Matryoshka…
Les poupées russes ou matriochkas (матрёшка) sont des séries de poupées de tailles décroissantes placées les unes à l’intérieur des autres. Le mot matriochka est dérivé du prénom féminin Matriona, traditionnellement associé à une femme russe de la campagne, robuste et aux formes généreuses, prénom de même étymologie que мать (mère) et матрона (matrone). On parle aussi parfois de poupée gigogne, en référence à la marionnette de la Mère Gigogne, qui représente une grande et forte femme entourée d’enfantsLe « père » des matriochkas est Sergueï Malioutine, artisan populaire œuvrant sur le domaine d’Abramtsevo appartenant à l’industriel et mécène russe Savva Mamontov. Malioutine s’est inspiré d’une série de poupées de bois japonaises représentant les Shichi-fuku-jin : « Sept Divinités du Bonheur ». La plus grande poupée représentait Fukurokuju, un dieu chauve à l’air heureux et au front particulièrement haut, et à l’intérieur étaient emboîtées les six autres divinités. Malioutine dessina le croquis d’une version russe de ces poupées-gigognes, qui fut sculptée par Vassili Zvezdotchkine dans une boutique de Serguiev Possad et peinte par Serguei Malioutine, puis vendue chez Anatoli Mamontov.
Cette première série comptait huit poupées : la plus grande était une fille portant un tablier, et les autres alternaient ensuite un garçon et une fille, pour finir avec un bébé. En 1900, Maria Alexandrovna Mamontova, épouse d’Anatoli Mamontov, présenta ces poupées à l’Exposition universelle de Paris et elles remportèrent une médaille de bronze1. Peu de temps après, de nombreuses autres régions de la Russie se mirent à élaborer divers styles de matriochkas. On distingue aujourd’hui plusieurs régions possédant un style notable : Serguiev Possad, Semionovo, Polkholvsky Maidan et Kirov. Selon l’agence de presse Novosti, on aurait conservé la première matriochka, façonnée au début du xxe siècle : une paysanne tenant un coq. La poupée mère fut appelée matriona et ses filles reçurent le diminutif de matriochka. Le coq était jadis un symbole de fécondité, en Russie et dans toute l’Europe, notamment en France : gage de prospérité et de fécondité, son effigie caracole en girouette sur les clochers. Toutefois le concept d’objets emboîtés était déjà présent en Russie à la fin du xix siècle, pour les œufs de Pâques : on peut notamment citer le premier œuf de Fabergé, datant de 1885, qui renfermait un jaune, contenant une poule, renfermant à son tour un pendentif de rubis et une réplique miniature de la couronne impériale.
Les gambas frétillent dans l’huile bouillante et le punch frais glisse dans ma gorge. Entre une bouchée bien grasse de Nem’s ou de toasts fins et délicieux, s’insinuent des chip’s croustillants. Je mâche doucement en essayant de me positionner dans la conversation de mon voisin. Arrosé par autant de connerie que de postillons salés et huileux, il m’explique doctement les bienfaits de la mondialisation sur la faim dans le monde. Autour de nous, rien que des toilettes recherchées et des costumes rutilants. Il fait chaud. La conversation ampoulée de mon compagnon de beuverie huppée me gonfle, mais les seins de sa compagne me ravissent, la fine fente sombre et moite qui du milieu du thorax plonge entre deux collines blanches et frémissantes, m’hypnotise. Si elle se penche un peu pour ajuster ses escarpins à talons hauts, alors la fente devient vallée mouvante et pourtant non, mon regard qui plonge au dedans me fait perler le front de sueur. Mon ventre se tend suite à un apéritif qui nourrirait un enfant éthiopien pour un mois. La verve de mon voisin ne se tarit pas.
-“Le problème des émeutes de la faim en Afrique, voyez-vous, provient du fait que la récolte de céréales en Ukraine a été bloquée par les Russes qui l’ont mauvaise. De plus, les Chinois approuvent et vont surement envahir Taiwan. Il y a moins de céréales disponibles pour les pays de la ceinture équatoriale.
C’est le bordel général. Tout ça va mal finir, sans doute que Poutine va atomiser l’Ukraine ce qui causera des dommages collatéraux aux pays limitrophes. Qu’en pensez-vous ? Allez-vous écrire un de vos pamphlet explosifs ? Et que deviennent vos magazines en Russie. Et la customization en Russie, vous croyez que cela va s’étendre?”.
Sa femme s’est rapprochée de moi, son parfum me chatouille les narines, son épaule nue me tutoie avec insistance. Son décolleté flamboyant m’offre une autre perspective, un vertigineux désir de plonger dedans. Sa bouche, au rouge à lèvres pétard, suce une queue de gambas bien grasse. Ses doigts, sertis d’ongles longs aussi fauves que ses lèvres, brillent sous le vernis étincelant de l’huile de friture. Combien de mets lipidiques sa bouche avide, a-t-elle engloutis ? Que peut-elle engloutir encore ? J’observe ses doigts lubrifiés qui vont et viennent doucement sur le pied de la flûte dorée de champagne, scintillant de mille bulles. Elle boit sans soif, elle mange sans faim, elle m’excite sans fin. Son mari interrompt ma rêverie.
— Vous me suivez ? Dans ces pays, la guerre ne permet pas une organisation rationnelle de l’agriculture et l’aide internationale y est systématiquement détournée.
Un grand effet de manche fait tomber le verre de punch de monsieur sur les seins de madame. Un regard noir qui en dit plus long qu’une gifle, et voilà ma voisine qui s’éclipse ! Dommage, j’ai bien aimé sa robe collée sur un sein hérissé de surprise et de rage. L’ondulation de ses hanches au loin me révèle une anatomie que notre grande promiscuité avait occultée. Madame s’éclipse en coulisse et moi je profite de l’interruption du discours de l’OMC et du FMI réuni pour soulager un besoin pressant. Deux bières et trois punchs, j’ai la vessie plombée et le cerveau évaporé, j’en profite pour me prendre un bol d’air frais et me glisser dans ma limo, excusez du peu. Mes yeux croisent bientôt ceux de ma voisine d’apéro qui se bat avec un soutien-gorge sec de rechange, qu’elle essaie en vain de remettre… “Puis-je vous aider ? Installez-vous dans ma modeste automobile, oui, vous aurez toute la place nécessaireé... Dis-je en m’asseyant à côté d’elle. Nullement effarouchée, elle se colle à moi, me saisit les mains et les pose sur ses seins dénudés. Voilà mes mains grasses sur sa poitrine potelée qui malaxent avec ardeur la chair tendre et désirée, voilà son haleine alcoolisée sur mes narines, et sa langue avide qui explore la commissure de mes lèvres.
Comment peut-on encore avoir envie de sucer, mâchonner, pétrir un corps, l’estomac plein et la vessie qu’à moitié vide ? Mais les ressources de l’humain sont insondables… L’étreinte est courte, mais pleine de promesses pour l’avenir. Cinq minutes volées à la vie d’une bourgeoise sur le siège arrière, cela ne vaut-il pas tous les voyages exotiques et les raids africains dans le désert ? Je lui remets son soutien-gorge, elle me remercie avec un petit baiser sur les lèvres. Je finis d’achever ma miction, elle retourne à sa table où par un heureux hasard, je me retrouve à ses côtés. La soirée s’écoule une fourchette ou un verre à une main et l’autre main posée sur une cuisse remontant parfois très haut, le plus haut possible sous une nappe et en douce. Monsieur me détaille les réajustements du FMI sur les pays africains, c’est en mâchant mon gigot que j’ai l’audace de lui dire qu’un enfant meurt de faim toutes les cinq secondes. Cela ne lui coupe pas l’appétit et bien soixante minutes plus tard, soit sept cent vingt enfants de moins sur la terre, il m’assène en mâchant son fromage que le FMI, grâce au plan d’ajustement structurel, permet aux pays pauvres de rembourser leurs dettes.
Je lui rétorque, en glissant un doigt dans le string de sa femme, que c’est précisément ces plans qui affament les pays pauvres en orientant l’agriculture presque exclusivement vers l’exportation, afin de satisfaire les créanciers, laissant à l’abandon l’agriculture vivrière. Sous la fontaine à chocolat, titubants, nous arrosons nos bananes et fruits exotiques, une dernière coupe de champagne tinte, j’embrasse la joue de madame, je serre la pogne de monsieur. Nous rejoignons nos automobiles respectives. Oh ! Encore un heureux hasard de la vie, elles sont mitoyennes. Un clin d’œil et un signe de la main juste avant d’ouvrir nos portes et je me prends à rêver, et je me prends à attendre. Deux petits coups brefs sur la vitre et la voilà de nouveau sur la banquette, prestement nue, agitant ses beaux seins, ronds, bombés, frémissants qui me rappellent notre planète. À droite, l’hémisphère nord, à gauche le sud. Je m’y enfonce avec bonheur et délectation. Les zones tropicales frissonnent bientôt sous mes va-et-vient exaltés. J’aime la terre ! j’aime la planète ! Que c’est bon ! Une petite claque sur le nord-ouest et j’entends un gémissement de plaisir, une autre plus appuyée sur l’Amérique du Nord, et elle se cambre d’aise…
Alors, sans hésiter, la troisième sur la bourse de Chicago, celle qui affame la terre, laissera une marque rouge et un cri de plaisir.
Alors, j’enchaîne :
Une claque pour le FMI,
— Oui ! C’est bon !
Une claque pour l’OMC ?
— Oui encore !
Une claque pour le G8, et c’est l’extase partagée. La planète s’affaisse, mon corps aussi, nos lèvres s’effleurent et le sommeil nous prend. Je m’éveille en sursaut, et en sueur, le jour se lève, le parfum de ma princesse négrière embaume la limo…