Lambordonnée Tropézienne
On imagine Saint-Tropez comme un lieu peuplé de millionnaires et milliardaires, d’ailleurs les Tropéziens méprisent les gens de l’autre rive, les “ceusses” qui vivotent dans la masse de l’autre côté du Golfe… Aussi ai-je été flatté d’être invité dans le Palais de “La Comtesse de Saint-Tropez”, décrit comme “Le château des mille et une nuits Tropéziennes”, les autres villas et maisons n’étant aux dires du peuple, que caillasses accumulées en béton bête, sans âme… On affirmait aussi qu’outre être un lieu de débauches sexuelles BDSM, que le “Palais” de “La Comtesse de Saint-Tropez” n’avait été construit qu’avec des matériaux nobles.
Surtout de la pierre taillée : fenêtres, portes, portes-fenêtres, perrons, moulures, le genre caserneux pour nouveaux milliardaires, pompeux, prétentiard, oppressant, avec angelots et statues dans la propriété, le style beau paquebot immense et fort, ayant hébergé Philippe Auguste, François 1er, la mère Médicis, Henri IV, Louis XIII, Eddie Barclay et Johnny Halliday… Six cent cinquante ans pour bâtir ce “monument historique”, tout le monde ayant amené sa truelle au fil des ans, malgré les guerres, les révolutions et les monarques communiant dans cette fabuleuse harmonie architecturale.
Quoique, la gloire, ce n’est toujours que des cailloux, le reste n’étant que gloriole. Le “Palais” se trouve le long de la seule route d’accès vers St-Tropez venant du Géant-Casino Rond-point de La Foux à Gassin, suivez-moi dans cette aventure… J’ai trouvé l’endroit secret avec quelques difficultés puisqu’il est invisible. bien dissimulé par des grands cèdres et autres conifères, le Palais-Château abandonné ne se remarque qu’à peine depuis cette petite route qui serpente entre les collines qui séparent les agglomérations provençales. Après un cours sentier depuis la route, entre garrigue et pins, apparaît l’imposante bâtisse.
Autant le dire tout de suite, le château fut construit au XVIIe siècle, son passé est riche et tumultueux mais le vingtième siècle ne lui aura rien épargné. Le domaine est très ancien. On y retrouve des vestiges celtes, un oppidum et des sépultures romaines sur les hauteurs de la colline. Vers la fin du Xe siècle, le Comte de Provence, vassal du Roi de Bourgogne et Provence, avait levé une armée contre les Sarrasins qui pillaient la Provence depuis deux siècles. Pour récompenser ses compagnons d’armes le Comte de Provence leur a distribué les terres ainsi libérées et ce domaine fut attribué au Vicomte de Saint-Tropez.
Celui-ci y édifia ce château qui au début du XIIIe siècle revint à un moine, excommunié pour sa conduite sexuelle extravagante. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le Château fut racheté après la révolution française, par un riche négociant dont le nom marqua l’histoire. En effet, il se trouvait que deux citoyens nommés Joseph et Napoléon Bonaparte, étaient en garnison non loin du château. Ces jeunes gens s’étaient, en effet, engagés dans l’armée d’Italie mais ne dédaignaient pas fréquenter les jeunes filles de la belle bourgeoisie locale. C’est ainsi que les filles du négociant furent courtisées par les jeunes militaires.
Napoléon va tomber sous le charme de Désirée et l’enlever à son frère qui, finalement devra épouser sa sœur Julie-Marie. Finalement, Napoléon rencontra bientôt Joséphine et abandonna Désirée qui épousa un général qui deviendra Roi de Suède. Couronnée Reine de Suède et de Norvège, elle prendra alors le nom de Desideria. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un général allemand qui commandait alors la région, aimait passer du temps dans ce domaine. En capitulant devant le général de Montsabert et malgré les ordres venant d’en haut et l’avis de ses officiers, il épargnât le château de la destruction.
Une dizaine d’années plus tard, le domaine fut acheté une dame tenant commerce sur le port qui décida de se nommer “La Comtesse de Saint-Tropez”. Une Caisse d’Assurances Sociales de Constantine a alors tenté d’obtenir le château pour y accueillir des colonies de vacances. Après l’indépendance de l’Algérie, le gouvernement Algérien se déclara propriétaire. Mais vers la fin des années ’70, l’affaire devenant ingérable cette longue bataille prit fin en faveur de la Comtesse qui s’y installa en famille avec son amant qui pour fêter l’évènement s’acheta une Lamborghini Countach neuve…
Il vint la parquer/exposer comme un joyau dans le château avant de disparaitre. Depuis lors selon la gendarmerie locale : “On ne peut que constater un quasi abandon des lieux. Le château se vide, des meubles et bibelots trainent sur le sol, du mobilier est abandonné dans une dépendance, un canapé a été abandonné dans une grande pièce vide, la seule dont le carrelage possède un certain charme… Les objets qui restent, fauteuils éventrés, détritus et gravas, jonchent toute la propriété. Divers sanitaires n’ont pas fonctionné depuis des années, les robinets rouillent, la peinture s’effrite. C’est fantomatique”…
“Il y a une fuite dans la toiture, le plancher d’une pièce s’est effondré… Toutes ces années où le domaine a été inutilisé, restauré un peu, bricolé beaucoup, lui ont fait beaucoup de mal et il a perdu beaucoup de valeur. Mais cette bâtisse a encore du potentiel car les murs extérieur ont du cachet et semblent encore en bon état. Pourtant, le bâtiment reste abandonné à son bien triste sort”, m’a prévenu le Brigadier chef de la gendarmerie de St-Tropez. Après avoir découvert le château en suivant un itinéraire gribouillé, je m’aventure dans le parc qui n’est qu’un dépotoir, suivant un chemin défoncé au volant de ma Jeep Grand-Cherokee…
Mon Cocker Blacky est tout heureux que je lui ai donné la permission de m’accompagner partout dans la propriété… Le chemin est en terre battue gadouilleuse, la Jeep s’enfonce dans d’énormes trous et congères, le parc qui entoure le “Palais-Château” est envahi par les mauvaises herbes et jonché de plusieurs tonnelles de fer, de carcasses rouillées (en ce compris deux 2CV démontées), sous lesquelles des objets hétéroclites et des meubles de jardin démantelés tombent en poussière… Il y a de la ferraille partout, des tonnes de ferrailles, un amoncellement de fers rouillés, une vraie décharge.
Selon ce qu’on m’a dit comme étant le crédo de “La Comtesse de Saint-Tropez” : “Toutes ces choses vont lui servir pour la création d’œuvres d’art dans le style de la formidable statue de Bardot par Manara”… Il y a aussi une piscine abandonnée qui a l’allure d’un bassin verdâtre, empli d’eau pourrie. A coté de ce cloaque infesté de moustiques, se trouve une caravane, sans doute habitée par une famille de Zombies faisant fonction de jardiniers, endroit insalubre devant lequel pendouillent des haillons qui sèchent depuis plusieurs années et est érigée une antenne parabolique, preuve que ces Zombies ont la télévision !
Je trouve une place “royale” pour la Jeep. Ensuite Blacky et moi, après avoir pataugé dans la boue, pouvons “admirer” le fameux “Palais-château” qui n’est plus qu’une ruine en devenir (lointains et imprécis souvenirs). Pour escalader le perron il faut jouer à l’alpiniste inconscient au milieu de détritus, de jouets cassés et d’anciennes machines à laver ainsi que d’autres objets indéfinissables, mais, miraculeusement arrivé je peux toquer un huis brinquebalant accroché à la porte “principale” déglinguée, tandis que Blacky couine de peur puis se met à hurler “à-la-mort” comme un loup ! Est-ce habité ?
Je suppose que les habitants de ce domaine sont comme les indigènes du cru, terrés à l’intérieur qui doivent se dire (sans doute) que ça ne peut qu’être un familier et son chien qui se permettent une visite, car j’ai la désagréable surprise de constater que rien ne bouge, tout reste calme, tout est trop silencieux, on n’entend que les aboiements d’autres chiens venant du fond du parc et puis aussi les jappements sopranesques d’un clébard (un teigneux ?) qui gratte au verso de la porte… Finalement un hirsute coiffé d’un chapeau western en carton bouilli vient ouvrir…
Il m’invite à entrer. Les yeux exorbités il évolue dans cette verminerie comme un poiscaille en eau trouble, il porte curieusement un sac à provisions bourré d’ordures comme si ç’aurait été une serviette remplie de documents secrets. Les meubles-étagères du couloir sont remplis de pots à confitures ébréchés, de cols de celluloïd usagés, de pompes à vélo rouillées, de revues d’avant 1960 toutes déchiquetées… Arrivé dans “le salon” dont les murs sont tendus de toile de Jouy en lambeaux représentant des petits polissons Louis XV pleins d’ombrelles et de baisers, je tombe sur des zigs mystérieux vautrés dans le cradingue.
Comme l’hirsute qui m’a ouvert l’huis, tous, soit papotent entres eux en tapotant sur deux ordinateurs, soit jouent aux échecs en hochant leur tête, se regardant de temps à autre en poussant des soupirs, alors que deux femmes palpent des véroleries abjectes et se mettent à chuchoter. Un larbin en gilet rayé, vieux, bien maigre, bien anguleux, bien momifié, avec des favoris, le teint jaune et le râtelier mal arrimé (on dirait qu’il a un protège-chailles, comme les boxeurs), vient me saluer, les rayures de son gilet devraient être en travers, ça ferait plus squelette.
– Salut et fraternité…, qu’il me lance. Le larbin amorce une courbette, pas un muscle de son visage parcheminé ne bouge, c’est déjà plus possible pour moi de devoir supporter ça, quand il clabotera, il aura fait le plus gros de son vivant, le monde est plein de gens comme lui qui, à peine adultes, se mettent à mourir consciencieusement, ils se vrillent, se recroquevillent, se déshydratent, s’embaument aimablement, silencieusement, puis leur tête de mort remonte à la surface, au jour “J”, y a pas de déchet. C’est l’apocalypse réinventé à Saint-Tropez…
L’hirsute au chapeau western en carton bouilli qui joue aux échecs avec une accorte beauté féminine toute en suaves rondeurs, semble visiblement réprouver la familiarité du larbin et sa manière sans-gêne, il a du servir dans la noblesse depuis Philippe le Bel, alors, à force qu’il est passé de l’autre côté de la grosse veine bleue, c’est fatal, il est devenu snob et s’affirme “LE” chef, certain que ses aïeux, cochers, bricoleux, cuistots ou jardiniers ont dû copuler avec les titrés pendant l’affaire du Chevalier de Jérusalem, par exemple. Les ancêtres de ces larbins sont sans doute enterrés quelque-part dans la propriété.
Faut être objectif et pas nier l’évidence sous prétexte qu’elle est choquante. Qu’est-ce qui ressemble le plus à un membre du Jockey-Club (excepté un autre membre du Jockey-Club) si ce n’est son valet de chambre ? Troquez le gilet de l’un contre le monocle de l’autre et vous verrez ! Des frangins ! Y a qu’un plumeau qui les sépare. Je suis en train de paumer ma clientèle Tropézienne monoculée en écrivant cela, mais peu importe, la vie est courte et je n’ai plus le temps de ne pas écrire le mal que je pense de presque tout le monde !
Dans la “haute” Tropézienne il y a des amateurs, des collectionneurs de médailles surtout dans les membres de “la Bravade”, qui sont tous heureux d’en suspendre une de plus sur leur dressing de salon-placard, ils s’habillent en blanc/rouge et en rubans pour les défilés ou tirent du trombone, quand ils marchent ça fait “gling-gling” et quand ils s’inclinent devant la bannière glorieuse, on dirait qu’on baisse le rideau de fer déglingué d’un magasin, ça ne sera donc pas bientôt fini, ces cérémonies commémoratives de ceci ou de cela ? Et leur manie de tirer au mousquet pour effrayer tous les chiens…
Les végétaux sur les dalles de marbre, les discours, toujours les mêmes surtout ceux de la Mairie et les flammes dites sacrées ! Pfffffff ! Sacrées, mon œil ! Le gaz, tout couennement (instruisez vous en allant sur Google voir les dérivés du carbone), le gaz sifflant, puant, inflammable, avec ses tuyaux et ses robinets, pensez-y : il y a des robinets aux flammes sacrées, ce qui n’empêche pas messieurs les truffes de venir danser autour de leurs trucs incantatoires et après ça, il y en a qui se moquent des Noirs, j’ai honte, j’ose le dire et l’écrire : honte en plein de ce château en ruine, depuis le sous-sol jusqu’au grenier !
Parmi ceux qui me lisent en ce moment, y en a qui, un jour, seront soit à la tête du pays soit à la tête de Saint-Tropez, c’est mathématique, faudra, que ces “ceux-là” dont je cause, n’oublient pas de rétablir la dignité de l’homme en supprimant le culte des massacres et des massacrés, qu’ils fassent d’ores et déjà un nœud à leurs tire-gomme pour ne pas oublier que, le moment venu, ils déclareront que c’est terminé une fois pour toutes, la danse du scalp, les héros, car il faut pas leur marchander l’oubli, ils le méritent trop, une minute de silence de temps en temps, c’est mesquin, c’est dérisoire, au silence complet ils ont droit.
Et si une bombinette n’a pas encore soufflé la flamme Saint-Tropézienne, faudra prolonger le branchement jusque chez un économiquement faible, peut-être que j’en choque, mais j’ai besoin de le dire. C’est tout de même pas ma faute si, quand c’est rouge sang, je dis que c’est rouge sang… Et quand c’est rose concon, je dis que c’est rose concon, voilà tout. Ce n’est pas un délit, je n’ai pas envie de faire comme les autres : mettre des lunettes à verres bleus pour crier bien haut que tout est couleur d’azur et aussi céleste que le beau temps !
La philosophie de la pantoufle Tropézienne (la sandale en est dérivée) ça ne donne pas envie de se contempler dans une glace et l’homme qui s’évite, croyez-moi, n’est plus un homme ! J’en reviens au Palais-Château de “La Comtesse de Saint-Tropez”… Un poste TV se trouve dans la salle à manger/salon, une vioque qui fait office de cuisinière laisse les portes entrouvertes pour le mater depuis sa cuisine, pas fière, elle vient fourbir dans l’encadrement de la porte, dans sa cuisine, elle n’a eu droit qu’a une antique TV Pathé-Marconi qui crachote encore avec des images N/B troublées…
Je devine que c’est une sournoise, du genre duraille à dépister, qui débute ses rares conversations par des insignifiances genre migraine ou boutons anodins, d’ailleurs elle me parle de ses ennuis de santé, j’imagine son foie, sa rate, ses claouis ou ses éponges reproduits en couleurs sur une planche dépliante, enrichis d’une excroissance inconnue, ou d’une fissure bien méandreuse, on en ferait un dépliant pour les visiteurs, y aurait des flèches pour montrer les ravages et ça raconterait comment ça lui est venu, les causes et les effets, les symptômes et la contagion.
L’humanité a essayé tous les décès possibles, elle espère en dénicher un de plus, tout le corps médical devrait être mobilisé pour enquêter sur le dérèglement de ses organes. Ce qui la botterait, ce serait que sa rate se mette à distiller du mercure, par exemple, ou bien son foie de l’ambre, comme l’intestin des cachalots, bref, elle voudrait être un cas, un vrai, intéressant jusqu’à la mort et ensuite inventoriée de fondement en comble pour le salut de l’inhumanité inquiète. En ce moment, la tévé ne fait pas dans le médical, elle en est aux informations et un présentateur raconte un accident de chemin de fer…
Naturellement, feu le mécanicien du train était père de six enfants, à croire que c’est une des conditions requises pour briguer ce dur emploi aux chemins-de-fer de la France. La vioque, ça l’enhardit ce déraillement, elle traverse le salon pour augmenter le son et se rapprocher de la catastrophe, la visionner plus à son aise, elle plaide son manque de lunettes, hier soir son vieux est rentré naze et les lui a balancées par la fenêtre alors qu’ils allaient bouffer du merlan, c’est gestapiste comme manières, vous ne trouvez pas ?
Sa misère fait un brin de conduite à l’accident, elle est en contrepoint tout en postillonnant blanchâtre ses drames de la semaine : rapport aux ouatères dont la cuvette est fêlée depuis si longtemps déjà que l’odeur de la merde est devenue celle du “Palais-château”. D’autres trucs encore, toujours de sa voix dolente, il y a de la mousse à ses commissures, son visage blême est celui d’une chouette, ou de sa cousine germaine, il est ponctué par deux yeux noirs, plus pointus que des cothurnes, je me chatouille et gratouille en douce les couilles afin d’adresser ce qu’il est convenu d’appeler un gracieux sourire à ce cauchemar.
Elle possède les plus belles verrues qu’il m’ait été donné d’admirer : des noires, des grises, des à aigrettes, des à un poil, des en archipel, des craquelées, des proéminentes, des aplaties, cette brave cerbère, c’est à elle toute seule un jardin exotique. Sa cuisine est obscure, malpropre et malodorante, de la farine de lin bouillonne à grosses bulles pâteuses sur son fourneau. — Ça se mange ? que je demande en désignant la casserole émaillée où floflotte l’étrange alchimie.
— “Ça se mange ?” que je demande en désignant la casserole émaillée où floflotte l’étrange alchimie.
— “Mais non mon pauvre”, que lamente la Vioque, je me prépare un cataplasme de farine de lin, avec beaucoup de moutarde, ça fait du bien pour les bronches.
Et elle tousse puis crache dans la casserole, un petit coup, afin de le démontrer… — “J’ai un début de bronchite, c’est la saison, ces derniers jours il en tombait comme qui la jette et pour aller d’ici à la porte d’allée, je me trempais comme une soupe”…
Elle découvre deux chaises aussi bancales qu’elle-même et m’en propose une à coté d’une petite table à la toile cirée luisante de graisse, chargée de reliefs rances et de revues bien-pensantes, servant de pivot à ses activités réduites, elle espère me bloquer pour que je l’écoute, son gros chignon sur le sommet du crâne, son fichu noir et ses bas de laine noire me donnent envie de vomir, je décline prestement l’invitation et je m’aventure dans une exploration plus approfondie des lieux.
Il y a des portes à droite et à gauche, je vais ouvrir pour voir les intérieurs, c’est vide, pelé, mité, pourri, on dirait la carrée de la Belle au hautbois dormant. Force m’est de me rabattre sur l’escalier, puisqu’il ne me reste plus que le premier étage comme champ d’investigation pour enfin être face à face avec “La Comtesse de Saint-Tropez”. Je m’engage donc dans l’escadrin, ce qui est moins glorieux que de s’engager dans les troupes aéroportées, c’est moins glorieux, mais beaucoup plus dangereux…
A peine ai-je gravi quelques degrés que ça se met à crachouiller moche, un monsieur accroupi sur le palier du premier nous canarde, moi et Blacky, et cela joyeusement avec des amandes grillées ! Son tir s’arrête, il ricane, puis d’un pas de rhumatisant stoïque, il me conduit jusqu’à une double porte enrichie de moulures fromageuses, il toque d’un index dont la jointure est cornée à force, il ouvre et je m’avance vers une bergère (Louis XV) dans laquelle se tient une personne, ma foi, plutôt agréable comparativement au reste et a tout ce que j’ai vu jusqu’ici….
“La Comtesse de Saint-Tropez est une quinquagénaire d’une quarantaine d’années”… (sic !), comme dirait un fabricant de locutions pléonasmatiques, elle me dévisage et me sourit en me présentant une main que je m’empresse de baiser en attente de la baiser toute entière. Elle ressemble à une morille déshydratée, elle a tellement eu de mal à survivre au long de son existence que ça n’a rien d’étonnant, cette sécheresse intégrale (sans doute vaginale également), les chagrins, les tracas, les avanies, les traitrises, elle en a toute une collection !
Comme elle compatit toujours, ça l’aide à poursuivre sa route dans sa vallée de larmes en expiant.. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas mis le paquet, tous ses atours qu’on m’avait vanté, tous ses diadèmes qui en faisaient selon la rumeur populaire une vitrine de Van Cleef a elle toute seule, elle n’en a nulle part : ni au cou, ni au front, ni aux dix doigts et partouze ailleurs c’est le vide, rien sur le buffet, ni à la pointe des boîtes à lait, ni aux poignets, ni aux avant-bras, ni à la ceinture, ni aux oreilles, ni dans les tifs. Elle ne miroite pas, elle ne scintille pas, elle ne néone pas…
Elle n’embrase pas, elle n’irradie pas, ni n’étincelle, elle ne flambe rien du tout, elle ne postillonne même pas des reflets, c’est un feu d’artifice éteint, toute la lumière elle se l’a gobée avant par capillarité. J’imaginais qu’elle devait rutiler sous les cailloux rares, que ses rubis flirtaient avec ses émeraudes, ses opales avec ses saphirs et ses diamants avec tout le toutim, qu’il lui sortait des yeux de la lumière à dix millions d’euros et que le reflet de son décolleté serait une fontaine magique, une enseigne ! Fée ! Magicienne ! Orient ! Fatima ! Lourdes ! Ali Babette ! Joyeux Noël ! Le Châtelet : Bérézina, Waterloo morne plaine…
J’espérais un grand final magique, un éblouissement, une insolation, le faste intégral, la force de frappe transformée en féerie, rien, une pauvrette en loque !— C’est à quel sujet ? demande-t-elle d’une voix aigrelette mais cordiale, riche d’un accent Provençal.
— Je voulais vous rencontrer pour un reportage dans “Saint-Tropez-Vice” et “GatsbyOnline” mais surtout vous proposer un prix stupéfiant payé cash en billets de 500 euros concernant votre Lamborghini Countach que vous voulez vendre au plus offrant… J’ai vu les photos dans Var Matin, j’ai les euros en poche”.
— “Entrez donc ! Vous m’intéressez soudain énormément”... qu’elle me susurre en remontant ses seins… Nous pénétrons moi et Blacky dans sa tanière. Me voici dans la place, je m’avance, suivi de Blacky, dans un morne quadrilatère poussiéreux ou tout part “en couille”, un délabrement… Plus je gamberge, plus davantage je me rends compte que mon destin aura franchi la vie à gué, en se déplaçant sur des fortuités, des rencontres imprévues (et qui pis imprévisibles), le principal intérêt de ma putain de vie, c’est qu’elle est extravagante, je ne compasse jamais sur mon moi-même personnel…
Je fais fi de toute routine, hais l’autosatisfaction, m’insurge contre la soumission, abolis l’esclavage, mortifie les imbéciles, détracte le faux-cuage, n’emprunte jamais aux riches, ne prête pas aux pauvres, ne bouffe que les culs inodores, ne me laisse pas pleurer dans le gilet par les gens de cœur, n’embrasse pas les causes perdues, baise les femmes malheureuses, me fais sucer par les dames comblées, consomme des calories excédentaires, demande beaucoup à la vie, gagnerais à être méconnu ! Je meurs toutefois à petit feu et j’en sais suffisamment, sur les autres pour pouvoir me faire une idée approximative du monde.
Vous rendez-vous compte de ce qu’on arrive à faire sur le tas de cailloux de la planète Terre ? Une boule de matière en fusion qui s’est refroidie et il en sort des êtres à sexes divers, des Ferrari et Lamborghini immondes, abominables et inutiles, mais qui peuvent se revendre à des friqués ahuris, de même qu’ils payent des fortunes pour des bouteilles de Château Yquem, en sus d’une chiée monstrueuse de gens, d’animaux, d’objets, d’œuvres d’art, de coups d’État, de chaudes-pisses, de montres Cartier, de tampons périodiques, de feuilles d’érable ou d’impôts. La totale du vice !
“La Comtesse de Saint-Tropez” est toutefois une femme accorte, bouche faite pour le oui et les pipes, fines rides avant-coureuses autour des lolos histoire d’annoncer ses profitables heures de vol, enrichissantes au plan de l’expérience, son corps est entretenu comme son “Palais-château” : régime strict, body-mon-cul, la lyre, mais bon, comme sa robe est relevée, je sens que mon pantalon me serre, je pourrais rester des heures à la regarder, en rêvassant du paf, il ne faut jamais négliger sa félicité physique, c’est elle qui conditionne le caractère, elle rend davantage apte à supporter les autres et leurs mesquineries.
– Le plus dramatique, chez les peuples sous-développés, c’est qu’ils se couchent tard…, qu’elle me dit tout de go…
– On pourrait penser le contraire…, a priori, les hommes confortables roupillent, comme si l’argent les fatiguait à bloc, tandis que les dépouillés draguent jusqu’à pas d’heure dans leurs quartiers misérables. Peut-être, après tout, que pour profiter de la vie faut avoir l’estomac comme une chambre d’écho…, trop d’hommes ne se sentent bien qu’au milieu des autres hommes.., ils ont besoin du grouillement…, il faut qu’ils se sentent un troupeau”.. que je rétorque d’un jet continu…
J’aime bien cueillir une Comtesse au débotté, vous ne sauriez croire combien elle semble vulnérable, à merci, ses idées font la colle et ses gestes sont mous, elle subit encore l’effroi de la nuit, l’homme est fait pour la lumière du jour ; seuls les tourmentés, les refoulés, les anormaux s’épanouissent dans l’obscurité.
Elle est extrêmement séduisante, cette Comtesse, une sensuelle, son regard pudique donne envie de la choper par le menton pour lui regarder le fond de l’œil afin de voir si on s’y trouve…
Elle me tend un verre de Pétrus 1948, je m’en empare en lui emprisonnant les doigts, elle a un sourcillement, mais marque un temps avant de se dégager, est-ce le feu vert ? Je lui harponne la taille de mon bras en faucille… Elle se tortille.
— “Mais je vous en prie”, regimbe-t-elle. “Laissez-moi ! En voilà des manières !”..
— “Je sais, je sais, mais c’est plus fort que moi”, réponds-je sur le même ton.
Voilà qui scelle nos accords… Elle doit se croire enlacée par Bouddha, mes doigts ubiquitent à tout va, je lui ai pas plutôt largué le grand pectoral que je lui trifouille déjà le moyen adducteur, mon index gauche lui délimite l’omo-hyoïdien tandis que mon médius droit lui met en évidence la symphyse pubienne, je suis le Paganini de l’anatomie féminine. En quarante secondes elle est au point de fusion… Son grand plumard est capitonné, pareil à une nacelle, y a même un ciel de lit en voile. Une lampe d’opaline répand une lumière ocre…
Sur la table de chevet une photo “Du Comte de Saint-Tropez” (j’ai vu sa bouille dans Var-Matin) à l’époque où il a coulé au large de l’ile de Porquerolles, ce qu’il était beau, bien avant de se noyer il a dû brandir ce cliché devant le nez de ma conquête-éclair pour la décider, probable. Les maris, dans le fond, ne sont que des serruriers qui laissent les portes ouvertes derrière eux, on n’a plus qu’à se donner le pêne d’entrée. Elle est pas faite pour l’intégral veuvage, le régime ermite, la reconnaissance lui sort du système glandulaire, elle me crie qui je suis, ce que je crois être, ce qu’il n’y a pas de raison que je ne sois pas…
Elle me murmure ensuite ce que je pourrais devenir avec un peu d’entraînement et ce qu’on pensera de moi plus tard ! Les entrechats à l’horizontale, elle les exécute en véritable maîtresse de ballet, quelle sarabandeuse, ma doué ! Aussi je lui exhibe tout, c’est normal, avec une connaisseuse, je lui montre à quel point les techniques ont évolué depuis qu’Adam hait Eve et que Caïn cahat. Elle n’en revient pas de ce progrès réalisé au fil des siècles pour aboutir à la furia. Et, après le final, elle gît, les bras en croix et murmure : “Oh ! chéri” gazouillé la figure dans l’oreiller…
Et je lui caresse la nuque (il faut toujours redevenir très pudique après une séance intensive)… Ah, lectrices, lecteurs, remerciez le ciel de me lire, à tout Seigneur, tout tonneur et ensuite, remerciez-moi de vous confier de tels secrets (Les dons en nature sont acceptés). Sans moi, mes amies et amis, mes ladies et mes gentlemen, vous croupiriez dans la sotte ignorance où vous laissent les journaux, les radios, les télés et les pouvoirs publics. Dans notre époque où la vérité porte un loup, mes aventures se hissent à la hauteur d’une institution, car je vis au sein d’une toile d’araignée de secrets interdits…
On nous tait les grands événements pour nous aveugler avec des babioles : les guérillas, les alcôves de vedettes, les salons de l’auto, les salauds de l’autan, les gadgets, qui constituent la poudre-aux-yeux-d’or dont on nous aveugle, mais en ce qui me concerne, je ne suis dupe de rien ni personne, et courageusement, avec un froid déterminisme, une persévérance digne des loges (maçonniques et autres), dans mon coin, je continue de tout révéler sur ce web-site. Ma force vient de ce qu’on ne peut pas m’acheter… Et quoi qu’encours-je, couac en courge, je poursuivrai mon œuvre d’information.
Cette Lamborghini Countach de 1982 est la première fabriquée de 321 construites nommées LP500 S, au cours de trois années de production et a été présentée au Salon de l’automobile de Genève 1982. Elle a ensuite été vendue neuve en Italie à un propriétaire qui l’a déménagée a Saint-Tropez. La belle y est restée stockée 100% d’origine. Les jantes Campagnolo en magnésium moulé sont devenues rugueuses, l’intérieur s’est défraichi. Cette LP500 S est proposée en tant qu’objet décoratif non opérationnel avec des photos historiques, des factures d’une autre époque.
Un aileron arrière désinstallé et diverses pièces de rechange, une trousse à outils et la bénédiction de “La Comtesse de Saint-Tropez” me sont proposé en sus et en prime. J’accepte tout… Développée comme un contrepoids à la 512 BB de Ferrari, la LP500 S partageait une grande partie de la conception de la LP400 S tout en gagnant une augmentation de la cylindrée de 825cc par rapport à son homologue de quatre litres. La LP500 S a fait ses débuts à Genève en mars’82 avec la carrosserie Bertone reprenant la hauteur de caisse plus élevée de la LP400 S de troisième série ainsi que les arches d’ailes moulées en plastique.
Les premiers exemples de la variante comportaient un badge arrière “5S” comme on le voit sur cette voiture, avec le badge du modèle peu de temps après mis à jour pour refléter les désignations 500 ou 5000. Cette Lamborghini est réellement 100% d’origine et intouchée ayant conservé sa teinte originale “Bianco”, et diverses zones d’écaillage, de fissuration set d’autres imperfections. Un aileron arrière, jamais installé est inclus dans la vente. Les jantes Campagnolo en magnésium moulé étaient distinctes des 20 premiers exemplaires avant que la production ne passe à l’utilisation des roues Ozzeta Electron.
Les jantes devenues rugueuses sont toujours enveloppées des pneus Pirelli P Zero Asimmetrico d’époque en 205/50ZR15 à l’avant et 345/35ZR15 à l’arrière. L’habitacle est intouché depuis toujours en cuir Rosso avec des sièges baquets à dossier fixe, inconfortables… Les panneaux de porte, la console. La moquette sont décolorés, tout comme la garniture de tableau de bord gris en fourrure de souris (sic)… Le volant Raid gainé de cuir se trouve devant un compteur de vitesse de 320 km/h, un tachymètre et des compteurs qui, il y a très longtemps surveillaient les fonctions vitales…
L’ampérage, la pression d’huile, la température de l’huile, la température du liquide de refroidissement et le niveau de carburant n’ont ainsi plus de secrets… L’odomètre à cinq chiffres indique 66k kilomètres. Le V12 monté est un développement du groupe motopropulseur conçu par Bizzarrini utilisé dans les variantes précédentes de Countach, mais sa cylindrée a été augmentée en modifiant l’alésage et la course, tandis que le taux de compression a été abaissé à 9,2: 1. L’induction se faisait à l’origine par six carburateurs Weber, qui ont été retirés de cet exemple en faveur d’un système d’injection électronique.
Il est toutefois épars dans des caisses. Le moteur n’a pas été démarré depuis quelques dizaines d’années et on ne sait d’ailleurs pas quand la voiture a été démarrée ou conduite pour la dernière fois. La transmission manuelle à cinq vitesses entièrement synchronisée est toujours l’originale montée à l’avant du moteur avec un différentiel à glissement limité. Une photo de la voiture voiture sur le stand de Lamborghini au Salon de l’automobile de Genève 1982, et un communiqué de presse Lamborghini daté de mars 1982 annonçant la présentation prochaine du modèle au salon sont fournis dans le “deal”.
Des photos de la voiture avec Valentino Balboni également. Cette galerie de photos montre également l’inscription de la voiture dans le registre Lamborghini ainsi que des pièces de rechange incluses. J’ai proposé 50.000 euros cash la Comtesse a accepté. J’ai résolu de la laisser telle quelle… La vraie valeur de la bête sont ses photos d’elles abandonnées dans le Palais Château de la Comtesse de Saint-Tropez qui méritent d’être vendues en agrandissement géant/décoratif soit en papier peint/affiche soit en mur de diapositive comme le décor de “En aparté” une émission Canal+ avec Nathalie Levy en voix-off.
Ce n’est pas qu’il n’y a plus de place pour ceux qui s’amusent à narrer pareilles aventures dans le tumulte qui secoue le monde , c’est que les centres d’intérêts des “avants” se délitent, s’effacent, disparaissent. L’époque des héros politiquement-incorrects, toujours irresponsables aimant s’entourer de beautés vénéneuses écervelées qui forniquent d’un claquement des doigts et d’automobiles hors de prix et de normes, considérées comme des reliques sacrées qu’ils s’empressent à détourner de leurs fonctions…
C’est parce qu’ils vieillissent, meurent, sont oubliés et que d’autres viennent prendre leur place avec de nouveaux rêves et d’autres aventures à mener. La vie suit impitoyablement son cours et toute tentative de retour en arrière ne fait qu’accélérer le processus et le rendre plus cruel encore malgré que le numérique rajeunit les plus las de tant discourir, papoter et se donner en spectacle. Qui ne s’est jamais écrié : “Je n’ai plus le temps de faire ce que je dois faire“… Faire où défaire ? Les journées durent toujours vingt-quatre heures et nous disposons d’un nombre inouï de moyens de “gagner” du temps, et d’en perdre !
Mauvaise utilisation du progrès, mauvaise gestion du temps ? Questionnement stupide en perte de temps sauf à virer ésotérique et s’extasier des phénomènes qui perturberaient les énergies qui nous entourent, donc nos émotions et notre moral en ayant des effets indésirables et durables (migraines, troubles de la vision, langueurs inexplicables). Si, traditionnellement, la “fin” garantissait une impression d’ordre, de sens, d’originalité au récit puisque ce dernier progresse de son début à sa conclusion, quels sont les enjeux dans un monde qui n’offre plus de récits se terminant par des fins définitives ?
2 commentaires
Maître,
En tant qu’historiographe autoproclamé de Gatsbyonline, sans droit social ni rémunération revendiqués, il me semble que le sujet ait déjà été abordé dans un article datant de 2018, comme en témoigne la présence de votre célèbre Jeep Cherokee. Quant au reste… quel voyage étonnant ! Où diable avez-vous trouvé ces images et ce sujet ? Les quantités de drogue nécessaires à la rédaction de l’article et à l’accumulation des objets présents sur les photos semblent surpasser celles d’un roman d’Hunter S. Thompson !
Le sujet dont vous causez de souvenance a été effectivement retravaillé afin d’atteindre de nouveaux sommets… Tout est vrai mais se situe en des instants d’espace-temps que seul un génie illuminé pouvait réunir en un même moment, une perception complexe où mon illumination m’éclairait moi-même dans une vision/réception simultanée d’un même temps mais différent se rejoignant en un même ensemble. Il y a une part d’ésotérisme larvé mais continu par bribe en retournement dérivatif dans un continuüm inversé qui forme une boucle du temporel spatial en une phase inédite qui n’apparait que dans certaines conditions particulières liant la matière et l’anti-matière en un sous-ensemble du même tout. La théorie des cordes spermet en effet d’inverser le sens de deux moments différents mais semblables se déroulant en deux strates micrométriques qui grâce à une sorte de miracle se sont juxtaposées puis se sont fondues en un même tout. Le résultat m’a moi-même stupéfié…
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