Plus qu’une simple perversion pour quinquagénaire en mal de sensations fortes, le SM et le fétichisme sont devenus de véritables phénomènes de société.
A une époque où le sexe tue dans la vie réelle (SIDA), on peu comprendre qu’une génération s’enthousiasme pour cette forme de sexualité théâtralisée où la séduction prime et où la pénétration est presque totalement prohibée.
Attention : panorama d’un univers fortement addictif !
Le fétichisme veut que certaines parties du corps ou les accessoires qui l’habillent soient détournés pour en faire des objets d’adoration sexuelle, mais aujourd’hui, le “mouvement fétichiste” est surtout un agglomérat hétéroclite de tendances, de modes, de rituels et d’univers très différent.
Krafft-Ebbing, père de la sexologie, répertorie au 19ième siècle, trois grandes catégories de fétiches sexuels : les parties du corps humains… les objets proches de l’intimité (sous-vêtements, cuir, latex, fourrure)… et certaines particularités physiques uniques ou rares (amputations, grossesse).
Mais aujourd’hui, avec l’avènement du sexe en réseau, de nouvelles matières, de l’automobile, de la technologie dans le quotidien, notre définition “moderne” du fétichisme a changé…
Le fétichisme est considéré comme pervers, lorsque la présence du fétiche suffit à déclencher l’excitation ou le plaisir… nous sommes tous, plus ou moins, devenus des fétichistes en puissance !
Le fétichisme évoque à coup sûr des corsets, talons-aiguille et autres bas-couture…, qu’aujourd’hui et malgré la mode du fétichisme, (presque) plus personne ne porte, le fétichisme n’est pas pour autant réservé aux vieux et vieilles, loin de là…
Avant, il y avait les adeptes de “l’éducation anglaise“, les fanatiques de la fessée, les accros du bas ou du talon aiguille, les adorateurs de Betty Page…
Etre fétichiste, avant guerre, c’était tout simplement être “normal“… on ne pouvait qu’adorer les bas, les culottes en soies et les portes jarretelles, si on était un homme, hétérosexuel de surcroit, car les femmes ne portaient que ça !
Cependant, à l’époque de nos grands parents, on pouvait déjà noter d’étonnantes déviances.
Il y a une différence, en effet, entre apprécier quelque chose, le porter aux nues et ne plus pouvoir s’en passer.
C’est cette petite différence entre “aimer ça” et ne pas pouvoir “faire sans“, qui est à l’origine d’une personnalité “fétichiste“.
Tout commença avec les grandes stars hollywoodiennes aux réputations sulfureuses : Rita Hayworth, Ava Gardner, Veronica Lake…
Elles firent fantasmer des générations entières dans des films ou, si la nudité était exclue, on apercevait souvent, bas noirs, talons aiguilles et corsets, qui affinaient la taille, allongeaient les jambes et les chevilles… les femmes était alors obligée de déployer des trésors d’artifices pour pouvoir séduire et le rituel du strip-tease n’en était que plus sensuel et plus excitant.
Une inconnue allait alors devenir l’égérie du milieu fétichiste (elle l’est encore aujourd’hui), Betty Page.
Simple institutrice découverte par Bunny Yeager, on voit très rapidement son image de poupée sacrifiée aux plaisirs interdits du bondage et du BDSM, diffusée de manière exponantielle et devenir le symbole des érotomanes du monde entier.
Synonyme de haute bourgeoisie et de dentelle (il fallait et faut encore avoir les moyens d’acquérir certains “uniformes“…), les pratiques restent secrètes et certaines personnalités du milieu font tout pour que se soit le cas.
Malgrè tout, le fétichiste reste un art pour afficionados jusqu’au début des années 80.
C’est avec des magazines d’avant-garde comme Skin Two que le fétichisme sortira de l’ornière des “spécialistes” pour devenir un phénomène à la renommée mondiale.
Des événements tels que le Rubber-Ball festival qui a lieu tous les ans en Hollande et en Angleterre, créerent eux aussi une émulation autour de cet univers encore mystérieux.
Le mixage des genres, l’arrivée des grands couturiers (Thierry Mugler en son temps et Jean-Paul Gauthier plus récemment), l’abandon d’un “dress-code” trop strict, donnera l’occasion de démocratiser l’univers fantasmagorique, bizarre et secret du fétichisme.
Les éditions Taschen publient, pour le plus grands nombre, les trésors de l’imagerie fétichiste, jusque là uniquement accessible aux collectionneurs, Eric Krolls, Richard Kern, Natacha Merritt, Noboyushi Araki, mais aussi les grands ancêtres du genre, avec Betty Page ou le sublime recueil Forbiden Erotica.
Déjà, de nombreuses générations font le lien entre des mondes aussi différents que les premiers épisodes de Chapeau Melon et Bottes de Cuir et les films purement SM de Maria Beatty, des superproductions hollywoodiennes comme Batman et sa ravissante partenaire Catwoman, donnent le ton dans les soirées estampillées “Fetish” outre manche !
Le fétichisme quitte les “antichambres de l’enfer” pour s’installer dans nos bibliothèques, derrières nos écrans, sur internet, dans les soirées techno à travers le monde.
Le fétichisme est-il déjà mort ?
Puisqu’aujourd’hui les filles se promènent plutôt en jeans-baskets, va-t-on générer des fétichistes de ces nouveaux vêtements ou va-t-on rester bloqués dans le passé ?
On le voit, le phénomène fétichiste devient rapidement un simple phénomène de mode, entre autres, il est aujourd’hui très facile de s’acheter une panoplie SM rien qu’en se baladant sur les sites spécialisés sur internet qui fourmille littéralement de groupes de discussions, de sites spécialisés cuir et latex, domination et soumission ou encore bondage… on y trouve aussi des “Donjons Virtuels“, des cours de ligotage en ligne.
Tous les artistes fétichistes de la planète ont leur site qui abordent inévitablement le sujet en alignant leurs galeries SM et Bondage.
Certains ont su prendre le train en marche en ouvrant carrément un site-web, comme le très sulfureux SecretsInterdits (il existe depuis 1999)!
Les associations fleurissent et les agendas des magazines de rencontres SM ne désemplissent plus.
Coté soirée, Paris, Amsterdam, Copenhague, Bruxelles et Londres sont devenues les capitales fétichistes du deuxième millénnaire… des soirées qui ressemblent d’ailleurs de plus en plus à de bonnes vieilles raves, ou tout un chacun peu se rendre s’il est déguisé, il suffit pour cela de faire preuve d’imagination… une ambiance festive qui aurait tendance à contredire les clichés du BDSM et du milieu fétichiste, au grand dam des tenants conservateurs de cet univers autrefois très fermé.
Une contradiction qui pousse tout de même à ce demander si les “Catwomen” ou les “Maitresses d’un soir“, qui flirtent actuellement avec cette tendance largement médiatisée, aident réellement à ouvrir les portes, lourdement cadenassées par des années d’interdits, du monde fétichiste…
A l’heure d’internet… le fétichisme et le SM ont largement pris possession des outils de communication contemporains, magazines spécialisés, émissions télévisées et internet… et quel avenir pour le fétichisme ?
L’emergence du sexe assisté par ordinateur, le fameux cybersexe, n’est-il pas une nouvelle forme de fétichisme, version cybernétique ?
Le roman du célèbre écrivain James Ballard, Crash développait déjà dans les années ’70 un amour immodéré pour le sexe mécanique, une érotisation des moyens de transports et de la technologie médicale.
Jusqu’ou ira-t-on dans l’adoration des biens de consommations et de l’individualisme ?
Le développement du réseau autoroutier de la planète et la fascination de nos contemporains pour les accidents, pour la vitesse, la mutation semble transformer se quasi-roman de science-fiction en réalité.
La peur du sida a déjà largement contribué au développement du sex business sur internet, mais celui-ci devenant vite lassant, il est normal que les nouvelles générations se tournent vers une sexualité sans risque, jouant seulement sur la quintessence-même de la sexualité : l’apparence et les rapports de pouvoir.