1951 Vincent Black Shadow Série C / 165.000$
Je saute en selle parce que cette moto a appartenu un temps à mon Grand-père Paul Imbert (le père de ma mère Marie-Louise)… Mon pépé avait un garage de vélos et motos ainsi que de micro-automobiles depuis les années trente et il a repris/reconstruit/continué son activité de garagiste motos/vélos après la guerre 39/45… Il avait acheté d’occasion cette Vincent Black Shadow début des années soixante alors que j’avais 12 ans et il était très fier de l’utiliser quotidiennement, avec moi en tandem sur la selle et j’étais de même fierté que de partir avec “mon Pépé” rouler sur les routes de campagne du sud de la Belgique et du nord de la france… Rien de tel que d’avoir roulé sur une de ces motos de légende pour vous présenter l’histoire de l’incroyable et extraordinaire Vincent Black Shadow.
L’auteur/journaliste américain inventeur du style Gonzo que j’ai peaufiné à l’extrême dans Chromes&Flammes et GatsbyOnline, le génialissime écrivain et journaliste Hunter S. Thompson, a écrit dans son roman de 1971 à propos de la première “SuperMotorbike” qu’était la Vincent Black Shadow : “Si vous pilotiez la Vincent Black Shadow à toute vitesse pendant un certain temps, vous mourriez presque certainement… C’est pourquoi il n’y a pas beaucoup de membres à vie de la Vincent Black Shadow Society”... La Vincent Black Shadow est considérée à presque tous égards comme la première “Superbike” au monde, à la fois en termes de puissance et de vitesse dont elle était capable, aussi en termes d’expériences de conduite qu’elle offrait : c’était une moto si puissante que vous pouviez en effet vous attendre à terminer votre vie sur la route si vous la poussiez “à fond” avec persistance, dans ses derniers retranchements…
L’histoire de cette moto britannique qui a réussi à semer la peur dans le cœur de Hunter S. Thompson commence en 1928, lorsque le jeune passionné de moto Philip Conrad Vincent a commencé à réaliser son rêve en achetant une entreprise de fabrication de motos bien établie : HRD, qui avait été créée par un ancien pilote de la Première Guerre mondiale nommé Howard Raymond Davies. On avait conseillé à Phil Conrad Vincent d’acheter un nom d’entreprise existant plutôt que de démarrer simplement en utilisant son propre nom : il a donc rebaptisé HRD pour devenir Vincent HRD et a établi son atelier dans la ville de Stevenage, à environ 28 miles au nord des frontières britanniques. HRD jouissait d’une bonne réputation, bâtie en partie grâce à ses succès dans le sport automobile, ce qui en faisait une bonne base à partir de laquelle Phil Conrad Vincent pouvait lancer son entreprise.
Phil ConradVincent s’était déjà essayé à la construction d’une moto en 1927 et avait conçu ce qu’il pensait être un système de suspension arrière parfait qu’il avait breveté en 1928 : la suspension Cantilever Vincent. Celle-ci a été incorporée dans la première moto Vincent HRD et toutes celles qui l’ont suivies. Sa suspension arrière en porte-à-faux se composait de leviers triangulés verticaux parallèles qui s’étendaient de chaque côté de la roue arrière. Cette unité en porte-à-faux pivotait en bas sur le cadre arrière de la moto, le haut étant fixé à un amortisseur télescopique à ressort, le point extérieur des triangles étant fixé à l’essieu de la roue arrière. La première moto Vincent utilisait un moteur monocylindre de J.A. Prestwich (JAP) , avec quelques machines ultérieures utilisant des moteurs Rudge-Python, jusqu’à ce que Phil Conrad Vincent commence à concevoir et à construire ses propres moteur.
Phil Conrad Vincent a été rejoint dans son entreprise par un autre Phil, l’ingénieur australien Phil Irving, c’était en 1934, année où les moteurs achetés à des fournisseurs extérieurs avaient tous échoué lors de la course de motos TT de l’île de Man de cette année 1934… Phil Irving avait été embauché en tant que chef ingénieur pour concevoir un moteur : “Qui serait tout aussi imperméable aux Gremlins de la loi de Murphy que l’ingénierie humaine pouvait le faire” (dixit lui-même), et il a donc créé un nouveau monocylindre Vincent 500cc OHV qui s’appelait “Le Meteor”, il produisait 26cv à 5.300 tr/min : une version sportive appelée Comet en a été extrapolée, créée peu après. Les Britanniques adoraient les moteurs monocylindres de 500 cm3 (et beaucoup l’aiment encore), ils ont une personnalité qui leur est propre.
Cependant, un jour est arrivé où Phil Irving qui était assis à son bureau, a pensé à satisfaire en mieux qu’Harley et Indian, le penchant américain pour les gros moteurs bicylindres en V… Phil Irving a vécu un moment assez semblable à celui vécu par Sir Isaac Newton lorsqu’alors qu’il était assis sous un pommier, il a vu une pomme tomber et s’est rendu compte que rien ne bouge à moins d’être actionné par une force extérieure déséquilibrée…. Dans le moment “eurêka” de Sir Isaac Newton, celui-çi a ainsi découvert la loi de la gravité : dans le cas de Phil Irving, il a découvert qu’en superposant deux dessins de son moteur Meteor monocylindre en les disposant en file indienne il obtenait un bicylindre en V… Manière très “British” de copier Harley-Davgidson via une pirouette… On ne sait pas s’il s’est exclamé “Eurêka”, mais il a compris qu’il pouvait créer un moteur qui ferait saliver un aficionado américain de bicylindres en V.
Ce moteur avec deux 500cc aurait une capacité de 1.000cc et, dans une moto Vincent, celle-ci se déplacerait donc plus rapidement avec deux fois plus de personnalité qu’un mono cylindre… Basique… Il a décidé de l’appeler “Rapide”, et c’est ainsi que la moto V-twin Vincent est née… La Vincent Rapide deviendra par la suite la fameuse “Black Shadow”… l’Ombre Noire (1936-1955)… Le moteur bicylindre créé par Phil Irving était fabriqué avec un ‘V’ de 47°, car l’inclinaison vers l’arrière du pignon fou du moteur était de 23½°, donc en mettre deux ensemble signifiait 23½° + 23½° = 47°… CeQu’ilFallaitDémontrer encore… Le moteur bicylindre en V pouvait être construit en utilisant les mêmes cylindres, culasses et soupapes que le mono cylindre Comet de 499 cm3 et équipé d’une paire de carburateurs Amal 1 1/16″, il allait “déménager grâââve”….
Il y avait dans l’atelier un cadre qui avait été fabriqué pour un client nommé Eric Fernihough, mais il n’en avait plus besoin, il ne demandait donc qu’à être transformé en une moto cracheuse de feu avec un bicylindre en V, ce qui est bien sûr exactement ce qui s’est passé… Nous ne savons pas lequel des deux Phil a été le premier à prendre la nouvelle moto pour son premier essai : il y avait sans aucun doute une aussi une file de pilotes d’essai enthousiastes. Le premier modèle de production installé avec le bicylindre en V de Phil Irving a été fabriqué sur un châssis brasé Vincent Comet en tubes d’acier rallongés juste assez pour y insérer le gros bicylindre en V qui ne laissait aucune place pour un réservoir d’huile destiné à un moteur “à sec”. Le moteur à carter et le réservoir de carburant étaient donc complétés d’un réservoir d’huile séparé.
Comme toutes les motos Vincent depuis le premier prototype de Phil Conrad Vincent de 1927, elle était équipée de sa suspension arrière cantilever brevetée et à l’avant se trouvait une fourche à poutre Brampton avec amortisseurs à friction. Les freins de la Vincent Rapide ont été fabriqués en utilisant le meilleur de la technologie des années 1930 : deux tambours à sabot unique de 7 pouces pour la roue avant et idem pour l’arrière. Cette première itération de la Vincent V-twin était équipée d’une pompe à huile à engrenages qui fonctionnait à un quart du régime moteur et alimentait en interne en huile les roulements de tête des bielles et les bagues extérieures d’arbres à cames. Pour acheminer l’huile vers les culbuteurs et l’arrière du moteur, quatre tuyaux externes ont été utilisés, ce qui donnait au moteur un aspect délicieusement complexe.
Curieusement, les Philistins de la presse moto n’ont pas apprécié cette pléthore de tuyauteries extérieures et ont qualifié le moteur de “cauchemar pour plombiers“. C’était une moto de passionnés, pas un moyen de transport ennuyeux qui faisait passer d’un point A à un point B. Le manuel du propriétaire de la Série A Rapide suggérait que tous les 1.000 milles, il fallait démonter le moteur et vérifier tout. Puis remonter… Nous comprenons donc qu’il s’agissait d’une moto pour quelqu’un qui passerait volontiers une journée ou un week-end dans son garage à tout démonter, puis à tout remonter, prêt pour les 1.000 prochains milles. On se doute que beaucoup de jeunes propriétaires de Vincent ont dû faire un choix entre une petite amie ou leur moto, et beaucoup auraient choisi la moto comme la moins chère et la moins compliquée des deux possibilités !
La Série A Vincent Rapide devait être la mère de la Black Shadow d’après-guerre : mais avant que cela n’arrive, une autre sorte d’ombre noire, celle de la Seconde Guerre mondiale, allait assombrir la vie de millions de personnes partout dans le monde. Il semblerait qu’une fois ses conceptions de moteurs établies chez Vincent, Phil Irving ait décidé de rechercher d’autres travaux liés à la conception de moteurs et il a donc rejoint le fabricant de motos rival Velocette en 1937 (qui sera connu pour la Vélocette Truxton… Le monde est cependant un endroit plutôt imprévisible et en 1939, un gentleman allemand avec un penchant pour les moustaches de Charlie Chaplin et la domination mondiale, est entré en guerre et a envahi la Pologne, provoquant un conflit entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne et ses alliés de l’Axe.
Cela a amené Vincent à arrêter de fabriquer des motos passionnantes et à se consacrer à la fabrication de munitions de guerre. C’est au cours de ces années à faire des choses qui explosent que Phil Vincent a décidé de rendre sa Rapide à bicylindre en V encore plus explosive et rapide. L’ingénieur Phil Irving a été a nouveau attiré vers l’usine Vincent, par l’opportunité de concevoir un nouveau moteur de canot de sauvetage, mais c’était la perspective d’un monde d’après-guerre dans lequel il concevrait des motos Vincent qui iraient encore plus vite, qui était la véritable attraction. Il calculait à long terme. Pendant les années de guerre, Phil Conrad Vincent et Phil Irving vont travailler sur des améliorations de conception pouvant être apportées à leurs motos. L’un des fruits de ce travail a été l’élimination des pièces inutiles.
Dans ses mémoires, Phil Vincent déclare : “Ce qui n’est pas présent ne prend pas de place, ne peut pas se plier et ne pèse rien, alors éliminez tout ce qui peut l’être ! Pour la Série B Rapide d’après-guerre, et donc pour la nouvelle Black Shadow, c’est exactement ce qui a été fait”... Dès que possible, une fois la guerre terminée, Phil Vincent a lancé sa série B Vincent Rapide, bien améliorée. C’était des années où la Grande-Bretagne était encore dans l’austérité d’après-guerre. Les gens étaient toujours rationnés pour la nourriture et l’essence ainsi que les approvisionnements en matières premières pour l’industrie. Pour cette raison, le taux de compression du moteur V-twin Rapide a dû être maintenu à 6,8:1 pour pouvoir fonctionner à l’essence à faible indice d’octane de qualité variable. L’acier était rare et très demandé, tandis que l’aluminium était relativement abondant et que l’acier inoxydable était également assez facilement disponible.
Cela tendait à favoriser le désir de Phil Vincent d’utiliser l’aluminium et l’acier inoxydable là où ils pouvaient être utilisés de manière appropriée. Dans son esprit, ses motos devaient remplacer la très appréciée Brough Superior dont la production avait cessé en 1940 : et les remplacer non seulement en termes de performances et de maniabilité, mais également en termes de qualité de fabrication. Le processus qui a conduit à la création de la première Black Shadow était initialement le raffinement du design de la Vincent Rapide, car la Black Shadow devait être une version haute performance de la Rapide. Le bicylindre en V d’origine de 47° a été modifié à 50° pour permettre au moteur d’être utilisé comme élément sollicité. Cela avait déjà été fait pour la Série B Rapide d’après-guerre sur laquelle la Black Shadow était basée.
Elle partageait le même moteur à carter sec refroidi par air à double cylindre en V OHV et le même moteur de 998 cm3/60,9 pouces cubes. pouces avec le même alésage de 84 mm et la même course de 90 mm : en fait, le moteur et les pièces de la Black Shadow ont été spécialement sélectionnés sur la chaîne de production Rapide. Cette conception de Phil Irving d’avant-guerre comportait des tiges de poussée courtes actionnées par des arbres à cames entraînés par engrenages qui étaient montés en hauteur dans le carter du moteur pour maintenir la longueur des tiges de poussée courtes, ce qui les maintenait plus légères et garantissait une meilleure rigidité. Le “cauchemar du plombier” de la tuyauterie externe avait disparu, déplacé vers les composants internes du moteur, loin des yeux des critiques sans cœur.
Phil Irving avait conçu les soupapes de son monocylindre de 500 cm3 d’origine et de son bicylindre en V de 998 cm3 avec des guides supérieurs et inférieurs pour maximiser le soutien et minimiser le risque de défaillance sous le stress de la course. Les culbuteurs étaient fourchus pour s’adapter autour de la tige de valve et agissaient non pas sur le dessus de la valve, mais sur un épaulement de la tige. Cette caractéristique de conception répartissait les pressions de force de la valve vers le bas sur les deux côtés de la tige de valve, offrant un équilibre et un soutien supérieurs à la méthode conventionnelle consistant à appuyer sur le culbuteur directement sur le dessus de la valve, spécialement conçue pour une fiabilité de haute performance. Le nouveau cadre simplifié, pour lequel il n’y avait pas besoin de tubes en diagonales car le moteur remplissait cette fonction de support, était simplifié…
Il utilisait une section “caissonnée” qui permettait d’incorporer le réservoir d’huile dans l’élément supérieur du cadre. La suspension arrière cantilever de Vincent avait son point de pivotement monté directement sur le groupe moteur/boîte de vitesses. Ces améliorations ont permis de faire de la Vincent Rapide Série B de 1946, la base parfaite sur laquelle Vincent construirait la première superbike au monde. Bien que beaucoup considèrent la Honda CB750 comme la première superbike au monde, ce n’était pas vraiment la moto, bien sûr, mais c’est surtout la moto pour laquelle le terme désormais omniprésent “superbike” a été inventé. On a un aperçu de la différence entre ces deux motos emblématiques dans le livre de Hunter S. Thompson “Fear and Loathing on the Campaign Trail ’72”, dans lequel il raconte une anecdote concernant Chris Bunche, rédacteur en chef du magazine Choppers.
Celui-ci lui avait en effet déclaré que la Vincent Black Shadow était “si rapide et terrible qu’elle faisait passer la Honda 750 extrêmement rapide pour un jouet inoffensif”... Et en effet, comparer la Honda CB750 civilisée avec une Vincent Black Shadow, c’est un peu comme comparer une Mitsubishi Evo avec une Shelby Cobra, les deux sont rapides, mais la Mitsubishi ne peut tout simplement pas rivaliser avec le look, le son viscéral et la puissance musculaire de la Cobra… Qu’est-ce qui a conduit à la création de cette moto qui faisait paraître une Honda CB750 apprivoisée ? La réponse semble être que deux hommes avaient une passion non seulement pour la vitesse, mais aussi pour que la vitesse soit vécue de la manière la plus inoubliable possible : grimpez sur la Black Shadow, c’est une moto qu’Evel Knievel aurait adorée. Mais la première superbike au monde a failli ne pas voir le jour.
Phil Vincent et son équipe ont en effet été la cible de demandes de renseignements de passionnés qui souhaitaient plus de performances que celles offertes par la Rapide. Vincent a construit une moto d’essai qui a été surnommée “Gunga Din” d’après le personnage du poème de Rudyard Kipling dont on disait “Tu es un homme meilleur que moi, Gunga Din”. Pilotée comme l’une des deux motos de course d’usine Vincent, elle a été utilisée comme banc de développement pour une nouvelle version haute performance de la Rapide . Armé d’un prototype d’essai viable sous la forme de “Gunga Din”, et avec un certain nombre de demandes concernant une moto Vincent plus performante, Phil Vincent s’est adressé à son responsable financier, le directeur général Frank Walker, qui était le seul membre de l’équipe de direction à ne pas être en mesure de le faire.
Walker n’était pas intéressé et a refusé d’autoriser l’argent pour le développement du nouveau modèle. Ce refus n’a cependant pas arrêté Phil Vincent, Phil Irving et le chef d’atelier George Brown, qui ont continué et ont construit deux motos selon les nouvelles spécifications proposées. Le prototype portant le numéro de châssis R2549 et équipé du moteur numéro F10AB/1B/558 a été achevé le 16 février 1948 et prêté à un écrivain moto nommé Charles Markham qui écrivait pour le magazine Motor Cycling. Son article parut dans l’édition de mai 1948 et il y déclarait que la moto avait atteint 196 km/h lors des tests. Que le directeur général Frank Walker ait approuvé ou non, la nouvelle moto s’est ainsi fait un nom et a débuté sa carrière au salon de la moto d’Earls Court à Londres cette année-là.
Pour leur nouvelle moto permettant de garantir que le nom Vincent devienne un mot familier dans toute la Grande-Bretagne et les États-Unis, Phil Conrad Vincent a décidé qu’il lui fallait une peinture caractéristique pour accompagner sa vitesse impressionnante. Le moteur a reçu une couche “pyluminisante” d’apprêt anticorrosion au chromate avec de l’émail noir “Pinchin & Johnson” par-dessus, le tout a ensuite été cuit au four pendant deux heures à 200°F/93,3°C : cela allait être une moto “chaude” et serait meilleure avec une finition cuite à chaud… Le moteur et la boîte à quatre vitesses Vincent, dont la transmission finale avait été modifiée de 9:1 à 7,2:1 pour la Rapide, ont été fabriqués comme une seule unité, de sorte que le carter de la boîte de vitesses a reçu le même traitement tandis que le cadre, la fourche et le réservoir de carburant ont été peints en noir.
La noirceur a été atténuée par le logo “Vincent” sur le réservoir de carburant, les cache-culbuteurs et la boîte de vitesses, complété par les brides en cuivre et le chrome des échappements, les jantes et autres pièces caractéristiques tandis que le guidon était émaillé noir. L’effet était d’un goût discret mais saisissant, mêlé d’une pointe de danger. Au cœur de la Black Shadow se trouvait un moteur Vincent Rapide avec quelques ajustements stratégiques. Bien qu’étant en grande partie identique au moteur Rapide, le groupe motopropulseur de la Black Shadow avait des pistons différents, ce qui augmentait le taux de compression de la moto de 6,8 : 1 à 7,3 : 1, et les premiers exemplaires comportaient un troisième ressort de soupape interne, quelque chose que la Rapide n’avait pas, mais quelque chose qui n’a pas été poursuivi sur les motos de production ultérieures.
Le moteur de la Black Shadow a également bénéficié d’un polissage interne des orifices pour optimiser le débit de gaz et a été équipé de différents carburateurs, les séries B et C étant équipées de 1⅛” Amal 289 et la “Série D” 1⅛” Amal 389/10. Étant une moto de fabrication britannique, elle a été conçue par le « Prince des Ténèbres » britannique, Lucas. Le cadre de la Black Shadow était celui de la Série B Rapide d’après-guerre qui incorporait l’unité moteur/transmission en tant qu’élément sollicité, éliminant ainsi le besoin de tubes en diagonales à enrouler autour de l’unité moteur/transmission pour les soutenir. Cela a bien sûr éliminé le poids de ces tubes, réduisant le poids à sec à un relativement léger458 lb/207,7 kg (500 lb/226,8 kg mouillé). Sur les premières motos des séries B et C, le haut du cadre était fabriqué comme une boîte pour remplir une double fonction de réservoir d’huile.
Les motos ultérieures de la Série D étaient équipées d’un cadre tubulaire et d’un réservoir d’huile séparé. La suspension était dotée du système cantilever breveté “pionnier” de Phil Vincent monté directement à l’arrière de l’unité moteur/transmission, tandis que les premières Black Shadow’s de la série B (appelées série B parce qu’elles étaient basées sur la série B Rapide) étaient équipées d’une fourche à poutre Brampton à l’extrémité avant, mais équipé d’un ressort de 180 lb au lieu du ressort de 160 lb utilisé dans la Rapide. L’Ombre Noire a été conçue non seulement pour foncer, mais aussi pour s’arrêter efficacement. Elle était équipée de quatre freins à tambour, tout comme la Rapide, un de chaque côté des moyeux des roues avec une barre d’équilibrage, mais sur la Black Shadow, ces tambours étaient nervurés pour leur permettre d’évacuer l’excès de chaleur.
C’était toutefois en fonction de ce que la technologie des années 1940 le pouvait. La Black Shadow n’a pas existé longtemps, en fait, c’est en 1948, l’année où la moto a fait ses débuts publics, que Phil Vincent a décidé d’améliorer la suspension avant de la Rapide, et donc également de la toute nouvelle Black Shadow. Vincent avait compris que les fourches à poutres Brampton n’étaient pas à la hauteur sur les Vincent Rapide et Black Shadow et qu’un remplacement était nécessaire. Phil Vincent n’était pas favorable aux nouvelles fourches télescopiques parce que lui et Phil Irving pensaient qu’elles manquaient de la rigidité en torsion nécessaire en cas de conduite intense, et surtout lorsqu’elles étaient conduites à fond avec un side-car attaché à la moto. Le Rapide et la Black Shadow étaient tous deux équipées pour une utilisation en side-car et disposaient de fixations pour le montage latéral droit ou gauche.
Pour répondre au problème de la suspension avant, Vincent a conçu son propre système de fourche avant “Girdraulic”. Celle-ci a été conçue pour offrir encore plus de stabilité en torsion que les fourches à poutres de l’ancien style, mais avec la suspension souple des fourches télescopiques. La conception originale des fourches à poutre utilisait une structure en tube d’acier à parallélogramme triangulé fixée au moyeu de la roue avant avec un ressort central (ou deux) dans la fixation à la tête de direction. Vincent souhaitait abandonner l’utilisation de l’acier, en partie pour des raisons pratiques de réduire le poids tout en garantissant résistance et rigidité, mais aussi en partie parce que l’acier était fortement rationné et que l’aluminium ne l’était pas. Avoir des fourches Brampton à l’avant des motos Vincent signifiait que l’acier utilisé dans leur fabrication provenait de la ration d’acier de Brampton, et non de celle de Vincent.
Le nouveau système de fourches “Girdraulic” de Vincent était simplement un développement de la fourche à poutres, mais au lieu d’utiliser des tubes en acier, ils utilisaient un alliage d’aluminium forgé RR56 pour les poutres et les maillons. À ces fourches de poutres étaient montés de longs ressorts souples depuis le voisinage de l’essieu jusqu’à l’excentrique sur lequel le bras inférieur avait son point de pivotement. L’amortissement était assuré par un amortisseur hydraulique, par opposition aux amortisseurs à friction utilisés sur les fourches à poutres plus typiques, ce qui a inspiré le nom “Girdraulic”. L’amortissement hydraulique offrait un amortissement beaucoup plus progressif que celui possible avec les amortisseurs à friction et constituait un grand avantage : des bagues en bronze autolubrifiantes étaient utilisées pour les maillons supérieurs et inférieurs afin de minimiser l’entretien.
Ces fourches ont été conçues pour être facilement réglables afin de les rendre mieux adaptées à la conduite en solo ou en side-car. La fourche Girdraulic a été conçue pour augmenter progressivement l’effet de la raideur des ressorts au freinage afin de fournir un mécanisme anti-plongée. Ces dernières années, les propriétaires de Vincent ont découvert que la géométrie originale de Phil Vincent pouvait être améliorée en utilisant un lien de fourche inférieur moins incliné , une stratégie qui élimine le dessus de fourche que les pilotes Rapide et Black Shadow ont connu sur leurs motos vintage d’origine. Les fourches Girdraulic se sont révélées extrêmement résistantes : un pilote d’essai de Vincent l’a découvert à ses dépens lorsqu’il a heurté latéralement une berline Austin A30 avec suffisamment de force pour plier la voiture au milieu… tandis que sur la moto, elle aplatissait la jante.
Les véritables lames Girdraulic auraient survécu à cette rencontre plutôt violente sans dommage et seraient restées “tout à fait vraies”. Nous nous demandons comment le cavalier s’en est sorti et nous espérons qu’il a continué à être l’un des “membres à vie de la Black Shadow Society”, comme l’a appelé Hunter S. Thompson… Vincent ne disposait pas d’un vaste réseau de concessionnaires, que ce soit en Grande-Bretagne ou sur les marchés étrangers, et les propriétaires de Vincent étaient plus susceptibles d’être intéressés par l’entretien et les réparations “à faire soi-même”. À cette fin, Vincent a limité son offre de modèles et utilisé une gamme de pièces aussi limitée que possible. Ainsi, les modèles hautes performances d’après-guerre étaient simplement des versions améliorées de la Série A Vincent Rapide.
La Série A a été améliorée par le passage à une construction unitaire avec une boîte à quatre vitesses conçue et fabriquée par Vincent. Les freins duo de série A utilisés à l’avant et à l’arrière ont été conservés et dans ces moyeux, les quatre tambours, les huit mâchoires de frein, les pièces mineures et les roulements à rouleaux coniques étaient tous identiques. Non seulement ces pièces étaient standardisées, mais elles étaient conçues pour être facilement retirées et changées. Les tambours eux-mêmes pouvaient être retirés sans qu’il soit nécessaire de modifier les rayons des roues, et le propriétaire pouvait choisir leur configuration, qu’il s’agisse d’installer les quatre tambours, ou trois, ou toute autre combinaison souhaitée. La roue arrière était facilement amovible et réversible, et l’installation d’un pignon à rapport différent a été facilitée pour rendre la moto adaptable à différentes situations…
Ces situations étaient la vitesse sur les routes de montagne sinueuses. (Remarque : l’interchangeabilité des tambours des freins avant et arrière n’a pas été reprise dans les modèles Black Shadow). La première des Black Shadows de la série B a fait ses débuts en 1948 et était équipée d’une fourche avant à poutres Brampton et d’un siège Feridax Dunlopillo Dualseat réglable avec une pompe à pneu en dessous et un plateau à outils sous l’avant avec chaque outil dans un compartiment en feutre anti-cliquetis. Le passage aux fourches avant Vincent Girdraulic marquant le passage aux Séries C Rapide et Black Shadow s’est également produit un peu plus tard en 1948. La Série C Black Shadow a été en production de 1948 à 1954. Le développement final de la “Série C” est mentionné. comme la “Série D” commençant en 1954 jusqu’à ce que Vincent cesse la fabrication à Noël en 1955, avant d’être mis sous séquestre en 1959.
Vincent Black Shadow moto Dunlupillo Feridax Dualseat : Moteur : 998cc/60,9 cu. Bicylindre en V de 50° OHV, carter sec, refroidi par air avec alésage de 3,3″/84 mm, course de 3,5″/90 mm et taux de compression de 7,3:1. Ce moteur produisait 55cv, donnant à la moto une vitesse de pointe d’environ 125 mph selon les conditions. Transmission : Boîte de vitesses Vincent à quatre vitesses en construction unitaire avec le moteur. Cadre : séries B et C ; Elément de châssis supérieur en caisson avec l’unité moteur/transmission agissant comme un élément sollicité du châssis. Élément de cadre supérieur en caisson utilisé comme réservoir d’huile pour le moteur à carter sec. Les derniers modèles connus officieusement sous le nom de “Série D” ont un élément de cadre supérieur en tube d’acier et un réservoir d’huile séparé.
Suspension : avant ; Série B ; Fourches à poutres Brampton avec ressort de 180 lb et amortisseur à friction. Série C ; Fourche Vincent Girdraulic en alliage d’aluminium RR56 avec ressorts hélicoïdaux, fourches montées sur le longeron supérieur du cadre, amortisseur/amortisseur hydraulique télescopique, le système doté d’une géométrie anti-plongée. À l’arrière, suspension cantilever Vincent avec double amortisseur/amortisseur télescopique, pivot inférieur monté directement sur l’unité moteur/transmission. Roues et pneus : avant ; Alliage WM-1 x 20/21 avec 3,00 – 20/21. Arrière; Alliage WM-2 x 19/20 avec 3,5 – 19/20. Freins : Quatre freins à tambour à sabot unique de 7″/180 mm montés deux par roue. Tambours en fonte nervurée. Tambours avant équipés de petites brides fixées par cinq boulons, tambours arrière équipés de brides plus grandes et fixés par dix boulons. Les garnitures de frein Ferodo MR41. Capacité de carburant : 4,2 gallons américains (15,8 litres, 3,5 gallons impériaux). Poids : 458 lb/207,7 kg de poids sec, 500 lb/226,8 kg de poids humide.
L’Américain Roland “Rollie” Free doit être crédité d’être celui qui a fait du nom de Vincent un mot familier du jour au lendemain. Il avait passé les années d’avant-guerre à se lancer dans la course de motos et, lorsque les États-Unis sont entrés dans la Seconde Guerre mondiale, il était employé comme officier de maintenance d’avions à Hill Field dans l’Utah : et pendant cette période, il a visité les légendaires salines de Bonneville où tant de des records de vitesse avaient été établis. Après la guerre, Rollie quitta l’Air Force et se remit à la course sur des Indian. Dans cette période d’après-guerre, Indian Motocycle et Vincent ont travaillé en collaboration pour voir s’ils pouvaient créer des motos qui plairaient aux pilotes américains. L’un d’eux était une Indian Chief équipé d’un moteur bicylindre en V Vincent, et un autre était un Vincent Rapide spécialement conçu pour le marché américain, fabriqué par Vincent et Indian.
Rollie connaissait l’homme d’affaires californien John Edgar qui avait acheté une Vincent Black Shadow construite selon des spécifications personnalisées spéciales, ce qui en avait fait une moto de production limitée qui deviendrait connue sous le nom de Black Lightning, peut-être parce qu’elle était peinte en noir, peut-être parce qu’elle avait été soumise à un éclaircissement en utilisant un alliage d’aluminium dans la mesure du possible, et peut-être parce que la moto se déplaçait à la vitesse de l’éclair. Rollie a d’une manière ou d’une autre persuadé John Edgar de lui prêter la moto en 1948 afin qu’il puisse tenter le record américain de vitesse en moto sur les salines de Bonneville, et ainsi la moto et Rollie Free ont fait leur chemin. là pour donner le meilleur d’eux-mêmes. La Vincent était100 lb plus légère et le moteur produisait 25cv de plus avec les carburateurs horizontaux et au nouvel arbre à cames de course Mark II.
Rollie Free Vincent Black Shadow Lightning Bonneville Salt Flats Record américain de vitesse en moto Pour ses premiers efforts, Rollie portait les cuirs personnalisés qu’il avait confectionnés pour la tentative de record de vitesse et adoptait la position couchée à plat sur le réservoir de carburant et le garde-boue arrière de la machine. Il a atteint 147 mph en faisant les choses comme il l’avait prévu, mais il lui manquait 3 mph pour atteindre 150 mph. Il a donc décidé de supprimer tout ce que les lois de décence de l’Utah permettaient et de tenter d’établir le record de vitesse en portant uniquement un bonnet de bain, une paire de chaussures de jogging empruntées et des baigneurs bien nommés « Speedo ». Je ne sais pas si vous avez déjà pensé à ce que vous pourriez ressentir si vous conduisiez une moto à 240 km/h en était presque nu…
Il s’est deshabillé, était quasi entièremennt nu, les jambes tendues derrière lui comme un nageur olympique plongeant dans l’eau. Le moindre incident avec chute et il mourrait dans d’atroces souffrances…. Ce serait certainement “mettre du sel dans les plaies” de la manière la plus extrême, quelque chose de si méchant que les bourreaux de l’Inquisition espagnole auraient adoré y penser, sauf qu’heureusement, ils n’avaient pas de motos. t. Rollie Free a décidé de prendre le risque alors qu’il se dirigeait vers les 150 mph au-dessus de ce sel impitoyable et potentiellement douloureux. La course “Speedo” de Rollie Free a eu lieu le 13 septembre 1948 et il a atteint la vitesse de 150,313 mph (241,905 km/h), établissant un nouveau record de vitesse américain et produisant ce qui doit être la photographie de “besoin de vitesse” la plus emblématique du XXe siècle. Presque “à poil” couché sur la moto…
Nul doute que la publicité fut superbe et le nom de Vincent devint plutôt connu dans les milieux motocyclistes américains. Ce ne fut cependant pas le seul succès record de vitesse de la marque de motos Vincent et de l’autre côté de l’Atlantique, en Grande-Bretagne, Phil Vincent prit quatre Black Shadows et deux Black Lightnings et réunit un groupe comprenant Ted Davis (testeur en chef), John Surtees (à l’époque un apprenti de 18 ans) et Danny Thomas (testeur) ainsi que Cyril Julian, Phil Heath, Denis Lashmar, Gustave LeFevre, Bill Petch, Robin Sherry, Johnny Hodgkin et le journaliste Vic Willoughby du magazine “Motor Cycle” et les a emmenés à L’autodrome de Linas-Montlhéry en mai 1952. L’équipe a battu huit records du monde sur longue distance et aurait pu faire plus si certains pneus n’avaient pas commencé à se délaminer.
D’autres propriétaires de Vincent ont fait l’effort d’établir eux-mêmes des records. En Australie, le 19 janvier 1953, un homme nommé Jack Ehret a réussi à persuader la police près de la ville de Gunnedah de fermer un tronçon de route approprié afin qu’il puisse y foncer avec sa Vincent Black Shadow et voir s’il pouvait gagner un record de vitesse australien… Il a réussi une course à 240 km/h, mais l’équipement de chronométrage s’est cassé, tout comme son levier de vitesses. Pour ne pas être vaincu, une réparation de fortune a été effectuée sur le levier de vitesse en enfonçant une clé à anneau dessus et en le fixant avec du fil de clôture : une sorte de solution standard dans cette partie du monde. Le levier de vitesse de fortune n’était pas aussi performant que l’original, mais Jack a pu atteindre une moyenne bidirectionnelle de 141,509 mph et ainsi établir un nouveau record australien de vitesse de moto.
La production de la Vincent Black Shadow avec toutes les autres motos Vincent s’est arrètée une semaine avant le jour de Noël 1955 et la société a finalement été mise sous séquestre en 1959. Il y a eu quelques efforts pour ressusciter le nom Vincent et celui de “Black Shadow” : l’un d’entre eux a été tenté par un gentleman nommé Bernard Li qui avait l’intention de construire de nouvelles motos utilisant des composants modernes et propulsées par le moteur bicylindre en V Honda RC51. Mais Bernard Li a été tragiquement tué dans un accident de moto avant de pouvoir voir son rêve se réaliser. L’autre effort a vu le jour en Australie avec la création de l’ Irving Vincent créée par HRD Engineering, qui dans cette nouvelle société signifie Horner Race Development. L’Irving Vincent est un modèle repensé basé sur les dessins originaux de Vincent mais amélioré grâce à la technologie et aux méthodes modernes.
La Vincent Black Shadow est, avec la Brough Superior, la moto la plus emblématique de Grande-Bretagne. Elle a un public dévoué, et les Black Shadow survivantes parmi les quelque 1.700 qui ont été fabriquées se vendent pour des sommes d’argent assez époustouflante entre 100.000 et 200.000 US$ ou €. Il est révélateur que ces motos de qualité d’investissement très coûteuses soient généralement conduites par leurs propriétaires, car une Vincent Black Shadow n’est pas mieux appréciée en la laissant statique dans une collection et en l’admirant comme une œuvre d’art. Une Vincent Black Shadow doit être pilotée pour être pleinement appréciée. C’est une moto qu’il est préférable d’apprécier à la fois en la conduisant, en la démontant et en effectuant l’entretien dont elle a besoin. C’est une moto britannique classique.
En finale de tout cela, mon Pépé marchand et réparateur de vélos et motos dont je vous ai causé en début d’article, lorsqu’il est décédé (paisiblement dans son fauteuil) a laissé à sa succession (ma mère et sa sœur) un garage bourré de “vieilleries” que ses deux filles (dont ma mère) et leurs maris ont décidé de vendre en tant que ferrailles, par un ferrailleur, au prix de la ferraille… Dedans ce tas de ferraille constitué de motos d’avant et d’après guerre 39/45 se trouvaient notamment deux Vincent Black Shadow’s, ainsi que d’autres motos de marques rarissimes y compris deux Amilcar et une Baby Bugatti, toutes liquidées au prix de la ferraille… N’ayant à cette époque que 17 ans, ma voix n’avait aucune portée dans l’envie familiale de jeter le “bazar” pour faire de la place… Actuellement, je suis le seul survivant, je ne sais donc plus reprocher quoique ce soit aux décédés….