Au-delà de leur valeur en tant qu’objets de consommation, certaines choses finissent par avoir valeur de symbole et revêtent une signification qui va bien au-delà de leur utilité fonctionnelle.
– Le totem pour les anciens en est l’exemple de base, car ne pas respecter un totem est invariablement le prétexte à une guerre sans fin…, le totem est devenu, au fil du temps, une marque, un emblème, un signe, qui est apposé bien en évidence et montre une appartenance à un clan.
– Le jean’s et la veste en cuir décorée, furent (et restent dans certaines contrées inhospitalières de nos villes occidentales), le symbole de la révolte et de l’autonomie adolescente…
– Le drapeau, cette étoffe colorée, provoque depuis la nuit des temps, des sentiments d’appartenance, de fierté et d’abnégation… : “Mourir pour le drapeau“, “S’envelopper dans le drapeau dans un dernier souffle“, fouler ou brûler un drapeau peut provoquer des guerres, des séparations ou des affrontements diplomatiques, à moins que ce soit, à l’interne, un révélateur de la traîtrise inhumaine…
– La moto, pour certains, est un moyen de transport rapide et efficace…, moins cependant par temps pluvieux…, pour d’autres, c’est devenu beaucoup plus : un totem, un objet de culte et de dévotion qu’on astique pieusement, qui amène à des rencontres tribales et des célébrations rituelles hebdomadaires où la communauté, vétue exclusivement de jean’s et vestes en cuir décorées de drapeaux et du symbole du groupe d’apparteance, fait retentir des pétarades de ralliement et s’enivre des bouffées d’encens (rinçage de moteur)….
Etre motard dans l’esprit Hells’Angel’s et donc ne circuler qu’exclusivement en Chopper, exige une initiation, impose un code d’honneur, son costume et ses emblèmes.
La secte vend ses indulgences (de la drogue aussi) et part à la chasse aux hérétiques (ceux qui ne sont pas Hells).
Le mythe assure qu’on peut plaire, du moins via son engin (le double sens est voulu), et rassure ceux qui ont le besoin de ressentir pour exister quelque chose entre les deux jambes.
Bien des Choppers ont une valeur totémique pour les individus de ces clans en crise de manque qui veulent vivre le mythe et participer à ce qu’Il peut apporter à leurs croyances, même s’ils doivent payer pour la valeur ajoutée, qui se situe bien au-delà de la valeur marchande et commerciale de leur Chopper.
Mais quel supplément de personnalité apportent ce mythe moderne !
De jeunes américains, avides de sensations et de puissance, cherchaient des motos rapides, or, les Harley-Davidson étaient certes rapides pour l’époque, mais trop lourdes.
Les choppers sont nés dans les États-Unis d’après-guerre.
Ils se mirent donc à “chopper”, à enlever, toutes les parties non-nécessaires au bon fonctionnement de la moto, cela incluait le garde boue avant, l’arrière (découpé), le frein avant, les sacoches, les phares additionnels, les pare-brises, les grosses selles…
Ainsi naquirent les bobbers.
Les choppers avaient en plus la susdite longue fourche, un cadre rigide (pas de suspension arrière), un embrayage suicide (au pied) et un levier de vitesse à la main.
Invention et créativité de chaque Chopper impliquent nouveautés et sortir des sentiers battus avec ré-arrangement des standards existants.
Il s’est depuis démarqué des autres catégories de motos pour devenir un style reconnu qui a ses propres adeptes et qui a permis à certains ateliers de faire fortune, comme l’atelier d’Orange County Choppers créé par Paul Teutul senior en 1970 dans l’État de New York, ou West Coast Choppers, situé à Long Beach, quartier de Los Angeles créé par Jesse G. James, le célébre présentateur de l’émission mécanique Monster Garage.
Ces réorganisations mécaniques opérées par l’artiste-créateur-bricoleur-etc…, peuvent concerner les couleurs, les formes, les matériaux, etc…. et avoir pour but le seul plaisir esthétique, l’inutilité non-fonctionnelle, etc….
Un Chopper sortant des normes, mais tout en respectant un esprit (c’est complexe, donc débile, je sais, mais l’humain est ainsi fait qu’il est issu, pour mieux y retourner, du puits sans fond de la bétise humaine qui est le réservoir qui fait fonctionner l’humanité)… est la découverte d’un nouveau système de complications devant paraître simples, qui permet de réorganiser de façon imprévue et souvent subite des éléments, des faits, des théories qui semblaient disparates pour le commun des mortels.
Comme l’enfant, le créateur d’un Chopper se pose plus de questions qu’il n’en peut résoudre.
La créativité humaine pourtant si riche n’est alors que l’ultime manifestation de cette créativité omniprésente, célébrant les trois grands moments de la créativité qui s’identifient avec les grands sauts qualitatifs de l’évolution qui sont autant de niveaux d’être.
En tant qu’être, il n’accepte pas les choses telles quelles, il veut les comprendre et se pose des questions à l’infini.
Cependant il dispose de peu de moyens pour y répondre… et après moult tentatives ou erreurs, il finit par découvrir un peu de la lumière noire qui lui permet de bomber le torse en raison de ses compétences cognitives.
Tous ces efforts, ces aberrations, ont un grand mérite, celui de montrer l’énorme différence entre l’animal et l’être humain, si primitif soit-il, qui veut comprendre… malgré le point d’interrogation planté dans son cerveau, ce qui l’amène à spéculer sur l’espace-temps… en buvant quelques Budweiser…
Et cette démangeaison est tellement impérative qu’il ne peut accepter son impuissance et pour la soulager il a tendance à s’inventer des réponses…, qui assurent un repos temporaire à ses inquiétudes.
La difficulté fondamentale du créateur de Chopper est qu’il est incapable de se soumettre à une certaine ascèse, même s’l maîtrise certaines techniques pour la fabrication de son oeuvre d’art.
Ne construit-on pas l’embarcation de son mieux, mais on reste sans prise sur le comportement de l’océan qui devra la porter.
Ne fait-on pas une flèche de son mieux, mais le contrôle de sa direction nous échappe pour une bonne part.
Tout s’anime autour de lui, son univers devient émotif, les forces de la nature lui paraissent ensuite hostiles, iniques et arbitraires.
Le constructeur de Choppers cherche alors des causes ultimes…, qui ne sont pas si ultimes que ça.
Il reste des impondérables, qui échappent à toute loi universelle.
La vie du créateur de Chopper est en constante dépendance d’un vouloir qui lui est extrinsèque…
Certains voyagent alors entre les deux mondes, physique et spirituel, ils sont en contacts directs avec le monde des ancêtres, ce qui se traduit par des peintures de scènes mythologiques avec femmes nues et dragons, peintures ou ils peuvent laborieusement neutraliser l’action des esprits maléfiques.
En transe, ils doivent relocaliser dans le corps d’un concurrent.
On préfère n’importe quelle explication plutôt que n’en point avoir du tout !!!
Sous l’écaille de la fiction (histoire ou personnage), on aime à voir un noyau solide, un sens profond d’une portée qui va au-delà de la petite mise en scène qui satisfait l’imagination.
Le sens premier qui vient à l’esprit quand on parle de mythe, de mythique, est l’irréalité de ce dont on parle, le sens du mythe s’est approfondi et s’est enrichi en tenant davantage compte de sa pratique dans une collectivité.
La célébration du mythe joue de plus un rôle important au plan personnel, tribal ou social dans les communautés motardes.
Elle dégage une force qui vient soutenir les individus ou les dites communautés.
Le mythe est, pourrait-on dire, une idée qui s’incarne, qui s’exprime dans une image concrète et qui exerce une certaine fonction dans une communauté et donne lieu à des célébrations rituelles.
Le mythe est une idée, l’être humain veut donc comprendre… et le mythe apporte des réponses qui, faute de mieux, répondent à ce besoin fondamental.
Le motard prend alors conscience de sa contingence, il vit, mais sait avec toute l’évidence désirable, qu’il n’est pas responsable de son existence, qu’il est sans prise sur elle pour la prolonger; autour de lui tout ce qu’il voit est dans la même situation et ne peut rendre compte de leur propre existence encore moins de la sienne ; il ne lui vient pas à l’idée d’expliquer l’existence par la non- existence, la vie par l’absence de vie, l’intelligence par la débilité de la matière, l’être par le néant.
Et il divinise sa moto avant de l’adorer….
Comme chaque membre du clan fait pareil, chacun assure ainsi une certaine cohésion sociale au groupe et lui permet de survivre sous l’autorité d’un chef…
L’obéissance des subordonnés, le respect des hiérarchies, la solidarité de la communauté, sont les règles morales fondamentales.
Tout cela est concrétisée dans des évènements concrets ou dans un personnage.
Les personnages que chacun s’invente et les histoires qui vont de pair, sont pour la communauté motarde des capsules vitaminées, des petits traités de philosophie politique ou morale et même des traités élémentaires d’économie…, avec toutes les erreurs dont l’espèce humaine est capable.
Celui qui vit le mythe en plénitude ne considère pas l’évènement comme fictif.
Le mythe est comme un intermédiaire entre l’abstrait et le concret, l’intelligible et le sensible, la conscience et l’inconscient,la réalité et le rêve.
La patrie du mythe : le “no man’s land” se situe entre le conscient et l’inconscient.
Le Mythe par sa célébration rituelle a une certaine efficacité, rassemble la communauté, renforce l’unité et les liens entre les membres, assure force et courage pour vaincre ses ennemis.
Revivre le mythe par sa réactualisation rituelle fait participer à la puissance et à la richesse des évènements initiaux qui sont à l’origine du groupe social.
C’est là qu’intervient la causalité magique, c’est un effet secondaire de l’animisme dans lequel beigne le groupe, il lui est difficile de se résigner à l’imprévisible, à l’incontrôlable.
Célébrations, oriflammes, invocations, entretiennent les forces de cohésion qui permettent au groupe de survivre. (Lors des concentrations Hells, si on n’est pas saoul, on se retrouve plus fier de son identité et de son appartenance à une communauté si créative)…
Ce recours à la causalité magique, c’est croire au pouvoir immédiat supposément efficace de la parole et du geste rituel, tout comme le magicien qui en spectacle fait sortir un lapin de son chapeau après quelques passes magiques, ou certains qui se croisent les doigts pour que ça aille bien au lieu de se botter…
C’est un monde où l’esprit ne semble pas être arrêté par la disproportion entre la cause et l’effet, excepté que ce n’est pas un jeu mais diverses techniques de survie.
Un viol collectif après un concours de fellation en finale d’une concentration… est alors une belle manière de ritualiser l’espérance…
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