Le Dymaxion de Richard “Bucky” Buckminster Feller
En 1934, un jeune architecte américain présentait une grande machine de voyage plus proche de l’aviation que de l’automobile. Monospace avant l’heure, elle était rapide, furieusement moderne et tout aussi déconcertante qu’une Citroën DS en 1955.
“Faites face au vent et vous tournez le dos à sa cause” écrivait en 1975 Richard Buckminster Fuller. C’est ce principe qui a déterminé le Dymaxion (Dy-namic, Max-imum et Tens-ion ). Son automobile pouvait transporter 11 personnes et était annoncée pouvant atteindre 120 mph soit plus de 190 km/h ! C’était en 1934, la voiture de l’Américain moyen était une Ford B V8 (produite à plus de cinq millions d’unités entre 1932 et 1934) qui pointait à 75 mph, (120 km/h).
Pour l’automobiliste d’alors, le Dymaxion était un choix déroutant, tout du moins futuriste au possible. Dymaxion désignait aussi des unités d’habitation en aluminium (construites dans des usines d’avions) pensées dans les années 1920 et réalisées 10 ans plus tard par Fuller, pour être produites en masse comme des automobiles et vendues “au poids” comme des pommes de terre.
Les voitures Dymaxion étaient des extensions de ses maisons, des “vérandas vitrées qui pouvaient se déplacer comme des cellules d’hydrogène qui avaient leur propre vie” expliquait l’inventeur. S’il était surtout connu pour ses dômes géodésiques Bucky (comme l’appelaient ses amis), s’imposait autant comme un visionnaire, un architecte et un designer, qu’un héros de la contre-culture.
Produits à trois exemplaires, les Dymaxion comportaient tous trois roues dans la configuration suivante : deux roues motrices à l’avant et une roue directrice à l’arrière. La roue arrière était actionnée par un -absurde- système de câbles de près de six mètres de long, du nez à la queue, grâce à un méli-mélo de poulies montées sur ressorts et attachées à une chaîne autour d’un énorme pignon faisant tourner le gouvernail.
Dymaxion n°1 est achevé en juillet 1933. Richard Buckminster Fuller se la réserve.
Dymaxion n°2 est livré en janvier 1934 à Fred Taylor, ingénieur et entrepreneur basé à Londres.
Dymaxion N°3 se destine au chef d’orchestre Leopold Stokowski.
Pour chaque, la voiture donneuse est une Ford B de 1932, qui fournit son V8 (situé ici à l’arrière de la cabine) et ses essieux. En plein courant streamline, l’aérodynamique est au centre de l’expérimentation. La carrosserie en forme de goutte d’eau se montre assez vaste pour accueillir 11 personnes dans 5,5 m de long. Elle se compose de panneaux lisses d’aluminium montés sur un cadre en frêne. Le grand pare-brise est parabolique et le toit se revêt de toile.
La forme des Dymaxion était basée librement sur des maquettes du sculpteur nippo-américain Isamu Noguchi, bien que les modèles principaux aient été créés par un élève de Brancusi. William Starling Burgess, pionnier de l’aviation et architecte naval de renom sera le principal partenaire de Fuller dans la réalisation des trois prototypes.
Soyons honnêtes : le concept de Bucky n’était pas tout à fait un coup de génie isolé. On se souvient de l’Alfa Romeo 40/60 HP Aerodinamica de 1913, de la Stout-car de Scarab ou des travaux précurseurs de l’ingénieur roumain Aurel Persu. Ce dernier fabriquait et brevetait dans les années 1920 la première automobile en forme de goutte d’eau.
Au Salon de New-York 1934, le Dimaxion N°1 était garé à l’extérieur et le public n’avait d’yeux que pour lui. Fuller expliquait à la presse que son Dymaxion flottait sur la route à une vitesse folle, tout en consommant bien moins qu’une Ford B et proposant grâce à sa roue arrière unique un rayon de braquage record. Ce que confirmera plus tard le célèbre Norman Foster, élève de Bucky et qui se fera construire à posteriori un 4ème exemplaire. Il rejoindra sa collection personnelle comprenant notamment une Porsche 356, une Tatra 87 et une Airflow.
Aujourd’hui, Dymaxion n°2 et n°3 ont survécu et nous évoquent un hybride entre un petit avion sans ailes et un Volkswagen Combi type 2. Le concept de Feller devançait largement le Combi / minibus VW conçu en 1947 par Ben Pon ou le Fiat Multipla de Dante Giacosa, considéré en 1956 comme le premier monospace de série. Mais pourquoi les Dymaxion n’ont-ils pas été mis en production ?
Fuller avait largement investi dans ses projets, sans compter les fonds amenés par ses collaborateurs. Au volant, en résultait une grande sensibilité, l’engin était délicat à conduire et fort sensible aux changements de cap. La recherche prit fin après que l’un des prototypes fut impliqué dans un accident qui entraîna la mort de son pilote.
Fuller lui-même reste une énigme. La frontière entre le fantasque et le génie est ténue. Il aura régalé les journalistes avec des déclarations de performances improbables. Les produits de Bucky revendiquaient une idéologie utopique globale : refaire le monde en tirant le maximum d’avantages humains et le minimum d’énergie et de matériaux. Furieusement moderne …
4 commentaires
L’humanité toute entière copule et use des milliards de spermatozoïdes pour un résultat de procréation qui ne se réalise que quelques fois . Et ce, sans même parler du résultat une fois adulte… finalement, trois Dymaxion, ce n’est pas si mal !
La forme du Dymaxion est effectivement phallique !
Mon cher Gatsby,
Votre lectorat est atroce ! Une Alfa Montreal agrémentée de plusieurs paires d’appendices mammaires génère des réponses immédiates, et pas un mot sur le Dynamaxion ! Je pense que l’équivalent franchouille est le véhicule C1 d’André Lefevre ?
Je ne sais pas, je ne suis pas branché sur les réalisations d’André Lefevre. Par contre le Dymaxion était “SteamPunk” et valait un article. Mais, tout ça pour lui seulement réaliser 3 bagnoles ! Waouwwww !
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