La crise a changé pas mal d’habitudes et de réflexes…
De l’aveu de plusieurs acteurs du microcosme des salles de ventes, la crise a changé pas mal d’habitudes et de réflexes, elle a surtout tout changé en une fois ! Pour les petites pièces, tous domaines confondus, c’est devenu très difficile, à l’exception de la période de fin d’année où elles viennent bien à point pour faire des petits cadeaux. En argenterie, les petites pièces classiques et les bijoux sont fort prisés pour les présents. Ce n’est guère un scoop : tous les marchands observent une période très creuse pour le mobilier, à part l’exception : Le petit meuble signé Art déco ou Art nouveau a encore du succès mais ne parlons pas du mobilier flamand ni même des styles français, souvent jugés trop chargés, trop décorés. L’exception, peu importe le domaine, fonctionne toujours et les marchands sont nombreux à expliquer le peu d’intérêt pour les meubles non pas exclusivement en termes de crise mais en termes d’évolution sociétale : Le mobilier va mal dans toute l’Europe et même plus loin. Ce n’est pas un effet de mode mais la conséquence d’un changement du mode de vie : les gens déménagent, ils ont “trop” de tout, vendent et ne rachètent pas… Quant aux jeunes, ils veulent habiter des espaces zen et minimalistes. Il y a donc une offre énorme pour peu de demande. Beaucoup de maisons se sont vidées cet été : Lorsqu’elles sont remplies, elles ne rapportent rien. Autant donc les libérer, vendre le mobilier et mettre fin à la perte de loyers. Mais tous ces meubles ne trouvent guère d’acheteurs. Même les enfants n’en veulent plus. L’attache familiale, la filiation ne fonctionne plus de la même façon. On préfère les objets qui nous parlent et qu’on aime (des bijoux, des photos, de la déco) aux souvenirs comme les portraits de famille et les objets encombrants. On est face à une combinaison d’effets de marché, de société et de mentalité. Les gens changent, ils n’ont plus envie de stocker. Ils opèrent une sélection, seul l’essentiel, le meilleur reste. Si la “crème” est restée, c’est surtout l’antiquité classique de niveau moyen (le mobilier dit courant) qui souffre. Notre façon de vivre a changé, les habitations sont volontiers dotées de placards ou de dressings. La garde-robe ou la commode n’a plus sa place dans nos intérieurs. A ceci, il ajoute un autre fait marquant : On n’a plus le temps d’attendre, de chercher. On veut tout, tout de suite, du neuf même si c’est nettement plus coûteux (en salle de ventes, on peut facilement acquérir une garde-robe en chêne massif pour 200 euros !). Le même phénomène se constate au niveau de l’habitat. On ne consacre plus aucune recherche, plus aucune personnalité pour se meubler. On veut être meublé le jour même… Ce constat sans doute excessif ne doit pas occulter qu’il y a toutefois une petite partie de la clientèle qui profite de cette période pour se meubler à bon compte : Et elle n’a pas tort, embraye, si l’on sait qu’un cabinet hollandais fin XVIIIe qui se vendait autour des 8-10.000 euros il y a quelques années peut être trouvé pour 3-4.000 euros aujourd’hui. Même diagnostic pour la commode liégeoise ou le secrétaire Louis XVI. Par contre, une paire de superbes candélabres, de l’argenterie signée Wolfers ou un tableau de qualité avec un sujet léger : on préfère un joli jardin fleuri qu’une pietà ou un sujet sombre et triste; trouvera toujours acquéreur à bon prix.
Rien n’a donc changé au niveau des desiderata des amateurs qui recherchent avant tout la qualité même si le prix est très élevé. Un critère qui semble absolu, que ce soit chez les jeunes ou les plus nantis ! Et chez le particulier, c’est encore et toujours le coup de foudre qui règne en maître. Quant aux collectionneurs, leur démarche semble la même depuis la nuit des temps : la quête de la Pièce, de l’Objet qu’ils traquent, repèrent, évaluent…
Les nouveaux acheteurs asiatiques et russes qui rachètent leur patrimoine sont également des assidus de certaines ventes depuis quelques années. Les goûts et les couleurs…Pfffffffffffffffffffffff !
Si les tableaux anciens étaient difficiles à vendre il y a 5 ans, ils se vendent aujourd’hui même lorsqu’il ne s’agit pas de grandes œuvres. Les sujets “sympas”, décoratifs et de qualité des XVIIe et XVIIIe siècles trouvent désormais acquéreurs. Après chaque grande crise, la mode évolue : En 2001, le mobilier, les tableaux anciens, les objets dits classiques se vendaient difficilement. Actuellement, c’est davantage l’art moderne et contemporain qui souffre. Quand on pense par exemple aux records enregistrés par des artistes comme Damien Hirst et ses “dot” et “Butterfly paintings” chez Sotheby’s, ce n’est pas normal. Il s’agissait de pure spéculation mais on voit que ce marché chute de manière considérable. Seules les meilleures pièces des meilleurs artistes réalisent de bons prix : Le marché tend à revenir à ses justes valeurs point de vue prix. Il a aujourd’hui retrouvé son équilibre, même au niveau du mobilier. Pas le gros meuble encombrant (le style de vie a évolué) mais le beau petit meuble a encore de beaux jours devant lui. La Bourse a chuté et tous les investissements s’avèrent moins sûrs qu’on ne le pensait. Les gens continuent ou se mettent à investir dans des œuvres d’art, à se faire plaisir lorsque l’occasion se présente. Ce qui se passe dans les hautes sphères se répercute dans les ventes plus modestes. Par ailleurs, cela fait 8 ans que l’on est dans un bain “design”, que ce soit au niveau des hôtels, des boutiques ou des bureaux. A la fin, on sature de ces univers froids et stériles. Petit à petit, on voit (ré)apparaître des intérieurs où l’on combine le beau design avec une pièce un peu personnelle. Et c’est tout bénéfice pour le patrimoine qui revit. Autrement. Trouver sa propre spécificité…
Pour continuer à fonctionner, chaque salle de ventes a ses particularités et cherche à se différencier des autres. C’est le cas des ventes spéciales “Graphiques” (sérigraphies, gravures, photographies, livres d’art…) deux fois par an afin d’avoir moins de travail dans les grosses ventes, de ne pas les alourdir et de donner plus de lisibilité à ce domaine. Ce faisant, c’est un monde qui s’ouvre, des artistes contemporains mieux défendus que dans une vente moderne et une clientèle de tout âge susceptible d’acquérir des pièces plus accessibles, parfois avec de grands noms ! Il n’y a pas de secret : expositions, catalogues et autres publications ont une influence sur la notoriété de l’artiste et, par conséquent, sur le marché. D’autres créneaux ont été développés par d’autres salles, du conseil et de la cafétéria au service personnalisé, en passant par moult spécialités. La Bande dessinée en est à ce sujet un exemple jeune et éloquent. Internet a changé la donne… Tous les marchands s’accordent à le dire aujourd’hui : Grâce à internet, le marché est devenu international. : dans les années 90, on envoyait pas mal de pièces à Londres pour avoir un meilleur prix qu’en France et en Belgique.
Depuis le Brexit ce n’est plus le cas. Les seuls artistes qui se vendent à l’étranger – Magritte, Ensor, Delvaux pour les pièces majeures, Broodthaers ou Tuymans – se vendent aussi bien en Europe. Il n’est plus nécessaire de se déplacer et de multiplier des transports qui vont à l’encontre de la vague écologiste du moment. On note d’ailleurs que Sotheby’s a fermé sa salle de ventes à Amsterdam. Dans un autre ordre d’idées : internet ne remplacera jamais la vente. Internet n’est qu’un magnifique outil de publicité et de visibilité. La position géographique n’a pas d’importance ni d’influence sur la clientèle. C’est ce qu’il y a dans la vente qui fait bouger les gens, qui les fait venir ou pas. La Toile fournit l’information et plus l’information est vue et lue, mieux c’est ! S’il y a une pièce intéressante, les amateurs viendront sur place ou enverront quelqu’un.Le contact, le toucher demeurent donc importants, sauf pour certaines catégories d’œuvre – les multiples, par exemple – ou pour des clients fidèles qui ont établi une relation privilégiée avec la salle de ventes et ses experts.
Le 10 mai 2009, Rops, une salle de ventes que l’on pensait « provinciale » fait parler d’elle de par le monde. Et pour cause : elle atteint des records avec quelques trésors de Hergé. Cette salle namuroise a été créée en 1989. Depuis 1999, avec la mise sur la Toile des photos de toutes les pièces, son succès s’est sans cesse confirmé. Dix ans plus tard, un nouvel exploit prouve, de l’avis de l’expert Charles Alexandre : que le monopole n’est plus dans les mains de Christie’s ou de Sotheby’s. Grâce à internet qui diffuse partout, la visibilité s’est fortement accrue et les enjeux se sont déplacés..Une œuvre importante et de qualité fera toujours le prix peu importe où elle est vendue ! : Le retentissement mondial de la vente Hergé organisée dans le cadre du festival BD à Namur en est la preuve. Grâce aux médias et aux professionnels, on atteint désormais directement le client final. On n’a plus besoin d’avoir d’intermédiaires. Avant, il y a 10 ou 15 ans, on fonctionnait avec 80 % de professionnels. Autrement dit, la majorité de nos acheteurs étaient des marchands. La salle de ventes était alors un super grossiste. Aujourd’hui, grâce à internet, on est sur le marché comme n’importe où ailleurs. La position géographique n’est plus déterminante – excepté pour un marché très local. Hergé a agi comme révélateur. La bande dessinée est un univers à part.
Ce succès n’a pas eu de répercussion au niveau de la vente du mobilier, par exemple, un secteur en difficulté. Cet éloge pour la Toile s’assombrit d’un constat qui n’est pas l’apanage du marché de l’art. Grâce – ou à cause – d’internet, tout le monde croit tout savoir, ce qui a évidemment ses revers. Si l’information circule, la Toile ne remplacera jamais l’expertise : Ainsi, on ne veut plus que de l’or 18 carats pour les bijoux. Or, personne, ou presque, ne sait exactement ce que cela représente par rapport aux 14 carats ! D’une part, l’expert certifie et de l’autre, la salle de ventes, ou tout autre organisme indépendant reconnu, lui assure un échange sécurisé (solvabilité, reconnaissance juridique et légale, huissier) dans un lieu de rencontre, où il peut voir l’objet, avoir confiance, Ahhhh ! Les ventes aux enchères : Celles-ci ne se font plus toujours au marteau, mais électroniquement. Quoi qu’il en soit, le lieu subsistera car il garantit la transparence de la transaction effectuée sous le contrôle d’un huissier. Pour rappel, lors de cette vente mise sur pied par la société Moulinsart à la galerie Rops, la planche de la page 3 des Bijoux de la Castafiore et le crayonné de cette planche, estimés 75 à 100.000 euros, ont atteint 312.500 euros (plus les frais) tandis que la page 38 de L’Affaire Tournesol et son crayonné, évalués 70 à 90.000 euros, se sont envolés à 220.000 euros ! Une passion chevillée au corps dès l’enfance…
Rencontre avec un jeune collectionneur éclectique dont le penchant pour l’Art déco est manifeste et qui permet d’expliquer pourquoi on peut nourrir une passion de la collection, que les siècles n’altèrent pas. Il a la quarantaine à peine, veut rester anonyme, jouit d’une bonne situation mais, ce qu’il a surtout de différent, c’est « l’œil ». L’œil avisé de l’amateur, le regard du fin connaisseur puisqu’il a suivi un « Master in Fine and Decorative Arts » chez Christie’s à Londres. C’était l’époque où il pensait encore faire son métier dans le domaine du marché de l’art, avant de s’orienter vers la finance : De toute façon, j’aurais fait un piètre commerçant en antiquités car je ne sais pas vendre !, observe-t-il avec recul.Aucun regret, donc, pour cet homme affable qui vit entouré de belles choses dans une maison qui est l’écrin à la dimension de ses trésors. Du mobilier Art déco, quelques tableaux, de l’argenterie – son point faible – de nombreux objets décoratifs, d’ici mais d’ailleurs également puisqu’il avoue se laisser aller aux coups de cœur lors de ses voyages plus ou moins lointains, en Asie du Sud-Est, en Chine, en Inde, en Nouvelle-Zélande aussi d’où il a ramené une magnifique verrerie. L’art contemporain fait de temps à autre l’objet de ses élans. Il a récemment eu le coup de foudre pour les œuvres de Pascal Lièvre, un jeune artiste français. Dans notre famille, lorsque nous étions enfants, nous allions souvent au musée. Nous suivions également les ateliers artistiques aux Beaux-Arts. J’en garde de bons souvenirs même s’ils sont assez flous (…) A 13 ans, comme je voulais gagner de l’argent, je suis allé travailler chez Axel Vervoordt pendant les vacances. J’ai adoré cirer les meubles, nettoyer l’argenterie, déménager les objets… C’est un passionné qui a joué un rôle important en tant qu’antiquaire. Son enthousiasme donnait envie. Mes parents figuraient d’ailleurs parmi ses clients. J’y ai appris beaucoup de choses. Il faut connaître pour apprécier. C’est tout ce bagage, ce milieu familial fait de collectionneurs et d’amateurs d’art qui semble m’avoir façonné petit à petit !
Il se souvient avoir acheté sa première œuvre à 13 ans : une très belle gravure XVIIe avec des oiseaux : Par la suite, poursuit-il, j’aurais voulu étudier l’archéologie. Mais mes parents n’étaient pas très pour… J’ai donc fait ingénieur commercial tout en continuant à acheter des choses de-ci, de-là et parfois des objets insolites comme ces plaques de faïence aux maximes socialement engagées dont je possède plusieurs exemplaires !Il dit fonctionner au coup de cœur, à l’émotion (mais avec toute la science acquise à force d’avoir baigné dans le milieu, en Belgique puis à Londres) : Je collectionne pour le plaisir mais pas uniquement. Si j’ai acheté des meubles c’est parce que je savais qu’un jour j’en aurais besoin !, dit-il en toute logique. J’ai opté pour l’Art déco parce que j’aime cela et, en plus, c’est un style qui se marie avec tout : les lignes sont pures ! Il a même parfois un côté sévère. Outre le mobilier, c’est tout ce qui tourne autour qui m’intéresse : l’argenterie, les vases, les couverts, les plats, les montres… jusqu’aux boutons de manchettes ! Je me laisse aussi tenter par les pièces asiatiques, comme les vases Ming ou certaines gravures (…) Tout cela parce que j’ai toujours été là-dedans et mon épouse également. Nous sommes tous les deux issus de familles de collectionneurs. Nous avons été habitués à fréquenter les marchés et les musées. Ce sont des choses qui nous sont familières et que j’espère transmettre à mes enfants. Nous vivons au milieu de pièces anciennes, d’antiquités. Même la maison a son histoire – même si elle date des années quarante – et il est vrai que j’achète plus facilement une antiquité que quelque chose de neuf. Aujourd’hui, j’ai dû ralentir mes achats car nous n’avons plus de place et j’ai du mal à me séparer de mes pièces, sauf si c’est pour quelque chose de mieux ! Je me concentre désormais sur des objets de petites dimensions. Mais ils ne sont malheureusement pas les moins coûteux… Passion, quand tu nous tiens… Dorotheum, entre Vienne et BruxellesDorotheum, tout le monde (ou presque) connaît. N’empêche, Bruxelles n’est pas Vienne. C’est justement là que la représentation bruxelloise a tout son sens.
Rencontre avec Honorine d’Ursel. Rue aux Laines, au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Lannoy. C’est ici, à proximité du Petit Sablon, que Dorotheum Bruxelles a posé ses valises, il y a douze ans déjà… Sa représentante actuelle avoue y être arrivée « par hasard ». Sa passion pour Vienne, où elle vécut un temps, son intérêt pour l’art et la culture, son sens du contact et sa connaissance de la langue y sont sûrement pour beaucoup. Avec son collègue Wilfred Van Gaver, c’est elle qui fait tourner le bureau bruxellois, point de contact pour la capitale de l’Europe : Nous sommes là toute l’année pour les gens qui souhaitent vendre ou acheter chez Dorotheum, explique-t-elle. Nous nous tenons à la disposition de toute personne désireuse de soumettre à nos experts un tableau, une porcelaine ou une pièce d’argenterie… Nous la conseillons, tout en sachant que notre visée est internationale. Si Dorotheum est une référence en Autriche, c’est son volet international qui nous fixe à Bruxelles, plaque tournante du marché de l’art par sa position centrale. Ici, nos clients sont en majorité belges mais les œuvres sont aussi bien germaniques, anglo-saxonnes qu’italiennes ou flamandes. La sphère belgo-belge n’est pas notre unique cible et il nous arrive de déconseiller à certaines personnes de vendre à Vienne. Soit parce que la période ne s’y prête pas, soit parce que la pièce ne correspond pas à nos types de ventes ou simplement par souci d’économie, si la valeur de la pièce n’est pas assez importante pour l’envoyer à l’étranger. Honorine d’Ursel assure que Dorotheum est, entre autres, l’adresse pour l’Art déco et l’Art nouveau, pour le Jugenstil, tel qu’il s’est pratiqué en Autriche mais aussi au-delà de ses frontières : Avant, Dorotheum était étatique et donc fortement marqué de l’empreinte austro-germanique. Aujourd’hui, depuis sa privatisation, on constate une très grande ouverture vers l’international, tant au niveau de la marchandise que de la clientèle.Et notre interlocutrice de poursuivre : Comme notre mission est de faire connaître notre maison audelà des frontières autrichiennes, nous organisons des expositions, des journées d’expertises, des cocktails pour donner un aperçu des pièces mises en vente à Vienne ainsi que différents événements. Par ailleurs, nous assurons la distribution des catalogues, organisons les transports, les assurances etc. Notre bureau dispose de toute l’infrastructure logistique. Tout part de Vienne mais nous assurons le dialogue entre Vienne et Bruxelles, deux pôles qui n’ont pas nécessairement les mêmes us et coutumes. En matière de langue et de culture. Les règles administratives peuvent varier d’un pays à l’autre. Nous les accommodons, nous nous mettons au diapason belge. Ainsi, si l’envoi des contrats se fait par lettres recommandées en Autriche, les Belges sont réticents à ce type de pratique qui les bloque chez eux à attendre le facteur… Nous procédons donc autrement, afin de leur faciliter la vie. Honorine d’Ursel se fait un point d’honneur à établir un contact personnalisé à Bruxelles : Pour les candidats acheteurs, il est toujours possible de demander un rapport de l’état de l’œuvre qui leur fournira dans leur langue les détails de restaurations qui auraient été faites ainsi que son état de conservation. Il nous arrive fréquemment de travailler avec des photos et par courriel mais rien ne vaut le contact humain, avec les collectionneurs, la presse ou les acheteurs. Quant à son métier, elle le voit en termes de passion : On apprend énormément de choses, de nouvelles choses. Si on connaît Breughel, Rubens, tous ces grands noms, lorsqu’on se trouve nez à nez avec une de leurs œuvres, on réapprend, on regarde autrement, de façon plus précise. On a l’avantage d’avoir de très belles expositions quatre fois par an. En dehors de ces périodes, nos cimaises sont vides… C’est dommage et peut-être déroutant pour ceux qui entrent pour la première fois dans notre bureau mais nous avons le bonheur de découvrir parfois des pièces magnifiques qui s’en iront à Vienne. Certaines reviendront même s’exposer à Bruxelles en prélude aux enchères viennoises… Et voilà que l’histoire s’emballe, avec Bruxelles comme maillon fort.
Laurent Van Reepinghen, avocat au Barreau de Bruxelles pratiquant régulièrement la matière du droit de la propriété intellectuelle, reprend quelques points essentiels de la loi de 1994 relative au droit d’auteur. Le droit de suite, c’est quoi ? C’est le droit pour l’auteur (1) d’une œuvre d’art graphique ou plastique originale (un tableau de Picasso, une sculpture de Rodin) de percevoir un pourcentage du prix obtenu lors de ses reventes successives, lorsque interviennent les professionnels du marché de l’art. Qui est concerné ? Et quand ? Ce droit s’applique uniquement aux professionnels des salles de ventes comme des galeries d’art en vertu de la loi du 4 décembre 2006 (2). Il est d’application lors de la revente d’œuvres d’art dites « originales », notion pour le moins subjective, qui englobe également les multiples (estampes, photos…) Comment est-il calculé ? Il est calculé sur le prix de vente, pour autant que celui-ci atteigne au minimum 2.000 euros. Ce seuil défini par la Belgique, varie d’un Etat à l’autre. C’est ainsi qu’on relève des seuils d’application nettement moins élevés ailleurs, avec 400 euros en Allemagne, 750 en France et 1.000 au Royaume-Uni. Toujours est-il que le législateur belge impose aux professionnels de l’art de notifier les reventes d’œuvres d’art tous les trois mois (pour les galeries) et tous les mois (pour les salles de ventes) à la société de gestion collective de ces droits (en l’occurrence, la Sabam). Cette notification se fait via l’envoi à la Sabam du formulaire officiel (NDLR : publié au Moniteur belge du 24 décembre 2007). Le paiement des droits dus doit se faire dans les deux mois suivant la date de l’envoi du formulaire.
Voilà pour le volet théorique, très sommairement décrit. Le spécialiste reviendra plus amplement sur le sujet d’ici à la fin de l’année, notamment sur les répercussions financières de la nouvelle législation pour les différents acteurs (propriétaires et gérants de salles de ventes, les galeristes et la Sabam). Et après sa mort pour ses ayants droit (pendant 70 ans à partir de la date du décès de l’auteur). La loi du 4/12/2006 est en fait la transposition en droit belge de la directive européenne 2001/84/CE) et qui a fait l’objet d’un Arrêté royal du 2 août 2007 portant exécution de la loi. La directive européenne autorisait les Etats membres à augmenter le seuil d’application du droit de suite jusqu’à maximum 3.000 euros mais leur laissait une relative liberté de déterminer le montant du seuil.
Lorsqu’on souhaite un objet rare ou précieux, la compagnie d’assurance exige presque toujours des mesures de conservation de l’objet. Elle procède également à son évaluation, les objets d’art ou de collection, les, meubles d’époque, les tableaux, les bijoux, et de manière plus générale, les objets rares ou précieux, sont évalués en valeur réelle et non en valeur vénale. Mais les compagnies d’assurances prévoient une valeur maximale par objet, ce qui pourrait exclure ces objets de valeur d’une juste indemnité. C’est pourquoi, il existe d’autres valeurs applicables, à envisager si l’œuvre dépasse 15.000 à 20.000 euros, selon les avis des compagnies. Dans l’assurance en valeur déclarée, la formule, c’est l’assuré qui va établir la liste des œuvres à assurer et les évaluer. Il n’y a donc aucune expertise à la conclusion du contrat. En revanche, si un sinistre survient, la compagnie enverra son expert et, sauf contre-expertise, ce rapport d’évaluation constituera la base de calcul de l’indemnisation. En d’autres termes, c’est à l’assuré qu’incombera la charge de la preuve quant à l’existence et la valeur des œuvres endommagées ou volées. Pour cette raison, si l’on possède des objets de grande valeur, la constitution d’un petit dossier est conseillée, dans lequel un maximum d’informations seront consignées (inventaire, photos, expertise(s), auteur, provenance, certificat d’authenticité, facture, défauts, lieu de conservation…). Il s’avérera, de plus, extrêmement utile en cas de vol. En assurance en valeur agréée, ce type-ci d’assurance requiert un accord sur la valeur de ce qui sera assuré. L’assuré accorde souvent une valeur subjective, affective à l’œuvre, à l’inverse de l’expert désigné par la compagnie. Il faut donc que se dégage un consensus sur la valeur retenue, base du contrat. Ces polices sont un peu plus chères (expertise requise, prime plus élevée), mais l’indemnisation fixée ou réévaluée ne sera pas remise en question et la compagnie d’assurance la versera rapidement à l’assuré. De manière périodique, en fonction du marché ou de l’état de l’œuvre, une réévaluation du bien peut être envisagée en plus ou en moins.