Lotus Europa S2 1970
En 1970, la Lotus Europa S2 fut une révélation. Les réactions de la presse et du public étaient enthousiastes, car c’était une voiture de course qui se combinait à une utilisation quotidienne d’une civilité surprenante. Certains journaleux ont alors imaginé une scène destinée à “un papier” de remplissage, Colin Chapman, regardant par-dessus l’épaule de son dessinateur en chef, approché par son directeur commercial, lui demandant : “Qu’en est-il des modèles de 1970 pour les États-Unis ? Ces garçons deviennent un peu insistants“… Agacé, Chapman éructant sur ses ouailles : “Répondez-leur quelque chose, n’importe quoi”...
La priorité était en effet de terminer la voiture de Grand-Prix Type 72.. Le script en faux scoop de presse était-il tiré par les cheveux ? Non, pas du tout ! Contrairement aux vraies grandes entreprises comme Mercedes-Benz courant pour promouvoir une gamme impressionnante de voitures de production, les petits constructeurs comme Lotus construisaient des voitures de production occasionnelles pour la gloire de capitaliser sur leurs impressionnants succès en course. Pour les passionnés qui parvenaient à obtenir une Lotus, ce n’était pas mauvais, d’ailleurs les Elan’s et Europa’s étaient merveilleuses à leurs yeux.
Elles prétendaient être proches de leurs sœurs de course dans toutes les facettes de la performance, cela camouflait le consumérisme et l’appétence du Big Boss et rendaient les disponibilités restreintes et les frais d’entretiens acceptables ! Les têtes pensantes de la presse alors omnipotente reconnaissaient que cela donnait matière à des articles laudatifs et sirupeux réalisés “a-la-Bellu” (père et fils), des pontifes journaleux arrogants qui s’étaient emparés sans partage du pouvoir de la presse, qui en tirait profit par des dessous-de-table, des pots-de-vin et des voitures d’essais en usage personnels illimités…
J’ai connu personnellement la fin de cette époque et j’ai été effaré de constater, en employant Jacky Ixckx et son frère Pascal, qu’ils tentaient collégialement d’agir de même. Sur l’image de Jacky celui-ci obtenait des automobiles haut de gamme en essai infini, l’article était sirupeux-laudatif (écrit par Pascal Ickx) au grand désappointement des lecteurs de mes mag’s AutoChromes. Après avoir créé un contrepoint dans le même esprit de ce que vous me lisez écrire, je me suis séparé du duo en stoppant cette “collaboration” hors de prix qui n’était que de l’intox consumériste. Ce fut pour moi une gigantesque désillusion.
Concernant Lotus, qui n’avait pas les moyens de ses ambitions, outre que la presse se servait de l’image Lotus pour vendre, la réalité était : “Il n’y a qu’une seule Lotus vraiment terminée, celle que Jim Clark pilote dans les GP. Et et bien que la situation qui a provoqué ce cynisme se soit améliorée (un manque crucial de liquidités malgré le sponsoring des géants de la cigarette), la firme de Norwich a encore beaucoup à faire, surtout aux États-Unis“… Point… Que tout le monde aille se faire foutre… C’était comme ça ! En finale Lotus s’est cassé la G… et la pub pour les cigarettes et l’alcool a été interdite…
En raison du problème de disponibilité, conséquence des problèmes de finances, Lotus n’étant pas en mesure de mettre des voitures “Presse” en mouvement, aucune des nouvelles Europa n’a pu être véritablement testée. Si des essais avaient lieu, c’était seulement grâce à la générosité de propriétaires privés qui, comme beaucoup de lecteurs se demandaient quand ils disposeraient d’un rapport complet et confiaient leur Lotus pour un essai “gloriole” personne ne pouvant savoir que l’essai de la Lotus Europa n’était pas l’œuvre du “service Presse Lotus”..
L’article que vous lisez à été refait à l’identique de celui de 1970. Il est entièrement représentatif des mœurs de l’époque, ayant bénéficié des mêmes attentions de son même propriétaire consciencieux d’il y a 53 ans alors qu’il avait 27 ans… En véritable fanatique Lotus et contributeur, le même Jeff Johnson qui venait d’acquérir une Lotus Europa S2 en 1970 et l’avait conduite depuis Boulder, au Colorado, parcourant 13.000 miles pour permettre à un magazine automobile américain d’en faire l’essai, a accepté que GatsbyOnline vienne refaire un essai “à l’identique” de sa même Lotus Europa S2…
C’est un essai temporel uchronique… Jeff Johnson a maintenant 80 ans et sa Lotus 53 ans ! Ce même M. Johnson a toutefois souligné que sa voiture était aussi neuve qu’en 1970 car sortant d’une restauration totale. A l’époque son effort n’avait été que la réaction d’un fanatique de la marque, malgré que son concessionnaire Lotus local, le garage Bob Challman, n’avait apporté aucune assistance pour un essai Presse lorsque la Lotus était arrivée en Californie, ni participé aux frais du voyage Aller/Retour, ni même offert un entretien gratuit en fin de ce périple…
Avant d’entrer dans les détails de cet essai uchronique, il me faut vous retracer le contexte dans lequel l’Europa est arrivée car je suppose que vous n’en connaissez rien. Anthony Colin Bruce Chapman est né le Richmond UK. En 1948, à 20 ans, il est devenu le plus jeune jeune ingénieur anglais passionné d’automobile et a transformé une Austin Seven en voiture de trial, la nommant Lotus MM. La première d’une longue lignée était née.. En 1957, il se lance dans l’étude, la fabrication et la commercialisation d’une petite sportive, la Lotus Elite, qui se distingue par un châssis monocoque en fibre de verre.
Chapman développe aussi une petite sportive dépouillée, la Seven, sur un châssis tubulaire. Elle incarne sa célèbre philosophie “Light is right”, partant du principe qu’on est certes plus rapide en ligne droite en ajoutant de la puissance, mais que le gain de poids permet d’être plus rapide partout… Il révolutionne aussi la Formule 1 en apportant diverses évolutions techniques, comme le châssis monocoque et l’effet de sol en 1962. En décembre 1966, l’objectif de Colin Chapman est de permettre à Lotus d’entrer dans le marché commun et il y parvient en créant la Lotus Europa.
Cette voiture sportive utilise le moteur et la boîte de vitesses Renault tournés dos à l’avant et montés au milieu d’un coupé léger à deux places avec un cadre de colonne vertébrale, une suspension Chapman entièrement indépendante et une carrosserie séparée en fibre de verre. Cette voiture n’était pas destiné à l’exportation vers les États-Unis et n’est entré que dans ce pays avec peu de moyens, généralement par des moyens privés. L’Europa était une excellente voiture, étonnamment solide pour une voiture aussi légère, le poids à vide n’étant que de 1460lb, soit moins que les Sprite, Spitfire ou Fiat 850 Spider.
Le style, fonctionnel mais pas beau aux yeux du public, est responsable du plus gros défaut de la voiture : une vision arrière inexistante. Le positionnement moyen du moteur Renault assez grand est aussi à blâmer, mais les extensions, même aérodynamiques, sont inexcusables. En conséquence, manœuvrer l’Europa, si agréable sur route, est infernal dans la circulation des villes. L’intérieur de l’Europa est attrayant et bien détaillé, avec un tableau de bord en bois poli, une sellerie en vinyle noir et d’excellentes ceintures-baudriers Kangol. Les sièges inclinés vers l’arrière sont trop étroits pour les plus grands).
On est assis très bas. La vue sur le capot est belle, la grande colonne vertébrale/console centrale est imposante et la vue arrière nulle. La console centrale est juste au niveau du coude, donc les changements de vitesse, en particulier vers le haut sont gênants. La pédale d’embrayage est très rigide mais satisfaisante pour les changements rapides qui peuvent être effectués après d’être habitué à la boîte de vitesses. Le regroupement serré des pédales rend le freinage très difficile à appliquer. Lorsque tout cela est réglé, l’Europa peut être rendue indécemment rapide : le moteur étant pleinement réactif.
Le Renault 82cv à sa zone rouge à 6500 t /min, et il faut 18,2 secondes pour réaliser le quart de mile est respectable. Mais l’Europa n’a pas été conçue comme une voiture américaine qu’on utilise aux USA à 99% en ligne droite. Lorsque vous tournez le volant de l’Europa, l’effort est assez élevé, mais les 2 tours de butée à butée signifient qu’ il y a un haut degré de précision. Le volant est riquiqui-petit, recouvert de cuir et tombe bien en mains. Acculée très durement, l’Europa excelle vraiment. Les 185HR-13 Dunlop radiaux montés sur cette Europa étaient vraiment à la hauteur.
La suspension les maintenait en contact total avec la route. 55% du poids est sur les roues arrière, mais la transition vers le survirage est si progressive (et la direction si directe) que vous obtenez presque une sensation de ralenti. Les voitures de course permettent cette prise de conscience et l’Europa est vraiment une voiture de course à cet égard. Le freinage est tout aussi bon. L’Europa est une voiture très arrêtable, même si elle a des freins à tambour à l’arrière. Le faible poids de la voiture est bien sûr responsable et avec la faible traînée aérodynamique il contribue également à de bonnes économies de carburant.
Pour une utilisation quotidienne, l’Europa est un problème, elle est agile et pourrait être géniale dans la circulation si seulement on pouvait voir ce qui se passe à l’arrière et si l’on pouvait compter sur les autres pour les voir à côté. Donc, pour un usage en ville, c’est suicidaire, mais pour les voyages, l’Europa offre un hébergement décent pour deux amants ayant l’intention de s’arrêter dans un Hôtel de charme pour d’infinies baiseries, sans trop de bagages ni d’animal domestique…En plus de l’espace sous le capot, qui accepte une valisette “Baise-en-campagne”, quelques accessoires (sexuels), sont possibles.
Dans le compartiment derrière le moteur qui spermet d’y placer une valisette d’accessoires sexuels et les brosses à dents. Les vitres électriques fonctionnent bien, sauf que la conception de la porte ne leur permette pas de descendre complètement. Nous n’avons pas beaucoup utilisé le chauffage, mais le système de ventilation fait son possible en bourdonnant pour faire passer l’air à travers l’intérieur. L’essuie-glace doit avoir une dérogation de non fonctionnement pour d’excellents motifs… Dans l’ensemble, l’Europa est utilisable malgré divers inconvénients gênants.
Du point de vue de l’entretien (en supposant que vous puissiez obtenir les pièces), ce n’est pas être une voiture difficile à travailler sous la contrainte et menaces d’e l’envoyer à la ferraille. L’accessibilité du moteur est bien meilleure que sur la VW/Porschette 914 et la possibilité d’obtenir des pièces directement de Renault est un rêve qui ne se déroulera plus jamais. Un gain de temps et d’argent est de la convertir à l’électrique (si vous connaissez les bonnes adresses et subventions) Tout cela signifie que l’Europa aurait pu être une voiture marrante aux USA si Lotus avait pris cela au sérieux.
Mon ami Patrice Vergès avait lui aussi piloté une Lotus Europe S2 bien améliorée par rapport à celle de série telle que la version américaine de cet article. Mais il a écrit d’entrée de jeu d’un essai routier : “A destination de quiconque mesure plus d’1,80 m, pèse plus de 75kgs et n’a aucune aptitude au Yoga , cet article ne concerne absolument pas cette classification humaine”… Il a également été franc en soulignant que de profil, l’Europe montrait grâce à sa silhouette particulière, sa mauvaise (exécrable) visibilité latérale. Je témoigne que c’est vrai, avec mes 1,92 m, ma surcharge pondérale à 100kgs et mon 45 de pointure…
Il est impossible pour un homme “normal” ayant mon gabarit, de se glisser au volant et de manoeuvrer le pédalier resserré de la Lotus Europe qui, si elle semble si large (1,63 m) surtout pour une voiture des sixties, c’est parce qu’elle est basse, très basse avec 1,07 m, à peine plus qu’une Ford GT40. La Lotus Europe est née fin 1966 du cerveau vraisemblablement malade de Colin Chapman créateur de la marque qui désirait offrir un modèle plus économique et plus commercial que l’Élan 1500. Manifestement son but cachait un penchant asocial manifeste car réalisée à l’économie.
La Lotus Europa qui est “une belle merde” faisait néanmoins appel à une technologie moderne notamment un moteur central comme les voitures de compétition. Il s’agissait d’une mécanique française, celle de la Renault 16 qui offrait deux grosses qualités : Elle était proposée par la Régie à un prix compétitif mais surtout montée avec sa boîte dans le même sens que sur la berline française mais repoussée à l’arrière. La seule raison était de réaliser des économies à tous niveaux. Cette déviance à gâché sa vision primale d’une silhouette moderne avec une conception avant-gardiste à poutre centrale.
Son nom prestigieux rimait alors avec plusieurs titres de champion du monde de Formule 1. Quel gâchis d’avoir galvaudé de réelles qualités dynamiques et un tarif assez raisonnable (40/45 000 euros). La clientèle fut déçue. Les performances furent jugées moyennes (180 km/h) pour une Lotus. Malgré un gonflage, le petit 1500 tout en alu ne délivrait que 78cv contre 55cv en série. De plus, la Lotus Europe n’était pas facile à vivre au quotidien avec des vitres latérales électriques quasi fixes, tout comme ses sièges exigeant une clé anglaise pour régler le pédalier et une aération très insuffisante.
Enfin sa carrosserie en composite noyée autour de la poutre centrale la rendait irréparable en cas de choc . La Série 2 (type 54) ne gomma pas ses défauts avec une présentation plus soignée, des vitres à demi électriques, des sièges semi-réglables, une pauvre boiserie intérieure façon IKéA, une carrosserie pré-démontée, etc.etc… Las : Le problème en constante augmentation comme son prix (en nette augmentation) firent d’autant plus regretter la faiblesse des performances malgré une puissance accrue (82cv au lieu de 78cv ! ).
En 1971, Chapman abandonna le moteur Renault pour un Ford 1500 double-arbre plus puissant (115cv puis 126cv) sur l’Europa qui termina sa vie en 1975 après moins de 10.000 exemplaires produits dont 4.293 types S2 qui avaient reçus une planche de bord en bois plus cosy. (Tant que j’y pense, sachez que la tige montée prés du court levier de vitesses permet d’éviter de passer la MA au lieu de la 1ere, car la grille est très étroite).. La Lotus Europa n’était qu’une Djet en plus moderniste ! De plus c’était le faux luxe. Beaucoup d’accessoires étaient empruntés à la marque Triumph…
Un kit 4 freins à disques aurait du être proposé car le freinage était l’un de ses nombreux points faibles. La suspension arrière aurait été meilleure en ajoutant des triangles inférieurs car l’Europa avait la mauvaise habitude de perdre ses roues arrière. Mais c’était aussi le vice des F1 de Chapman qui construisait très léger et dont sa devise était “light is right”. Un 1650 cm3 de R16 TX à culasse hémisphérique avec des grosses soupapes et alimenté par deux gros double-carburateurs de 45, moteur accouplé à une boîte à 5 rapporte aurait permis 130 chevaux contre 72 de série.
En 1970, date de la sortie de cette S2, Lotus comptait 4 titres de champion du monde. Ils vont se faire de plus en plus rares avant que l’écurie disparaisse en 2015. Cette Lotus Europa S2 1970 orange tanger sur une sellerie en vinyle noir est propulsée par un Renault quatre cylindres en ligne 1.565 cc équipé d’une culasse à flux transversal, de deux carburateurs Weber 40 DCOE, d’un collecteur à longs tubes, d’un système d’allumage PerTronix. Le silencieux d’échappement est un Magnaflow. La boîte-pont manuelle Renault 336/26dispose de quatre vitesses, les jantes sont des JBW Minilight de 13 pouces montées de pneus Pirelli Cinturato CN175 70/36. L’essuie-glace est monolame. Les freins avant sont à disque et arrière sont des tambours. Voilà, c’est fini !