Avez-vous entendu parler d’Almeria ?
Découvrir ces riens qui font qu’une femme est une femme avec l’envie d’être encore plus une femme…
Well…, compliqué ist’nt…
Le trouble par exemple.
L’envie de se troubler, de se laisser troubler.
L’abandon, le don.
Ne plus se retenir.
Le plaisir de se laisser envahir.
L’impudeur…
On décrit toujours les femmes comme des créatures pudiques, ce n’est pas vrai, les femmes ne sont pas pudiques ; elles savent très bien faire reculer les limites de la pudeur…, elles ne craignent pas de mettre des mots sur leurs émois…, pas plus que d’avoir d’autres vies, pleins de vies.
Le coeur fou bovaryse au travers des romans, des images…
Des musiques aussi…
Des couleurs…
Les jaunes francs de Van Gogh,le bleu monochrome d’Yves Klein, les rouges passés presqu’impressionistes de Corot…
Elles ont des tableaux plein la tête,les femmes.
Et des fantasmes…
Des fantasmes qu’elles réalisent d’ailleurs.
Elles possèdent une connaissance spontanée de l’inconscient : l’instinct féminin.
Elles savent se servir de leurs failles, de leurs déséquilibres, de leurs faiblesses…, elles sont frontales les femmes…
Elles ne sont jamais unies, une…
Alors que les hommes sont plus…, comment dirais je ? Monolithiques ? Evidents ? Simplistes ?
Les femmes ont du pouvoir mais à la différence des hommes elles ne se sentent pas obligées d’en abuser, ni d’imposer les choses.
Maintenant, je suppose qu’une seule question vous taraude : de qu’elle femme va-t-il nous causer ?
J’avais beau me dire que les histoires qu’Anamary me narrait n’étaient, au fond, que des contes de vieille salingue s’amusant de la supposée candeur de celui qu’elle regardait comme une proie…, il m’arrivait encore d’être troublé par l’émotion sincère colorant, par moments, sa voix altérée de tabac et d’alcool ; cette grande ombre janthine venue obscurcir son regard comme un drapé retombe sur le contre jour blanc d’une fenêtre ; ce sang pâle affluant avec la fugacité d’un reflet de lune sur une pierre sacrificielle à la pulpe cireuse de ses joues…
Jouait-elle avec moi, à défaut de se jouer de moi ?
Jusqu’à quel point et selon quelles règles ?
Nous avons commencé à jouer à des jeux dangereux.
Voilée de transparences elle aguichait d’un sourire, d’un mouvement rond du bras, la main en étoile sur la hanche, les reins creusés.
Les hommes…, les femmes aussi, se laissaient prendre comme des alouettes aux feux d’un miroir.
La suite était assez banale…, mais c’est en Espagne que j’ai vécu des tourbillons… Olé !
Avez-vous entendu parler d’Almeria ?
C’était l’Ancienne capitale économique du Califat de Cordoue, ça se situe au bord de la côte Andalouse, coincé entre mer et désert.
A la fin des années ’60, Almeria était une sorte d’Hollywood sur Méditerranée ou les grosses productions internationales bénéficiaient, en plus de décors naturels superbes, de conditions économiques défiant toute concurrence.
Entre les prises de vue du “Shalako” d’Edward Dmytryk, la reine Bardot, magnifique et débraillée, aimait à y promener ses grâces patchouli et ses jupons flottants.
Michèle Mercier, l’increvable Angélique, y retrouvait son Peyrac/Hossein pour un improbable western spaghetti-paëlla-cassoulet, intitulé “Une corde et un colt “…
Face à Rodrigue/Charlton Heston, Sophia Loren avait les yeux de Chimène.
Sur les Ramblas qui, des hauteurs de la ville dévalaient vers la plage de sable noir de l’Alma Drabillas, on croisait le soir et la fraicheur venus, la beauté violente comme un appel au crime d’une Claudia Cardinale dont la voix évoquait un éboulis de cailloux dans un oued Tunisien à sec.
Et puis il y avait Ava, venue en voisine, Ava le plus bel animal du monde, qui dansait dans les Night Clubs du port, pieds nus comme la paysanne de Caroline du Nord qu’elle était restée
Attirée par la présence des beautifuls peoples, tel un essaim grouillant de guêpes par un rayon de miel, la horde Fellinienne des courtisans et des prédateurs déferlait sur la ville.
C’était toujours la même cour des miracles crasseuse et bariolée, de putains fragiles aux yeux fanés, de gigolos aux allures meurtrières de squales, de dandies androgynes et de pourvoyeurs d’illusions que l’on retrouve partout au monde dans le sillage de la gloire…, un caravansérail de vieillards aux traits figés dans le bronze de leurs fards évoquant les masques mortuaires de la Haute Egypte…
Discourir des heures de poésie ou de psychanalyse, ce n’est pas ce à quoi ressemble la vie.
La vie des gens, je veux dire…, les vraies gens…
Le bouquet final, elle se l’offrit…, non pas de roses, mais de solides pêcheurs parfumés à la marée, à l’oignon frais et au Condado de Huelva, ce rouge ordinaire que l’on sert dans les tavernes.
C’est en cette suite qu’elle a rencontré le seul véritable amour de sa vie : la fée cocaïne.
Sous l’emprise de la drogue, elle oubliait ses terreurs et ses démons…, elle devenait, enfin, humaine, se dégelait, se décoiffait, se démaquillait…, troquant ses satins givrés contre des jeans délavés et des T-shirts coupés au dessus du nombril.
Elle bronzait les seins nus aux commandes d’un Riva d’acajou qu’elle lançait à la poursuite de la flèche d’argent que traçait au ras des flots l’échine des marsouins… elle croquait la vie comme on croque dans un fruit d’été, sans se préoccuper du jus qui macule le menton.
Je l’ai revue des années plus tard à Rome, détruite physiquement et mentalement…, malade, accro au Brown sugar, quasiment miséreuse…, je crois qu’elle prenait du plaisir à sa déchéance.
Le stade ultime du masochisme.
Elle est morte peu après.