Studillac ? Fuick ? Chevrolash ? Chrysoto ?
Studillac ? Fuick ? Chevrolash ? Chrysoto ? Quelle marque était-ce ?… Ce Hot Rod était un monstre, capuchonné comme un griffon, avec une queue de sirène, émettant le rugissement d’un Brontosaure affamé tournant en rond autour de sa proie… Sans cesse, encore et encore… Cette portion d’un scénario, témoigne en résumé l’émergence, la consolidation et la dissolution du cycle des films de Hot Rod’s des années 1950, produits entre 1956 et 1958. Ces films, souvent à petit budget, exploitaient la culture des Hot Rod’s, une sous-culture adolescente perçue comme antisociale et dangereuse.
Le cycle a été influencé par des événements d’actualité et la popularité croissante des cinémas drive-in. Les films promettaient des sensations fortes et des frissons, mais en réalité, ils étaient souvent ennuyeux et ne tenaient pas leurs promesses. Le cycle a culminé avec des titres comme “Dragstrip Riot” et “Hot Rod Girl”, mais a rapidement décliné à mesure que l’intérêt pour les cinémas drive-in diminuait. Les films de Hot Rod’s exploitaient les valeurs et les intérêts des jeunes Américains pour ces engins, mais leur succès paraissait alors éphémère, reflétant la nature transitoire de la culture populaire.
En mai 1949, le “Boss”, le directeur de la Division de la sécurité de la Police de New York, a défini que “Tout Hot-Rodder est une créature démoniaque intrinsèquement anarchique au point qu’il est impératif de stopper et de saisir son véhicule Hot Rod, car la possession de toutes voitures transformées en Hot Rod’s, constitue la preuve présumée d’une intention d’excès de vitesse, de non respect des lois et de moyen d’agir envers les femmes et jeunes filles dans le but de les forcer à des relations sexuelles contre nature”… La vitesse, les Hot Rod’s et les jeunes étaient les ennemis publics des routes et autoroutes…
Il paraissait évident aux forces de l’ordre que les conducteurs et passagers de Hot Rod’s était des “Hors-les-lois” ayant intrinsèquement la tentation irrésistible et coupable d’enfreindre les Lois en conduisant en conséquence de manière téméraire et illégale, mettant la vie des populations en grave péril et démontrant par leurs looks, vêtements et postures, qu’ils avaient délibérément l’idée et la volonté de menacer les vies humaines des braves et honnêtes Américains… et d’avoir sans cesse l’idée préméditée de violer les lois et les femmes… Recommandation étant faite de tirer à vue sans coup de semonce…
L’intention d’accélérer illégalement en émettant des gaz toxiques, pour séduire les femmes et les violer, n’était pas vraiment limitée aux Hot-Rodder’s, mais cela a été utilisé par les producteurs de films. Les distributeurs et exploitants ont ainsi exploité la Kustom-Kulture et les Hot Rod’s avec préméditations démontrées par verbiages, proposant au public de s’encanailler avec la promesse de sensations irrésistibles… Un Reporter du magazine “Variétés” à, en cette suite, présenté en exemple un film typiquement “navet” nommé “Hot Rod” qui était projeté dans d’abominables arrière-salles de banlieues pourries.
Les seul(e)s spectateurs et spectatrices étaient des jeunes désœuvrés qui venaient goûter entre-eux aux plaisirs sexuels interdits dans le noir des salles de cinéma… Ces flirts d’insignifiances ont alors été qualifiés de débauches contraires aux principes divins et à la Constitution Américaine, fomentés par la vision de ces films contraires aux bonnes moeurs… C’était trop d’honneur pour des films relativement minables réalisés par des sous-acteurs et des starlettes de petites vertus payés (parfois) à très petits budgets pour des rôles insipides extrapolés de sujets controversés visant les juvéniles et les indésirables…
Conjuguer l’anarchie et la poursuite imprudente de la vitesse enveloppés dans la nouvelle Kulture du Hot Rodding était nouvelle, opportune, jeune et
essentiellement passionnante. C’était donc apparemment des sujets bien juteux pour l’exploitation cinématographique.. De là sont nés quelques navets présentés dans un cycle de films de Hot-Rod’s qui eut ses moments de gloriole de 1956 à 1958 avec des titres interchangeables tels que “Émeute au dragstrip”.., “Dragstrip Girl’s”…, “Hot Rod Rumble”…, “Hot Rod Gang”…, “Hot Rod’s sexual diaries”…, “Hot Angel’s”..., et “Forbidden Strip Rod Girls” ainsi que “SexRod”…
L’objectif de cet article est d’abord d’y passer du temps, ensuite d’explorer le lien de ce cycle avec diverses questions d’actualité qui n’intéressent personne, et, à travers cela, montrer comment les préoccupations actuelles et les sujets d’actualité ont été exploités par l’industrie cinématographique. “L’actualité”, comme l’a noté l’historien du cinéma Gregory Waller, “est insaisissable et conjecturale, mais elle ne peut être ignorée, surtout lorsqu’il s’agit de films conçus pour le marché commercial, où l’actualité est une attraction, une source de plaisirs et de rappels des liens qui unissent l’écran à des discours”…
C’est pour ceux qui circulent dans la sphère publique et qui la composent. J’y reviendrait plus tard… Les pages qui suivent se pencheront sur la frénésie médiatique qui a tourbillonné autour de la sous-culture du Hot-Rodding, généralement dépeint comme une activité sociale dangereuse. À travers des films isolés sur ce sujet, j’ai voulu examiner les stratégies de marketing sensationnalistes utilisées pour les promouvoir, que je relie à l’expansion des drive-in. Je tiens également compte de l’extraordinaire décalage entre les sensations fortes promises dans les argumentaires de vente de ces films de Hot rodding.
Ils y étaient généralement décrits comme utilisés dans des activités illicites, antisociales et dangereuses. À travers des films isolés sur le sujet et en tant que motifs dans des films qui ne s’intéressaient par ailleurs pas beaucoup au sujet, j’ai retraçé l’émergence de ce cycle, examiné les stratégies marketing sensationnalistes utilisées pour promouvoir ces navets, que je relie à l’expansion du nombre de cinémas drive-in, avant que tout s’écroule. Je rendrais alors compte de l’extraordinaire décalage entre les sensations promises dans le discours de vente de ces films et l’ennuis qu’ils procuraient en réalité.
Peu d’exemples de films de ce cycle ont réellement tenu leur promesse de sensations fortes. Enfin, il convient d’examiner les questions de rotation et de vitesse de production qui ont marqué le cycle. Ce qui rassemble ces domaines d’intérêt est une série de questions sur ce qui a rendu les Hot Rod’s et la culture des Hot Rod’s utiles aux producteurs de films et au public. Comme le rock’n’roll ou les paniques morales inspirées par la consommation de bandes dessinées, la culture des gangs et la délinquance, le Hot Rodding était l’une des activités adolescentes qui ont attiré l’attention des médias des années’50.
La frénésie mérdiatique inspirée par la sous-culture a certainement joué un rôle important dans l’exploitation du sujet par les producteurs de films, mais elle ne peut pas expliquer de manière adéquate pourquoi le cycle est apparu en 1956-57 plutôt qu’avant ou après. La principale raison de la formation du cycle, selon moi, découle des changements dans les contextes de production, de distribution et notamment d’exploitation des films. Le cycle Hot Rod étant particulièrement lié à l’augmentation de cinémas drive-in, qui ont atteint leur masse critique en 56-57, parallèlement aux années de pointe du cycle.
La fréquentation des cinémas en plein air a ensuite chuté, tout comme la production de films de Hot Rods. Le cycle était lié à des événements survenus dans la sphère publique, comme il l’était à l’exploitation du succès au box-office de films tels que “La Fureur de vivre” (1955), qui à leur tour ont été formés par ces événements. Mais ces facteurs contributifs étaient plus que causaux. Les changements exceptionnels dans les pratiques de diffusion étant responsables de la canalisation dans un cycle de ce qui aurait autrement été une série d’exemples cinématographiques déconnectés de l’exploitation des Hot Rod’s.
Les cinémas en plein air ont fourni le catalyseur essentiel à la formation du cycle, maximisant et façonnant son potentiel exploitable pour les producteurs et les distributeurs de films. Frénésie médiatique et sous-culture du Hot Rodding… Dans un article du Saturday Evening Post de 1950, un père décrit les plaisirs et les embûches de l’enthousiasme de son fils pour les bolides. C’est une description entièrement positive qui met l’accent sur les compétences acquises et le travail nécessaire pour préparer une voiture à la course. Les soirées paisibles du père se terminaient lorsque son fils achetait une vieille bagnole.
La bande du quartier vidait la glacière, remplissait la nuit de musique endiablée et transformait le vieux tas en l’un de ces bolides survitaminés qu’ils appelaient des Hot Rod’s . L’article situe le Hot Rodding comme une activité légitime et particulièrement américaine, une activité réglementée que la police considérait comme un besoin de vitesse des adolescents, espérant que lorsque le bolide serait construit, il roulerait sur une piste de course spécialement conçue à cet effet, et non dans les rues du quartier. Cette vision optimiste n’était pas typique de la couverture médiatique de l’époque !
C’était le contraire, la presse politiquement correcte, décrivait cela comme une activité illégale qui mettait en danger non seulement les passionnés mais aussi les autres usagers de la route. Le Hot Rodding, comme le rock’n’roll, était une agression contre ceux qui avaient une sensibilité plus mature ou plus raffinée, un symptôme très visible (et sonore) de la jeunesse déchaînée. Un exemple de la documentation sensationnelle de la mauvaise culture du Hot Rod avait été publié quatre ans plus tôt, en 1946, détaillant les batailles entre la police et ces gamins sauvages avec leurs voitures suralimentées…
Divers reportages reconstituaient les cascades des adolescents dans leurs tacots personnalisés, y compris un jeu de rotation, le conducteur, ayant atteint 50-60 mph, ouvrant sa portière et marche le long du marchepied et monte sur le siège arrière. Pendant ce temps, l’ami à droite prend le volant et un autre à l’arrière monte à l’avant. “Cela continue jusqu’à ce que tout le monde ait eu son tour ou qu’il y ait un accident” (Life 1949). Dix ans après son premier article sur la sous-culture, le Saturday Evening Post publiait encore des récits sur les dangers du Hot-Rodding qualifié de danger public…
Les articles du style “Ils cherchent le frisson, et s’ils blessaient ou tuaient quelqu’un ?” Les histoires comme celles-ci, qui identifiaient le Hot-Rodding comme une activité délinquante plutôt que comme une activité de loisir légitime, ont dominé les reportages sur le sujet. Bien qu’il existe une longue histoire de personnalisation des voitures pour améliorer les performances des automobiles construites en usine, les Hot Rods étaient essentiellement un phénomène d’après-guerre, créant une culture avec des valeurs définies, des intérêts, un vocabulaire spécial et une variété d’institutions formelles et informelles…
C’est vrai que foisonnaient les parcs de voitures d’occasion, les courses, les clubs, les speedshops. Les médias ont facilement exploité cette culture, mais la fraternité des Hot Rodders a également capitalisé sur l’intérêt croissant pour ces activités. Le magazine Hot Rod a été publié pour la première fois en janvier 1948, avec un tirage de 5000 exemplaires. Le tirage a atteint 40 000 exemplaires au numéro 10. Ayant contribué à la création de la National Hot Rod Association (NHRA), le magazine revendiquait 15.000 membres en septembre 1952 et, plus tard, se vantait d’avoir créé plus de 2.700 clubs de Hot Rod’s.
En 1956, Hot Rod était le magazine automobile le plus vendu du pays, avec un tirage d’environ 500.000 exemplaires et un lectorat quatre fois supérieur. Le magazine devait faire face à un nombre important de titres concurrents, ainsi qu’à des dérivés de la fiction grand public, à la fois des originaux de poche et des bandes dessinées. Je vais vivre les mêmes tirages et mêmes faits avec Chromes&Flammes, ainsi que des mêmes guerres entre éditeurs qui se terminera avec la faillite en centaine de millions du Groupe Michel Hommel après celle de mes autres concurrents et ce dans une haine indescriptible qui persiste…
Les flippers à thème de hot rod et la musique populaire ont également exploité la sous-culture tout au long des années 1950. La synergie entre les diverses exploitations médiatiques du phénomène est illustrée par un article de 1952 du magazine Time : “Personne ne sait combien il y a de fans de courses de Hot-Rod’s aux États-Unis, mais Robert Petersen de Los Angeles connaît leur jargon. À 25 ans, il avait déjà amassé une petite fortune en publiant Hot Rod et d’autres magazines “Hogbear” (des vrais trucs) pour eux. Cela se chiffrait en centaines de millions de dollars… Grande époque…
Au début de l’automne dernier, l’éditeur Petersen et son meilleur dessinateur, Tom Medley, 31 ans, ont eu une idée : Puisque les Hot Rodder’s semblent aimer leur musique aussi chaude que leurs moteurs survoltés, pourquoi ne pas leur en donner avec de vraies paroles de Hot-Rod’s “Georgegone-all-the-way” (Time’52)… L’idée s’est rapidement concrétisée sous la forme de deux disques sortis en 1952 : “Saturday Night Drag Race” et “Hot Rod Harry” (The Coolest Cat in Town), accompagné de “Hot Rod Cowboy”, enregistrés par le clarinettiste de jazz Joe Darensbourg et publiés sur le label indépendant “Hot Rod/Colossal”.
Le thème du Hot Rod ajoutait de la nouveauté à ce qui était par ailleurs des morceaux de R&B assez banals. Alors que la culture du Hot Rodding constituait un thème dans les genres musicaux populaires des années 1950, ces chansons country, rockabilly, doo-wop et R&B n’étaient pas commercialisées comme appartenant à un cycle distinct. Un cycle de musique Hot Rod s’est développé beaucoup plus tard, entre 61 et 65. Ces disques Hot Rod “Bucket T” de Ronnie and the Daytonas, sont apparus dans le cadre d’une exploitation plus large par l’industrie musicale de la culture automobile et balnéaire de la côte ouest… Le meilleur exemple étant “Hey Little Cobra” de The Rip Chords et “Little Honda” de The Hondells. Les musiciens et producteurs (Gary Usher, Terry Melcher, Bruce Johnston, et al.) qui étaient responsables de la musique surf étaient également à l’origine du cycle de disques ayant pour thème les Hot Rod’s. Dans ce cycle, ils faisaient partie d’une culture de loisirs et étaient devenus aussi courants que le surf et aussi inoffensifs que les films de fête sur la plage (Chidester et Priore 2008). La sous-culture des Hot Rods était même suffisamment connue du grand public en 1950 pour être analysée dans une revue scientifique…
Elle était fermement établie à la fois comme loisir et comme activité professionnelle, avec toutes les réglementations, associations, organisations et agents commerciaux qui l’accompagnent et nécessaires pour soutenir et exploiter sa popularité avec Balsley et Moorhouse. Tom Wolfe a défini la sous-culture dans son célèbre essai de 1964 pour Esquire, “There Goes” [Varoom! Varoom!] “that Kandy-Kolored Tangerine-Flake Streamline Baby”. Et le cinéaste d’avant-garde Kenneth Anger lui a donné une autre tournure dans “Kustom Kar Kommandos” (1965), qui mettait en scène un pilote de Hot Rod en jean moulant et chemise polissant sa moto avec une grande houppette poudrée. Les amateurs de Hot Rod continuant à participer à des courses illégales sur route, comme le montre Two-Lane Blacktop (1971), mais les médias grand public ne s’intéressaient guère à ces activités. Au début des années 1970, l’image du Hot Rod en tant que culture hors-la-loi était presque entièrement considérée comme un tournant nostalgique, en particulier après le succès au box-office d’American Graffiti (1973). C’était en tant que phénomène médiatique d’envergure avec des angles d’exploitation évidents et en tant que sous-culture basée sur la côte ouest.
Cela offrait un accès facile aux voitures personnalisées… Le Hot Rodding avait déjà inspiré des productions cinématographiques avec “The Devil on Wheels” (1947) et “Hot Rod” (1950), produits respectivement par les spécialistes à petit budget PRC et aussi les maquettes plastiques Monogram, créé pour profiter de l’engouement pour les Hot Rod’s parmi les jeunes américains. Tout cela a atteint l’objectif de créer des montagnes d’or et de dollars tout en manoeuvrant le public pour qu’il aime les Hot Rod’s en ressortant d’anciens films et vedettes comme Mickey Rooney dans “The Big Wheel” (1949), les incluant dans la représentation “Clean” de la Kulture du Hot Rodding. Rooney est alors passé de la conduite de Hot Rod’s auto-construits à l’apparition en tant que pilote professionnel à l’Indy 500. Il s’agissait dans tous ces films de tentatives conscientes de tirer profit de la mode de la personnalisation automobile. On peut voir une utilisation plus périphérique des Hot rod’s dans “The Reckless Moment” (1949) et “Blackboard Jungle” (1955). Les hot rods apparaissent dans ces films parce qu’ils ont une valeur d’usage, contribuant au développement de l’histoire et ajoutant à leurs attraits thématiques…
Ils fournissaient ce que le producteur d’American International Pictures (AIP) James H. Nicholson décrivait comme “l’expression moderne” d’un film. L’utilisation de Hot Rod’s dans de tels films permettait de concentrer l’attention des spectateurs sur des questions liées à la criminalité, à la classe et à la jeunesse, qui sont liées à une poursuite imprudente de sensations fortes à la vitesse, ainsi que de situer ces facteurs dans la sphère de l’actualité. Dans “Appointment With Danger”, un Hot Rod roulant à toute vitesse distrait un policier à moto alors qu’il est sur le point d’affronter deux meurtriers se débarrassant d’un corps… Dans “The Lawless”, les bolides sont inachevés, conduits par des adolescents latinos dont le manque de moyens contraste avec les nouveaux cabriolets rutilants des anglos. Le bolide des latinos n’est qu’un cran au-dessus du tacot sur lequel le jeune fils est vu en train de travailler dans le jardin familial tout au long de “The Reckless Moment”. Mais, “Crime Wave” met en scène un magnifique bolide chromé et laqué, qui est utilisé pour souligner les compétences du protagoniste en tant que mécanicien tandis que “Tiger in the Sky” utilise un bolide pour souligner l’indiscipline du protagoniste.
Un bolide apparaît au début de “Blackboard Jungle”, accentuant le thème du film sur la délinquance juvénile alors qu’il fonce dangereusement dans un virage lors d’une course de rue. Le film “Hot Rod” de 1950 a utilisé un thème que l’on retrouve dans presque tous les films centrés sur l’automobile qui ont suivi : les courses de dragsters illégales sur la voie publique et leur confinement au sein d’un club officiellement autorisé et organisé. Comme une grande partie de la tendance “Teenpix”, les films de Hot Rod’s traitaient de l’auto-police et de la réglementation des activités de loisirs. L’historien de “Teenpic”, Thomas Doherty, fournit une brève description de la formule du cycle : “Le récit du cycle des dragsters”… Il valide et domestique à la fois une activité adolescente controversée. Un agent médiateur, souvent un policier sympathique, sert de tampon entre les anciens de la ville inquiets et les jeunes mafieux. Pour compliquer les choses, il y a une course de poulets pour l’honneur et/ou un accident mortel, souvent provoqué par une folie de vitesse. Inévitablement, la résolution signifie le confinement des énergies adolescentes dans une arène limitée et supervisée. C’est bien plus qu’un simple exemple de l’exploitation par Hollywood…
Les récits de la réglementation étaient également au cœur de la rhétorique employée par les revues et associations de Hot Rod’s. “Moorhouse” rapportant que la NHRA avait toujours été désireuse de collaborer avec la Highway Patrol et d’autres agences et que les clubs aimaient proclamer que leurs programmes de sécurité étaient approuvés par les forces de l’ordre… Et ainsi le bon flic qui se fait un Hot Rod, devint un personnage régulier des magazines de et des romans de Hot Rod’s dans lesquels le héros était sevré des courses de rue sauvages, généralement après la mort de nombreux amis adolescents, préférant allerdans un monde plus stable de rodeos, de courses de fiabilité et de pistes de dragsters organisées. Pour ceux qui étaient impliqués dans l’organisation et l’exploitation directe de ce sport, l’impératif économique derrière cette quête de sécurité et de respectabilité était évident, mais ce sont les cascades imprudentes que les Hot Rod’s effectuaient sur la voie publique qui ont principalement attiré les fournisseurs de divertissement vers ce sujet. Les cinéastes ont assumé un double rôle, se présentant comme des gardiens responsables et comme des exploitants éhontés des modes adolescentes.
Ni “The Devil on Wheels” ni “Hot Rod” n’eurent suffisamment d’impact sur les producteurs ou le public pour déclencher un cycle, et les productions suivantes restèrent isolées jusqu’à ce que l’intérêt pour le sujet des Hot Rods et des jeunes accros à la vitesse ne soit éveillé avec la sortie en 1955 de “La Fureur de vivre” et la mort de James Dean dans un accident de voiture. Doherty soutient que la scène du poulet de “La Fureur de vivre”, avec Jim Stark (Dean) et Buzz Gunderson (Corey Allen) se précipitant vers le bord d’une falaise, a inspiré une série de films de courses de dragsters pour adolescents survitaminés… American International Pictures a donné le ton à l’exploitation automobile, mais tous les fournisseurs habituels de programmeurs à petit budget ont lancé des véhicules dans l’esprit de la course de poulet dramatique de “La Fureur de vivre” et de la fin poétique de Dean. Étant donné toute l’excitation médiatique autour des adolescents et des Hot Rod’s, “La Fureur de vivre”, suivait une tendance autant qu’elle en créait une. Le cycle proprement dit n’a pris de l’ampleur que bien plus d’un an après la première new-yorkaise de “Rebel” en octobre 1955, ce qui ne suggère pas de corrélation directe avec le succès au box-office.
Le cycle des Hot Rods va être relancé avec “Hot Rod Girl”, distribué par AIP, sorti en juillet 1956, avec Lori Nelson dans le rôle de la fille du titre et Chuck Connors dans celui du bon flic. Un mois plus tard, United Artists commence la distribution de “Hot Cars” et en avril 1957, AIP sort la production de “Golden Gate Dragstrip Girl”. Nacirema Productions, responsable de “Hot Rod Girl”, fait distribuer la suite nommée “Hot Rod Rumble”, par Allied Artists en mai. Howco International commence alors la distribution de “Teen Age Thunder” de Marquette Productions en septembre. Un mois plus tard, AIP sort une autre production Golden Gate, “The Motorcycle Gang”, un remake virtuel de “Dragstrip Girl” qui troque les Hot Rod’s contre des motos. Le casting et l’équipe des deux films sont sensiblement les mêmes, tout comme les lieux de tournage de Griffith Park pour les scènes de course. En 1958, AIP distribue à la fois la production Trans-World Dragstrip Riot (en mai) et sa propre production Hot Rod Gang (en août). Le même mois, Allied Artists sort “Hot Car Girl”, et à la fin de l’année, Paramount distribue “The Hot Angel”, produit par Paragon Productions à la fin de l’été de l’année précédente.
La mode des films de jeunes délinquants fous de vitesse en automobile s’est estompée au milieu de l’année suivante. Le cycle ralentit jusqu’à ramper en 1959 avec “Ghost of Dragstrip Hollow” d’AIP en juillet, avant de mourir avec “The Wild Ride” de Filmgroup en juin 1960 et la production à très petit budget d’Arch Hall “The Choppers” (sorti en novembre 1961 mais produit deux ans plus tôt). Parallèlement au cycle des Hot Rod’s, d’autres films y centrés produits par le même ensemble de sociétés se succèdent, comme “The Fast and the Furious” (1954). Le Hot Rod y est également un accessoire régulièrement utilisé tout au long de la tendance de la délinquance juvénile et apparaît, par exemple, dans “The Delinquents” (1957), “High School Confidential” et “Live Fast, Die Young” (tous deux de 1958). Cette surabondance de films destinés aux jeunes avait pour objectif la vitesse et la promesse de sensations et de frissons à profusion. Pour la plupart, ces films étaient le produit par de nouvelles sociétés indépendantes qui exploitaient le vide laissé sur le marché par les grands studios, qui abandonnaient la production de films ou de programmes de ce genre pour concentrer leurs ressources sur des longs métrages plus coûteux.
Le manque de films destinés à la double programmation a été en partie comblé par le passage des distributeurs (et de quelques exploitants) à la production. Dans son étude sur les films d’horreur et l’industrie cinématographique des années 1950 et 1960, Kevin Heffernan souligne les difficultés rencontrées par les exploitants indépendants, privés de produits dans l’ère poststudio. Il note que la production est passée de 479 longs métrages en 1940 à 379 en 1950,
puis à 271 en 1955, pour finalement atteindre un niveau historiquement bas de 224 en 1959. La pénurie de produits a été aggravée par la baisse de la fréquentation et par la reconnaissance du fait que les adolescents étaient les principaux spectateurs habituels dans les cinémas de quartier. Comme l’écrit l’économiste du cinéma John Sedgwick : “Avec la baisse de la fréquentation, la proportion de jeunes dans le public a augmenté, de sorte qu’en 1957, les trois quarts du public avaient moins de trente ans et la moitié moins de vingt ans”. Les stratégies de production et de marketing des films ont fait des efforts considérables pour cultiver et fidéliser ce public, en utilisant la publicité sensationnaliste comme stratagème clé.
Les films et la publicité s’appuyaient tous deux sur une conception schizophrénique de l’adolescent, considéré non seulement comme un consommateur apprécié, mais aussi comme un personnage à craindre. Heffernan écrit : “Ces deux tendances, la course au dollar adolescent et la peur de l’Amérique de ses propres enfants, ont eu un effet incalculable et irréversible sur le film d’horreur, car les figures de l’adolescent monstrueux et de l’enfant démoniaque sont devenues des éléments de base du genre…. Cela est vrai non seulement pour le film d’horreur, mais aussi pour d’autres films de la tendance de la délinquance juvénile, en particulier les films de Hot Rods. Renonçant à la subtilité ou à la coercition dissimulée, le marketing destiné aux jeunes illustre une stratégie qu’un initié de l’industrie a décrite comme “du punch pur, sans dilution” – une politique encouragée par l’absence de noms de stars, qui fournissaient normalement le point focal de la publicité qui s’adressait à ce que Heffernan définit comme les attractions de type carnavalesque des films à petit budget, d’horreur ou autres. Pour expliquer l’attrait, il cite le producteur d’AIP, Herman Cohen : “Je pense toujours au titre en premier. L’histoire vient en dernier”.
Après le titre viennent les idées publicitaires, les gadgets, les illustrations, car c’est ce qui attire les enfants au cinéma. Ensuite vient l’histoire, et chaque goutte de sang et chaque frisson de cimetière doivent être conformes à la publicité. En réalité, cependant, les films étaient rarement tels qu’annoncés. Le goût de la vitesse : promouvoir et présenter des films de Hot Rod’s, les films à sensation étaient vendus dans le style hostile des bonimenteurs de foire. Le film de Hot Pod promettant le spectacle d’une jeunesse survoltée et en furie, comme le proclamait hardiment le texte publicitaire de “Teen Age Thunder”. Le film étant promu par l’image d’une culture en pleine accélération, avec des jeunes, indomptables et déchaînés, dans un défilé de scènes palpitantes. Les affiches des films à double programme “Dragstrip Riot” et “Cool and the Crazy” présentaient l’appel séduisant d’un TWIN ROCK ‘N RIOT SHOW ! offrant les frissons par procuration d’assister à un meurtre à 120 miles par heure ! avec sept punks sauvages en train de se gaver de violence pendant un week-end ! Regardez “Hot Rods Vs Motorcycles”, criait le texte publicitaire. Regardez “The Train Drag”. Regardez “The Beach Party Rumble”…Le but est de voir !!!
Le but est surtout d’être témoin de scènes violentes, de s’abandonner à la sensation, d’être sensible à des situations palpitantes. La promotion du programme double, cependant, dépasse ce que les films sont capables de fournir. L’écart entre le marketing et les véritables attraits des films est particulièrement évident dans la vente de “I Was a Teenage Werewolf”, qualifié d’être le film le plus étonnant de notre époque ! “Dragstrip Girl” – “Car Crazy ! Boy Crazy ! That was Dragstrip Girl” qui, ensemble, ont été vendus… C’est ça ! La double sensation du siècle ! Dans de tels cas, l’hyperbole marketing fait partie intégrante de l’attrait autant que le film lui-même. Tout comme les couvertures sordides des magazines “Pulp” et des livres de poche promettant toutes sortes de merveilles, de sensations fortes et de curiosités, mais surtout une couverture séduisante à des histoires prosaïques et convenues, les films de Hot Rod’s n’ont pas non plus réussi à tenir les promesses sensationnelles de leurs affiches. Les courses sur route se déroulant dans les rues de la banlieue de Los Angeles, et la violence est inoffensive et le suspense et les sensations fortes sont rares, contrairement aux excès du battage publicitaire.
Ces films sont remarquablement réticents à détailler les plaisirs et les dangers des escapades adolescentes. Ils contrebalancent également tout acte perçu comme une transgression en mettant l’accent sur les mesures punitives sanctionnées par une figure d’autorité sympathique. L’écart entre la promesse sensationnelle de la publicité et les films plutôt dénués d’émotions mérite cependant d’être clarifié. Comme le montre le théoricien du cinéma Peter Wollen, “Les sensations fortes au cinéma reposent souvent sur des représentations de la vitesse, qui nous permettent d’entrer dans des situations exposées et inconnues, loin des zones de sécurité et de normalité. Pour que la représentation cinématographique de la vitesse soit palpitante, elle doit être liée à diverses formes de lutte ou de compétition comme une course ou une séquence de poursuite. Cependant, comme nous pouvons le voir dans les films de Hot Rod’s, la simple présence de tels éléments narratifs ne suffit pas à rendre un film exaltant. Il y a beaucoup de courses et de séquences de poursuite dans ces films, mais peu, voire aucune, ne peuvent être jugées palpitantes. Le public du cinéma fait plus que simplement assister à un événement palpitant”...C’est comme au théâtre ou au cirque, ou on est invité à participer…
L’expérience effective de participation est obtenue par des moyens formels, comme la New Review of Film and Television Studies, en proposant plusieurs points de vue sur (et dans) l’action, ainsi qu’une coordination rythmique des prises de vue pour créer de l’excitation. Hitchcock lui-même a illustré ce processus en évoquant une scène de Hell’s Angels (1930) dans laquelle un pilote s’écrase sur un Zeppelin : Nous voyons son visage sombre, tendu, voire horrifié alors que son avion s’abat. Puis nous sommes transférés dans le siège du pilote, et c’est nous qui fonçons vers la mort à cent quatre-vingt-dix kilomètres à l’heure et, au moment de l’impact et de l’évanouissement, un frisson palpable parcourt le public. C’est du bon cinéma. Deux scènes de “poulet” complémentaires mais rendues différemment dans “La Fureur de vivre” et “Dragstrip Riot” donnent une indication claire de l’importance d’une telle articulation cinématographique pour réaliser le potentiel dramatique d’un événement palpitant. Dans La Fureur de vivre, le premier à sauter sera le poulet. Dans Dragstrip, deux rivaux doivent garer leur voiture en travers des voies ferrées et le premier à s’éloigner lorsqu’un train s’approche d’eux sera le poulet.
Deux scénarios similaires, mais articulés de manières différentes. Rebel met en place sa scène du poulet en montrant ce qui arrivera au conducteur qui ne s’échappera pas à temps. Une série de plans soigneusement élaborés fournit les points de vue respectifs de Buzz, Jim et Judy (Corey Allen, James Dean et Natalie Wood), ainsi que l’établissement de la grande chute entre le bord de la falaise et la mer et les rochers en contrebas. Le scénario du poulet dans Dragstrip ne fournit pas une visualisation équivalente de la scène et présente l’événement d’une manière brutale et prosaïque. La menace de mort imminente est principalement communiquée au public du film par le biais du dialogue ; sa représentation visuelle est appauvrie et limitée. Peu de ressources sont consacrées à l’établissement du lieu de la cascade et des coordonnées spatiales, en particulier celles qui relient les témoins de l’événement en cours aux préparatifs entrepris par les deux conducteurs. Une foule d’adolescents se rassemble pour regarder la cascade dans Rebel, des substituts du public du cinéma, mais dans Dragstrip, il n’y a que deux spectateurs qui sont utilisés pour fournir une réaction visuelle superficielle aux événements qui se déroulent.
Dans Rebel, le large public, rassemblé pour assister au spectacle, contribue à générer un sentiment d’attente, d’excitation et de peur. Dans Dragstrip, le scénario consiste à faire des allers-retours entre les conducteurs qui préparent leurs voitures sur la voie ferrée et leurs amis qui sont de retour dans un restaurant, un scénario qui occupe moins de deux minutes à l’écran. Le temps diégétique est indiqué par des plans d’une horloge sur le mur du restaurant. Alors que l’aiguille des minutes se déplace vers 7 heures, la scène revient sur la voie ferrée alors que la locomotive fonce vers une collision avec l’une ou les deux voitures. Le volume croissant des moteurs des voitures se mêle au klaxon du train, et la taille croissante de ses phares indique la proximité du moment potentiel de l’impact. Alors que l’accident semble imminent, un garçon sort sa voiture de la voie ferrée vers la gauche, l’autre attend un moment de plus et tire vers la droite. Avant que nous sachions si cette voiture a franchi la ligne en toute sécurité, il y a une coupure vers l’avant de la locomotive, puis une coupure rapide vers un plan d’en bas qui la montre en train de passer devant la caméra. La scène se déplace ensuite vers le restaurant.
Les deux témoins de l’escapade arrivent et racontent aux adolescents (et au public du film) ce qui s’est passé. Le suspense, limité, est créé par le fait qu’ils cachent momentanément la nouvelle, mais il est rapidement dissipé lorsqu’ils révèlent que les deux conducteurs sont sortis indemnes. La stratégie de montage de la séquence présente une série de gros plans alternés sur les deux conducteurs (les phares de la locomotive se reflétant sur leurs visages) et des coupes croisées sur le restaurant. Les informations sont cachées au public du cinéma, comme aux amis qui attendent dans le restaurant, de sorte que le suspense plane sur la question de savoir si l’un des conducteurs a été tué ou non – une question à laquelle on répond très rapidement. Au contraire, Rebel s’en tient aux événements tels qu’ils se déroulent et montre les conséquences tragiques de la cascade. La tension qui existe dans Dragstrip est créée par
des coupes entre les conducteurs, le restaurant (et l’horloge murale) et la locomotive. Dans Rebel, elle est amplifiée à partir du moment où Judy se tient les bras en l’air sous la lumière des phares des voitures, agissant comme une maîtresse de cérémonie.
L’action est maintenue en animation suspendue jusqu’à ce que Judy saute dans les airs et baisse les bras. Alors que les voitures la dépassent en direction du bord de la falaise, elle se retourne et court après eux, sa jupe s’épanouissant derrière elle. De profil, on voit les deux voitures, celle de Buzz juste devant, puis on passe à l’avant, les voitures se dirigeant vers la caméra. S’ensuit une série de plans alternés de Buzz et Jim, et un plan sur le fidèle de Jim, Platon (Sal Mineo), les yeux fermés et les doigts croisés. Le film revient ensuite aux plans alternés des conducteurs, et à la révélation que la manche de Buzz est coincée dans la poignée de porte. Jim s’enfuit, mais Buzz passe par-dessus. Avant que la voiture n’explose en boule de feu sur les rochers en contrebas, le film offre un plan incliné depuis le siège arrière de la voiture, regardant par-dessus l’épaule de Buzz. Il est suivi d’un plan inversé sur le visage agonisant de Buzz, son cri se prolongeant jusqu’au plan d’ensemble suivant des deux voitures en chute libre. La séquence adhère au plan d’Hitchcock pour obtenir une participation efficace du public à l’action d’un film, le public étant intimement proche de Buzz alors qu’il court vers sa mort.
Le montage de “Dragstrip Riot”, en revanche, met rarement le public au cœur de l’action, de sorte que nous partageons rarement le point de vue des participants. On peut dire qu’il s’agit d’un stratagème formel qui permet d’évoquer une situation palpitante sans la mettre en scène. La stratégie, si elle en est une, est une provocation. On suggère que les cinéastes titillent leur public avec la promesse de sensations fortes, mais en lui refusant ce qu’il désire le plus. La stratégie permet de se prémunir contre la censure, en veillant à ce que les aspects potentiellement transgressifs du film soient évoqués mais non montrés. Le film est ainsi présenté comme un divertissement inoffensif et sans controverse. Le manque d’émotion du film, cependant, était plus certainement une conséquence du fait que les cinéastes n’avaient pas les ressources nécessaires pour produire le type de rendu cinématographique finement peaufiné du danger, du suspense et des sensations fortes que l’on a réussi à obtenir dans Rebel. La rapidité et le délai d’exécution courts de la production de Dragstrip ont milité contre un scénario efficace de vitesse. Alors que Rebel orchestrait avec soin la scène du poulet, Dragstrip ne fait qu’un geste minimal cette dynamique.
Quelles que soient les intentions des cinéastes et les limites budgétaires, la tension non résolue entre la promesse sensationnelle du marketing et les attributs plus sédentaires et piétons des films doit être replacée dans le contexte de la diffusion du film, où la culture automobile à l’écran reflétait la culture automobile du public du drive-in. Dans “The Delinquents”, par exemple, des adolescents membres de gangs se promènent en voiture, se bagarrent dans un cinéma drive-in et traînent dans un restaurant drive-in. Bien que les cinémas drive-in existent depuis 1933, ils étaient essentiellement un phénomène d’après guerre. En 1945, on comptait 25 cinémas drive-in, 800 trois ans plus tard, 1.200 autres furent construits au cours des deux années suivantes et 4.000 en 1956. La capacité des salles et leur public,compensèrent largement le nombre de places perdues lors des autres fermetures. Les grands studios refusèrent cependant systématiquement les sorties en première diffusion des cinémas drive-in, ce qui contribua largement à faire d’AIP et d’autres producteurs indépendants de si grands fournisseurs pour ce marché. Les drive-in étaient souvent diabolisés dans les mêmes termes que les cinémas d’ados.
Ils étaient conçus pour être diffusés dans de telles arènes. Décrits par Variety comme les enfants adoptifs des circuits d’exposition, leur emplacement, leur public et leur programmation cinématographique attribuaient à ces cinémas en plein air une connotation marginale et illicite. De même, The Hollywood Reporter décrivait “The Delinquents” (le premier film de Robert Altman) comme une étude sordide et déprimante de ce qu’on appelle communément la délinquance juvénile, bien que la dépravation serait une désignation plus précise dans ce cas. L’historienne du cinéma Mary Morley Cohen note que les drive-in étaient accusés d’encourager la délinquance juvénile et avaient la réputation d’être des “fosses à passions”, mais ils attiraient également un public oublié par les cinémas couverts. “À la stupéfaction même des propriétaires de cinémas en plein air, on vit arriver un type de clientèle rarement vu dans les cinémas en salle”, écrit un journaliste spécialisé en 1950, “les handicapés physiques, les invalides, les personnes âgées, les sourds, les femmes enceintes, les parents avec des nourrissons et des enfants en bas âge, des familles entières, habillées comme elles le voulaient dans l’intimité et le confort de leur domaine sur roues” .
Si les cinémas en plein air étaient peu recommandables dans la mesure où ils attiraient les jeunes, les marginaux et les infirmes, on les accusait également d’être dangereux pour les non-usagers. Variety rapportait que les cinémas en plein air pouvaient constituer un danger pour la circulation, car les conducteurs sur les autoroutes qui les croisaient ralentissaient souvent pour regarder les écrans éclairés. Ces conducteurs distraits sur l’autoroute reflétaient le spectateur distrait du cinéma en plein air qui, en plus du film, avait de nombreuses demandes faire. Avec toutes les attractions proposées – aires de jeux pour enfants, shopping, restauration, tournois, concours, défilés et laveries – le drive-in ressemblait plus à un parc d’attractions qu’à un cinéma. L’attrait unique du cinéma en plein air résidait dans le fait qu’il offrait une expérience mi-publique mi-privée dont le film était le principal attrait, bien que non exclusif. Tout comme le cri du bonimenteur de foire promettait des spectacles extrêmement palpitants que le cinéma ne pouvait jamais offrir, le marketing de ces films promettait également l’impossible. L’atmosphère de fête foraine du cinéma en plein air servait à compenser l’échec du film sur les Hot Rod’s…
C’était à la hauteur de son battage publicitaire. La vitesse à laquelle le cycle des Hot Rod’s s’est épuisé et a consommé toutes les permutations de “hot”, était un acte remarquable d’une culture accélérée. Le cycle a multiplié les variations mineures avec une vitesse vertigineuse tout en restant fidèle à une formule. Ce déploiement de légères modulations, ou la promotion de nouveautés régulières, est particulièrement apparent dans les affiches de quatre films du cycle, Dragstrip Girl, Hot Rod Gang, Dragstrip Riot et Hot Rod Rumble Les quatre affiches présentent des scènes de bolides à grande vitesse, aux côtés d’images hautement sexualisées de femmes et de jeunes hommes dans des situations violentes. Le rouge et le jaune, des couleurs chaudes, prédominent. L’affiche de Dragstrip Girl est divisée en quatre panneaux. Le panneau du bas porte le générique ; le panneau du dessus contient le titre du film, le panneau du dessus présente une illustration d’un jeune homme se plaçant entre deux bolides à grande vitesse. Une fille et un garçon conduisent les voitures ; à l’arrière, une ligne de bolides s’élancent sur une piste circulaire. Le panneau du haut est le plus grand des quatre. Sous le texte « Car Crazy ! Speed Crazy ! Boy Crazy ! »
Il y a aussi un adolescent en t-shirt noir, arborant des favoris et une banane, tient dans ses bras une jeune femme presque couchée et très plantureuse. Ils sont sur le point de s’embrasser. Cette insinuation d’un désir torride suggère un désir sexuel incontrôlé et sans entraves, comme les bolides à cheval sur le dos du jeune homme aux longs membres. Avec son étalage ostentatoire de sensations fortes, l’affiche promet une chevauchée sexuelle qui
égalera les sensations fortes des automobiles à grande vitesse. L’affiche de “Hot Rod Gang” est composée de trois panneaux, dont un panneau central blanc séparant la barre de crédit et le panneau principal. La partie supérieure porte le titre du film sur l’image d’une adolescente en train de danser. La tête renversée en arrière, la bouche ouverte et un soutien-gorge en forme de balle qui étire son pull jusqu’à ses limites extérieures, elle offre un spectacle d’extase débridée. Le chanteur barbu et le guitariste à queue de canard qui occupent le côté inférieur droit du panneau suggèrent la source de son
ravissement. Déchirant les panneaux supérieur et central, en diagonale vers le coin inférieur gauche, se trouve une illustration de deux hot rods …
Ils roulent à toute vitesse. Dans la voiture de tête, une fille portant un pull jaune se tient du côté passager, une main tenant le pare-brise et l’autre levée en hauteur. Elle fait écho à l’extase de la jeune fille en train de danser. Derrière elle, un Hot Rod jaune s’arrête brusquement, dont le passager masculin est
également hors de son siège, bien qu’il soit penché en avant et agite le poing. L’adresse de l’affiche est importune et tout aussi subtile que celle utilisée dans Dragstrip Girl. “Crazy Kids… Living to a Wild Rock ‘N Roll Beat!” C’est le slogan. “Hot Rod Rumble” a une barre de crédit au-dessus de l’illustration principale. Sous le titre, deux voitures sont entrées en collision, leurs roues avant tournant bien au-dessus de la route. Dominant les automobiles se trouve une blonde son torse tordu de telle sorte qu’elle se tord vers le spectateur, offrant à la fois un regard de côté sur sa poitrine et une vue sur son dos. Elle porte un pull blanc moulant, avec une veste en cuir drapée sur son épaule. Son menton repose sur son épaule gauche tandis qu’elle regarde de manière séduisante la droite du spectateur. Dans l’alignement de sa poitrine et de sa tête se trouve un insert photographique avec une scène du film de jeunes en bagarre.
Il n’y a pas de slogan, mais la frénésie sexuelle évoquée par les images de violence masculine, de beauté féminine et d’automobiles en fuite ne nécessite pas d’explication textuelle. Le texte, cependant, contribue à amplifier le message d’une affiche : “MEURTRE… À 120 miles par heure !!” est le slogan de “Dragstrip Riot”, une autre affiche à trois panneaux, qui représente un motard brandissant une clé à molette alors qu’il fait la course aux côtés d’une voiture de sport. Alors que leurs véhicules foncent vers l’avant, deux garçons sont représentés dans une lutte apparemment mortelle. Une fille sur le siège passager de la voiture est témoin de cette folie. Elle porte une veste rouge, qui rime visuellement avec la Triumph rouge conduite par le garçon qui a l’intention de frapper le conducteur de la voiture dans laquelle elle se trouve. La voiture et la moto sortent du panneau, leurs roues se croisant dans la barre de titre. Le texte du titre est rouge et jaune, avec “RIOT” dans une taille de police deux fois supérieure à celle de “DRAGSTRIP”. Aussi précise que soit l’illustration dans son rendu des facettes, par exemple, les rayures autour du phare de la voiture et la présentation de la garde-robe emblématique du cycliste…
L’impression générale est celle du délire, de la désorientation, d’une perte de repère et d’une course vers l’autre côté de la rationalité – l’affiche évoquant une fantasmagorie de la culture adolescente transgressive.Les actes de transgression sont codifiés de manière conservatrice, à la fois en termes génériques et sexués – les hommes agissant avec des pulsions violentes devant les femmes. Les affiches s’adressent à un public masculin et sont symptomatiques d’un passage de l’ère des studios, où les films étaient destinés à un public féminin, à l’ère post-studio, où les jeunes hommes sont devenus la principale cible des producteurs de films. Ce changement a été identifié comme “le syndrome de Peter Pan”, un terme utilisé par un dirigeant de l’AIP en 1968 qui a suggéré que les jeunes enfants regarderaient tout ce que les enfants plus âgés regarderaient, et les filles regarderaient tout ce que les garçons regarderaient, mais pas l’inverse. “Par conséquent, pour attirer votre plus grand public, vous vous concentrez sur les hommes de 19 ans”… Pour appuyer cette observation, l’historien du cinéma de série B Blair Davis cite Seventeen, qui rappelait “le film que Teena veut voir est le film que son petit ami l’emmène voir”…
La dissolution du cycle “Hot Rod” va se dérouler l’année même où ce cycle a atteint son apogée, l’artiste pop britannique Richard Hamilton a réimaginé la fusion des courbes d’un mannequin pin-up avec le style automobile dans son tableau Hommage à Chrysler Corporation (1957). Le jeu abstrait et ludique de Hamilton sur un cliché publicitaire est riche en allusions à la culture de consommation, soulignant la nature construite à la fois de la voiture et de la pin-up. Un thème clé de son œuvre de l’époque était l’idée d’une culture populaire résolument définie par son actualité. L’immédiateté de l’attrait de la culture populaire faisait partie de son attrait pour les artistes et les critiques qui formaient l’Independent Group (IG) auquel appartenait Hamilton et qui comprenait également Lawrence Alloway, Rayner Banham, Eduardo Paolozzi et John McHale. Telle que théorisée par l’IG, la culture populaire était, en contrepoint des beaux-arts, définie comme transitoire et évanescente (Stanfield 2008, 179-93). Dans un écrit de 1959, McHale note : Dès qu’une tendance devient reconnaissable et peut être étiquetée, la série d’images devient obsolète…
Dans un tel processus, les médias de masse, le seul contenu réel est le changement, la classification est en permanence provisoire. La consommabilité est intégrée et fournit donc un critère initial. Le renouvellement rapide de l’iconographie dans n’importe quel secteur varie strictement en fonction de l’acceptation, du succès qui est son propre accélérateur. L’observation de McHale sur la consommabilité en tant qu’aspect déterminant de la culture populaire peut également être lue à travers le cycle des films de Hot rod’s qui, avec son intention d’accélérer, avait toute l’immédiateté du moment où il apparaissait, s’appuyant sur les gros titres de l’actualité et les paniques morales, exploitant les modes sous-culturelles, comblant un vide du marché laissé vacant par les grands studios et profitant de la croissance de nouveaux points de vente – le drive-in. La nature consommable des films faisait partie de leur attrait et, comme les changements de mode saisonniers, le cycle cinématographique contient en lui-même sa propre disparition ; Dans ce contexte, le titre du film d’exploitation Live Fast, Die Young, sorti en 1958 et dans lequel les Hot rod’s occupent une place importante, est particulièrement approprié.
En juillet 1961, le New York Times rapportait que le cycle des films sur la délinquance juvénile avait pris fin : “La disparition des films bon marché remplis de crimes et de sexe juvénile est le résultat d’une campagne de l’industrie cinématographique qui a débuté en1958″… Le journal citait comme principales raisons de cette fin opportune à la fois la décision de la PCA (Production Code Administration) d’exiger que l’âge des protagonistes soit relevé et la reconnaissance du fait qu’il y avait surabondance de films de ce type sur le marché. Cette justification de l’industrie pour la fin du cycle a également coïncidé avec un déclin plus général de l’intérêt pour la délinquance juvénile. Cela ne signifie pas, cependant, que la délinquance chez les jeunes a diminué. L’historien de la culture James Gilbert note que la couverture médiatique du phénomène a atteint son apogée entre 1953 et 1956, puis s’est effondrée, même si la délinquance juvénile en tant que problème criminel a en fait augmenté après 1960. À cette époque, les styles et les comportements des jeunes étaient moins souvent dénoncés qu’imités. L’observation attire sur le fait que l’exploitation d’un problème social n’est pas nécessairement régie par l’ampleur de son impact…
Il est plutôt déterminée par d’autres facteurs qui n’ont aucun rapport particulier avec le sujet d’actualité représenté par les médias. Dans le cas du cycle des films de Hot Rod’s, l’exploitation du phénomène par les médias est un phénomène qui se produit dans les années 1960. La sous-culture s’est formée et façonnée en fonction des besoins croissants des cinéparcs. La production de ce cycle a culminé au plus fort de la fréquentation des ciné-parcs en 1956-1957, puis a décliné à mesure que la fréquentation diminuait. Les cinéastes n’ont exploité la sous-culture que lorsqu’elle avait pour eux une valeur qui dépassait son actualité. En 1956-1958, le film de Hot Rod’s répondait à un besoin de produit qui n’était plus fourni par les grands studios, mais par des distributeurs et des exploitants indépendants qui se lançaient dans la production cinématographique pour combler un vide sur le marché. Le cycle s’appropriait les valeurs, les intérêts, le vocabulaire et les gestes des jeunes Américains tout en jouant sur cette même culture de la jeunesse. Les adolescents étaient désormais l’un des consommateurs habituels de films, capricieux dans leurs goûts, facilement distraits et avec une capacité d’attention limitée.
Dans le contexte du drive-in, la répétition redondante de motifs liés à la culture automobile et destinés aux adolescents, ainsi que l’acceptation de sa propre obsolescence et de son caractère superflu, le rendaient parfaitement adapté ou, plus précisément, utile aux producteurs et au public. Comme souligné au début de cet article, il est difficile de rendre compte en termes généraux de l’actualité des films, mais le fait d’être attentif à l’éventail des possibilités qui régissent les multiples façons dont les films dépendent de l’actualité (et sont eux-mêmes des émanations de l’actualité) permet d’atténuer les problèmes auxquels les historiens sont confrontés pour expliquer la vie des films dans la sphère publique. En étant attentifs à un éventail de facteurs qui peuvent être évalués et jugés en tenant dûment compte des preuves historiques et de leurs contextes variés, nous pouvons mieux comprendre l’utilité d’un sujet d’actualité, sa valeur, pour les producteurs de films, les distributeurs, les exploitants et le public. “Regardez… Nous étions déjà presque hors d’Amérique et pourtant nous y étions définitivement et au milieu de ce qui est le plus fou. Des Hot Rod’s sont passés…