Le lard de l’omelette de l’art…
Ahhhhhhhhhh, chères amies-lectrices, chers amis-lecteurs, vous allez assister à une modification de mes habitudes de vie…
Vous avez pu lire, sur le Forum et dans les autres sections de GatsbyOnline, principalement dans la section Automobiles, que mon ton amusé a évolué peu à peu, en quelques années, vers un certain cynisme et de plus en plus vers un ton désabusé… (j’aime les facéties de la langue française qui permettent de passer du “peu à peu” au “plus en plus” pour décrire une situation régréssive et en même temps évolutive dans ses conséquences)…
C’est que, ce qui était ma passion de mes débuts, l’automobile, s’est heurtée à une évolution régressive (sic !) des moeurs…
Rien de sexuel là-dedans, même si mes nombreux “double-sens” qui foisonnent dans mes texticules, pourraient le laisser supposer…, mais simplement une sorte de ras-le-bol de certains et divers comportements de divers et certains clients (waouwww !), disons plutôt : de gens vaguement intéressés mais désireux quand même de discuter le bout de gras dans l’espoir de tout avoir quasi pour rien…, appellation non controlée mais résumée par le terme très imagé de “Sodomiseurs” !
Au début, il y avait comme une amitié de partages d’émotions automobiles, entre amateurs du genre…, puis, parmis les gens, certains (c’est-à-dire de plus en plus), se sont mis à se croire compétents en tout, surtout en automobiles… et à discutailler (pinailler) pour le plaisir de “sodomiser” virtuellement “ceusses” qui vendaient des automobiles.
Une technique simple consistant à diminuer tous les prix demandés par deux sans tenir compte de l’état de la voiture et de sa rareté ainsi que de son intérèt historique et/ou de performances et d’agrément de conduite…
Technique incluant de raconter l’entièreté de sa vie, à donner des coups de pieds dans les pneus, à secouer la voiture quitte à plier les panneaux de carrosserie et à gratter un élément (voire plusieurs) de carrosserie pour voir “ce qu’il y a sous la peinture“)…
A cela s’ajoute les discussions sans fin qui, si elles aboutissent à quelque chose d’incertain, se concluent par un : “je n’ai pas d’argent sur moi, pas de chèque, juste 100 euros“… ce qui est finalement préférable à ceux qui tracent un chèque d’acompte sans provision…
L’affaire va tellement loin actuellement, que les possesseurs d’automobiles anciennes et/ou hors du commun (que je regroupe sous l’appellation d’automobiles extraordinaires… ne désirent plus faire le moindre effort pour vendre, soit via des annonces, soit via des shows, puisque en dehors des exemples cités : soit plus personne ne téléphone, soit plus personne ne s’intéresse à quoi que ce soit, sauf pour “sodomiser“…
Si les voitures en dessous des 25.000 euros sont destinées à un avenir incertain, les voitures “haut de gamme” et celles qui “valent le détour” (sic !), sont dès-lors présentées dans diverses ventes aux enchères.
Ce système permet d’éviter les “sodomiseurs“, car les gens intérèssés n’ont qu’à lever la main si la voiture qui passe… leur plait…, sans que les vendeurs doivent passer des heures à discutailler pour “les couilles du Pape” (que j’emmerde prodigieusement, soit dit en passant)…, vendeurs, enchérisseurs et acquéreurs demeurant anonymes les uns aux autres, ce qui ne fait malheureusement pas l’affaire des psychologues, psychiatres et asiles qui devaient soigner certains parmis les plus atteints, rendus fous par les séquelles de toutes ces conneries !
Ne désirant pas rester désoeuvrés, bon nombre de marchands encore lucides, se sont reconvertis dans l’immobilier…, d’autres se sont suicidés…, certains ont ouvert un snack…
Le marché de l’art paraît si déroutant pour les non-initiés que ceux-ci sont parfois susceptibles de le qualifier confusément de temple réservé aux roublards bardés de dollars.
Certains vont même plus loin en jouant sur les mots en n’hésitant pas à associer l’art au lard.
Le lard, c’est du cochon et pour des empêcheurs de tourner en rond, l’art peut devenir synonyme de cochonnerie comme cela s’est vérifié avant la Seconde Guerre Mondiale lorsque les nazis classèrent comme œuvres dégénérées des milliers de tableaux expressionnistes ou abstraits ainsi que ceux produits par des artistes juifs.
Aux yeux des non-initiés, le marché de l’art est un monde fascinant et aussi inquiétant à bien des égards.
Beaucoup rêvent de s’y aventurer mais peu nombreux sont ceux qui franchissent le pas et ce, pour diverses raisons qui sont aussi bien liées au manque de connaissances et d’argent qu’à la crainte de partir dans l’inconnu.
On a peine à imaginer à quel point le marché de l’art est soumis à l’irrationnel et à des comportements humains qui dépassent souvent l’entendement.
C’est en réalité, exactement comme le marché des automobiles extraordinaires, dites “de collection”…, sauf qu’en oeuvres d’art, les techiques de “sodomisation” ne sont pas applicables de même façon et qu’en dehors des sculptures géantes en bronze, les oeuvres d’art, section peintures et photos, prennent moins de place, ne nécessitent aucun entretien et peuvent s’exposer sur le mur du salon…
“Mieux” existe, ce sont les collections de timbres et les bijoux…, mais je n’y suis pas encore !
Il est donc vrai que le marché de l’art, s’avère un monde à part avec son aristocratie, sa bourgeoisie, sa plèbe, sa pègre, ses légendes, ses coutumes, ses lois ; un monde qui réserve mille et une surprises, bonnes ou mauvaises, permettant à des gens chanceux, intuitifs ou avisés de faire fortune.
Certains y cherchent leur Graal, d’autres s’y enivrent simplement ou deviennent de véritables intoxiqués, d’autres encore y trouvent le moyen de conforter leur position dans la société… et cette situation durera tant que des œuvres d’art susciteront le rêve, la passion, l’envie de collectionner et aussi la convoitise.
On peut aimer l’art sans fréquenter ce marché tout comme on peut aimer le lard sans vouloir casser des oeufs en omelettes…, mais cela risque d’entraîner une frustration aussi grande que lorsqu’on est follement épris d’une femme qu’on n’a jamais enlacée.
D’ailleurs, on ne peut vraiment pas être totalement un grand connaisseur en restant en dehors du marché.
Il est vrai cependant que les prix faramineux enregistrés ces dernières années dans les salles de vente ont de quoi donner le tournis.
Le mieux est de faire abstraction de toutes ces valses de millions de dollars et de ces multiples affaires qui font la une des journaux et faussent les jugements des profanes car on peut toujours prendre du plaisir au contact de ce domaine si particulier.
Mais les faits sont là, tenaces, déboussolants.
Le 30 mars 1987, le marché de l’art a enregistré sa première grosse secousse avec la vente d’un tableau de Vincent Van Gogh, Les Tournesols, adjugé par Christie’s pour la somme record de 39,9 millions de dollars.
Le monde entier a alors vacillé de surprise et les médias ne se sont pas privés de donner à cet événement un côté mythique.
Le 11 novembre 1987, nouveau coup de tonnerre, Sotheby’s battant un nouveau record avec un autre Van Gogh, Les Iris, vendu 53,9 millions de dollars au magnat australien Allan Bond.
On ne savait pas encore que Sotheby’s lui avait prêté la moitié de cette somme et qu’il n’a jamais pu concrétiser cet achat après avoir fait faillite quelques mois plus tard.
Toujours est-il qu’à la fin de 1987, le marché de l’art est entré dans une période de folle euphorie et ces records qui ont mis la presse en émoi ont provoqué un effet d’aspiration vers le haut concernant les prix des tableaux impressionnistes, postimpressionnistes, modernes et contemporains.
Durant plus de deux années, les intervenants de ce marché ont ainsi vécu dans un climat d’extase permanent.
A New-York, Londres et Paris, maintes ventes aux enchères ont laissé les spectateurs béats d’admiration avec des records établis un jour et dépassés le lendemain.
Tout cela s’est déroulé souvent en dépit du bon sens car la folle envolée des prix a concerné des œuvres de peintres qui n’avaient jamais été considérés comme des grands maîtres auparavant.
Aux yeux des acheteurs, ceux-ci sont devenus miraculeusement les valeurs sûres des années à venir.
Il ne fallait pourtant pas être devin pour prédire que la spéculation qui a embrasé le marché aurait tôt au tard des effets dévastateurs.
Le fonctionnement en surchauffe de la machine ne pouvait donc qu’aboutir à des avaries.
Après avoir également servi de détonateur à cette explosion du marché, la presse a commencé alors à semer le doute à la veille du 15 mai 1990.
Ce jour là, Christie’s a mis en vente à New York le portrait du Dr Gachet par Van Gogh alors que depuis le début quelques mois l’atmosphère s’était dégradée sur le marché.
Bref, les observateurs ont ainsi affiché un certain scepticisme quant au résultat de cette vente.
Et pourtant, un fabuleux record mondial a de nouveau été établi avec un prix de 82,5 millions de dollars.
On a cru rêver.
Mais deux jours plus tard, on est tombé encore des nues lorsque Sotheby’s est venu taquiner ce sommet avec un montant de 78,1 millions de dollars obtenu pour Le Moulin de la Galette de Renoir.
Pour ces deux tableaux, un seul acheteur : Ryoei Saito, un magnat japonais du papier.
On a pensé alors que le marché de l’art était reparti pour un nouveau tour de manège fantastique mais les deux ventes new-yorkaises ont été en fait le signal de l’hallali tant de fois redouté.
Ces records avaient tout faussé en réalité, faisant fantasmer le monde par leur énormité et conférant une stature magique à l’art.
Le réveil risquait d’être brutal.
Il l’a été mais il ne durera qu’un certain temps parce que depuis des siècles sommeillent en l’homme des instincts irrationnels qui lui feront commettre encore bien des bévues.
Mais en attendant, on peut affirmer vulgairement que le marché de l’art, après avoir eu un formidable orgasme, s’est retrouvé subitement condamné à l’abstinence durant un bon bout de temps…
Il y a bien longtemps déjà, des hommes payaient des fortunes pour acquérir une œuvre d’art jugée exceptionnelle et cela leur était bien égal puisque à leurs yeux celle-ci n’avait en fait pas de prix.
C’est ainsi que la passion, devenant déraison, a entraîné souvent les plus grands esprits ou les hommes les plus puissants du moment à se conduire de manière insensée.
Et cette conduite n’a eu ni plus ni moins pour but que d’impressionner leurs semblables.
La spéculation sur les œuvres d’art n’est pas un phénomène nouveau.
Ce qui importe, c’est de savoir que l’argent, synonyme de pouvoir, peut servir à satisfaire des envies de domination.
Mais même à partir de là, il sera toujours difficile de comprendre le fonctionnement de ce marché de l’art que certains refusent toujours de considérer comme une véritable entité économique.
Il serait temps de faire montre d’un peu plus de pragmatisme car du moment où des transactions se réalisent, on ne peut nier l’existence d’une forme de commerce.
Certes, ce marché est différent des autres parce que les achats sont liés généralement au désir et au plaisir.
Il y a le désir de s’imposer vis à vis des autres et le plaisir de posséder quelque chose d’unique, de rare et de beau.
Bref, il y a indéniablement un rapport viscéral personne-objet qui se manifeste dans un achat.
L’argent assure une position dans notre monde lequel est de plus en plus sous la coupe du capitalisme, mais il ne représente qu’un tas de bouts de papier dans un coffre ou encore un certain nombre de chiffres sur un relevé de banque.
L’essentiel est de le faire travailler et lorsqu’on en amasse beaucoup, on peut s’en servir à diverses fins.
Le problème est que dans certains pays, notamment la France, il reste un sujet tabou une fois qu’on a dépassé les frontières de l’essentiel.
Le psychanalyste Serge Videman, disparu en 1991, avait d’ailleurs estimé qu’il était urgent de se défaire du tabou de l’argent en soulignant qu’on dit souvent que l’argent est fou, qu’il pourrit tout ce qu’il touche, qu’il est une abstraction qui se plie aux désirs de ceux qui le manient, qu’il pénètre dans tous les interstices, dans tous les rouages de la machine sociale qui l’y sollicitent.
Il est aussi innocent que l’eau qui suivra toutes les sinuosités du vase où elle est versée, écrivait-il.
C’est par le biais de leur puissance, et surtout par celui de l’argent, que les hommes ont été attirés par l’art lequel a certainement été à leurs yeux le moyen le plus noble et le plus raffiné de conforter leur rang social.
Pour atteindre le beau, on a su sans cesse reculer les limites et entretenir bien des rêves et des convoitises.
A cinq mètres de distance, un énorme paquet d’argent peut se confondre avec une pile de vieux papiers, mais s’il sert à l’achat d’un tableau de maître ou d’une statue d’un grand sculpteur, il se transformera en chef d’œuvre qu’on ne se lassera plus de contempler sans perdre de vue qu’il suscitera en outre l’envie des autres.
Les records enregistrés pèle mêle sur le marché de l’art ont ainsi attiré de nouveaux acheteurs et provoqué une énorme vague de spéculation.
La dépression survenue à la fin de 1990 a eu le mérite de faire fuir les aventuriers mais ceux-ci sont revenus dès le premier signal d’une nouvelle flambée des prix.
L’histoire des moutons de Panurge ne finira certainement pas de se répéter dans bien des domaines et en particulier celui du marché de l’art.
Depuis, on a eu droit à quelques éclaircies comme le 11 mai 1992 lorsque Christie’s a vendu à New York la collection Douglas Cooper avec des œuvres signées de Picasso, Gris, Braque ou Léger.
Avec un montant total de 21,5 millions de dollars, supérieur à la somme des estimations basses définies par les experts de la vente, on s’est remis à espérer des jours meilleurs sans pour autant croire à une reprise foudroyante car les enchères ont été marquées par l’absence des Japonais.
A l’aube de l’an 2000, ces derniers sont restés toujours discrets dans les salles de ventes en raison de nombreuses faillites enregistrées au Japon et de la crise qui a affecté la Bourse de Tokyo en 1998.
Sans les Japonais, qui ont été les principaux acteurs du marché entre 1987 et 1990, la relance n’a pu être qu’incertaine dans un secteur qui affole tant les médias alors que finalement, celui-ci ne représente pas grand chose par rapport au flux quotidien d’argent sur les marchés financiers de la planète.
Le marché mondial des ventes aux enchères ne représente en fait qu’un volume annuel global de quelque 50 milliards, alors que le chiffre d’affaires de tous les professionnels de l’art (galeries, antiquaires, brocanteurs) dans le monde est estimé grosso modo à environ 250 milliards par an.
A titre comparatif, rappelons que ce sont près de 2000 milliards qui transitent chaque jour sur les marchés financiers…
Si ce marché provoque autant d’étonnement, c’est probablement du fait de nombreuses légendes, de duels d’enchères livrés entre des hommes riches et célèbres pour des œuvres d’art qui, une fois acquises, ont été et sont pour eux autant de victoires remportées aux dépens de leurs rivaux.
Malgré la crise économique qui s’est propagée à la planète après la Guerre du Golfe en 1991 (le 9/11 fut la date du basculement de nos démocraties vers les dictatucraties dirigées par un Nouvel Ordre Mondial)… et dont les effets pernicieux subsistent encore dans de nombreux pays industrialisés, le marché de l’art reste encore solide économiquement tout en enregistrant des transformations.
Les maisons de vente sont devenues des multinationales à l’image de Sotheby’s ou de Christie’s laquelle a été rachetée en juillet 1998 par l’homme d’affaires français François Pinault.
New-York est devenue la capitale du marché devant Londres et Paris qui a subi des bouleversements avec la suppression du monopole des commissaires-priseurs et l’autorisation donnée à ces deux maisons d’y organiser des ventes.
Les collectionneurs sont devenus plus exigeants quant à la qualité des pièces proposées sur le marché et les prix ont été ainsi à la hausse pour le rare et le beau tandis que les objets moins intéressants ont de plus en plus été boudés.
Le marché de l’art a atteint une nouvelle dimension sur le plan économique mais il lui reste à gommer de nombreuses imperfections dans les domaines de l’expertise ou du comportement des professionnels qui devront s’adapter à de nouvelles donnes, adopter une approche plus moderne de leur métier et s’initier de plus en plus aux technologies de pointe comme l’Internet.
Pour se démocratiser, le marché devra aussi se débarrasser de son image par trop élitiste tant il est vrai qu’il reste sous la coupe de gens puissants qui font tout pour le contrôler alors que paradoxalement l’art à un rapport direct avec l’humanité.
Il est non moins vrai que la passion ne suffit pas pour acquérir des objets dignes d’intérêt mais en amenant plus de gens à fréquenter le marché celui-ci bénéficierait d’une nouvelle dynamique spectaculaire.
En attendant, des millions de gens les gens vivent quotidiennement au contact de l’art sans vraiment s’en rendre compte.
Faute de connaissances, ils restent en dehors du marché.
Mais là, on soulève un problème concernant l’éducation puisque la plupart des pays ne font pas une part suffisante à l’enseignement de l’histoire de l’art dans les collèges.
Et pourtant, l’art représente un garde-fou idéal pour éviter que le monde ne tombe sous la coupe d’une technologie envahissante qui risquera un jour ou l’autre de restreindre la liberté de penser, et par ricochet d’action, des humains.
Les ventes aux enchères ne totalisent que 16,5% du volume global du négoce de l’art.
Donc, sur les 250 milliards équivalent au chiffre d’affaires des professionnels de l’art dans le monde, il convient de ne pas négliger la part représentée par ceux qui semblent n’être de prime abord que des anonymes parce qu’ils ne participent pas aux prestigieuses biennales ou aux grands salons.
Il reste donc bien des choses à raconter concernant ce marché de l’art si compartimenté, si difficile à comprendre et qui, soumis à tant d’imprévus, a pu survivre à la dure récession de la fin de 1990, car, indépendamment de la crise économise qui s’est mise à sévir longuement après la Guerre du Golfe, notre société est entrée dans une période de mutation dont nous ne soupçonnons pas encore l’ampleur.
Les goûts et les besoins changent dans de nombreux domaines et celui de la culture ne sera pas en reste.
La multiplication des livres d’art, le développement de l’enseignement de l’histoire de l’art (encore timide), l’implication des médias et surtout la prise de conscience que la culture peut et doit servir en priorité de bouclier face à l’emprise de plus en plus forte de la technologie dans la vie quotidienne, vont résulter en de profonds changements puisque le monde est appelé sans cesse à bouger.
Notre monde forme d’ailleurs un tout comme les savants viennent de s’en apercevoir.
Pour le sociologue Edgar Morin, la Terre, est une totalité complexe physique-biologique-anthropologique où tout est relié.
Mais le lien ne s’est pas encore opéré dans la plupart des esprits car ceux-ci subissent les effets disjonctifs du cloisonnement disciplinaire et de l’émiettement des connaissances.
Cette forme supérieure de crétinisation nous disloque le global et nous occulte le fondamental.
Le monde de l’art forme aussi un tout et on commence seulement à s’en rendre compte.
Cet univers regroupe de nombreux domaines et concepts ainsi que des gens différents.
Il y a un marché, des musées, des conservateurs, des experts, des galeries, des antiquaires, des brocanteurs, des commissaires-priseurs, des courtiers, des restaurateurs, des amateurs, des collectionneurs, des artistes, des éditeurs, des critiques, des journalistes, des attachés de presse, des faussaires, des mythomanes, des spéculateurs, des escrocs, une mafia, des voleurs, des receleurs, des policiers, des gendarmes, un gotha, des rentiers et un tas d’autres personnages ou de services annexes.
C’est donc un monde où tout est lié d’une certaine façon et qui est relié lui-même à d’autres univers.
A l’ère techno-industrielle qui a conduit les hommes à la dévastation de la terre, nous avons compris qu’il fallait protéger ce qui nous était essentiel, et notamment le patrimoine artistique mondial.
Il faut nous interroger sur ces dévastations mais aussi sur l’emballement généralisé qui nous emporte dans un devenir accéléré qui fait de moins en moins figure de progrès.
Déjà, depuis notre entrée dans le XXIe siècle, nous commençons à comprendre qu’il va falloir contrôler et changer l’avenir pour assurer le salut de l’humanité.
C’est une formidable révolution mentale qu’il faudra donc créer et nous en jaugerons les prémices à travers les croisades écologiques menées à travers notre planète.
On n’a pas encore senti combien l’art sera présent dans cette révolution et bizarrement, on a toujours sous-évalué son rôle dans l’histoire de l’homme.
Pourtant, l’art est partout. Il suffit de feuilleter n’importe quel dictionnaire illustré pour s’apercevoir que les photographies qu’il contient représentent en majorité des œuvres d’art…
Certains ne veulent toujours voir que le grandiose dans l’art en oubliant ces riens qui ont permis de faire un tout.
Un Van Gogh à 80 millions de dollars ne fait pas le marché de l’art.
Certes, un tel prix peut lui servir de publicité tapageuse et les médias auront le chic, et aussi le tort, de se concentrer sur ce Van Gogh en ne remarquant pas que ces 80 millions de dollars ne représentent finalement qu’à peine 1/750e du chiffre d’affaires annuel global de tous les secteurs de ce marché.
Il n’en reste pas moins que dans le marché de l’art, il y a comme deux écoles.
Celle fréquentée par les grands est comme un collège privé où les élèves sont triés sur le volet.
A eux les œuvres qui dépassent 10 millions dans les ventes, à eux les honneurs de la presse, à eux le plaisir de régenter le domaine du hors pair.
L’autre école attire plus d’élèves lesquels ont finalement réussi à s’accaparer une grande part du marché mais leurs activités, plus discrètes, ne suscitent pas l’intérêt des journaux qui s’intéressent toujours aux événements spectaculaires.
Il y a donc tellement de choses à évoquer au sujet du marché de l’art, et parfois même des banalités qui débouchent sur l’extraordinaire, qu’on trouvera toujours matière à écrire d’autres livres.
Le monde de l’art, si fermé en apparence, est en constant bouillonnement.
D’autres records tomberont, des marchands graviront certainement encore plus les échelons de la célébrité ou dégringoleront de leur piédestal ; d’autres affaires concernant des contrefaçons éclateront après celles des faux Vermeer, des faux Dali, des faux Picasso, des faux Chirico, des faux Dufy, des faux Miro, des faux Modigliani, des faux Utrillo, des faux Chagall ou des faux Warhol.
On évoquera un jour bien d’autres plagiats qui, une fois encore, feront les gros titres de la presse.
Et puis, ce ne sera pas du jour au lendemain qu’on cessera de voir des cotes artificielles établies dans les ventes publiques par ces marchands qui présentent leurs artistes comme les grands de demain et profitent ainsi honteusement de la crédulité de nombreux acheteurs.
On aura encore à supporter les volontés d’hégémonie de certains clans, à souffrir de l’indécision de certains experts, à se laisser entraîner dans de nouvelles offensives lancées par des spéculateurs et à se bercer souvent d’illusions.
Toutefois, une chose est sûre : rien n’arrêtera les transformations en cours lesquelles vont s’accélérer avec les progrès techniques et surtout avec l’émergence de nouvelles mentalités et de nouveaux besoins.
L’élite restera à sa place encore longtemps mais ceux qui la composent ne seront pas toujours les mêmes parce que, paradoxalement, il n’est pas facile de rester riche.
Un milliardaire vous affirmera que c’est tout un art de gagner de l’argent mais que c’est souvent vivre une véritable odyssée pour conserver sa fortune…
S’il y a beaucoup à gagner avec l’art c’est surtout en se valorisant auprès des autres parce qu’on achète des œuvres comme on s’offre un yacht ou une belle voiture, pour le plaisir.
Avec le plaisir, on peut accessoirement gagner de l’argent…
On dit qu’un homme averti en vaut deux.
www.GatsbyOnline.com