Newron EV-1 – “Steampunk-machine”…
Depuis le 20 février 2020 une Startup française créée en 2016 par deux Français : Sébastien Mahut et Michel Sérafin, annonce la commercialisation de 12 exemplaires en précommande (acompte de 2.000 euros) de sa moto électrique : la Newron EV-1 dont le prix est prédéfini provisoirement à 60.000 euros.
Vitesse maximale 220km/h. 0/100 km/h en trois secondes. Autonomie de 300 km grâce à une batterie lithium-ion de 16 kWh.
Cette moto est présentée comme une oeuvre d’art intemporelle : “l’excellence du luxe à la française” !
l’EV-1 de Newron est une moto de luxe équipée d’une selle recouverte de cuir traité Hermes, d’une fine feuille de bois reconstitué et marqueté insérée dans les strates de carbone (une autre présentation façon fibres composites est en option). Les divers matériaux utilisés sont du cuivre et du titane, auxquels s’ajoute une anodisation très particulière de certaines pièces de manière à créer un contraste entre les matériaux et les matières. En outre la clé de mise sous tension contient un fragment du bois ou du titane employé dans la construction de l’engin.
J’ai rencontré Sébastien Mahut ce vendredi 7 mai pour tout en connaître…
– En tant qu’éditeur des magazines Chromes&Flammes qui faisaient fureur dans les années ’80 et qu’éditeur actuellement du magazine Gatsby et du web-site www.GatsbyOnline.com, je suis subjugué par votre moto qui est absolument magnifique, qui sort de la masse et qui de plus est française !
– J’étais lecteur de vos magazines C&F et actuellement de Gatsby. C’est un vrai choc pour moi que vous preniez le temps de vous intéresser à ma création.
– Non, sans façon, votre création est géniale, c’est tout plaisir de vous apporter l’éclairage de Gatsby.
– Nous souhaitons mettre en avant l’excellence du savoir-faire français, commente Sébastien Mahut, créateur de l’EV-1, Ainsi, une plaque gravée avec les noms des artisans qui ont contribué à la réalisation de la moto sera fixée sur son côté gauche.
– EV-1 me semble faire une référence clin d’oeil à la Chevrolet EV-1 qui fut la première voiture électrique de série produite par General Motors aux États-Unis et cela avant la Pontiac G6… L’EV1 fut le seul véhicule de l’histoire de cette société à porter la marque “General Motors”. Cette voiture était uniquement disponible en location longue durée et non à la vente. GM loua plus de 800 voitures EV1 sur les 1.100 produites, les véhicules loués devant contractuellement être restitués à GM après le terme de la location de 3 ans. Elles étaient disponibles en Californie et en Arizona et pouvaient être louées et entretenues chez les concessionnaires Saturn. Le but de l’EV1 était d’une part, de satisfaire les nouvelles lois californiennes sur les véhicules à zéro émission du début des années 1990. Ce programme ZEV (en anglais, Zero Emission Vehicle) spécifiait qu’en 1998, 2% de l’ensemble des véhicules mis en circulation devaient ne plus émettre aucun gaz polluant. GM dépensa plus d’un milliard de dollars pour développer et commercialiser l’EV1, bien qu’une grande partie de ce coût fut pris en charge par l’administration Clinton. J’en ai publié l’histoire ICI : https://www.gatsbyonline.com/automobile/ev1-qui-a-tue-la-voiture-electrique-347028/
– Une sorte d’hommage aux précurseurs !
– Extraordinaire, peu de gens s’en souviennent ! En 2001, GM annula le programme EV1. Malgré des listes d’attente de clients et un retour positif des locataires, GM déclara qu’il ne pourrait écouler assez de voitures pour rendre ce programme rentable et qu’une liste d’attente de 5.000 personnes ne générait que 50 clients réellement disposés à louer. Cependant, chaque EV1 offerte à la location trouva preneur. Le prix du véhicule utilisé pour le calcul des loyers variait de 33.995 $ à 43.995 $, ce qui représentait des loyers mensuels de 299 $ à 574 $. Un officiel de l’industrie automobile déclara que chaque EV1 coûtait à GM environ 80.000 $, incluant les coûts de recherche et de développement. Le prix de location des véhicules dépendait également des remises pratiquées par les États. À l’époque, le coût de l’électricité employée comme force motrice du véhicule revenait à environ 1/2 à 1/3 du coût en essence.
– Il est utile de se souvenir des précurseurs !
– Votre moto Newron EV-1 m’a touché au cœur, le look est avant-gardiste Steampunk, c’est magnifique et le réacteur nucléaire central façon “Iron man” qui se teinte de lumières LED bleues et rouges clignotantes qui n’est toutefois qu’un cache contenant la batterie, fait tout le look !
– Quand, en 2009, j’ai réalisé, dans le box-garage de mes parents, mon premier prototype de moto électrique, j’avais vingt ans et j’étais étudiant, me dit Sébastien Mahut. A l’époque, même si la tendance existait déjà aux Etats-Unis, nous n’étions que très peu en France à tenter de créer une moto électrique et je tenais tout particulièrement à construire une moto électrique de mes propres mains. Pour réaliser ma machine, j’ai utilisé pas mal d’éléments de récupération, dont un châssis d’Aprilia Futura trouvé dans une casse pour motos ainsi que des batteries au plomb. J’ai fait venir des Etats-Unis un moteur électrique conçu pour les conversions automobiles. Avec ce qu’il faut d’électronique de puissance, j’ai obtenu une moto dotée d’une autonomie de 60 kilomètres, avec une vitesse maximale qui pouvait grimper à 110 km/h. Cet engin n’a pas pu être homologué. Je l’ai toujours !
– La suite ? Qu’est-ce qui vous a amené à commercialiser une moto électrique ?
– Peu enclin à créer seul une entreprise de construction de moto électrique, j’ai mis de côté mon projet pendant 7 ans. J’étais alors ingénieur en aéronautique chez Safran. C’est là que j’ai rencontré Michel Sérafin, un collègue motard passionné qui a cru en mon idée d’une machine électrique premium… Il m’a dit que mon projet lui plaisait énormément et qu’il aimerait qu’on s’associe pour le réaliser.
– Ça tombait bien !
– Oui car j’avais alors le sentiment de ne pas être allé jusqu’au bout des choses avec mon prototype sur châssis Aprilia. Nos complémentarités sont apparues évidentes : Michel Sérafin avait toutes les qualités pour assurer la communication et le marketing autour de Newron, pendant que je pourrais me consacrer aux développements technologiques. Nous avons rejoint un incubateur d’entreprises dans le 95, créé notre structure, puis démarché les pouvoirs publics pour payer les premières études de faisabilité de notre projet. Des contacts ont été établis à cette époque avec différentes grandes entreprises, dont PSA et Valeo.
– Ce n’est pas rien !
– La Vice-Présidente de la conception chez Dassault System, ancienne directrice de la conception du groupe General Motors et dirigeante du design pour les petites et moyennes entreprises chez Renault, Anne Asensio, a impliqué son groupe dans mon projet après m’avoir dit m’a dit choisir Newron pour l’orientation de sa conception, de la pensée conceptuelle et de l’expérience utilisateur. Notre projet de moto électrique EV-1 est ressorti lauréat du prix Innov’Up 2018 au festival Futur.e.s de l’innovation numérique et durable. Dans la foulée, Newron a rejoint Advans Group, partenaire des plus grandes entreprises aéronautiques tels Thales, Safran, Airbus.
– Cette action a dû vous ouvrir à de potentielles et intéressantes perspectives !
– Notre startup a ainsi pu développer et tester un logiciel embarqué dans notre moto électrique connectée afin d’améliorer l’expérience utilisateur. Le soft touche à la recharge rapide, la connectivité 4G, au tableau de bord numérique et communique avec une application smartphone dédiée.
– Le nom Newron que signifie-t-il ?
– C’est la contraction de ‘Newton’, qui sert à établir une valeur de couple, c’est à dire l’accélération ressentie, et ‘neurone’ qui renvoie à l’intelligence artificielle. Newron Motors a en effet pour objectif de concevoir une moto qui saura adapter sa consommation et prédire le parcours optimal en fonction de l’utilisation enregistrée !
– Depuis, le prototype technique est exhibé au sein de différentes manifestations nationales et internationales ?
– Oui, nous avons d’abord imaginé sur le papier un groupe motopropulseur. Nous avons alors acheté les composants que nous avons validés individuellement sur banc avant assemblage. Puis nous avons monté le tout sur un châssis-cadre de Honda CBR. Avec une batterie lithium-ion d’une capacité énergétique de 14-15 kWh, l’engin disposait d’une autonomie de 220 kilomètres, inférieure à celle du modèle commercialisé.
– Newron est toujours depuis deux ans en pleine campagne de levée de fonds et cherche toujours des partenaires. Afin de susciter la confiance des investisseurs, dites-m’en plus !
– Sur les 12 unités que comptera la très petite série, 3 ont déjà été réservées par des passionnés et collectionneurs de motos séduits par notre machine d’exception.
– Vous indiquez 300 km d’autonomie !
– Ce sont environ 300 kilomètres qui pourraient être obtenus de l’EV-1 en utilisation urbaine grâce à une batterie 16 kWh. Bien sûr ces chiffres sont très variables selon les conditions d’utilisation. L’ensemble moto-pilote a un coefficient de trainée malheureusement pas très favorable à cause du look avant-gardiste ! La batterie a été développée en interne à partir de cellules existantes. Comme il est possible de le voir sur les photos, elle est au cœur même de la machine et lui donne son look si particulier.
– Qu’en sera t’il en usage ?
– Le pack sera rechargeable en 5 heures avec l’appareil 3 kW embarqué, ou en un peu plus de 2 heures avec l’option 7 kW. En employant un chargeur externe rapide au standard Combo CCS, ces temps tombent à une trentaine de minutes.
– Et l’usage d’une telle moto ?
– Quoique je suis certain que parmi mes premiers clients souscripteurs, certains clients millionnaires et plus, l’ont achètée pour l’exposer dans leur salon, nous cherchons des clients qui vont rouler avec elle ! C’est une moto plaisir pour faire des balades. Nous visons plus la puissance que la vitesse de pointe. Nous avons donc choisi des rapports de transmission qui brident mécaniquement l’EV-1 à une vitesse maximale de 220 km/h. Le moteur électrique de 75 kW de puissance développe un couple de 240 Nm.
– Ces chiffres correspondent à une 800 cm3 pour la puissance, mais à une 2,3 l de chez Triumph pour le couple !
– Le 0-100 km/h est abattu en moins de 3 secondes. Ce qui est un poil plus performant qu’avec la Livewire de Harley-Davidson. Pour comparaison, cette dernière tire 235 kilomètres d’autonomie en ville de son pack 15,5 kWh qui alimente un moteur de 78 kW de puissance. Et ce, avec une vitesse de pointe de 177 km/h. En plus des performances et des composants du groupe motopropulseur, ce sont les matériaux employés et la méthode de réalisation qui justifient un prix qui tourne autour des 60.000 euros. A comparer aux 33.000 euros de la Harley Livewire qui ne bénéficie pas d’un traitement permettant d’employer les termes “haute couture”.
– Quelle est la clientèle visée ?
– Notre moto s’adresse à des passionnés voulant être parmi les premiers à utiliser une machine électrique de haute qualité, cherchant à se différencier et à se faire plaisir. Amateurs de mécanique, d’horlogerie, de voyages et de sensations, ils seront pour la plupart dans la tranche des 40-60 ans et à mon sens ils lisent Gatsby magazine et GatsbyOnline ! Les 12 exemplaires seront fabriqués à la demande. Cette façon de procéder nous permet de limiter notre investissement en outil de production tout en assemblant à la main nos machines haut de gamme !
– Et après ?
– Comme chez Tesla, Newron envisage en prolongement de son parcours de démocratiser les motos électriques avec des modèles plus abordables. Ce qui sera possible lorsqu’un réseau de concessionnaires capables d’entretenir les machines sera suffisamment développé. La newron EV-1 est un excellent exemple de la liberté des concepteurs lorsqu’ils sont libérés des contraintes des moteurs à essence conventionnels et des réservoirs de carburant alimentés par gravité.
– La malheureuse Arc Vector est une autre moto électrique haut de gamme qui n’a pas tout réussi “à le faire” ! Les présentations de moto électrique haut de gamme commencent à devenir assez courantes dans l’industrie de la moto électrique, bien que les livraisons font nettement défaut. Curtiss et Arc ont présenté des motos électriques avec des étiquettes de prix égales ou supérieures à votre Newron EV-1. Curtiss n’a pas encore livré la moindre machine et Arc flirte avec la faillite depuis des mois !
– Nous avons de solides partenaires qui peuvent être questionnés nous concernant… C’est “livre-ouvert”, pas d’inquiétude, j’avoue que c’est difficile, mais la création est à ce prix.
– D’une part, j’aime le design de la Newron EV-1. C’est beau. C’est accrocheur. C’est une œuvre d’art sur roues qui pourrait être exposée dans un salon voire dans un musée. Mais en même temps le public veut voir comment elle roule et fonctionne bien. Parce que c’est une chose de construire quelque chose de beau. Mais c’est un défi entièrement distinct de construire une moto électrique performante. Et ensuite de la livrer aux clients. Alors que certains pourraient être prompts à l’appeler “vaporware”, la Newron est effectivement entourée de sociétés décentes, y compris Dassault Systemes, de sorte que cela n’est pas une entreprise “fly-by-night”. Malgré cela, vous devez me dire ce qu’il en est, ce ne sera que plus sérieux !
– C’est certainement beaucoup d’argent à parier sur une entreprise relativement nouvelle. Mais 6 personnes nous ont fait confiance et nos partenaires témoignent positivement !