soie…
Le must est d’acquérir un petit hélicoptère pour pouvoir faire vos courses de bijouteries facilement, même lorsque vous êtes en pleine mer. Les autres courses faites par ordinateur en sécurisation totale peuvent même être réalisées par des drones… Pour avoir l’air pauvre dans la masse des gnous et ploucs, une Méhari transparente ou une Fiat avec sièges-fauteuils en osier voire une fausse super mini Moke au prix d’une Rolls vous attendent. Des petites choses idéales pour jouer “à aller à votre plage privée” au gré de vos escales escapades… Vous entendrez parler anglais, arabe, russe: la guerre en Ukraine ne pénètre pas la baie naturelle de Monaco, pas plus que la crise énergétique ou l’inflation.
Entre le 28 septembre et le 1er octobre 2022, date de sa dernière édition, 118 superyachts ont été exposés au MYS, pour une valeur combinée d’environ 3,8 milliards de dollars. C’est ce qu’on appelle une santé insolente. “Les grandes fortunes se sont enrichies pendant la pandémie et ont eu encore plus envie de profiter de la vie. Mués en palaces flottants, les yachts ont bravé les confinements. Plus de 900 superyachts ont été vendus en 2021, contre 500 généralement en une année. Les fabricants sont tous overbookés désormais”, résume Sam Tucker, responsable du secteur superyachts au sein de la société de veille commerciale VesselsValue. Sachez que les listes d’attente pour obtenir un bateau s’allongent, tout comme la taille de ces derniers.
Si on flambait avec un navire de 50 mètres dans les années 1990, il faut désormais dépasser les 100 mètres pour ne pas avoir l’air pauvre, soit la longueur d’un terrain de rugby, pour épater la foule des gnous ahuris souvent toujours porteurs de masques hospitaliers. Plus que jamais, tout démontrant qu’au plus les “F… de G…” envers la plouquesque sont énormes, au plus tout ce qui peut être pire est concevable à l’infini. Dans le monde de la grande plaisance, il n’y a qu’une seule ombre au tableau : alors que la crise climatique s’intensifie chaque jour davantage, les superyachts sont considérés comme des catastrophes pour l’environnement des pauvres… et ce malgré que la presse est aux mains de méga-milliardaires et est subventionnée par les gouvernements, soucieux…
Et c’est de plus en plus documenté. La masse se rebiffe, les ingrats… Dans son ouvrage “Superyachts, luxe, calme et écocide”, le sociologue Grégory Salle (un traitre) détaille l’ampleur des nuisances générées par la grande plaisance : “Il y a d’abord la pollution engendrée par les bateaux eux‑mêmes, de l’émission de gaz d’échappement (un plein équivalant à plusieurs dizaines voire centaines de milliers de litres de gasoil) à l’utilisation de peintures antisalissure contenant des substances nocives. Ensuite, la pollution occasionnée par le comportement des riches plaisanciers : rejet d’eaux souillées, détritus, détergents”. Grégory Salle (un traitre, il faut le souligner) rappelle également qu’un superyacht génère en moyenne autant de dioxyde de carbone que plus de 200 voitures américaines.
Ce personnage indique même que : “La seule flotte des 300 plus gros superyachts en activité émet près de 285.000 tonnes de dioxyde de carbone, soit autant voire davantage que des pays entiers”. Ce sociologue (un traitre, faites passer le mot) cite enfin, en amont des pollutions directement liées à l’usage, le préjudice causé par l’extraction de matériaux utilisés dans la construction de navires, à commencer par le sable. Ou d’autres produits de luxe comme le marbre, importés de tous les coins du monde. Michel Desse (un autre traitre) directeur adjoint de l’École doctorale des sciences de la mer et du littoral, évoque, lui, les pérégrinations des yachts et les requêtes exubérantes de leurs propriétaires…
Il a osé écrire : “Construit généralement en Allemagne ou en Italie, le yacht finira sa vie en Floride. Entre septembre et novembre, ils sont sous bâche à Palma de Majorque, en attendant d’être embarqués dans des grands navires conteneurs qui les conduisent aux Caraïbes pour la haute saison. Les propriétaires, eux, rejoignent souvent leur yacht en jet privé. Et pour satisfaire leurs besoins culinaires, ils importent de la nourriture de partout dans le monde”. D’autres traitres osent eux aussi écrire des insanités ; “Le passage continu de navires dans certaines zones fréquentées provoque par ailleurs des niveaux de bruit récurrents qui affectent la faune marine”… soulignent Arnau Carreño et Josep Lloret, chercheurs à l’Institut d’écologie aquatique de l’université de Girone.
En bref : une horreur pour les élites du monde que sont les méga-multimilliardaires… La révolution pointe, les yachts sont maintenant les symboles de l’hostilité que ce type de navire dégage désormais ! A l’été 2022, l’énorme yacht commandé par Jeff Bezos a failli se prendre des jets d’œufs : aux manettes du mastodonte Jeff souhaitait démanteler un pont classé aux Pays‑Bas pour laisser passer son bateau du chantier jusqu’à la mer. Face à l’indignation du public, il a finalement opté pour un itinéraire moins polémique. Au même moment, un marin ukrainien tentait de couler le superyacht de son patron, un oligarque à la tête d’une des plus grosses entreprises détenues par le Kremlin dans l’industrie de l’armement.
Lancé en juillet 2022, le compte Twitter Yacht CO2 tracker, qui documente les rejets de CO2 de plusieurs yachts de luxe, sur le modèle de ce qui se pratique avec les jets des milliardaires, a déjà plus de 17.000 adeptes. Les mégamilliardaires sont traqués… Pour calculer les émissions de CO2 de chaque navire, le compte reconstruit leur trajectoire et leur vitesse, chaque jour, et les croise avec les données de consommation de carburant des moteurs principaux publiées par les constructeurs : “Et encore, nous ne prenons en compte que le CO2 émis par le déplacement des bateaux, pas l’utilisation des piscines, des spas, des salles de sport, de l’équipement high-tech ni les éventuels tours en hélicoptère, etc. Car ce serait très compliqué”, précise, un militant écologiste aux manettes…
Hôtesse sur divers superyachts, Maria X raconte avoir repassé des draps, soir et matin, pour ensuite les changer tous les jours… ou encore séché les parois des douches après chaque utilisation pour le confort des propriétaires : “Généralement, plus le bateau est gros, plus on gaspille. J’ai travaillé sur un 124 mètres. Un jour de fête, on a dû renouveler le buffet toutes les deux heures, y compris la nuit, au cas où quelqu’un aurait un petit creux”. Face à ces récriminations, le secteur hurle au bouc émissaire. Et se défend en essayant de démontrer que les fans de superyachts s’efforcent en réalité de concilier bateaux pharaoniques et transition écologique. “Notre clientèle change”, tente ainsi de démontrer Steve Baillet, directeur marketing de Camper & Nicholsons.
Pour démontrer que les mégamilliardaires se préoccupent de la planète et de la santé de la plouquesque stupide et des misérables gnous, tous pauvres, il dit et écrit qu’avant, les vrais mégariches appréciaient les grosses voitures hors de prix qui font du bruit. Mais que désormais, ils se déplacent en Tesla et voient plus loin que la Côte d’Azur: en navigation, les mégariches mettent le cap sur des sanctuaires protégés, inaccessibles aux pauvres hères : “Bien sûr, les propriétaires de yacht restent en quête d’exceptionnel, mais ils sont attentifs à leur façon de consommer. Ils ont remplacé les bouteilles en plastique par des récipients en cristal sur leurs bateaux car c’est plus élégant, et c’est recyclable”…
Pour la première fois de son histoire, le MYS a également, lors de sa dernière édition, consacré un espace à la “durabilité”. Au “Sustainability Hub” (sic et gag !), les visiteurs pauvres pouvaient acheter du shampoing à l’huile d’argan et de coco à 1.000 euros la fiole, un produit naturel, indispensable sur les yachts et villas, et essayer des vêtements de navigation écologiques taillés sur mesure pour se rendre compte que les mégariches pensent à l’environnement. Pour démontrer que même les plus démunis peuvent être écologistes, ils pouvaient investir dans un revêtement “antifouling” (une peinture que l’on applique sur la carène d’un bateau afin de protéger la coque) nommé “Eco-Friendly”, car les revêtements traditionnels se désintègrent vite dans la mer et c’est très polluant.
Il faut en effet repeindre un yacht treize fois dans sa durée de vie, à savoir 25 ans. Avec “Eco-Friendly”, il ne faudra le repeindre que cinq fois. Certains se sont extasiés… Les exposants avaient été triés sur le volet par la “Water Revolution Foundation”, financée par des leaders de l’industrie des superyachts et dédiée à l’accélération du développement durable dans le secteur. Son budget ? Cinq cent mille euros annuels. C’est le prix d’entrée d’un accessoire vendu juste aux portes du Sustainability Hub: un petit sous-marin avec lequel les propriétaires de yacht s’amusent à explorer les profondeurs pendant leurs expéditions. “La clientèle change. Avant, elle appréciait les grosses voitures qui font du bruit. Désormais, elle se déplace en Tesla et voit plus loin que la Côte d’Azur”…
Steve Baillet, directeur marketing de Camper & Nicholsons et Patrick Ghigonetto, Président de La Ciotat Shipyards, un chantier naval où transite chaque année 1/7e de la flotte mondiale de superyachts, le répètent eux aussi aussi : “Le secteur a pris le tournant vert. À La Ciotat, nous avons mis en place un système de traitement des eaux très pointu pour atteindre des niveaux de rejet en mer minimes. Dans le même esprit, nos équipements d’alimentation électrique évitent aux navires d’utiliser leurs générateurs pendant leur arrêt technique. Nous avons aussi installé des nurseries pour développer des populations de poissons”. Anciennement tourné vers la construction de grosses unités, le site de La Ciotat a été sauvé de la fermeture en se repositionnant sur le secteur de la rénovation des yachts.
Patrick Ghigonetto ajoute que : “Chaque yacht, est un objet de luxe qui crée de l’emploi. Un tableau de grand maître reste sur le mur et ne rapporte rien. Le chantier de La Ciotat, lui, abrite 45 entreprises et fait travailler 1.200 personnes rien qu’en emplois directs”. De plus en plus de superyachts privés vont même jusqu’à se rêver en sauveurs de la planète. Imaginé par un milliardaire norvégien, REV Ocean ambitionne de nettoyer, étudier et sauvegarder les mers de la planète. Leur superyacht à propulsion nucléaire “Earth 300” aspire à transporter des scientifiques du monde entier pour mener des expériences afin de, lit-on sur son site ; “Construire la torche olympique de la science mondiale et d’élargir nos connaissances de l’univers à la fois au-dessus et au-dessous de la surface de l’océan”.
Autant d’initiatives que l’on peut trouver sympathiques, louables, insuffisantes, ou regrouper sous le terme suivant : le Greenwashing : “La prochaine fois que vous verrez une fête sur un yacht de luxe, ne croyez pas que tout le monde est en train de s’amuser”, ironise ainsi Grégory Salle : “Si ça se trouve, ces gens ne font que mener une expérience en matière de technologie navale. C’est 60% des revenus des ports”… Ces dernières années, c’est sous l’eau que se sont tournés les regards de tous les acteurs soucieux de l’impact environnemental du yachting. Plus précisément sur une plante aquatique: la posidonie. Les herbiers de posidonie sont les poumons de la mer : leur production en oxygène au mètre carré peut être supérieure à celle de la forêt amazonienne.
Ils fonctionnent comme des puits de stockage du carbone. Leurs grandes feuilles en ruban servent d’abri à d’innombrables espèces de poissons et surtout constituent une source de nourriture essentielle. La posidonie préserve également le littoral de l’érosion, en contribuant à casser la houle. Même lorsqu’elle échoue sur la plage, sous forme de petits amas d’algues, elle favorise la protection des côtes. Or, cet écosystème d’une extrême importance pour la Méditerranée est menacé. Ces 50 dernières années, les herbiers de posidonie ont connu un déclin global de 34 % lié à la pollution, au développement côtier, mais surtout… au mouillage des bateaux. Les superyachts représentent toutefois “la première cause de régression des herbiers de posidonie”…
C’est l’accusation de Charles‑François Boudouresque. Selon ce biologiste marin, plus l’ancre d’un bateau est grande, plus les dégâts sont importants. Il affirme que : “En termes mathématiques, on dit que l’effet est logarithmique. Un yacht de 100 mètres représente plusieurs milliers de fois l’impact d’un petit Zodiac de dix mètres”. En Espagne, les îles Baléares ont décrété depuis 2018 des interdictions de mouillage pour protéger la posidonie. “Une initiative pionnière, mais qui ne va pas assez loin”, regrettent Natalia Petit et Oliver Valles, cofondateurs de l’association SOS Posidonia : “Pour mettre une amende, il faut prouver que le bateau a effectivement détérioré la posidonie, cela nécessite donc des agents qui viennent le contrôler et consigner les dégâts sous l’eau”..
Or, il n’y en a pas suffisamment. Silvio, qui travaille pour l’une des 18 patrouilles marines de vigilance mises en place par les Baléares en 2022, met en exergue une seconde difficulté : “Généralement, plus le bateau est gros, plus il se moque de la réglementation. En une année, il n’y a eu qu’une vingtaine d’amendes dressées”. Entre le 6 août et le 13 août 2022, le Symphony , le yacht de Bernard Arnault, a produit 1.400 fois plus de CO2 qu’un Français moyen en une année. En France, il a fallu attendre 2020 pour que des arrêtés interdisent l’ancrage des navires de plus de 24 mètres, un seuil abaissé à 20 mètres dans certaines zones sur ces précieux écosystèmes. Les localités les plus prisées par la jet-set ont alors investi dans des méthodes de mouillage alternatives.
“La grande plaisance, ce sont 60 % des revenus du port”, justifie le directeur du port de Bonifacio, Michel Mallaroni. Pour que les revenus continuent, à l’extrême sud de la Corse, il a installé quatorze coffres d’amarrage dans la baie de Sant’Amanza. Ces bouées permettent aux bateaux de mouiller sans risque de labourer la posidonie avec leur ancre et leur chaîne de plusieurs centaines de kilos. “Le coût d’amarrage est proportionnel à la taille du bateau. Il faut compter 800 euros la journée pour un yacht de 50 mètres, 1.600 euros la journée pour un yacht de 100 mètres”, précise-t-il. Financé à 80% par l’État français, le projet a coûté deux millions d’euros. Il a été accueilli avec enthousiasme par les riches navigants, heureux de ne plus être refoulés vers des mouillages “inconfortables”.
Mais cela a ulcéré les associations environnementales locales “U Levante”, “GARDE” et “ABCDE” qui, en juin 2022, ont écrit à Élisabeth Borne : “On demande au citoyen lambda de voyager moins et moins vite. Or ces projets encouragent la grande plaisance internationale à voyager davantage et à venir en Corse, alors que la Corse est déjà sur fréquentée”… Gilles Boidevezi, le préfet maritime de la Méditerranée, est sur la même longueur d’onde que le directeur du port de Bonifacio. “Pour lui”, expliquait-il à Cannes devant un parterre de journalistes en juillet 2022 : “il faut “agir, la baie entre Cannes et Antibes a perdu près de 20 % de sa posidonie en dix ans, tout en préservant la grande plaisance, car c’est une activité vitale pour la région”.
La solution ? “Il faut installer quinze coffres, même si le coût moyen à l’unité est de 100.000 euros, car plein de bateaux sont partis en Italie et en Croatie”… À bord d’un Zodiac, Jean-Philippe Morin et Frédéric Thiebaut, du service de l’Observatoire marin de la communauté de communes du golfe de Saint-Tropez, pointent du doigt un bateau de plus de 100 mètres. Il s’agit du Symphony, le yacht de Bernard Arnault, doté d’un héliport, d’un bar, d’un spa, d’un écran de cinéma en plein air, d’une piste de danse, d’un salon de beauté, d’une salle de gym, d’un practice de golf, d’une salle de musique avec piano à queue, d’une bibliothèque, d’un ascenseur pour circuler entre les six ponts et d’une piscine de nage à contre-courant avec cascade.
Le Yacht “CO2 tracker”, en une semaine, produit 123,8 tonnes de CO2 en consommant 47.629,9 litres de carburant soit 1.400 fois plus qu’un Français moyen en une année… “Le patron de LVMH a toutefois été contraint de mettre la main au portefeuille pour continuer à mouiller dans la baie de Saint-Tropez”, explique Jean-Philippe Morin : “Il a investi dans une bouée qui lui a coûté 600.000 euros, plus quelques dizaines de milliers de redevance chaque année. Techniquement, c’est une bonne solution. Après, si tous les propriétaires de yacht faisaient la même chose, ils finiraient par privatiser la mer, car il y a interdiction de mouillage dans un rayon de 200 mètres autour de chaque bouée. C’est pourquoi d’autres demandes de bouée privée ont été refusées, comme celle faite par Martin Bouygues”.
D’après une analyse menée par l’Observatoire marin de la Communauté de communes du golfe de Saint-Tropez, depuis la mise en place de l’interdiction de mouillage pour les bateaux de plus de 24 mètres dans certaines zones, seuls 5 % des superyachts présents dans le golfe étaient en situation d’infraction. “La réalité est moins rose car beaucoup de bateaux coupent leur AIS ( le GPS des bateaux) au mouillage et déclarent une taille inférieure à la réalité”, pointe Frédéric Thiebaut, qui plaide la nécessité d’une coordination européenne au sujet de la grande plaisance, à défaut de laquelle les yachts fuiront ailleurs. Au Monténégro, par exemple, qui propose de belles infrastructures, des boutiques de luxe et est moins regardant sur les réglementations.
“Une harmonisation au niveau européen, ce serait un rêve !” concorde Thierry Voisin, président du Comité européen pour le yachting professionnel (ECPY), il dit qu’à la mise en place des arrêtés sur le mouillage en France, plein de bateaux sont partis en Italie et en Croatie. Ce n’est pas sûr qu’ils reviennent. “Le yachting est par définition une activité internationale”, abonde Éric Mabo, délégué général adjoint de la Fédération des industries nautiques : “Si on ne réglemente pas au niveau européen, on crée de la concurrence entre pays !”… Caroline Roose est plongeuse par passion. Mais aussi députée européenne “Les Verts-ALE”. Elle milite elle aussi pour une norme européenne, voire mondiale, qui viserait non pas à encadrer la concurrence, mais à limiter les émissions des superyachts.
“Les scandales environnementaux sont aussi économiques et sociaux”, souligne-t-elle : “Afin d’éviter les taxes fiscales, certains bateaux flottent toute l’année. Beaucoup sont immatriculés dans des paradis fiscaux et bafouent le droit social: certains employés partant de France sont embauchés sous contrat maltais pour profiter de la souplesse du droit du travail et de la faiblesse des cotisations sociales à Malte. On parle souvent des retombées économiques des superyachts, mais le personnel de la construction ou à bord ne profite pas de cette manne”… Gaspillage ostentatoire, fraude fiscale, délinquance environnementale, greenwashing… Au moment de conclure, Grégory Salle fait le compte : “On tire le fil ténu du superyachting, et c’est toute la pelote du capitalisme fossile qui se dévide”…