LAMBORGHINI LM002 6×6 CONCEPT
Le réveil sonne exactement à 7:30. Une application a calculé, en fonction de mes respirations et cycles du sommeil, que ce moment était le plus optimal pour un début de journée plein d’énergie. Je suis pourtant comme explosé du dedans de mon cerveau, avec en prime la sensation de ne pas avoir dormi : bouche sèche, yeux torves. Le somnifère n’a pas été complètement éliminé par mon organisme, encore lové dans mon cerveau, tel un parasite. Je passe dans la salle de bain, un bouton poussé du doigt et le bain se remplit automatiquement…
L’algorithme fixe la température à 36 degrés, pour graduellement augmenter jusqu’à 41 degrés, moyenne calculée sur mes bains des 6 derniers mois. La musique commence en même temps que la toilette, l’algo décide de mettre une compile de PC Music, décidant de lui même qu’avec mes écoutes répétées, cette sélection siéra au mieux à mon humeur matinale. Affalé dans la baignoire, assommé d’avance à l’idée de continuer d’écrire mes articles “GatsbyOnline” pour les couilles du Pape (sic !), je regarde mollement mes Hot-Mails et un mélange de photos de plantes carnivores vénéneuses dénudées.
L’algorithme décide pour le moment d’éviter les news de mes amis/familles, ceci basé sur mon engagement quasi inexistant le matin avec mon cercle proche. Ces updates seront savamment distillées plus tard dans la journée, quand je serai plus amène à répondre à leur messages chiants. Une nouvelle alarme sonne à 8:30, m’indiquant que l’ordinateur fonctionne. Mélancolique d’être convaincu de gâcher ma vie, mon attention est attirée par un Lamborghini LM002 6 roues, cette nouvelle notification me tire de mes limbes, l’algorithme atteste qu’il est faux puis m’en propose un reportage !
La vidéo est coupée avant la fin, par une nouvelle notification de l’algorithme, me sommant qu’avec le nombre d’emails restant dans ma boite, il faut que j’en termine ! De rage, je décide de prendre une mesure drastique : passer mon iPhone en mode avion. Déconnecté ! Après avoir validé 3 fois “are you sure?”, c’est le vide absolu. Pas de vibration, pas de notif, pas de push. Un silence de mort ! Trop habitué à faire confiance à l’algo, je presse “shuffle” machinalement, et… voix cristalline, harpe chelou, violons tire larme, je ne pige pas trop ce qui se passe…
Chœurs élégiaques de messe de fin du monde, mélodie belle à crever, le morceau monte directement vers les cieux au bout de 30 secondes, et tout le reste, autour de moi, semble disparaître. Complètement happé, je ne remarque presque pas qu’après 3 minutes de recueillement, le tout mute soudain vers quelque chose de moins grandiloquent, presque tubesque. Mais le détail sonore qui me fascine, qui me tord la colonne vertébrale, c’est ce vrombissement égratignant calmement le tout. Surréaliste, c’est un bruit émotionnel de V12 Lamborghini qui blesse sans discontinuer ma structure !
Il engouffre tout, jusqu’à un silence final. Ce Lamborghini n’existe pas réellement mais virtuellement, il ne sert à rien, ne servira à personne, n’aboutira à rien et n’ira nulle-part d’autre que devant des paysages tous aussi faux que lui ! Toutefois, complètement explosé par la beauté de ce Lamborghini LM002 6 roues, je me retrouve désemparé, perdu dans un univers qui semble n’avoir aucun sens ! Je perds mes repères, le temps se dilate, impossible de savoir ce que sont ces craquements bizarres, ces bugs sonores qui parasitent une bonne partie de cette œuvre schizophrène, semblant constamment hésiter entre pureté et immolation industrielle.
C’est comme vivre une grande fresque de fin du monde traversé par une femme nue aux ailes d’anges (les seraphs flippants, pas les chérubins). Encore aveuglé, je me dirige au hasard, dans l’écran, une boule au ventre, l’autre au bout des doigts de ma main droite (j’adore cette souris) en imaginant l’impact du retard pris sur le planning non-défini de ma vie, et le potentiel effet papillon créé sur les semaines à venir.
De façon aléatoire, et sans chercher de likes en retour, je suis soudain un peu nostalgique de l’époque ou je passais des heures en bagnole à faire la fête dépressive ! Maintenant le Covid plombe tout et tout le monde ! Moi aussi ! Un brusque moment de recueillement me déboule en tête sans prévenir et tabasse mon moral. Et là, j’ai soudainement du mal à respirer, domestiqué par un algorithme aux recommandations bien trop familières et sécurisantes qui m’écrit en plein écran : “Ce Lambo 6 roues n’est qu’une façon utopique de tester si ce VUS de luxe pourrait plaire avec son essieu arrière ajouté… Utilisée sur le plus cher 6X6 de la Classe G de Mercedes, la configuration 6×6 ajoute plus de caches que de fonctionnalités et ne manquera pas d’en faire remarquer une”…
Piting ! Ca veut dire quoi ce charabia ? Je lis ensuite que le designer de cet engin qui n’existe pas, Abimelec Arellano, a pris le SUV LM002 ultra-rare de Lamborghini tout comme il aurait pu prendre une Jeep Wrangler et a fait exactement cela, en ajoutant un ensemble supplémentaire de roues. Le LM002 est toujours propulsé par le V12 de 5,2 litres de Lamborghini, produisant plus que suffisamment de puissance pour compenser l’essieu supplémentaire qui n’a aucune praticité.
Bien qu’il s’agisse d’un concept qui fait tourner la tête, la production originale des 328 LM002 signifie que nous ne verrons pas cela en plastique et aluminium de sitôt. C’est un rêve inutile qui se déroule sur Ocean Drive, qui, à l’époque, était vraiment un paradis art-déco, patin-à-roulettes, peint-au-pastel. Les jeux vidéo comme “Grand Theft Auto Vice City” et les films comme “Scarface” sont les premières pièces qui viennent à l’esprit lorsque vous pensez à cette esthétique, et font un excellent travail de représentation de l’environnement.
La façon dont les couleurs pastel fonctionnent ensemble et comment tout donne une ambiance colorée sans être trop écrasante est fantastique. Si l’offre est actuellement aussi pauvre, les constructeurs persistent toujours à proposer régulièrement des concept-cars. Des cobayes pour analyser l’accueil du public. En 2000, Sbarro avait présenté un Berlingo rallongé avec double essieu arrière, nommé “Croisière-Jeune”. Rien n’a suivi malheureusement derrière.
Pour qu’une voiture se vende bien et soit rentable pour un constructeur automobile, elle doit plaire au plus grand nombre, tout en remplissant les besoins, donc, sincèrement, qui aurait usage d’un véhicule à 6 roues de presque 3 tonnes équipé d’un V12 de 6.000cc qui engloutit minimum 50 litres aux 100kms?
Hormis d’immenses pick-ups à roues jumelées, l’Europe n’est pas très friande de cette profusion de roues, surtout que suspensions, pneus et freins imposent un surcoût évitable. Les six roues engendrent en prime un gabarit plus important, qui n’est pas véritablement adapté aux urbains. Et comme nous nous rapprochons de plus en plus des villes… Pfffffffff !
La compétition automobile n’aura eu recours que brièvement aux six roues. Malgré plusieurs tentatives et des promesses, les sportives à six roues n’ont jamais brillé sur circuit. En course de côte, Bernard Cholet réalisa dans les années ’70 une unique Matra M530 avec double essieu avant (pour augmenter la motricité) et moteur V6. La belle fut malheureusement abandonnée mais ferait l’objet d’une restauration.
En ce qui concerne le Rallye, des Range Rover à 6 roues s’y sont aventurés. Il s’agit des célèbres réalisations Carmichael, dont beaucoup sont d’anciens véhicules de pompiers. Les six roues sont désormais très rares dans le domaine de la compétition… Les voitures à six roues ont eu leur heure de gloire. Pratique à une époque où les routes étaient loin d’offrir le confort actuel, les voitures à six roues ont évolué sur tous les terrains et même sur piste, sans jamais briller.
Pas dénuée d’intérêt pour autant, elles n’ont pas réussi à démontrer tous leurs arguments face aux quatre-roues que nous connaissons. Aujourd’hui, seuls quelques modèles réservés à une élite financière qui joue dans le sable de leurs dunes du Moyen-Orient, peuvent se permettre les 6 roues, car l’entretien est d’autant plus onéreux en terme de pièces d’usure, de pneus et de freins. De même, les transformations quasiment artisanales n’ont plus aucune chance de passer les tests d’homologation dans aucun pays d’Europe. Une page s’est tournée… Pourquoi donc l’avoir créé même si virtuellement le cout est relatif du temps que le designer avait à perdre ? Hop ! Je m’en tape ! Je vais dormir…
5 commentaires
Je n’ai osé vous présenter mes meilleurs vœux car bien que je sois un garçon poli, je pense que vous vous en moquez ! Vous n’aviez bien sûr pas à vous en faire pour le ton de vos réponses, ce serait comme vous excuser d’être vous-même chez vous ? Je suis assez grand pour vous répondre. Mon silence s’explique hélas par le tourbillon des obligations professionnelles et familiales, ce qui ne m’a pas empêché d’amener à table tous les sujets réprouvés dans les ouvrages de la baronne Staffe : politique, religion et argent afin de ne plus être invité l’année prochaine. Je vous rassure de suite : je n’ai pas poussé le vice à offrir des livres de Serge Bellu car cela aurait été contribuer financièrement à une organisation malfaisante. Tout ça vous vous en moquez très certainement vous avez raison. J’espère en revanche vous avoir fait sourire ! J’ai noté dans l’article que vous parlez de Scarface, de GTA, d’algorithmes, de mode avion, et c’est cela qui a amené mes remarques. De façon tout à fait égoïste, je suis ravi de votre convalescence post-infection COVID, vos derniers articles sont les plus belles des étrennes pour vos lecteurs !
Je reste émerveillé par cette capacité que vous avez à vous imprégner des codes ou références d’autres générations.
Devrais-je pour autant en faire de même ?
Le débat est permis, car mon cerveau ne perdrait rien sans doute à devenir un peu plus élastique, au contraire d’autres parties de mon anatomie. Mais Dieu que les autres m’emmerdent…
Re-bonjour et re-bienvenue à vous. Je vous ai cru parti fâché de mes dernières réponses qui étaient trop sèches car je venais d’être infecté du Covid et je commençais à subir une fatigue de tout… Après presque 3 semaines, ça va mieux, peu à peu. J’avais stoppé l’écriture durant ce temps, maintenant en forçant un peu, c’est mieux. Je retapote le clavier ! J’ai l’esprit toutefois encore embrumé et je ne comprends pas d’où vous apparait : “ma capacité à m’imprégner des codes de référence d’autres générations”… ? Précisez quel est l’article qui vous a poussé à cette idée ! Comme ce doit être en rapport avec ce LMOOZ “fantôme” dites-vous que malgré mes bientôt 73 ans en mai, j’ai eu un LM002 il y a une quinzaine voire une vingtaine d’années (il venait d’un échange avec une Aston-Martin). Sachez que les “autres” de manière générale me fatiguent également, je ne reçois d’ailleurs personne; ne supporte pas grand monde, pas même les survivants de ma famille. Pour le reste, ça va cool…
Je n’ai rencontré dans ma vie médiocre que deux fois dans la rue des automobiles à 6 roues : sur la croisette et rue Sibilii à Saint Tropez.
Y’a-t-il une utilité particulière à l’essieu supplémentaire lors de l’achat de sacs à main de luxe ?
Oui, vous pouvez transporter un beaucoup plus grand nombre de sacs à main de luxe puisque la benne/coffre est deux fois plus vaste. Idem pour d’éventuels cadavres d’emmerdeurs.
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